Les Mabinogion/Texte entier

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À LA MÉMOIRE DE GASTON PARIS
J. Loth.



PRÉFACE


Cet ouvrage n’est pas une simple réédition de l’ouvrage paru en 1889, sous le titre de : Les Mabinogion traduits en entier en français pour la première fois avec un commentaire explicatif et des notes critiques.

La publication de nouveaux textes des mêmes romans conservés dans des manuscrits dont quelques-uns sont plus anciens que le Livre Rouge, publiés par M. Gwenogvryn Evans sous le titre de The White Book Mabinogion[1] (les Mabinogion du Livre Blanc) rendait nécessaire une révision sérieuse du texte de l’unique manuscrit qui avait servi de base à mon œuvre. J’ai conservé néanmoins le Livre Rouge comme base de cette nouvelle traduction, d’abord parce qu’il est complet ; en second lieu, parce-que les nouveaux textes remontent ou à la même source avec des traits souvent plus fidèles de l’archétype, ou à des sources voisines. Ils sont particulièrement intéressants au point de vue orthographique et linguistique. Je les ai étudiés avec soin et tout en profitant de leçons parfois meilleures que celles du Livre Rouge, j’ai constaté, non sans satisfaction, que ces textes confirmaient sur bon nombre de points mes hypothèses. C’est un nouveau et sérieux titre que s’est acquis M. Gwenogvryn Evans à la reconnaissance des celtistes ; ce volume est le septième de la série des Old-welsh Texts, qu’il a publiés seul ou en collaboration avec sir John Rhỹs, le professeur de celtique bien connu d’Oxford. On trouvera plus loin tous les détails nécessaires sur ces textes.

Quoique ma traduction ait été estimée consciencieuse et exacte par des juges compétents, elle présentait certaines défectuosités, quelques lacunes même sans grande importance, il est vrai, que j’ai été heureux de faire disparaître par une révision sévère. La comparaison d’Owen et Lunet, de Peredur, de Gereint et Enid avec les romans correspondants de Chrétien de Troyes, ne m’a pas été non plus inutile, même au point de vue du sens.

Les notes critiques ont été corrigées et notablement augmentées ; il en est de même des notes explicatives, pour lesquelles j’ai profité des nombreux travaux parus en si grande abondance, depuis quelques années, sur la matière de Bretagne.

Dans ce nouveau travail, j’ai suivi les mêmes principes que dans le premier. Je me suis appliqué à éclairer les Mabinogion, autant que possible, par eux-mêmes, chaque expression ou terme obscur ou douteux, par les passages correspondants, soit des Mabinogion, soit des textes en prose et même en vers de la même époque. Des notes critiques, que l’on trouvera se référant à la page et à la ligne du texte gallois, et à la page correspondante de la traduction, indiquent les corrections au texte, ou mes hésitations, avec les différences qui me séparent de la traduction de lady Charlotte Guest. Pour la traduction, j’ai voulu la rendre aussi lisible que possible, sans rien sacrifier de l’exactitude que l’on est en droit de demander avant tout à un traducteur. En fait de traduction, littéral n’est pas synonyme d’exact. Traduire, par exemple, myned a orug par aller il fit, serait aussi peu exact que de décomposer donnerai en ai à donner. Ce qu’on a appelé la naïveté ou la simplicité des conteurs gallois ne m’a guère préoccupé non plus. Outre que n’est pas naïf qui veut, ce serait prêter aux auteurs ou arrangeurs de ces récits une qualité à laquelle ils n’avaient aucun droit ni, vraisemblablement, aucune prétention. Les romans gallois ont été sans doute mis par écrit par les bardes dont la poésie témoigne de la culture la plus savante et la plus raffinée. Poétique, colorée, remarquablement imagée dans l’expression, la langue des Mabinogion est d’une trame plus lâche, d’un style moins nerveux, et moins rigoureux dans l’expression que la langue des Lois[2] rédigée au xe siècle, mais conservée dans des manuscrits du xiie et du xiiie siècle ; l’enchaînement des propositions est moins varié et moins savant ; la période par juxtaposition y est fréquente. Cela tient pour une part, à ce que la prose était moins cultivée que la poésie, et à ce que la transmission des traditions légendaires, mythico-héroïques, se faisait surtout oralement : on a l’impression que l’auteur raconte lui-même ou écrit sous la dictée[3].

Alfred Nutt a publié, en 1902, une réimpression pure et simple de la traduction de lady Charlotte Guest, en l’allégeant des notes et du commentaire ; il l’a fait suivre, en revanche, de notes substantielles qui sont comme le résumé de ses travaux et de ses vues sur les romans gallois et la matière de Bretagne[4]. La traduction reste donc avec ses qualités, dont la principale est un talent littéraire tel que Alfred Nutt n’hésite pas à la considérer comme un des chefs-d’œuvre de la prose narrative anglaise, mais aussi avec ses défauts. Lady Charlotte Guest ne savait guère le gallois ; elle a travaillé sur une version littérale d’un savant gallois et, à force de pénétration, de conscience et de talent, réussi à en faire une traduction d’un grand charme et qui ne dénature pas l’original dans l’ensemble. Les erreurs de sens cependant ne sont pas rares ; l’expression est assez souvent flottante et le même mot traduit différemment suivant le contexte. Là où les dictionnaires hésitent ou se taisent ou se trompent, le traducteur n’est pas toujours bien inspiré. Il eût fallu sur le tout un travail critique préparatoire qui a manqué. La copie même du Livre Rouge dont Lady Charlotte Guest disposait était défectueuse ; il n’est que juste de reconnaître que sa traduction la corrige en maint endroit. Le commentaire qui l’accompagne est copieux et utile. Outre un certain nombre d’erreurs et d’inexactitudes, sa traduction présente des inexactitudes et des lacunes volontaires. Elle a supprimé les passages qui lui paraissaient scabreux ou choquants, et singulièrement altéré des crudités de langage et des brutalités de mœurs qui sont cependant loin d’être sans intérêt et sont au contraire importantes pour l’histoire et la critique. Ces scrupules sont excusables, quand on sait que Lady Charlotte Guest considérait les Mabinogion comme destinés à l’amusement et à l’édification de la jeunesse, en particulier de ses deux enfants auxquels sa traduction est dédiée. Si on ajoute qu’elle a trop visé à donner à ces récits un air de naïveté, on comprendra que leur caractère ait dû en être, dans une certaine mesure, sérieusement altéré.

Néanmoins, on peut dire que c’est une œuvre dont l’apparition marque une ère nouvelle dans l’histoire de la littérature galloise et l’étude des traditions brittoniques[5]. C’est d’ailleurs la première traduction complète de la collection[6]. Il n’y en avait eu précédemment que des traductions partielles[7]. Le texte gallois du Livre Rouge communiqué à lady Charlotte Guest est une copie faite par un littérateur gallois John Jones, plus connu sous le nom de Tegid.

Le roman de Taliesin qui ne figure pas dans le Livre Rouge et que j’ai laissé de côté mais qui a été traduit par lady Charlotte Guest, avait paru déjà dans le Cambrian Quartely en 1833[8].

L’effet produit par la traduction des Mabinogion fut d’autant plus rapide que deux traductions des trois romans d’Owen et Lunet, Peredur ab Evrawc, Geraint et Enid suivirent presque aussitôt[9] : celle d’Albert Schulz (plus connu sous le pseudonyme de San-Marte), accompagné de notes que l’on peut encore consulter avec fruit, et celle de M. Hersart de la Villemarqué en 1842[10]. San-Marte n’a fait que traduire en allemand la traduction de lady Charlotte Guest, et le dit ; M. de la Villemarqué en a fait autant en français, mais ne le dit pas ; son commentaire, fort curieux, comme le dit Alfred Nutt, a plutôt retardé qu’avancé les progrès de la critique[11].

Les Mabinogion ont été mis en gallois moderne au moins à deux reprises. Aucune de ces transcriptions n’a de valeur critique. La plus récente, celle de J.-M. Edwards[12] n’est pas une simple version de la traduction anglaise de lady Charlotte Guest, comme les autres ; elle serre de plus près l’original et parfois le rend plus exactement. Néanmoins, l’auteur a subi fortement, en plus d’un endroit, l’influence de la traduction anglaise. De plus, il a modifié parfois le texte en raison de la destination de son travail qui s’adresse aux enfants des écoles.

La connaissance des Mabinogion et romans gallois est d’une importance capitale pour l’étude des romans arthuriens et de la littérature du moyen âge. J’espère que cette nouvelle traduction, avec le copieux commentaire qui l’accompagne, aura entre autres résultats, celui de la faciliter et de la répandre.

J. Loth.


LES MABINOGION


ET AUTRES ROMANS GALLOIS



INTRODUCTION


Sous le titre général de Mabinogion, je comprends comme l’auteur du Livre Blanc de Rhydderch, M. Gwenogvryn Evans, un certain nombre de récits en prose, merveilleux ou romanesques, de nature et d’origine diverses. En réalité, seuls, les quatre premiers récits de cette collection ont droit à ce titre. À la fin de chacun d’eux, se trouve la formule : Ainsi se termine cette branche du Mabinogi[13]. Mabinogi et son pluriel Mabinogion, ont été diversement interprétés. Mabinogi a pris au xive siècle, la signification d’Enfance au sens que ce mot avait en français au moyen âge. C’est ainsi, comme je l’ai fait remarquer (Mabin. I, p.357, note à la page 8-9), que Mabinogi Jesu-Grist doit se traduire l’Enfance de Jésus-Christ[14]. Il équivaut au mot mabolyaeth, enfance, employé dans la version galloise du même texte dans le manuscrit 5 de Peniarth, qui est de la première moitié du xive siècle, pour la partie qui contient ce texte[15]. Mais il est incontestable que Mabinogi dans le sens d’enfance est un terme qui ne saurait s’appliquer aux récits qui précisément portent ce titre. S’il avait le sens de récit pour les enfants, pour la jeunesse, récit amusant, on ne s’expliquerait plus pourquoi les rédacteurs de récits analogues conservés dans les mêmes manuscrits réservent ce nom aux quatre dont nous venons de parler : par exemple dans le manuscrit de Peniarth, pour Peredur, c’est le terme de Historia ; pour Gereint et Enid, pour la Dame de la Fontaine, c’est le terme courant de Chwedl, récit, conte, nouvelle. Le titre du roman si parfaitement gallois de Kulhwch et Olwen est : Mal y kavas Kulhwch Olwen : Comment Kulhwch obtint Olwen.

Comme je l’établis plus bas (p. 27), ce fait est d’autant plus important, que la mise par écrit du roman du Kulhwch est au moins aussi ancienne que celle des quatre branches du Mabinogi. Si on ne lui a pas appliqué ce nom, c’est que Kulhwch est un roman personnel et une composition littéraire, tandis que le Mabinogi représente un genre consacré et en quelque sorte classique, dans lequel ne rentraient que des récits traditionnels, depuis longtemps fixés, au moins dans leurs grandes lignes. On se trouve ainsi amené à préférer le sens proposé par John Rhys[16]: le Mabinog ou Mebinog serait un apprenti littérateur, un aspirant barde, et les Mabinogion comprendraient l’ensemble des connaissances formant le bagage littéraire du Mabinog[17], Malheureusement le mot avec ce sens ne se trouve dans aucun texte ancien. Quant à Mabinogi, il ne dérive nullement de maban, enfant, mais bien de mebin, dérivé de mab. Dans le Livre noir de Carmarthen, dans un poème de la première moitié du xiie siècle, un personnage puissant est célébré comme ryvel vebin, maître dans l’art de la guerre, professeur de guerre (F. A. B. 11, p. 6, vers 22) ;

Ruthur uthur auel, rynaut uvel, ryvel vebin.

« Toi qui a l’élan effrayeur de la tempête, l’agitation de la flamme, professeur de guerre ? » Un poète de la seconde moitié du xiie siècle, Gwalchmai, dit que ses louanges s’adressent habituellement au mebin à la lame superbe, (valch lavn vebin ; Myv. Arch., 149, 2). Le sens ici est moins net. Il est en revanche clair dans le dérivé mebindod, qui paraît dans une collection en prose de proverbes et d’aphorismes mis sous le nom de Catwg Ddoeth ou Catwg le Sage. La collection repose sur un manuscrit du xviie siècle, transcrit par Jolo Morganwg en 1799 (Myv. Arch. 754 ; 787.1) : Llyma gynghorion y rhoddes Cattwg Ddoeth i Arawn vab Cynvarck brenin y Gogledd pan ai gollynges ev o i vebindawd : « Voici les conseils que donna Catwg le Sage à Arawn, fils de Cynvarch, roi du Nord, quand il lui laissa quitter son collège. » Mebindawd d’après le contexte (p. 754.2 — 755.1 ; 776.1) paraît avoir le sens que je lui donne et être équivalent à congrégation et école. Il pourrait aussi bien signifier apprentissage.

Comment avec un suffixe en -no-, map a-t-il pu prendre ce sens, c’est vraiment difficile à dire. Il est possible que d’abord mebin ait eu un sens abstrait : endroit pour les adolescents, où ils étaient instruits. Le Mebinog ou Mabinog est celui qui relève du Mebin ou est en Mebindod. Le pluriel Mabinogion ne peut régulièrement s’expliquer que dans le sens de disciples, et tel paraît avoir été son sens. (V. plus haut, page 13, note 2.) Dans les recueils du Livre Rouge et du Livre Blanc, il n’apparaît comme pluriel de Mabinogi qu’à la fin de la branche de Pwyll et il est dû vraisemblablement à une faute du scribe. Le singulier mabinogi comprend en effet les quatre romans ou branches de Pwyll, Branwen, Manawyddan, Math : à la fin des trois derniers, on n’a, dans la même formule, que le singulier mabinogi. Ce qui de plus achève de dénoncer une faute de scribe dans le pluriel, c’est qu’en tête de Pwyll où il se trouve, on lit : Llyma dechreu mabinogi : « Voici le commencement du Mabinogi[18]. » Mabinogi aurait le sens de récit imposé au Mabinog ou apprenti lettré.

Un mot à rapprocher de mebin, c’est mebydd, d’une dérivation plus claire. Il a le sens non de célibataire que lui donne, je ne sais pourquoi, le dictionnaire d’Owen Pughe, mais clairement celui de professeur[19].

