Le Parnasse contemporain/1876/La Révolte

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Le Parnasse contemporainAlphonse Lemerre [Slatkine Reprints]III. 1876 (p. 54-55).


LA RÉVOLTE


La campagne était fraîche et tout ensoleillée ;
Le souffle du matin passait les blés verts,
Et je marchais dans l’herbe odorante et mouillée
En récitant des vers.

J’étais gai, bien portant, et libre au fond de l’âme ;
J’avais enfin dompté mon douloureux amour,
Et nul amer regret, nul souvenir de femme
Ne troublait ce beau jour.

J’ouvrais à pleins poumons ma poitrine profonde
Aux vents qui se roulaient sur les arbres en fleur,
Et je sentais aussi la jeunesse du monde
Refleurir dans mon cœur.


O toi qui veux, touchant à la terre qui crée,
Reprendre un peu de force avant les durs combats
Et boire un coup de vin à la coupe sacrée,
N’aime pas ! — N’aime pas !

Brise ta chaîne, esclave, et, seul, avec courage,
Sans attendrissements, sans remords et sans fiel,
Viens courir dans les prés comme un cheval sauvage
Sous la beauté du ciel.