Le bois, voilà l’ennemi !/Étude d’Économie Sociale et Politique

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Société de la Revue Franco-Américaine (p. 3-4).
Étude d’Économie Sociale et Politique.

De hautes et superbes futaies garnissent encore une grande partie de nos vallées et de nos montagnes. Elles recouvrent un sol riche et fertile, et tout à fait propre à la culture. On se demande s’il ne serait pas mieux de les faire disparaître le plus tôt possible pour faire place à de nombreuses et actives populations.

Mais ces belles futaies représentent une valeur commerciale qui a mis en appétit la convoitise du spéculateur, déjà riche de capital, plus riche encore en audace et en influence. De là est né un conflit entre deux intérêts dont l’un est cher à notre peuple, et l’autre favorise la cupidité de certains individus. Dans la lutte qui s’en est suivie, le colon n’a pas toujours eu gain de cause. Tant s’en faut ! Alors il n’est pas étonnant que l’on ait enveloppé dans une même condamnation : et le bois et le lumberman, et les lois et les ministres, qui tous ensemble s’opposent à la libre pénétration du bois par le colon.

De là aussi le retour périodique de ce problème de la colonisation qui se pose sans cesse, et qui ne trouve jamais de solution.

La discussion bat son plein encore une fois. Sera-t-on plus heureux cette fois-ci ?


Mais pourquoi le problème n’est-il pas résolu ? Est-il bien posé d’abord ? Ne donne-t-on pas à la colonisation proprement dite une importance excessive, surtout maintenant que l’agriculture est en train de renouveler ses méthodes ? A-t-on bien compris également le rôle et la situation du marchand de bois ?

Je ne sais si je me trompe, mais, il me semble qu’il y a un peu de Don Quichotisme dans tout ce mouvement soi-disant national et patriotique. Il est évident que nous souffrons quelque part, le bât nous blesse, mais où exactement ? et de quelle manière ? et comment trouver et appliquer le remède ? Voilà ce qu’on ne paraît pas comprendre.

C’est tout à fait regrettable. Car, pendant que l’attention est attirée de ce côté, et que beaucoup d’efforts sont dépensés en pure perte, on ne s’occupe pas, ou à peu près pas, d’une autre question bien autrement vitale, bien plus immédiatement nécessaire, et de laquelle dépend le succès de la colonisation elle-même : celle de notre agriculture qui végète et languit dans l’ignorance et la routine.

Que l’on daigne détourner un instant les yeux de la forêt pour regarder la terre, et on découvrira plus vite et plus sûrement la cause du mal.

Qu’on nous permette d’exposer ici quelques observations que nous avons eu occasion de faire dans nos courses apostoliques. Nous ferons cela avec toute la sincérité et le désintéressement dont nous sommes capable.

Nous ne nous faisons pas illusion au point de croire que nous dirons le dernier mot sur la question, mais nous osons espérer que ces expériences apporteront leur petite part de lumière à la solution de ce grand problème.