Les deux seules sources manuscrites importantes des Mabinogion sont le Livre Rouge de Hergest et le Livre Blanc de Rhydderch (Roderick) du nom d’un de ses anciens possesseurs. Hergest est un nom de lieu : Hergest Court, demeure de la famille des Vaughan, est près de Knighton en Radnorshire, et le Livre Rouge, ainsi nommé à cause de la couleur de sa couverture, fut probablement compilé pour eux. Le manuscrit fut donné par Thomas Wilkins de Llamblethian en 1701 au Collège de Jésus, à Oxford, dont il est aujourd’hui encore la propriété. C’est une sorte de Corpus de la littérature galloise[20]. Il remonte, en grande partie, à la fin du xive siècle. La partie qui renferme nos Mabinogion a été publiée par John Rhỹs et Gwenogvryn Evans, en 1887 ; c’est une édition diplomatique, et, comme telle, irréprochable[21].

Le Livre Blanc ne comprend, en réalité, que les manuscrits 4 et 5 de la bibliothèque de Peniarth[22], anciennement de Hengwrt, près Towyn en Merionethshire, manuscrits réunis sous la même reliure ; mais sous ce titre, M. Gwenogvryn Evans a compris, en outre, des fragments des manuscrits 6, 7, 14 et 16 de la même bibliothèque[23].

Le manuscrit 4 qui seul nous intéresse sort du même archétype que le Livre Rouge. Il donne le texte des quatre premiers mabinogion, de Peredur, du Songe de Maxen de Gereint ab Erbin : en entier. Il contient, en outre, un court fragment de l’Aventure de Lludd et Llevelys[24], deux fragments d’Owein et Lunet ou la Dame de la Fontaine[25], et un fragment notable de Kulhwch et Olwen[26].

La partie du manuscrit qui contient les mabinogion (au sens général admis pour ce mot) est de la fin du xiiie siècle[27].

Le texte manuscrit le plus ancien des mabinogion nous est donné par le manuscrit 6, parties I et II, de Peniarth ; malheureusement, il se réduit à un court fragment de Branwen (2 pages), et de Manawyddan (2 pages)[28]. Cette partie du manuscrit a été écrite vers 1225.

La partie III du même manuscrit a été écrite vers 1285. On y trouve deux fragments (2 folios) de Gereint et Enid[29] ; le texte est d’accord avec celui de la partie IV, qui contient la plus grande partie du roman de Gereint[30]. Le texte en a été publié par M. Gwenogvryn Evans dans la Revue celtique, 1887, p. 1-29 ; il est accompagné d’une traduction avec notes qui m’est due : cette partie du manuscrit serait de 1275.

Les manuscrits 7 et 14 (de Peniarth) ont seulement une partie du roman de Peredur[31]. Le manuscrit 7, dans son ensemble, est du xive siècle, mais les colonnes qui intéressent Peredur appartiennent à une main plus ancienne, qui serait du xiiie siècle.

Le manuscrit 14 est de différentes mains ; la partie qui contient le fragment de Peredur est de la seconde moitié du xive siècle[32].

Les trois premières parties du manuscrit 6 ayant, d’après l’étude que j’en ai faite, la même orthographe, les mêmes caractères linguistiques, doivent être considérées, quoique écrites à différentes époques, comme remontant à une source écrite du premier tiers du xiiie siècle. La partie IV a été rajeunie orthographiquement, mais présente les mêmes particularités de langue.

Le manuscrit 4 appartient à la même source que le texte du Livre Rouge ; les manuscrits 7 et 14 sont étroitement apparentés et représentent une source commune, assez différente de la première[33].

Dans ma première traduction (p. 17), j’avais conclu de certaines fautes du scribe du Livre Rouge, qu’il copiait un manuscrit plus ancien, vraisemblablement de la fin du xiie ou du commencement du xiiie siècle. Il en est de même de Peniarth 4. Je me bornerai à relever les traits suivants :

u pour w ou  : p. 9 : y vely pour y wely (fréquent) ;

e pour y :[34] p. 14 ewrthaw y wrthaw ; p. 391 : yned (ynyd), etc.

w pour v : p. 295 ; vawr (vawr : mawr).

pour v : p. 6 : a ỽei (a vei) ; p. 7 : ỽal (val) ; p. 13, ryỽedaut (ryvedaut) ; p. 14 : ỽarch (varch), etc. au pour aw (fréquent) ; p. 4 (dyrnaut).

Pour les consonnes, le trait caractéristique, c’est t pour d spirant : p. 3 haut (hawd) ; p. 393 itaw (idaw) ; p. 395 metwl (medwl) etc.

U pour w, se trouve jusqu’au milieu du xiiie siècle, au moins[35]. E pour y n’est caractéristique du xiie siècle et du commencement du xiiie, que lorsqu’il se rencontre fréquemment. De même au pour aw. En revanche, w[36] pour v rappelle l’orthographe du Livre Noir de Carmarthen ; pour w indiquerait un manuscrit de la fin du xiie siècle ou de la première moitié du xiiie siècle ; ce signe se montre dans le fac-similé du Book of Llandav (éd. Rhys-Evans), manuscrit du xiie siècle : c’est un u avec un trait prolongeant à gauche la première moitié supérieure de cette lettre : il est frappant et très net au mot gỽr du fac-similé de la page 121, à la deuxième colonne. Ce caractère, dès le début du xiiie siècle, dans plusieurs manuscrits, a été systématiquement employé pour u (ou français), voyelle ou consonne[37].

T pour d spirant est régulièrement employé dans le Livre Noir, dont le manuscrit est de la fin du xiie ou du commencement même du xiiie siècle. On le trouve sporadiquement dans le Black Book of Chirk, écrit vers 1200. Il est employé régulièrement à la finale et à l’intérieur du mot, dans les parties I, II et III du manuscrit 6. C’est aussi un trait saillant de l’archétype de la Myvyrian Archœotogy of Wales pour les poèmes du xiie et du commencement du xiiie siècle de cette collection[38].

À relever dans le manuscrit 7 : u pour w ou ỽ (p. 613 gur ; 626 y lleu ; 608 marchauc (au pour aw fréquent) ; t pour d spirant (une fois) : yssyt (yssyd). L’orthographe de ce manuscrit, en général, n’a rien de caractéristique.

Dans Peniarth, 16, e pour y est fréquent (p. 90 henne, pour hynny ; e dyd (y dgd) ; ell deu (yll deu) ; et même den (dyn). On rencontre fréquemment aussi au pour aw, et uy de temps en temps pour wy (p. 91 gwydbuyll).

Il n’est pas inutile de remarquer que le K est usité dans tous ces manuscrits. Or, il n’a guère été en usage en Galles, que dans la seconde moitié du xiie siècle. On le trouve dans le manuscrit 28 de Peniarth, qui est de cette époque, et dans le Black Book of Chirk écrit vers 1200.

Si, d’après ces remarques, la rédaction des Mahinogion ne peut être postérieure au premier tiers du xiiie siècle, trouve-t-on dans les formes des mots des arguments permettant de les faire remonter plus loin, et d’établir que les scribes copiaient un manuscrit antérieur, sensiblement plus ancien ? On peut le démontrer pour le Gorchan Maelderw, poème contenu dans le Livre d’Aneurin dont le manuscrit n’est que de la fin du xiiie ou du commencement du xive siècle ; il est sûr que le manuscrit primitif devait être en vieux gallois, c’est-à-dire remonte au xe ou au commencement du xie siècle. On peut en dire autant des lois de Gwynedd, dans le Black Book of Chirk.

On trouve quelque chose d’analogue dans le texte de Kulhwch et Olwen. On peut citer Catbritogyon au lieu de Catvridogyon (White Book, p. 429) ; Twr Bliant, à lire Twrb Liant, ibid., ms. 4, p. 464) mot à mot Tumulte des flots. Le scribe du Livre Rouge n’a pas compris l’expression et l’a modernisée en Twryw vliant ; il en est de même, ce qui est plus curieux, du scribe de Peniarth 4, dans le mabinogi de Pwyll : ce qui donne le sens plus qu’étrange de tumulte, tapage de bliant (toile fine). Mais la forme la plus probante est genhym pour genhyv dans l’épisode de Kulhwch où le héros se trouve en conflit avec le portier Glewlwyd. Ce dernier va en rendre compte à Arthur qui lui demande : Chwedleu parth genhyt « y a-t-il du nouveau à la porte ? » Glewlwyd répond : Yssydynt genhym, « Oui, j’en apporte (oui il y en a avec moi[39]).» On pourrait citer encore : a mab pour a vab, ô fils (qui se trouve dans la même colonne), mais ces négligences dans les mutations syntactiques ne sont pas rares ailleurs. En revanche, genhym pour genhyv est une forme vieille galloise. Les formes de ce genre se trouvent mêlées encore à des formes plus modernes, à des formes caractéristique du moyen-gallois, dans la langue de transition du xie siècle, par exemple dans le texte gallois des Privilèges de l’Église de Llandav.

Les trois englyn (sorte d’épigramme) de Math ab Mathonwy concernant LLeu Llaw Gyffes (v. traduction, plus bas, note, et notes critiques) ne prouvent pas, comme l’a avancé Gwenogvryn Evans, que le manuscrit dont disposait le scribe de Math avait été écrit en vieux gallois, c’est-à-dire remontait, au plus tard, au x-xie siècle. En admettant même, ce qui est fort douteux, que le mot oulodeu fût pour aelodeu, membres, comme il le croit, on ne pourrait en tirer qu’une conclusion : c’est que le manuscrit pourrait être de l’époque de transition que représentent certaines chartes et textes, comme ceux dont nous venons de parler, les Privilèges, les délimitations de champs du Livre de Llandav, c’est-à-dire du xie siècle[40]. Il semble, en revanche, que ces englyn représentent une orthographe assez archaïque. Le manuscrit original avait sûrement fréquemment e pour i (y) et eu, régulièrement, semble-t-il, pour ew aussi bien que eu. Il n’est pas douteux que le scribe n’ait mal interprété la graphie Lleu, nom du héros principal du mabinogi avec Gwydyon ; il l’a transformé en Llew, tandis qu’il faut sûrement lire Lleu ; il n’a pas davantage compris eu pour geu, mensonge, et l’a transformé en ev (ef)[41]. Si deulenn, dans le second englyn devait être maintenu, comme llenn (llynn) étang, lac, est féminin, on serait obligé de supposer que le scribe avait devant lui non dou, masculin, mais une forme doi, doy pour dui, duy féminin : il l’aura confondue facilement avec dou[42]. Cette forme pourrait remonter au x-xie siècle (doy ne pourrait être que du xie).

Le premier rédacteur de Math et du Mabinogi n’est pas le même que celui de Kulhwch et Olwen ; il y en a d’autres preuves, comme je l’établirai plus bas.

Certaines graphies, surtout en construction syntactique, n’ont pas de valeur au point de vue chronologique quoiqu’elles soient, en apparences, archaïques ; par exemple : ym penn, ym blaen, se trouvent dans des textes, en réalité, plus récents que d’autres qui présentent ym henn, ym laen.

De même fynnawn paraît plus récent que fynhawn : or, finnaun se trouve dans le Book of Llandav, dans des manuscrits anciens de Nennius ; cimer, apparaît au ixe siècle dans les notes marginales de l’évangéliaire de St Chad à Lichfield, tandis qu’au xiie et au xiiie siècle on a cymher.

De même, la présence d’occlusives sourdes intervocaliques au lieu de sonores, que l’on considère généralement comme un trait du vieux gallois (L. Rouge : clwyteu pour clwydeu), peut n’être qu’un trait dialectal : aujourd’hui encore l’occlusive suivant immédiatement une voyelle accentuée, dans l’Est du Glamorgan, est nettement sourde ; seule, l’occlusive intervocalique en syllabe prétonique est sonore. Il est très vraisemblable que la prononciation des occlusives intervocaliques, sur bien des points du pays de Galles, aux xiie-xiiie siècles, n’était pas encore nettement sonore.

La langue même fournit quelques utiles indications. Peniarth 4 est, en général, plus fidèle à l’archétype ancien que le Livre Rouge. Il conserve plus fidèlement et plus régulièrement les formes du présent-futur 1re pers. du sg. de l’ind. en -haf, du subj. en -ho, du futur second en -hei, du subj. passif en -her[43].

L’emploi de la particule ry qui est en plein déclin au xiiie siècle, en prose et même en poésie dans la seconde moitié de ce siècle, est plus fréquent[44].

Peniarth 6, même la partie IV, dont l’orthographe a été systématiquement rajeunie, est également plus archaïque que le Livre Rouge en ce qui concerne les formes en h-[45].

Çà et là, on rencontre aussi dans le Livre Blanc des formes plus archaïques ou plus galloises : Pen. 4 corunawc (L. R. 2.24 coronawc) dérivé de corun de corôna, tandis que coronawc a été fait sur le moderne coron ; Pen. 4, page 5 : ystewyll, plur. ancien de ystavell (v. gallois stebill) au lieu de ystavelloed (L. R. 4, 2) ; godiwawd (L. R. 20, 17 : gordiwedawd) ; à signaler aussi à plusieurs reprises les formes du prêt. plur. en -sant : Pen. 4, p. 128: a gymersant (L. R. a gymerassant).

Peniarth 6, Part 3 (White Book, p. 280) a seul conservé une trace de l’ancienne règle, encore observée en partie dans la poésie du xiie siècle, d’après laquelle, après la négation en position relative, les occlusives sourdes deviennent sonores : peth ny gavas erioed, chose qu’il n’a jamais eue auparavant (Pen. 4 : ny chavas ; L. Rouge : nys kavas)[46].

Au point de vue de la langue, c’est la version de Kulhwch et Olwen de Peniarth 4 qui offre le plus d’intérêt et se rapproche le plus de la poésie archaïsante du xiie siècle. On peut y signaler : 1° un verbe qui ne se trouve nulle part ailleurs : amkawd[47], il dit ; 2° l’emploi de Kwt, où, mot rare qui ne se trouve qu’en poésie au xiive siècle ; 3° l’emploi des formes passives en -awr : (Livre Blanc, 479 : nyn yscarhawr, 475 nyn lladawr ; 4° la construction de la comparaison avec la particule noc, no[48] (cette particule y est en tête) : p. 476, no broun alarch guynn, oed gwynnach y dwy vron (3)) ; 5° l’emploi de la copule oed avant l’attribut : oed melynach y fenn ; oed gwynnach y chnaud : oed gwynnach[49]… Ces faits joints à ceux que j’ai relevés au point de vue des formes permettent de placer avec sûreté la rédaction de ce roman vers la fin du xie siècle. Il me paraît également probable que les autres ont dû être rédigés au plus tard à la fin du xiie siècle ; les quatre Branches plus tôt.

Il y a trace parfois de la tradition orale, ou de la prononciation : Pen, 4 : Annwn (L. Rouge 84-25 : A nnu vyn). C’est particulièrement remarquable dans Peniarth 7 : p. 612 y dwawt pour y dywawt : c’est la forme la plus fréquente ; i dwen (dwy en) ; p. 614 athiasbedein (ath diasbedein) ; p. 616 'varglwyd (vy arglwyd) ; p. 623 twllodrus (twyllodrus) ; 609, 611 gwassaneth (gwassanaeth) ; p, 619 ath iarleth' ; 624 marchogeth.

Les textes en prose qui sont le plus près de la langue et de l’orthographe des Mabinogion, sont le Brut Tysilio et le Brut Gruffydd ab Arthur, surtout dans le texte dont la Myv, Archæology nous a conservé les variantes sous le titre de nodiadau (notes). Le Brut de Gruffydd ab Arthur est une version galloise de l’Historia de Gaufrei de Monmouth.

Par l’histoire on arrive à des conclusions analogues sur la date de la rédaction des Mabinogion.

Le Songe de Rhonabwy semble avoir été composé du vivant de Madawc ad Maredudd, roi de Powys, qui mourut en 1159, ou peu après sa mort. Il y est question de lui et de son frère.

Il y apparaît un personnage qui a dû vivre vers la même époque : Gilbert, fils de Katgyffro, c’est-à-dire Gilbert de Clare, comte de Pembroke en 1138, fils de Gilbert Fitz-Richard, le conquérant du pays de Cardigan, qui mourut en 1114. (V. plus bas, note à Katgyffro.) Ce récit romanesque était populaire au xiiie siècle : un poète que l’on fait vivre de 1260 à 1340, Madawc Dwygraig, dit qu’il n’est qu’un rêveur comme Rhonabwy.

Dans Kulhwh et Olwen, il est fait mention de Fergant (Flergant) roi de Llydaw (Armorique). C’est peut-être un souvenir d’Alain Fergent, duc de Bretagne de 1081 à 1109.

La version du Livre Rouge de l’Aventure de Lludd et Llevelys se rattache étroitement à celle qui se trouve dans le Brut Gruffydd ab Arthur, et est incontestablement postérieure, dans sa rédaction, à l’œuvre de Gaufrei de Monmouth (v. plus loin, traduction, note à Lludd et Llevelis). Il a existé, suivant un poème de Taliessin qui ne peut être, d’après sa métrique et le contexte, postérieur à la première moitié du xiie siècle, des traditions assez différentes sur la famille de Beli, dont Lludd et Llevelis étaient fils (Livre de Tal., Four anc. Books of Wales, II, p.282, 10). L’Aventure elle-même appartient à l’ensemble des vieilles traditions celtiques ; il est fait une brève allusion à l’entente de Lludd et Llevelis dans un autre poème de Taliessin antérieur à l’œuvre de Gaufrei (F. a. B. II, p, 214. 9).

Le Songe de Maxen porte des traces irrécusables de l’influence de Gaufrei. Il semble, d’après une allusion du poète Cynddelw (Myv. Arch. 162. 1) à Maxen, que cette composition fût connue dans la seconde moitié du xiie siècle.

D’un autre côté, la géographie politique du Mabinogi proprement dit, dont les quatre branches Pwyll, Branwen, Manawyddan, Math, ne peuvent être séparées, ne nous permet pas de mettre la composition de ces récits plus tard que la fin du xiie ou le commencement du xiiie siècle. C’est ainsi que les États de Pwyll ne comprennent que sept cantrevs ; or si Dyvet n’en avait que sept au xiie siècle, comme le dit Giraldus Cambrensis (Hin., 1. 12 ; Cf. Cynddelw, Myv, Arch. 166. 1 : seith beu Dyved)[50], au xiiie, il en comptait huit (Myv. Arch., p. 737). Le Mabinogi de Math ab Mathonwy attribue sept cantrevs à Morganhwc (Glamorgan), auquel la Myv. arch. n’en donne que quatre (Myv. Arch., p. 747). Or, c’est exactement l’étendue du royaume de Iestin ab Gwrgant, qui régna de 1083 à 1091 (voir plus bas, traduction).

Math donne à Lieu Llaw Gyffes le cantrev de Dunodic et le copiste ajoute que cette division porte de son temps les noms d’Eiwynydd (Eivionydd) et d’Ardudwy. Or, le cantrev de Dunodic a été supprimé par Edward Ier : il n’apparaît pas dans les statuts de Bothélan (Rhuddlan), par lesquels ce roi remania, en 1284, les divisions administratives du pays de Galles. Des deux kymmwd dont il se composait l’un, celui d’Eivionydd, passe sous la domination du vicomte de Carnarvon ; l’autre, celui d’Ardudwy, sous celle du vicomte de Meirionydd ou Merioneth (Ancient Laws of Wales, II, p. 908). La glose du copiste se trouvant dans le manuscrit de Peniarth 4 comme dans le Livre Rouge, établit en revanche que le manuscrit a été écrit après 1284, peu de temps après vraisemblablement.

Le Livre Noir de Garmarthen, le Livre de Taliessin, dans des poésies qui ne peuvent être postérieures au milieu du xiie siècle, et sont même probablement antérieures à la rédaction la plus ancienne que nous puissions atteindre des Mabinogion, renferment des allusions très claires et parfois même la substance d’épisodes caractéristiques des récits purement gallois[51]. Un guerrier légendaire nous dit dans Le Livre Noir (F. A.B. II, p. 55. 14) qu’il a été là où fut tué Bran, le fils de Llyr. Kei a les honneurs de tout un poème où il apparaît sous les mêmes traits redoutables que dans Kulhwch et Olwen. Le poème débute aussi par un dialogue rapide entre Arthur et le célèbre portier de la cour d’Arthur, Glewlwyd Gavaelvawr (ibid., p. 50-53). Manawyddan ab Llyr y figure aussi (p. 51), ainsi que Mabon ab Modron,et Bedwyr. Le nom du cheval de Kei nous est donné dans un autre morceau (ibid., p. 10) ; l’auteur connaît aussi les noms des chevaux d’Owein ab Urien, de Gwalchmai, de Caswallawn. Il sait où sont enterrés : Pryderi, Kynon, Bedwyr, Owen ab Urien, Alun Dyved (ibid., p. 28- 33).

On trouve même dans le Livre Noir un poème malheureusement très court et d’un texte tronqué consacré à Tristan : à en juger par quelques vers, il appartient à une tradition très différente de celles que nous ont conservées les romans français. (Ibid., p. 55, poème XXXIV.) Les poèmes XXXIII et XXXV sont particulièrement instructifs. Ce sont des dialogues, le premier entre Gwynn ab Nudd et Guyddneu Garanhir, l’autre entre Taliessin et Ugnach mab Mydno. Ces poèmes étaient probablement accompagnés de récits en prose. On y trouve des allusions à certains personnages des Mabinogion et aussi l’écho de traditions pour nous malheureusement perdues. Les traditions si curieuses du Mabinogi de Math ab Mathonwy étaient familières à l’auteur des poèmes VIII et XVI du Livre de Taliessin[52]. Il en est de même de celles du Mabinogi de Branwen[53]. La barque d’Arthur, Prytwenn[54], joue un rôle extraordinaire dans des épisodes du cycle d’Arthur que nous ne connaissons que par le poème XXX du Livre de Taliessin (F. a B. II, pp. 181-182). La chasse du porc Trwyth (mieux Trmyt)[55] est connue de Nennius ; il y est fait allusion dans le Gorchan Kynvelyn, poème du Livre d’Aneurin dont la rédaction est sûrement antérieure au xie siècle (F. a. B. II, pp. 94-95).

On trouvera ça et là dans les notes explicatives des citations de poètes gallois du xiie et du xiiie siècle prouvant combien les légendes de nos Mabinogion étaient répandues à cette époque.

L’étude de la composition, du caractère des éléments dont se composent ces récits, les procédés et le ton des narrateurs nous permettent de faire un pas de plus : la rédaction de Kulhwch et Olwen est nettement antérieure à celle des deux Songes et de l’Aventure de Lludd et Llevelis ; elle est également moins archaïque dans la mise en œuvre des matériaux, leur agencement et l’esprit qui y règne que celle des Quatre Branches du Mabinogi ; et cependant, d’après ce qui a été dit plus haut, elle leur est probablement antérieure.

Le Songe de Ronabwy, le Songe de Maxen, sont des œuvres d’imagination d’un conteur du xiie siècle, des compositions purement littéraires, qui ne manquent pas d’originalité et témoignent d’un rare talent descriptif, le Songe de Ronabwy surtout. Le héros du récit s’endort, et, en rêve, il est transporté au temps d’Arthur, à son époque la plus brillante, où les héros paraissent avec des proportions surhumaines. Il assiste au défilé des troupes d’Arthur, dont il dépeint l’aspect, l’équipement et la marche avec une incroyable richesse et précision de détails ; le cadre est habilement choisi et l’idée maîtresse véritablement originale. Tout le début est d’un réalisme étrange, empreint de couleur locale, que l’on dirait moderne. Il y a dans ce Songe l’écho de fort anciennes traditions, en particulier dans l’épisode des Corbeaux d’Owen. (V. plus bas, traduction).

L’Aventure de Lludd et Llevelis, par certains traits, par le ton et la conception de l’histoire chez l’auteur, indique pour sa rédaction l’époque de Gaufrei de Monmouth quoiqu’elle ne lui soit pas empruntée. Il est même remarquable que dans l’adaptation galloise de l’Historia, le Brut Tysilio, et sa traduction, le Brut Gruffydd ab Arthur[56] l’aventure figure tandis qu’on la chercherait vainement dans l’Historia elle-même. Les traditions populaires qui en forment la partie essentielle sont incontestablement anciennes et bien antérieures à l’époque de la composition.

Kulhwch et Olwen occupent une place à part et proéminente à certains points de vue parmi nos récits. Ce qui frappe tout d’abord quand on les compare au Mabinogi, c’est que, comme dans le songe de Ronabwy, Arthur est la figure dominante : c’est à lui qu’on a recours ; c’est lui qui par son pouvoir, appuyé sur des guerriers et serviteurs aussi remarquables par leurs pouvoirs magiques que par leur audace, mène à bien la plus difficile des quêtes. Sa cour est le centre du monde : elle réunit tout ce que le narrateur connaît de peuples : Bretons d’Angleterre, Anglo-Saxons, Irlandais, Normands, Bretons d’Armorique, Français. Beaucoup plus encore que dans Ronabwy, Arthur est le maître d’un monde fantastique nettement celtique, mœurs et traditions. Sa cour ne ressemble en rien à celle de l’Arthur des romans français du xiiie siècle, où règnent l’amour courtois, les manières raffinées, le langage élégant, la bonne tenue qui distinguent les chevaliers de la Table Ronde. C’est une assemblée incohérente de personnages disparates, d’êtres fantastiques et surnaturels, pris de droite et de gauche dans des traditions de toute espèce, et groupés artificiellement autour du héros national devenu surtout un personnage de féerie.

C’est là ce qui constitue l’originalité propre de ce roman et lui donne une place intermédiaire entre le Mabinogi et les romans français. Tous les cycles sont mis à contribution et mêlés au profit d’Arthur. Aucun personnage historique du xiie siècle n’y apparaît, ce qui n’est pas le cas, comme nous l’avons vu, pour le Songe de Ronabwy. Le roman est sûrement antérieur (je l’ai prouvé plus haut) aux romans français. Il est évident que si l’auteur les avait connus, il n’eût pas hésité à introduire à la cour d’Arthur, les Sagremor, les Calogrenant, etc. Sa géographie est purement galloise et aussi précise et détaillée que celle des romans gallois d’origine ou d’adaptation française l’est peu. Kei n’a rien du Keu de ces romans ; c’est toujours le guerrier redoutable, à moitié fabuleux du Livre Noir et de certaines poésies de la Myv. Archaeol. Et le fait est d’autant plus digne de remarque, que la note ironique y apparaît ; on y sent déjà la parodie, comme dans le morceau irlandais connu sous le nom de Festin de Bricriu, ou encore dans Cuchulain malade et alité[57].

La liste des saints gallois était interminable. Les dieux ou héros qui ne s’étaient pas trop compromis dans l’Olympe païen ou qu’il eût été inutile ou dangereux de noircir dans l’esprit des populations christianisées, avaient été, en général, convertis et étaient passés au rang des saints. Pour tout abréger, on les avait divisés, semble-t-il, en trois grandes catégories : ils descendent soit de Kaw, soit de Cunedda, soit de Brychan ; notre auteur favorise la famille de Kaw et l’enrichit. Il y introduit entre autres : Dirmye, mépris ; Etmyc, admiration ; Konnyn, roseau ; Mabsant, saint patron ; Llwybyr, sentier ; Kalcas, Chalcas, enfin Neb, quelqu’un ! L’intention satirique ou plaisante est également marquée dans certains noms de l’invention de l’auteur, comme Nerth fils de Kadarn, Force fils de Fort ; Llawr fils d’Erw, Sol fils de Sillon[58] ; Hengroen, Vieille Peau, cheval de Kynnwyl ; dans les noms des chevaux, des femmes, des filles et des fils de Cleddyv Diwlch (plus bas, trad.)[59].

Les mœurs ne sont pas atteintes par la civilisation française du xiie siècle. On sent cependant quelque changement dans la conception que se font les guerriers de leur chef. Les compagnons d’Arthur paraissent choqués à la pensée qu’il va se colleter avec la sorcière : ce ne serait pas convenable. Ils trouvent aussi qu’il est au-dessous de lui d’aller à la recherche de certains objets de trop mince importance, et le renvoient poliment à sa cour de Kelliwic en Kernyw (Cornouaille anglaise). Ses officiers commencent à rougir de certains emplois qui leur paraissent compromettants pour eux et de nature à faire tort à la réputation de générosité d’Arthur : Glewlwyt fait remarquer qu’il veut bien faire les fonctions de portier au premier de l’an, mais que le reste de l’année ce sont ses subordonnés qui remplissent ce rôle : trait de mœurs remarquable qui se retrouve dans Owen et Lunet ou la Dame de la Fontaine[60] : Glewlwyt fait l’office de portier ou plutôt d’introducteur des étrangers, mais de portier, il n’y en avait point. Dans le poème du Livre Noir consacré à Kei, Glewlwyt au contraire, se présente nettement comme portier.

Quoique les mœurs soient païennes, l’influence chrétienne paraît parfois ; c’est ainsi que Nynniaw et Pebiaw ont été transformés en bœufs pour leurs péchés. Le porc Trwyth est un prince que Dieu a puni en le mettant sous cette forme. Le conteur a été visiblement embarrassé pour Gwynn ab Nudd. Gwynn, comme son père Nudd, est un ancien dieu des Celtes insulaires. (V. plus bas, note à Gwynn.) Les prêtres chrétiens en avaient fait un démon. Le peuple s’obstinait à le regarder comme un roi puissant et riche, le souverain des êtres surnaturels. Notre auteur a eu une idée originale : il l’a laissé en enfer où le christianisme l’avait fait définitivement descendre, pendant que son père Nudd conservait une place honorable dans l’Olympe chrétien, mais pour un motif des plus flatteurs pour lui : Dieu lui a donné la force des démons pour les dominer et les empêcher de détruire les hommes de ce monde : il est indispensable là-bas.

L’armement de Kulhwch est plus complètement celtique que celui des guerriers du Songe de Ronabwy. Comme Eocho Rond, dans le morceau épique irlandais de l’Exil des fils de Doël[61], il porte deux javelots, une lance et, à sa ceinture et au côté, une épée à poignée d’or. Les deux javelots sont caractéristiques de l’armement des anciens Celtes. Il ne rappelle en rien celui des chevaliers d’Owen et Lunet, de Peredur et de Gereint et Enid.

Un autre trait de mœurs archaïques, c’est l’évaluation de la valeur des pommes d’or du manteau de Kulhwch et de l’or de ses étriers et de ses chausses en vaches. (V. traduction et note.) Chacune des pommes vaut cent vaches. C’est encore la façon de compter dans les lois galloises rédigées au cours du xe siècle.

Si on rapproche ces observations des particularités archaïques de langue relevées plus haut, on arrive à placer la rédaction de ce roman dans la seconde moitié du xie ou le début du xiie siècle. On ne saurait la faire remonter plus haut. Un emprunt significatif suffirait à le prouver : au lieu de gwayw on y remarque gleif, lance, emprunté au français glaive qui avait aussi ce sens. (V. plus bas, trad., note à Kulhwch.) Or, le contact entre la civilisation française et la civilisation galloise n’a guère eu lieu avant la dernière partie du xie siècle. Il n’est pas sans intérêt de rappeler qu’Alfred Nutt (The Mabinogion, p. 342) a signalé certains points de ressemblance de Kulhwch et Olwen et aussi du Songe de Ronabwy avec des compositions irlandaises du xie siècle, comme la Destruction de la maison de dá Derga, l’Ivresse des Ulates ou hommes d’Ulster, le Festin de Bricriu. Quoiqu’il y ait dans Kulhwch des héros irlandais comme Cnychwr map Ness (Conchobar mac Nessa) et d’autres, l’influence des conteurs irlandais ne me paraît pas sensible. Il y a eu à toute époque des relations de guerre et d’amitié entre Gaëls et Brittons[62]. Elles ont été particulièrement actives pendant l’existence si troublée du roi de Nord-Galles, Gruffydd ad Cynan (1075-1137). Fils d’Irlandaise, il avait passé sa jeunesse en Irlande ; c’est en partie avec des forces irlandaises qu’il avait conquis sa couronne ; chassé de nouveau, c’est en Irlande qu’il avait cherché un refuge et c’est d’Irlande, avec l’appui des Irlandais, qu’il put retourner en Galles et triompher définitivement de ses ennemis. C’est probablement pendant son règne, que certaines légendes comme celles de Cúroi mac Daere furent empruntées par les bardes gallois aux chanteurs irlandais[63].

Au point de vue littéraire, Kulhwch est hors pair. Il dépasse en intérêt aussi bien le Mabinogi que les trois romans d’Olwen et Lunet, Peredur, Gereint et Enid, par la variété des épisodes, le merveilleux des aventures, le coloris des descriptions et surtout par la poésie de la langue. L’expression est poétique et vigoureuse ; la construction plus souple, plus nerveuse, moins alourdie de liaisons surtout que dans les romans d’origine française. Il mérite l’attention aussi au point de vue de la composition. C’est le plus considérable des romans purement gallois ; il est même sensiblement plus long qu’aucun des trois romans, notamment qu’Owen et Lunet. Or, malgré quelques incohérences dues au copiste sans doute, il surpasse sûrement en unité de composition Peredur et même les deux autres romans. L’auteur dans le Livre Blanc a mis cette unité parfaitement en relief par son titre même : Comment Kulhwch obtint Olwen. Cette constatation suffit à réduire à néant une théorie très répandue surtout parmi les romanistes, et qui a particulièrement cours au sujet de Tristan : c’est que si les épisodes dans les romans arthuriens sont celtiques, si la matière est bretonne, la mise en œuvre ne l’est pas : la trame des romans serait française et les Français seuls auraient été capables de donner une unité plus ou moins accentuée à des épisodes, on dit volontiers des lais, indépendants les uns des autres. Kulhwch prouve que les Brittons de Galles n’avaient nul besoin d’aller à l’école des conteurs français ou de s’inspirer de modèles français pour arriver à composer des romans d’aussi longue haleine et au moins aussi bien ordonnés.

Les quatre branches du Mabinogi représentent mieux la pure tradition des conteurs indigènes et le type ancien des compositions celtiques. Les quatre morceaux forment pour l’auteur un tout, un seul Mabinogi ; or, le lien qui existe encore entre la ' branche de Branwen et celle de Manawyddan, est insignifiant entre celles de Manawyddan et de Math. On peut, à la vérité, distinguer dans le Mabinogi et ses branches, des cycles qui se sont mêlés et confondus[64] ; mais il n’y a cependant là rien de comparable au bouleversement de la plupart d’entre eux et à leur groupement au profit du seul cycle d’Arthur qui frappe dans Kulhwch. La Matière de Bretagne n’y paraît pas encore entièrement dominée par la légende arthurienne telle que nous la trouvons développée dans l’île de Bretagne et sur le continent, dans la seconde moitié du xiie siècle. Le mouvement était commencé : Kulhwch le prouve. Quoique Kulhwch ne doive rien à Gaufrei et qu’il soit antérieur à l’Historia[65], il appartient à une période caractérisée par des tendances analogues. Comme il est sûr que la rédaction de Kulhwch est au moins aussi ancienne, plus ancienne probablement que celle du Mabinogi,il n’est pas douteux que l’auteur de ce dernier cycle ne fût parfaitement au courant des traditions arthuriennes de son temps. S’il ne s’est pas laissé influencer par les tendances à la mode si puissantes à une époque d’exaltation nationale, c’est que les récits qu’il mettait par écrit appartenaient à une tradition orale depuis longtemps formée, qu’il n’était pas permis d’enfreindre ni de transformer : c’est une œuvre classique, comme je l’ai fait remarquer plus haut (p. 12), et impersonnelle ; Kulhwch est une œuvre nouvelle et personnelle.

Si la rédaction du Mabinogi ne peut guère être postérieure à la première moitié du xiie siècle, elle doit cependant se placer après la conquête normande. Certains termes de vénerie rappellent les termes de vénerie française. Le mot pali, vieux français paile et pali, est un emprunt fait à la civilisation française[66], qui s’est fait sentir sur les marches galloises et même dans l’intérieur du sud du pays de Galles, dans la seconde moitié du xie siècle.

Y a-t-il eu modification du caractère primitif celtique dans Branwen par suite d’influences germaniques ou, pour mieux dire, scandinaves, comme l’a cru Alfred Nutt (The Mabinogion, p. 332) ? Faut-il supposer un contact avec le cycle romantique qui nous raconte le Deuil de Gudrun-Kriemhild[67] et le Destin de ses enfants, l’enlèvement et la reprise de Hilde-Gudrun ? À priori, l’hypothèse n’est pas insoutenable. Les Scandinaves ont fait du ixe au xie siècle de fréquentes descentes sur les côtes du pays de Galles et du Cornwall, et même des établissements durables dans le pays de Pembroke. Mais on pourrait tout aussi bien soutenir que s’il y a eu emprunt, c’est du côté Scandinave.

Si on compare les quatre branches du Mabinogi à certains récits irlandais appartenant au même groupe de traditions vieilles celtiques, comme ceux qui concernent les Tuatha Dé Danann (peuples de la déesse Danu) et parmi eux Lir et son fils Mamannan (c’est le Gallois Llyr et son fils Manawyddan), il apparaît clairement, comme l’a fait remarquer Alfred Nutt, que le caractère mythique primitif, encore reconnaissable cependant parfois dans les romans gallois, est beaucoup moins marqué que dans les sagas irlandaises, traitant de sujets analogues. Il est incontestable que ce sont les Irlandais qui ont le mieux conservé la tradition celtique primitive.

Je ne saurais, par contre, attribuer la supériorité des Gallois, dans ces quatre branches, sur les Irlandais, au point de vue narratif et littéraire, à quelque vague influence de la culture plus raffinée des Français introduite en Angleterre par des compagnons de Guillaume et leurs descendants. C’est une hypothèse dénuée de tout fondement. La littérature française du xie et du commencement du xiie siècle ne nous offre rien qui ait pu, avec quelque vraisemblance, inspirer ou influencer les auteurs de nos romans. L’art incontestable qui s’y montre est tout aussi indigène que celui des poètes lyriques gallois, si parfaitement national et si raffiné ; or, ce sont sûrement des bardes ou des lettrés appartenant à la même école littéraire qui ont mis ces traditions par écrit[68].

Les trois romans d’Owen et Lunet, Peredur ab Evrawe, Gereint et Enid, nous transportent dans un monde différent : mœurs, culture, civilisation matérielle, armement, tout y porte la marque de la civilisation française du xiie siècle. Ces trois romans sont très près des romans français : Le chevalier au Lion[69], Erec et Enide, Le conte du Graal[70], œuvres de Chrétien de Troyes[71], le célèbre trouvère du xiie siècle. Le Perceval a été laissé inachevé ; l’œuvre de Chrétien s’arrête au vers 10.601. Un inconnu l’a continuée jusqu’au vers 21.916 : il traite surtout des aventures de Gawain. Puis vient Wauchier de Denain[72], dont la part s’arrête au v. 34.934. L’ensemble fut terminé par Manecier qui écrivait entre 1214 e 1225, et par Gerbert (1220-1225). L’ensemble comprend 63.000 vers.

L’Yvain ou le Chevalier au Lion avait été publié par lady Charlotte Guest à la suite de sa traduction d’Owen et Lunet, d’après un seul manuscrit de la Bibliothèque nationale, d’une façon si défectueuse que le texte en est à peu près inintelligible[73].

On a d’Yvain une version allemande de Hartmann von Aue[74], qui écrivait au xiie siècle, et une version norvégienne[75] qui a servi de base à un poème suédois et à un poème norvégien.

Ivain a été l’objet de nombreux travaux critiques. Parmi les plus importants et les plus récents, je citerai ceux de : Goossens[76], Baist[77], Arthur Brown[78], Ahlström[79], Nitze[80], E. Philipot[81].

Pour Perceval, on attend encore une édition critique du cycle français. Les versions étrangères sont importantes. La plus célèbre est le Parzival de Wolfram von Eschenbach, poète allemand qui écrivait au commencement du xiiie siècle : il est plus court, moins diffus que le Conte du Graal : l’auteur offre un poème complet[82]. Le Sir Percyvelle of Galles[83] représente une version qui ne ressemble aux autres que par les enfances du héros et ses premières aventures. Le Perceval hollandais [84] est une partie du grand poème de Lancelot ; il n’est pas sans intérêt, car l’original français qu’il traduit est perdu. La saga norvégienne est une traduction du Perceval de Chrétien[85].

Parmi les nombreux travaux de critique sur ce difficile sujet, je me contenterai de renvoyer à ceux d’Alfred Nutt[86], W. Golther[87], Baist[88], Weston[89], Mary Rh. William[90], Brown[91].

Erec et Enide a joui aussi de la faveur des littératures étrangères. La plus célèbre des versions est celle d’Hartmann von Aue qui écrivait vers la fin du xiie siècle et le commencement du xiiie siècle, [92]. Il existe aussi une version scandinave[93]. Les travaux spéciaux les plus important sur ce sujet sont ceux de : Bartsch[94], Othmer[95], Dreyer[96], Hagen[97], Philipot[98], Piquet[99], R. Edens[100].

La comparaison des trois romans gallois et français soulève divers problèmes qui peuvent se ramener à trois principaux :

1° Les romans gallois sont-ils des traductions ou des adaptions des romans français, ou, dans les parties communes, remontent-ils à une source commune ?

2° La source commune immédiate est-elle française ou celtique, et dans quelle mesure ?

3° Le fonds de ces romans est-il celtique ?

En dehors de l’école de Foerster dont le plus remarquable tenant est W. Golther, on ne voit plus dans les romans gallois une traduction des romans français. Les différences sont trop considérables pour qu’on puisse s’arrêter à une pareille hypothèse. Une adaptation des romans gallois aux français, dans certains épisodes, serait plus soutenable. Néanmoins, là même où il y a presque identité, à certains traits[101], il est facile de reconnaître que l’auteur gallois ne traduit pas. Il suffit de se reporter aux traductions galloises certaines de romans français, comme Bown o Hamlwn (Beuves de Hampton), Y Greal (Le Graal), pour être fixé sur ce point. Y a-t-il eu adaptation partielle ? L’auteur gallois a-t-il connu Chrétien ?

Il me semble difficile qu’à l’époque de la rédaction en gallois de ces romans, les œuvres de Chrétien aient pu être connues en Galles : Erec a été composé vers 1168 ; Yvain, vers 1173 ; Perceval en 1117-1175[102].

L’épisode du lion, dans Yvain, serait un argument décisif, s’il était prouvé qu’il est de pure origine française, qu’il a été inspiré en France, par l’aventure de Gonfier de la Tour, comme l’a ingénieusement supposé M. Gaidoz[103]. Ce chevalier aurait sauvé un lion d’un serpent, et le lion l’aurait ensuite suivi et servi.

E. Philipot[104] fait remarquer que les documents qui ont conservé le souvenir de cette aventure sont du xiiie et du xive siècles. Arthur Brown[105], d’après Paul Meyer (Chanson de la Croisade contre les Albigeois, II, p. 378-380) constate que l’aventure de Gonfier se trouve dans une chronique de 1188, et qu’elle a pu être connue assez tôt pour être accessible à Chrétien. Il ne faut pas oublier cependant, comme l’a justement dit Philipot, que le héros est du Midi. De plus, ce thème du lion serviteur de l’homme est fort répandu. On en a des exemples dans des vies de saints anciennes. Arthur Brown renvoie pour le lion sauvé du serpent et suivant son sauveur à Holland (Chrétien von Troie, pp. 161-164), à Guy de Warwick (éd. Zupitza), au Roman de Hum. Enfin dans un opuscule postérieur à son Ivain (The knight of the lion, p. 688), Brown lui-même signale dans le morceau irlandais Tochmarc Emere (Recherche en mariage d’Emer) qui est antérieur à 1050, le rôle important joué par un lion (un animal semblable à un lion). Il n’est donc pas le moins du monde établi que l’épisode du lion soit de source française.

Les versions galloises paraissent plus simples dans l’ensemble, moins chargées d’épisodes que les versions françaises. L’idée maîtresse du Peredur, qui paraît bien être une histoire de vengeance, apparaît plus clairement que dans le Perceval.

Chrétien a dû accentuer la note courtoise, le ton de modération, l’esprit de bonne tenue de ses héros et renchérir sur son original.

Dans les romans gallois, en effet, les mœurs qui contrastent si singulièrement avec la rudesse et même la barbarie atténuées cependant des personnages de Kulhwch, sont moins policées et moins courtoises dans la forme que chez l’auteur français.

En revanche, si on repousse l’idée d’une adaptation de Chrétien, il n’y a pas de doute que pour la plupart des épisodes, pour la trame et l’ensemble des trois récits, les romans gallois ne remontent à une source immédiate française[106].

La géographie de ces romans est vague, même pour le pays de Galles, le Cornwall, et la Bretagne insulaire celtique ; elle contraste avec la précision et le luxe de détails géographiques dans les romans purement gallois. Cependant elle est encore supérieure à celle de Chrétien. Quand Gereint quitte Caer-Lleon-sur-Wyse pour retourner en Cornwall, il arrive sur les bords de la Severn. Les nobles de Cornwall l’attendent sur l’autre rive[107]. Chrétien l’envoie chez son père Lac, à Carnant dont il ne connaît nullement la situation ; plus tard il l’enverra couronner à Nantes. Chrétien confond les deux Caer-Lleon, la ville du sud et celle du nord. Il met dans Yvain (vers 2.680) la cour d’Arthur à Cestre (Chester), tandis que dans le Livre Rouge (p. 283) elle est alors même à Kaer-Lleon-sur-Wysc dans le Sud-Galles. Or Cestre c’est également Kaer-Lleon (Castra Legionum). Ceci tendrait à prouver que l’original français antérieur dont se servait Chrétien a été composé en Angleterre. Chrétien ne connaît pas davantage la forêt où se passe la première chasse dans Erec : c’est dans Gereint, la forêt de Dena. Les mœurs sont françaises, avec des traits nettement celtiques de temps en temps ; on se sent en pleine civilisation française du xiie siècle, telle que nous la connaissons en France et en Angleterre. Les demeures sont des châteaux de seigneurs féodaux, avec quelques anachronismes trahissent un fond vieux celtique[108].

Le tournoi dans Owen et Lunet suffirait à dénoncer une source française. C’est un sport inconnu des Gallois ; le mot même (twrneimeint) est emprunté. Les tournois n’ont d’ailleurs guère été tolérés en Angleterre que sous Richard Ier.

L’armement est français. Il contraste avec celui de Kulhwch, et même avec celui des guerriers du Songe de Ronabwy, ce dernier contemporain de très près de l’époque de la composition des trois romans français[109].

Certains emprunts gallois dénoncent une source écrite française, par exemple geol, prison (Peredur, Livre Rouge, p. 238, l. 2 ; Cf. traduction). D’après l’orthographe galloise de toute époque, une forme geol se prononcerait en français aujourd’hui gueol (gu comme gu dans guerre) ; la forme orale geole (jeole) eût été écrite ieol ou jeol : la forme française la plus ancienne est jaiole.

Un autre passage dans Owen et Lunet ne peut guère s’expliquer que par une méprise de l’auteur gallois. Lunet, raconte à Owen qu’elle a été emprisonnée, pour avoir défendu sa réputation, dans un vase de pierre (llestyr o vaen) : l’expression se trouve dans le Livre Rouge et dans Peniarth[110]. Dans Chrétien, c’est une chapelle, et tout justement la chapelle qui se trouve près de la fontaine enchantée. Le roman gallois ne mentionne pas de chapelle à cet endroit : il doit y avoir eu erreur des deux côtés. Il n’y a qu’un mot qui puisse l’expliquer, c’est chapele, le vieux français chapele qui a à la fois les deux sens de lieu secret, prison et de vase. (Cf. Godefroy. Dictionnaire de l’ancienne langue française.) L’auteur gallois aura pris le second sens ; Chrétien aura employé chapele dans son sens ordinaire. Il n’est pas impossible aussi que les deux auteurs aient eu sous les yeux quelque forme latine qu’ils auront comprise diversement. Gröber (Grundriss der roman Phil, II, p. I, p.303) est d’avis que Chrétien a dû utiliser pour Perceval une source latine. De même Nitze (The castle of Grail, p. 39), suppose une source latine intermédiaire entre l’original celtique et les descriptions de Chrétien-Wofram pour le château.

Les noms des héros dans les trois romans gallois sont encore nettement celtiques. On trouvera dans les notes explicatives tous les renseignements utiles à leur sujet. Chrétien les a souvent défigurés. Il a changé Gereint en Erec, Peredur en Perceval[111].

Pour Erec à la place de Gereint, la cause paraît claire. Erec représente Guerec en construction ; c’est le nom d’un comte de Nantes, fils d’Alain Barbe-Torte, mort en 990, et celui du fondateur de l’État breton du Vannetais au vie siècle, État qui portait son nom : Bro-Weroc, puis Browerec et Bro-erec[112].

La famille de Champagne, comme je le montre plus bas, était apparenté aux princes bretons. Chrétien a voulu lui faire sa cour. C’est aussi pour cette raison qu’il fait couronner Erec à Nantes, le transportant brusquement en Bretagne, sans même lui faire passer la mer, tandis que dans le roman en prose, Erec est couronné à Londres par l’archevêque de Cantorbire (Cantorbery). L’épisode du couronnement n’existe pas dans Gereint et a sûrement été ajouté à l’original. Les noms du portier et de ses étranges serviteurs dans Gereint se retrouvent tous dans Kulhwch, et ce n’est pas trop s’avancer que d’en conclure que le rédacteur gallois de Gereint connaissait le roman de Kulhwch.

Les sources de Chrétien sont sûrement anglo-normandes. De bonne heure, dès la seconde moitié du xie siècle, en Galles, et, immédiatement après la conquête, en Cornwall, les Français se sont trouvés en contact avec les populations celtiques de l’île. Quand leurs conteurs vinrent à connaître les traditions brittoniques, ils s’intéressèrent naturellement surtout aux récits héroïques et merveilleux, à ceux qui mettaient en scène un vaillant guerrier triomphant de monstres et accomplissant de merveilleuses quêtes[113], faisant la cour à de belles dames. Ces récits, ils les racontent à leur façon ; comme le dit très bien Alfred Nutt (The Mabin., p. 753), le champion celtique devint un chevalier contemporain ; le chef celtique se mua en baron féodal ; les noms brittoniques aussi gênants pour eux que les noms de lieux gallois actuels pour les journalistes anglais, furent transformés ou remplacés ; la topographie primitive disparut.

Le féérique et le merveilleux ont été évidemment pour nos conteurs un des principaux attraits des légendes celtiques. Or, tous les récits gallois en sont pénétrés. S’ils ont préféré certains d’entre eux et laissé de côté, par exemple, le Mabinogi, c’est ou bien qu’ils ne les connaissaient pas ou qu’ils ont trouvé dans d’autres plus de scènes guerrières ou d’aventures héroïques. On ne saurait, en effet, comme l’a fait A. Nutt, opposer chez les Gallois, les récits héroïques aux récits mythiques. Si le caractère mythique est encore à la rigueur, parfois reconnaissable dans le Mabinogi, si la comparaison avec l’épopée irlandaise et certains traits particuliers permettent de reconnaître dans quelques personnages de ce groupe des dieux ou demi-dieux vieux celtiques, les héros sont des hommes au même titre qu’Owen, Peredur ou Gereint, vivant comme eux dans un monde à moitié surnaturel. Outre le motif donné plus haut, il est fort probable que si leur préférence est allée à des romans comme ceux de Peredar, Owen et Lunet, Gereint et Enid, Tristan', c’est qu’ils les ont trouvés sous une forme plus appropriée à leur goût, et voisine vraisemblablement de compositions du genre de Kulhwch. Ils ont sûrement trouvé des romans déjà formés qu’ils ont modifiés suivant leur tempérament et auxquels ils ont ajouté.

La pénétration des deux éléments celtique et français, a été profonde et durable en Galles. L’aristocratie française recherchait fort les alliances avec les Gallois encore indépendants à la fin du xie siècle, et restés tels, pour une partie notable du pays, jusqu’à la fin du xiiie, tandis que les Saxons étaient courbés sous le joug ; il faut y ajouter l’auréole de noblesse et d’ancienneté qui s’attachait dans des légendes, à la race brittonique. David, fils du vaillant et redoutable roi de Nord-Galles, Owein Gwynedd, épouse une sœur de Henri II ; Llewelyn ab Jorwerth, roi de Gwynedd lui aussi, épouse Jeanne, sœur du roi Jean ; Gerard de Windsor épouse Nest, fille du roi Rhys ab Tewdwr ; Bernard de Neumarch épouse Nest, fille de Trahaearn ab Caradoc ; Robert Fitzhamon, Nest, fille de Jestin ab Gwrgant ; John de Breos, Margaret, fille de Llewelyn ab Jorwerth ; Reynold de Bruce, une autre fille de ce roi. Gruffydd ab Rhys se marie à Matilda, fille de William de Breos ; Rhys Gryg, son frère, à une fille du comte de Clare ; Kadwaladr ab Gruffydd ab Kynan, à une fille de Gilbert, comte de Clare, etc.[114]. La génération sortie de ces unions fut plus galloise souvent que française. C’est très probablement par eux ou sous leur influence, par leurs ménestrels, que les traditions celtiques se propagèrent en Angleterre. Sur le rôle du Cornwall dans la transmission de la matière de Bretagne, V. J. Loth, Contributions à l’étude des romans de la Table Ronde.

Ce contact avec la civilisation la plus vivace et la plus avancée de l’époque ne fut pas non plus sans effet sur la société galloise. L’état social, la condition des terres en furent profondément modifiés.

En revanche, les bardes gallois n’avaient rien à apprendre des trouvères français, et de fait nulle influence française n’apparaît à aucun point de vue, dans leurs poésies. La poésie lyrique galloise est très supérieure à la poésie française. Il faut ajouter que si les alliances entre les deux aristocraties furent nombreuses, les luttes entre elles n’en furent pas moins ardentes et souvent terribles. À aucune autre époque, les luttes intestines entre les chefs gallois, les guerres avec les rois d’Angleterre ou leurs représentants, ne furent plus acharnées et plus incessantes. Devant les dangers qui menaçaient jusqu’à l’existence du pays, les bardes exaltaient le passé des ancêtres, multipliaient les prophéties annonçant l’apparition des sauveurs. Jamais le sentiment national n’atteignit à un degré d’exaltation comparable. C’est sans doute sous l’empire des sentiments nationaux, qu’on se mit à populariser par écrit les récits traditionnels, les glorieuses archives du passé mythologico-légendaire des anciens Brittons.

Sur le fond même des romans français, l’opinion générale aujourd’hui est qu’il est celtique. Le coup le plus rude qui ait été porté à la théorie contraire l’a été par la comparaison avec les épopées irlandaises dont un bon nombre nous est conservé dans des manuscrits antérieurs à la rédaction de ces romans, et qui sont manifestement pures d’influence étrangère. On a trouvé dans ces sagas nombre d’épisodes et de thèmes identiques à ceux des romans dits arthuriens, ou qui en étaient très rapprochés et remontaient évidemment à la même source vieille celtique[115].

Les travaux parus sur l’origine des romans arthuriens ou sur la matière de Bretagne se sont singulièrement multipliés depuis vingt-cinq ans. On trouvera les différentes théories soutenues sur ce sujet jusqu’en 1892, résumées et discutées dans mon travail : Des nouvelles théories sur l’origine des romans arthuriens[116].(Revue celtique, XIII, pp. 475-503.)

Aux travaux déjà cités, on peut ajouter, en français[117], ceux de Ferd. Lot[118], Bédier[119], Muret[120] ; en anglais : ceux d’Alfred Nutt[121], Arthur Brown[122], Schofield[123], Kiltredge[124], Newell[125], Lucy Allen Paton[126], Jessie L. Weston[127], Fletcher[128] ; en allemand, ceux de W. Golther[129], et de H. Zimmer[130].

On pourra facilement compléter cette bibliographie sommaire par celle beaucoup plus touffue dont récemment, un étudiant américain, Tom Peete Cross, a accompagné et quelque peu surchargé son travail paru dans la Revue celtique en 1910 (p. 413) sous le titre de : The celtic origin af the Lay of Yonec.

Si on peut avec quelque précision fixer la date approximative de la première rédaction par écrit des romans et mabinogion gallois, et même indiquer jusqu’à un certain point ; leur position respective, au-delà de la littérature écrite, au point de vue de la formation traditionnelle, il me paraît téméraire et en tout cas prématuré de chercher à établir une chronologie comparée des principaux thèmes ou données des romans formés de la matière de Bretagne. Il faudrait d’abord dégager chaque roman ou noyau de roman de tous les épisodes qui sont venus le grossir dans le cours des siècles, ou suivant le caprice des écrivains ; il serait nécessaire d’en fixer la forme vieille celtique, ce qui n’est possible que là où les documents irlandais offrent des points de contact. Puis, on se trouverait en face de l’océan sans bornes du Folklore. Il ne s’agirait plus de comparaison bornée à un groupe défini de langues et de littératures : ce serait un voyage aventureux à travers un monde encore mal exploré. Si on prend les trois romans gallois et leurs similaires français, on peut, par exemple, soutenir sans trop d’audace, que Gereint-Erec, si on ne prend que l’aventure de Gereint et Enid, est dans l’ensemble moins archaïque qu’Owen-Yvain et Peredur-Perceval. En revanche, on ne peut songer à se poser la même question pour ces deux derniers romans qu’après les avoir débarrassés des épisodes disparates qui les encombrant, les avoir dépouillés de leur vernis français, et précisé la donnée vieille celtique. En comparant Peredur-Perceval, on peut, avec quelque vraisemblance, supposer qu’il s’agit d’un récit de vengeance et d’expiation préhistorique ou vieille celtique[131]. Mais l’idée maîtresse d’Owen-Yvain est, en revanche, fort difficile à dégager. S’agit-il primitivement d’une histoire de féerie, d’amour entre mortel et créature surnaturelle, comme dans certains lais ; ou n’y a-t-il pas encore ici, une vengeance d’un autre genre, la vengeance de la Fontaine qui se défend, compliquée d’autres données ; ou mieux, fusion des deux thèmes ? Si on entre dans le détail des épisodes, on se trouve en présence de problèmes tout aussi difficiles, pour ne pas dire insolubles. Le roman de Kulhwch est relativement moderne, mais nombre de ses épisodes remontent à une haute et insaisissable antiquité.

L’épisode du porc Trwyt est sûrement vieux celtique ; celui de Mabon ab Modron avec son saumon est préhistorique. Comment expliquer que Bran se fasse couper la tête, avec ordre à ses compagnons de l’emporter avec eux pendant quatre-vingt-sept ans et de l’enterrer à Gwynn-Vrynn en face de la France ? N’y a-t-il pas là remaniement et confusion ? Un personnage ayant changé de forme est souvent délivré dans certains contes européens, si on lui coupe la tête. La même idée se retrouve chez les insulaires de Mabuia, dans le détroit de Torres[132].

Les recherches entreprises dans cette direction ont donné quelques résultats. On a pu, avec vraisemblance, mettre en relief le caractère mythique de certains personnages, mais on a trop généralisé. Il y a quelques années, tout était mythe solaire. Aujourd’hui, il n’y a plus rien d’humain ni de terrestre dans les légendes celtiques : tout est extra-naturel, other-world. Il semblerait que les anciens Celtes aient passé leur temps à rêver uniquement d’au-delà ou d’au-dessous. L’histoire et l’archéologie nous donnent une toute autre idée de cette grande famille, vive entre toutes, batailleuse, turbulente, avide de mouvement qui, du ive au ier siècle avant notre ère, a sillonné l’Europe dans tous les sens et l’a semée d’établissements dont beaucoup de noms de lieux témoignent aujourd’hui encore. Ils paraissent beaucoup plus occupés à envoyer leurs ennemis dans l’autre monde qu’à y rêver. En tout cas, il est parfaitement invraisemblable qu’il n’y ait que des personnages d’origine mythique dans les traditions d’un peuple héroïque entre tous et dont l’histoire même fournissait la plus abondante matière au merveilleux épique.

Le fond des romans arthuriens étant celtique et incontestablement d’origine brittonique, il resterait à fixer la part respective des trois groupes de cette famille dans leur transmission aux Français d’Angleterre et du continent. Ils y ont tous les trois collaboré dans des proportions difficiles à déterminer : à en juger par les trois romans français, ce sont évidemment les Gallois qui ont la principale part. Pour les lais, il ne semble pas qu’il en soit de même. Nul doute que les Bretons d’Armorique n’aient joué dans leur transmission et à un moindre degré, dans celle des romans, un rôle notable, en France et en Angleterre. Les deux courants, celui qui venait d’Angleterre et celui qui avait sa source en Armorique, semblent être venus se joindre en particulier à la cour de Champagne.

Depuis le mariage d’Alain Barbe-Torte avec une princesse de la maison de Blois, les rapports entre les princes bretons et les seigneurs de la famille de Blois furent fréquents et intimes. Ils continuèrent lorsque les comtes de Blois devinrent possesseurs de la Champagne. Le rapports des comtes de Champagne avec les rois d’Angleterre furent tout aussi intimes. Eudes II prit part à la conquête de l’Angleterre. Thibaut II de Champagne arma chevalier vers 1147-1151, Geoffroy second fils de Geoffroy Plantagenet, comte d’Anjou et duc de Normandie, plus tard comte de Nantes[133]. Si Chrétien a remplacé Gereint par Erec et imaginé le couronnement d’Erec à Nantes c’est probablement (V. plus haut) pour faire sa cour aux maîtres de son pays alliés à la famille ducale de Bretagne[134]. Mais il est de toute évidence que c’est en Angleterre surtout que s’est faite la communication des traditions celtiques, et leur élaboration par les écrivains de langue française [134]. Elle s’est faite dans des pays où les éléments celtiques, français et saxons se trouvaient en contact, c’est-à-dire, sur les marches du pays de Galles, et de bonne heure, au xiie siècle, dans l’intérieur du sud du pays, notamment en Glamorgan et en Pembrokeshire. Il est cependant très important de ne pas oublier que le seul pays d’Angleterre où les Français aient trouvé, à leur arrivée, les deux langues celtique et saxonne parlées concurremment, est le Cornwall. D’après le Domesday-Book tous les propriétaires, moins Cadoalant, Blethu et peut-être Griffin, étaient Saxons. Bon nombre de noms de lieux le sont déjà. La langue saxonne dominait complètement en Devon[135]. Il faut ajouter que plusieurs des nouveaux maîtres installés par Guillaume le Conquérant dans ce pays étaient bretons-armoricains. Iuthaël de Totenes, entre autres, était un des grands propriétaires du Devon et avait des possessions en Cornwall. Quand Eliduc part pour l’Angleterre, c’est à Totnes qu’il débarque et c’est chez le roi d’Excestre (Exeter) qu’il prend du service[136]. Pendant le xie et le xiie siècle, les Armoricains semblent avoir eu l’habitude de traverser la Manche pour chercher fortune dans le sud-ouest de l’île. C’est une habitude qu’ils avaient encore au xvie siècle. En Cornwall, ils étaient chez eux[137].

Il faut remarquer que les traditions brittoniques devaient s’être conservées chez des populations du Wessex entièrement saxonisées au point de vue de la langue mais où la fusion des éléments celtiques et saxons s’était faite pacifiquement, par exemple en Somerset, où le brittonique était encore parlé couramment au vii-viiiesiècle[138]. J’ai eu occasion d’ailleurs de montrer à plusieurs reprises que les rapports entre les Anglo-Saxons et les Brittons n’avaient pas eu le caractère d’implacable hostilité qu’on leur a trop souvent attribué[139].

La transmission s’est faite et oralement et par écrit, comme en témoignent les formes mêmes des noms propres. Les écrivains français ont dû trouver des romans déjà formés et non simplement des lais et des contes plus ou moins apparentés qu’ils auraient fondus ensemble.

Comme je l’ai établi plus haut, les Bretons insulaires, avant l’apparition des romans français, avaient mis sur pied des romans d’aussi longue haleine et aussi bien composés pour le moins que les romans français. Il est même remarquable que dans l’ensemble, Owen et Lunet, Peredur, Gereint et Enid sont supérieurs aux romans français correspondants. Au point de vue artistique, la supériorité des écrivains gallois est également incontestable. On ne peut que souscrire au jugement d’Alfred Nutt (The Mabinogion, p. 352). Comme il le dit, aucun écrivain français du temps de Chrétien, ni en France ni en Angleterre, ne saurait lutter contre les Gallois comme conteurs. Chez les Français, l’histoire se déroule lentement, terne, incolore, embarrassée de maladroites répétitions, de digressions oiseuses. Chez les Gallois, la narration est vivante, colorée, mettant en relief avec un sur instinct artistique, les traits de nature à produire un effet pittoresque et romantique[140].

Sur les principaux héros celtiques de nos romans, le lecteur trouvera dans les notes explicatives de ces deux volumes d’amples renseignements.

Le dialecte des Mabinogion et romans gallois de notre collection est celui du sud du pays de Galles[141]. Nous avons vu plus haut que les bardes du Glamorgan paraissent à l’époque de la rédaction du Mabinogi avoir été particulièrement renommés.

On ne connaît aucun de leurs auteurs. Il y en a eu plusieurs : il est évident que l’auteur de Kulhwch n’est pas le même que l’auteur ou le premier rédacteur du Mabinogi et qu’on ne saurait leur attribuer ni à l’un, ni à l’autre, ni le Songe de Ronabwy ni le Songe de Maxen ni l’Aventure de Lludd et Llevelis, ni à plus forte raison les trois derniers romans. Les Iolo manuscripts (p. 349), dont l’autorité est mince malgré l’intérêt et la valeur réelle parfois de certaines infirmations, donnent bien comme auteur des Mabinogion un certain Ieuan ap y Diwlith, mais il est probable qu’il ne vivait pas à la fin du xiie siècle comme le prétendent les biographes gallois ; il était en effet, fils de Rhys ab Rhiccert qui vivait vraisemblablement au xive siècle. Stephens[142] croit, avec raison, qu’il florissait vers 1380.

Un personnage beaucoup plus important, c’est le Bledhericus de Giraldus Cambrensis : famosus ille Bledhericus fabulator qui tempora nostra paulo prævenit. Thomas, qui écrivait en Angleterre vers 1170, auteur d’un Tristan dont il nous reste des fragments considérables, embarrassé par la variété des récits que colportaient les conteurs, fait appel, pour appuyer la version qu’il choisit, à l’autorité de Breri :

Seigneurs, cest cunte est mult divers
Entre cels qui solent cunter
E del cunte Tristran parler.
Il en cuntent diversement ;
Oï en ai de plusur gent ;
Asez sait que chescun en dit,
Et co qu’il unt mis en escrit
Mes sulum ço que j’ai oï
Nel dient pas sulum Breri,
Ky solt les gestes é les cuntes
De toz les reis, de toz les cuntes
Ki orent esté en Bretaigne[143].

Breri est sûrement le Bledhericus de Giraldus Cambrensis : il représente le nom bien gallois de Bled-ri, avec un d spirant. La graphie de Giraldus représente, en faisant abstraction de la terminaison analogique en icus, la prononciation galloise : il s’est introduit entre la spirantes d et r une voyelle de résonnance qui se retrouve dans d’autres transcriptions et finit par former syllabe : cf. Graëlen pour Gradlon en passant par Gradlen. Bledri est le nom d’un évêque de Llandav nommé à ce siège en 983, célèbre par son savoir et son zèle pour l’instruction [144]. On trouve son nom, dans l’appendice de l’édition Gwenogvryn-Evans-John Rhys, p. 303, sous l’intéressante forme Blethery.

Gaufrei de Monmouth signale aussi un Blegobred ou Blegabred comme le roi des chanteurs et des poëtes[145]. Ce nom n’a naturellement rien de commun que le premier terme (Blegobred est pour Bled-cabrel) avec Bledri.

Il n’est pas douteux qu’un Bledri (Breri) == Bledhericus n’ait existé, grand auteur et compilateur de récits légendaires, mais, comme je l’insinuais dans ma première traduction (p. 21), il n’est pas le moins du monde certain que Thomas se soit inspiré directement de lui. Il met simplement sa version sous le patronage de la meilleure autorité indigène. Récemment, miss Jessie L. Weston a fait connaître un nouveau document intéressant Breri (Blederi)[146]. Le ms. add. 36614 du British Museum qui nous donne la continuation du Perceval de Chrétien par Wauchier de Denain, contient le curieux passage suivant ; décrivant le Petit Chevalier, qui garde le bouclier magique conquis par Gawain, l’auteur dit :

Deviser vos voel sa feiture
Si com le conte Bleheris
Qui fut nés et engenuis
En Gales dont je cont le conte
Et qui si le contoit au conte
De Poitiers qui aimoit l’estoire
E le tenait en grant mémoire
Plus que nul autre ne faisoit.

Le Bleheri gallois, évidemment le Breri de Thomas et le Bledhericus de Giraldus Cambrensis, aurait donc directement transmis son récità un comte de Poitiers. La famille de Poitiers a été longtemps en relations étroites avec la famille royale d’Angleterre. Miss Jessie L. Weston suppose qu’il s’agit plus spécialement de Guillaume III qui mourut en 1137. D’après le témoignage d’autres manuscrits qui, il est vrai, ne mentionnent pas Bleheris, la transmission se serait faite par écrit, et non oralement. Si l’on acceptait à la lettre l’assertion de Wauchier, il en résulterait que la transmission de la matière de Bretagne, pour un poème important, se serait faite directement d’un Gallois à un Français, par écrit, et qu’en outre, ce que j’ai d’ailleurs établi plus haut à propos de Kulhwch, il a existé des romans arthuriens gallois avant Thomas et Chrétien.

Wauchier qui écrivait, si on admet la date fixée par Jessie L. Weston à l’existence de Bleheris[147], plus d’un demi-siècle après son auteur, n’est probablement pas plus sincère ou mieux renseigné que Thomas. Il est de toute évidence que l’œuvre de Wauchier repose sur une source française : la forme des noms, les mœurs, tout le prouve. Que cette source française remonte pour une part importante à un certain Bledri qui a même été en relations avec un comte de la maison de Poitiers, c’est possible. En tout cas, si Jessie L. Weston s’exagère la valeur de ce témoignage, il n’en est pas moins digne de remarque.

Le commentaire naturel du Mabinogi et des romans gallois se trouve surtout dans les Triades, sortes de mementos du passé mythologico-historique des Brittons. La forme triadique remonte sûrement à une haute antiquité ; elle est aussi familière aux Irlandais qu’aux Gallois. Chez ces derniers, elle est devenue un genre littéraire fort piquant, moral, satirique, juridique, philosophique[148]. C’est un lit de Procuste où des lettrés ont fait entrer de force trois par trois, les personnages et les choses du passé. Nul doute que cette méthode n’ait contribué à fausser les traditions brittoniques, mais elle a l’avantage d’aider la mémoire. Les Triades servaient sans doute, comme les Mabinogion, à l’enseignement bardique ; tous les poètes gallois du xiie au xvie siècle en sont littéralement nourris ; les noms qui y figurent ; leur sont aussi familiers qu’aux poètes grecs les noms des dieux et des héros de l’Olympe homérique. On possède plusieurs versions des Triades, mais elles paraissent remonter en somme à trois sources : de l’une dérivent les Triades du Livre Rouge, celles d’un manuscrit de Hengwrt, du xiiie-xive siècle, publiées dans le Cymmrodor, VII, part. II, p. 99, p. 126 par Egerton Phillimore (celles de la Myv. Arch., p. 393-399, jusqu’au n° 60 sont celles du ""Livre Rouge"" même) ; la seconde a donné les Triades imprimées par Skene, en appendice, dans le tome II de ses Four ancient Books of Wales, d’après un manuscrit du xive siècle, et celles de la Myv. Arch. de la page 389, n° 5 à 391, n° 46, en exceptant les n° 18, 27, 42, 43, 44 ; une troisième a produit les Triades imprimées dans ce même recueil de la Myv. Arch., de la page 400 à la page 417 : il y en a 126 sur les 300 que contenait l’œuvre primitive. L’extrait de la Myv. Arch. a été fait en 1601 sur le livre de Jeuan Brechva, qui est mort vers 1500 environ et sur un autre manuscrit appelé très improprement le livre de Caradoc de Lancarvan, plus récent probablement que le premier. Ce sont donc les plus récentes de toutes ; ce sont elles qui ont aussi subi le plus de remaniements. En revanche, elles sont moins laconiques que les autres, et en forment parfois le commentaire. Malgré, des additions et des remaniements incontestables, le gros des Triades doit avoir été mis par écrit vers la fin du xiie siècle. Elles sont d’accord avec les Mabinogion et les citations des poètes de cette époque. Le fragment des Triades du Livre Noir est de la même source que les Triades des chevaux du Livre Rouge, et celles-ci n’en sont pas une copie.

Si les Triades ont une valeur historique des plus contestables, quoiqu’on y trouve l’écho d’événements certains sur lesquels l’histoire est muette, elles n’en sont pas moins très précieuses au point de vue de la mise en œuvre par des lettres des légendes et traditions des Brittons, précisément à l’époque où s’écrivaient les Mabinogion, ce qui pour nous en double le prix. Les Iolo mss.[149] forment une collection fort disparate, d’inégale valeur et d’une autorité toujours douteuse, mais on y trouve d’utiles et suggestives indications ; au point de vue légendaire, ils ne sont pas inutiles à consulter. J’ai dépouillé aussi la plus grande partie des poésies galloises jusqu’au xve siècle. Les documents historiques n’ont pas été négligés, notamment les Bruts.

L’influence de Gaufrei de Monmouth se fait sentir dans un certain nombre de Triades. Elle n’apparaît pas dans le Mabinogi, ni dans les romans purement gallois, si on excepte quelques traits dans les compositions littéraires intitulées le Songe de Maxen et l’Aventure de Lludd et Llevelis. À l’occasion, j’ai renvoyé à ses écrits.

Pour les noms propres, suivant l’exemple de John Rhys et J. Gwenogvryn Evans, j’ai adopté un compromis entre l’orthographe des Mabinogion et l’orthographe moderne. La spirante dentale sonore (spirante interdentale) est exprimée dans les Mabinogion par d (et dans certains manuscrits par t) ; je lui ai substitué le dd moderne, afin qu’on ne confondît pas avec d, occlusive sonore. R sourd est exprimé aujourd’hui par rh ; j’ai conservé r parce que la graphie rh est à peu près moderne et ensuite parce que ce son n’existe pas en Glamorgan : ailleurs, comme l, r initiale est une sourde. J’écris aussi v pour la spirante labiale sonore (v français, en général) au lieu de f moderne ; f pour la sourde, analogue à f français. Les autres signes orthographiques sont ceux du gallois moderne : w voyelle == ou français ; w consonne == w anglais ; u exprime un son intermédiaire entre u et i français ; y dans les monosyllabes accentuées, et la dernière syllabe des polysyllabes, se prononce comme l’ancien i bref accentué et se rapproche beaucoup de ü avec un arrondissement moindre des lèvres, dans le Nord-Galles ; il est à peu près i dans le Sud, en général. Y en dehors de ces cas à la valeur de notre e français dans l’article le, dans petit. Ch, spirante gutturale sourde, a la valeur du c’h breton ; th est une spirante interdentale sourde ; mh, nh, ngh représentent mp (mb dans certains cas), nt (nd en certaine situation), nc : ce sont des sourdes ; ng représente la nasale gutturale sonore, gutturale ou palatale suivant les voyelles qui la flanquent, et remonte à ng vieux-celtique (cf. allemand ing, ung). L sourd est exprimé par ll : on peut prononcer ce son en pressant la pointe de la langue contre le palais, au-dessus des dents, et, en expirant fortement l’air des deux côtés, mais plus du côté droit.

J’ai donné les épithètes, même quand le sens en était certain, en gallois, quitte à les traduire quand il y a lieu et que leur interprétation est sûre : l’épithète est souvent plus significative et plus tenace que le nom. La forme galloise des noms peut servir d’indice et de point de repère dans l’étude de l’évolution des traditions brittoniques chez les autres peuples du moyen âge. La forme des noms d’origine celtique dans les romans arthuriens étrangers suffit à elle seule, souvent, pour établir si la source est galloise, cornique ou bretonne, si elle a été transmise par écrit ou oralement, et même à quelle époque.

J’ai fait suivre les Triades, en appendice également, des généalogies des chefs gallois de la fin du xe siècle (II), avec un court document sur l’Extraction des hommes du Nord ; la division du pays de Galles en cantrev et en cymmwd (p. 327) ; enfin, les Annales Cambriæ dans leur partie la plus ancienne, qui va jusqu’en 954. Tous ces documents sont d’une sérieuse valeur sur laquelle le lecteur sera renseigné par des notes, et de nature à aider à l’intelligence des romans arthuriens.




LES
MABINOGION



PWYLL, prince de Dyvet


Ici commence le Mabinogi.


Pwyll[150], prince de Dyvet[151], régnait sur les sept cantrefs[152] de ce pays. Un jour qu’il était à Arberth[153], sa principale cour, il lui prit fantaisie d’aller à la chasse. L’endroit de ses domaines qu’il avait en vue pour la chasse, c’était Glynn Cuch[154]. Il partit la nuit même d’Arberth et arriva à Llwyn Diarwya[155] où il passa la nuit. Le lendemain il se leva, dans la jeunesse[156] du jour, et se rendit à Glynn Cuch pour y lancer ses chiens sous bois. Son cor sonna le rassemblement pour la chasse ; il s’élança à la suite des chiens et perdit bientôt ses compagnons. Comme il prêtait l’oreille aux aboiements des chiens, il entendit ceux d’une autre meute ; la voix n’était pas la même et cette meute s’avançait à la rencontre de la sienne. À ce moment, une clairière unie s’offrit à sa vue dans le bois, et, au moment où sa meute apparaissait sur la lisière de la clairière, il aperçut un cerf fuyant devant l’autre. Il arrivait au milieu de la clairière lorsque la meute qui le poursuivait l’atteignit et le terrassa. Pwyll se mit à considérer la couleur de ces chiens sans plus songer au cerf : jamais il n’en avait vu de pareille à aucun chien de chasse au monde. Ils étaient d’un blanc éclatant et lustré, et ils avaient les oreilles rouges, d’un rouge aussi luisant que leur blancheur. Pwyll s’avança vers les chiens, chassa la meute qui avait tué le cerf et appela ses chiens à la curée. À ce moment il vit venir à la suite de la meute, un chevalier monté sur un grand cheval gris-fer, un cor de chasse passé autour du cou, portant un habit de chasse de laine grise.

Le chevalier s’avança vers lui et lui parla ainsi : « Prince, je sais qui tu es, et je ne te saluerai point. » ― « C’est que tu es peut-être, » répondit Pwyll, » d’un rang tel que tu puisses t’en dispenser. » ― « Ce n’est pas assurément l’éminence de mon rang qui m’en empêche. » ― « Quoi donc, seigneur ? » ― « Par moi et Dieu, ton impolitesse et ton manque de courtoisie. » ― « Quelle impolitesse, seigneur, as-tu remarquée en moi ? » ― « Je n’ai jamais vu personne en commettre une plus grande que de chasser une meute qui a tué un cerf et d’appeler la sienne à la curée ! c’est bien là un manque de courtoisie ; et, quand même je ne me vengerais pas de toi, par moi et Dieu, je te ferai mauvaise réputation pour la valeur de plus de cent cerfs. » ― « Si je t’ai fait tort, je rachèterai ton amitié. » ― « De quelle manière ? » ― « Ce sera selon ta dignité[157] ; je ne sais qui tu es. » ― « Je suis couronné dans mon pays d’origine. » ― « Seigneur, bon jour à toi ! Et de quel pays es-tu ? » ― « D’Annwvyn[158] ; je suis Arawn[159], roi d’Annwvyn. » ― « De quelle façon, seigneur, obtiendrai-je ton amitié ? » ― « Voici : il y a quelqu’un dont les domaines sont juste en face des miens et qui me fait continuellement la guerre ; c’est Hafgan roi d’Annwvyn. Si tu me débarrasses de ce fléau, et tu le pourras facilement, tu obtiendras sans peine mon amitié. » ― « Je le ferai volontiers. Indique-moi comment j’y arriverai. » ― « Voici comment. Je vais lier avec toi confraternité intime[160] ; je te mettrai à ma place à Annwvyn ; je te donnerai pour dormir avec toi chaque nuit la femme la plus belle que tu aies jamais vue. Tu auras ma figure et mon aspect, si bien qu’il n’y aura ni valet de la chambre, ni officier, ni personne parmi ceux qui m’ont jamais suivi, qui se doute que ce n’est pas moi. Et cela, jusqu’à la fin de cette année, à partir de demain. Notre entrevue aura lieu alors dans cet endroit-ci. » ― « Bien, mais, même après avoir passé un an là-bas, d’après quelles indications pourrai-je me rencontrer avec l’homme que tu dis ? » ― « La rencontre entre lui et moi est fixée à un an ce soir, sur le gué ; sois-y sous mes traits ; donne-lui un seul coup, et il ne survivra pas. Il t’en demandera un second, mais ne le donne pas en dépit de ses supplications. Moi, j’avais beau frapper, le lendemain il se battait avec moi de plus belle. » ― « Bien, mais que ferai-je pour mes états ? » ― « Je pourvoirai, » dit Arawn, à ce qu’il n’y ait dans tes états ni homme ni femme qui puisse soupçonner que c’est moi qui aurai pris tes traits ; j’irai à ta place. » ― « Volontiers, je pars donc. » ― « Ton voyage se fera sans difficulté ; rien ne te fera obstacle jusqu’à ce que tu arrives dans mes États : je serai ton guide. » Il conduisit Pwyll jusqu’en vue de la cour et des habitations. « Je remets, » dit-il, « entre tes mains ma cour et mes domaines. Entre ; il n’y a personne qui hésite à te reconnaître. À la façon dont tu verras le service se faire, tu apprendras les manières de la cour. »

Pwyll se rendit à la cour. Il y aperçut des chambres à coucher, des salles, des appartements avec les décorations les plus belles qu’on pût voir dans une maison. Aussitôt qu’il entra dans la salle, des écuyers et de jeunes valets accoururent pour le désarmer. Chacun d’eux le saluait en arrivant. Deux chevaliers vinrent le débarrasser de son habit de chasse et le revêtir d’un habit d’or de paile[161]. La salle fut préparée ; il vit entrer la famille, la suite, la troupe la plus belle et la mieux équipée qui se fût jamais vue, et avec eux la reine, la plus belle femme du monde, vêtue d’un habit d’or de paile lustrée. Après s’être lavés, ils se mirent à table : la reine d’un côté de Pwyll, le comte, à ce qu’il supposait, de l’autre. Il commença à causer avec la reine et il jugea, à sa conversation, que c’était bien la femme la plus avisée, au caractère et au langage le plus nobles, qu’il eût jamais vue. Ils eurent à souhaits mets, boissons, musique, compotation ; c’était bien de toutes les cours qu’il avait vues au monde, la mieux pourvue de nourriture, de boissons, de vaisselle d’or et de bijoux royaux. Lorsque le moment du sommeil fut arrivé, la reine et lui allèrent se coucher. Aussitôt qu’ils furent au lit, il lui tourna le dos et resta le visage fixé vers le bord du lit, sans lui dire un seul mot jusqu’au matin. Le lendemain, il n’y eut entre eux que gaieté et aimable conversation. Mais, quelle que fût leur affection pendant le jour, il ne se comporta pas une seule nuit jusqu’à la fin de l’année autrement que la première. Il passa le temps en chasses, chants, festins, relations aimables, conversations avec ses compagnons, jusqu’à la nuit fixée pour la rencontre. Cette rencontre, il n’y avait pas un homme, même dans les parages les plus éloignés du royaume, qui ne l’eût présente à l’esprit. Il s’y rendit avec les gentilshommes de ses domaines.

Aussitôt son arrivée, un chevalier se leva et parla ainsi : « Nobles, écoutez-moi bien : c’est entre les deux rois qu’est cette rencontre, entre leurs deux corps seulement. Chacun d’eux réclame à l’autre terre et domaines. Vous pouvez tous rester tranquilles, à la condition de laisser l’affaire se régler entre eux deux. » Aussitôt les deux rois s’approchèrent l’un de l’autre vers le milieu du gué, et en vinrent aux mains. Au premier choc, le remplaçant d’Arawn atteignit Hafgan au milieu de la boucle de l’écu si bien qu’il le fendit en deux, brisa l’armure et lança Hafgan à terre, de toute la longueur de son bras et de sa lance[162], par-dessus la croupe de son cheval mortellement blessé. « Ah, prince, » s’écria Hafgan, « quel droit avais-tu à ma mort ? Je ne te réclamais rien ; tu n’avais pas de motifs, à ma connaissance, pour me tuer. Au nom de Dieu, puisque tu as commencé, achève-moi. » ― « Prince, » répondit-il, « il se peut que je me repente de ce que je t’ai fait ; cherche qui te tue, pour moi, je ne te tuerai pas. » ― « Mes nobles fidèles, emportez-moi d’ici ; c’en est fait de moi ; je ne suis plus en état d’assurer plus longtemps votre sort. » ― « Mes nobles, » dit le remplaçant d’Arawn, « faites-vous renseigner et sachez quels doivent être mes vassaux. » ― « Seigneur, » répondirent les nobles, « tous ici doivent l’être ; il n’y a plus d’autre roi sur tout Annwvyn que toi. » ― « Eh bien, il est juste d’accueillir ceux qui se montreront sujets soumis ; pour ceux qui ne viendront pas faire leur soumission, qu’on les y oblige par la force des armes[163]. » Il reçut aussitôt l’hommage des vassaux, et commença à prendre possession du pays ; vers le milieu du jour, le lendemain ; les deux royaumes étaient en son pouvoir. Il partit ensuite pour le lieu du rendez-vous, et se rendit à Glynn Cuch. Il y trouva Arawn qui l’attendait ; chacun d’eux fit à l’autre joyeux accueil : « Dieu te récompense », dit Arawn, « tu t’es conduit en camarade, je l’ai appris. Quand tu seras de retour, dans ton pays », ajouta-t-il, « tu verras ce que j’ai fait pour toi. » ― « Dieu te le rende », répondit Pwyll. Arawn rendit alors sa forme et ses traits à Pwyll, prince de Dyvet et, reprit les siens ; puis il retourna à sa cour en Annwvyn.

Il fut heureux de se retrouver avec ses gens et sa famille[164], qu’il n’avait pas vus depuis un long temps. Pour eux, ils n’avaient pas senti son absence, et son arrivée ne parut pas, cette fois, plus extraordinaire que de coutume. Il passa la journée dans la gaieté, la joie, le repos et les conversations avec sa femme et ses nobles. Quand le moment leur parut venu de dormir plutôt que de boire, ils allèrent se coucher. Le roi se mit au lit et sa femme alla le rejoindre. Après quelques moments d’entretien, il se livra avec elle aux plaisirs de l’amour. Comme elle n’y était plus habituée depuis un an, elle se mit à réfléchir. « Dieu », dit-elle, « comment se fait-il qu’il ait eu cette nuit des sentiments autres que toutes les autres nuits depuis un an maintenant ? » Elle resta longtemps songeuse. Sur ces entrefaites, il se réveilla. Il lui adressa une première fois la parole, puis une seconde, puis une troisième, sans obtenir une réponse. « Pourquoi », dit-il, ne me réponds-tu pas ? » ― « Je t’en dirai, » répondit-elle, « plus que je n’en ai dit en pareil lieu depuis un an. » ― « Comment ? Nous nous sommes entretenus de bien des choses. » ― « Honte à moi, si, il y aura eu un an hier soir, à partir de l’instant où nous nous trouvions dans les plis de ces draps de lit, il y a eu entre nous jeux et entretiens ; si tu as même tourné ton visage vers moi, sans parler, à plus forte raison, de choses plus importantes ! » Lui aussi devint songeur. « En vérité, Seigneur Dieu », s’écria-t-il, « il n’y a pas d’amitié plus solide et plus constante que celle du compagnon que j’ai trouvé ». Puis il dit à sa femme : « Princesse, ne m’accuse pas ; par moi et Dieu, je n’ai pas dormi avec toi, je ne me suis pas étendu à tes côtés depuis un an hier au soir. » Et il lui raconta son aventure. « J’en atteste Dieu, » dit-elle, « tu as mis la main sur un ami solide et dans les combats, et dans les épreuves du corps, et dans la fidélité qu’il t’a gardée. » ― « Princesse, c’était justement à quoi je réfléchissais, lorsque je me suis tu vis-à-vis de toi. » ― « Ce n’était donc pas étonnant », répondit-elle.

Pwyll, prince de Dyvet, retourna aussi dans ses domaines et son pays. Il commença par demander à ses nobles ce qu’ils pensaient de son gouvernement, cette année-là, en comparaison des autres années. « Seigneur, » répondirent-ils, « jamais tu n’as montré autant de courtoisie, jamais tu n’as été plus aimable ; jamais tu n’as dépensé avec tant de facilité ton bien ; jamais ton administration n’a été meilleure que cette année. » ― « Par moi et Dieu, » s’écria-t-il, « il est vraiment juste que vous en témoigniez votre reconnaissance à l’homme que vous avez eu au milieu de vous. Voici l’aventure telle qu’elle s’est passée. » Et il la leur raconta tout au long. « En vérité, seigneur, » dirent-ils, « Dieu soit béni de t’avoir procuré pareille amitié. Le gouvernement que nous avons eu cette année, tu ne nous le reprendras pas ? » ― « Non, par moi et Dieu, autant qu’il sera en mon pouvoir. » À partir de ce moment, ils s’appliquèrent à consolider leur amitié ; ils s’envoyèrent chevaux, chiens de chasse, faucons, tous les objets précieux que chacun d’eux croyait propres à faire plaisir à l’autre. À la suite de son séjour en Annwvyn, comme il avait gouverné avec tant de succès et réuni en un les deux royaumes le même jour, la qualification de prince de Dyvet pour Pwyll fut laissée de côté, et on ne l’appela plus désormais que Pwyll, chef d’Annwvyn.

Un jour il se trouvait à Arberth, sa principale cour, où un festin avait été préparé, avec une grande suite de vassaux. Après le premier repas, Pwyll se leva, alla se promener, et se dirigea vers le sommet d’un tertre[165] plus haut que la cour, et qu’on appelait Gorsedd Arberth. « Seigneur, » lui dit quelqu’un de la cour, « le privilège de ce tertre, c’est que tout noble qui s’y asseoit, ne s’en aille pas sans avoir reçu des coups et des blessures, ou avoir vu un prodige. » ― « Les coups et les blessures, » répondit-il, « je ne les crains pas au milieu d’une pareille troupe. Quant au prodige, je ne serais pas fâché de le voir. Je vais m’asseoir sur le tertre. » C’est ce qu’il fit. Comme ils étaient assis, ils virent venir, le long de la grand’route qui partait du tertre, une femme montée sur un cheval blanc-pâle, gros, très grand ; elle portait un habit doré et lustré. Le cheval paraissait à tous les spectateurs s’avancer d’un pas lent et égal. Il arriva à la hauteur du tertre. « Hommes, » dit Pwyll, « y a-t-il parmi vous quelqu’un qui connaisse cette femme à cheval, là-bas ? » ― « Personne, seigneur, » répondirent-ils. « Que quelqu’un aille à sa rencontre sur la route, pour savoir qui elle est. » Un d’eux se leva avec empressement et se porta à sa rencontre ; mais quand il arriva devant elle sur la route, elle le dépassa. Il se mit à la poursuivre de son pas le plus rapide ; mais plus il se hâtait, plus elle se trouvait loin de lui.

Voyant qu’il ne lui servait pas de la poursuivre, il retourna auprès de Pwyll, et lui dit : « Seigneur, il est inutile à n’importe quel homme à pied, au monde, de la poursuivre. » ― « Eh bien, » répondit Pwyll, « va à la cour, prends le cheval le plus rapide que tu y verras, et pars à sa suite. » Le valet[166] alla chercher le cheval, et partit. Arrivé sur un terrain uni, il fit sentir les éperons au cheval ; mais plus il le frappait, plus elle se trouvait loin de lui, et cependant son cheval paraissait avoir gardé la même allure qu’elle lui avait donnée au début. Son cheval à lui faiblit. Quand il vit que le pied lui manquait, il retourna auprès de Pwyll. « Seigneur, » dit-il, « il est inutile à qui que ce soit de poursuivre cette dame. Je ne connaissais pas auparavant de cheval plus rapide que celui-ci dans tout le royaume, et cependant il ne m’a servi de rien de la poursuivre. » ― « Assurément, » dit Pwyll, « il y a là-dessous quelque histoire de sorcellerie. Retournons à la cour. » Ils y allèrent et y passèrent la journée.

Le lendemain, ils y restèrent depuis leur lever jusqu’au moment de manger. Le premier repas terminé, Pwyll dit : « Nous allons nous rendre au haut du tertre, nous tous qui y avons été hier. Et toi, » dit-il à un écuyer, « amène le cheval le plus rapide que tu connaisses dans les champs. » Le page obéit ; ils allèrent au tertre avec le cheval. Ils y étaient à peine assis qu’ils virent la femme sur le même cheval, avec le même habit, suivant la même route. « Voici, » dit Pwyll, « la cavalière d’hier. Sois prêt, valet, pour aller savoir qui elle est. » ― « Volontiers, seigneur. » L’écuyer monta à cheval, mais avant qu’il ne fût bien installé en selle, elle avait passé à côté de lui en lui laissant entre eux une certaine distance ; elle ne semblait pas se presser plus que le jour précédent. Il mit son cheval au trot, pensant que, quelque tranquille que fût son allure, il l’atteindrait. Comme cela ne lui réussissait pas, il lança son cheval à toute bride ; mais il ne gagna pas plus de terrain que s’il eût été au pas. Plus il frappait le cheval, plus elle se trouvait loin de lui, et cependant elle ne semblait pas aller d’une allure plus rapide qu’auparavant. Voyant que sa poursuite était sans résultat, il retourna auprès de Pwyll. « Seigneur, le cheval ne peut pas faire plus que ce que tu lui as vu faire. » ― « Je vois, » répondit-il, « qu’il ne sert à personne de la poursuivre. Par moi et Dieu, elle doit avoir une mission pour quelqu’un de cette plaine ; mais elle ne se donne pas le temps de l’exposer. Retournons à la cour. » Ils y allèrent et y passèrent la nuit, ayant à souhait musique et boissons.

Le lendemain, ils passèrent le temps en divertissements jusqu’au moment du repas. Le repas terminé, Pwyll dit : « Où est la troupe avec laquelle j’ai été, hier et avant hier, au haut du tertre ? » ― « Nous voici, Seigneur, » répondirent-ils. « Allons nous y asseoir. » ― « Et toi, » dit-il à son écuyer, « selle bien mon cheval, va vite avec lui sur la route, et apporte mes éperons. » Le serviteur le fit. Ils se rendirent au tertre. Ils y étaient à peine depuis un moment, qu’ils virent la cavalière venir par la même route, dans le même attirail, et s’avançant de la même allure. « Valet, » dit Pwyll, « je vois venir la cavalière ; donne-moi mon cheval. » Il n’était pas plutôt en selle qu’elle l’avait déjà dépassé. Il tourna bride après elle, et lâcha les rênes à son cheval impétueux et fougueux, persuadé qu’il allait l’atteindre au deuxième ou au troisième bond. Il ne se trouva pas plus près d’elle qu’auparavant. Il lança son cheval de toute sa vitesse. Voyant qu’il ne lui servait pas de la poursuivre, Pwyll s’écria : « Jeune fille, pour l’amour de l’homme que tu aimes le plus, attends-moi. » ― « Volontiers, » dit-elle ; « il eût mieux valu pour le cheval que tu eusses fait cette demande il y a déjà quelques temps. » La jeune fille s’arrêta et attendit. Elle rejeta la partie de son voile qui lui couvrait le visage, fixa ses regards sur lui et commença à s’entretenir avec lui. ― « Princesse, » dit Pwyll, « d’où viens-tu et pourquoi voyages-tu ? » ― « Pour mes propres affaires, » répondit-elle, « et je suis heureuse de te voir. » ― « Sois la bienvenue. » Aux yeux de Pwyll, le visage de toutes les pucelles ou femmes qu’il avait vues n’était d’aucun charme à côté du sien. « Princesse, » ajouta-t-il, « me diras-tu un mot de tes affaires ? » ― « Oui, par moi et Dieu[167], » répondit-elle, « ma principale affaire était de chercher à te voir ». ― « Voilà bien, pour moi, la meilleure affaire pour laquelle tu puisses venir. Me diras-tu qui tu es ? » ― « Prince, je suis Riannon[168], fille de Heveidd Hen[169]. On veut me donner à quelqu’un malgré moi. Je n’ai voulu d’aucun homme, et cela par amour pour toi, et je ne voudrai jamais de personne, à moins que tu ne me repousses. C’est pour avoir ta réponse à ce sujet que je suis venue. » ― « Par moi et Dieu, la voici : Si on me donnait à choisir entre toutes les femmes et les pucelles du monde, c’est toi que je choisirais. » ― « Eh bien ! si telle est ta volonté, fixe-moi un rendez-vous avant qu’on ne me donne à un autre. » ― « Le plus tôt sera le mieux ; fixe-le à l’endroit que tu voudras. » ― « Eh bien, seigneur, dans un an, ce soir, un festin sera préparé par mes soins, en vue de ton arrivée, dans la cour d’Heveidd. » ― « Volontiers, j’y serai au jour dit. » ― « Reste en bonne santé, seigneur, et souviens-toi de ta promesse. Je m’en vais. »

Ils se séparèrent, Pwyll revint auprès de ses gens et de la suite. Quelque demande qu’on lui fit au sujet de la jeune fille, il passait à d’autres sujets. Ils passèrent l’année à Arberth jusqu’au moment fixé. Il s’équipa avec ses chevaliers, lui centième, et se rendit à la cour d’Eveidd Hen. On lui fit bon accueil. Il y eut grande réunion, grande joie et grands préparatifs de festin à son intention. On disposa de toutes les ressources de la cour d’après sa volonté. La salle fut préparée et on se mit à table Heveidd Hen s’assit à un des côtés de Pwyll, Riannon de l’autre ; et, après eux, chacun suivant sa dignité. On se mit à manger, à boire et à causer.

Après avoir fini de manger, au moment où on commençait à boire, on vit entrer un grand jeune homme brun, à l’air princier, vêtu de paile. De l’entrée de la salle, il adressa son salut à Pwyll et à ses compagnons. « Dieu te bénisse, mon âme, » dit Pwyll, « viens t’asseoir. » ― « Non, » répondit-il, « je suis un solliciteur et je vais exposer ma requête. » ― « Volontiers. » ― « Seigneur, c’est à toi que j’ai affaire et c’est pour te faire une demande que je suis venu. » ― « Quel qu’en soit l’objet, si je puis te le faire tenir, tu l’auras. » ― « Hélas ! » dit Riannon, « pourquoi fais-tu une pareille réponse ? » ― « Il l’a bien faite, princesse, » dit l’étranger, « en présence de ces gentilshommes » ― « Quelle est ta demande, mon âme ? » dit Pwyll. « Tu dois coucher cette nuit avec la femme que j’aime le plus ; c’est pour te la réclamer, ainsi que les préparatifs et approvisionnements du festin, que je suis venu ici. » Pwyll resta silencieux, ne trouvant rien à répondre. « Tais-toi tant que tu voudras, » s’écria Riannon ; « je n’ai jamais vu d’homme faire preuve de plus de lenteur d’esprit que toi. » ― « Princesse, » répondit-il, « je ne savais pas qui il était. » ― « C’est l’homme à qui on a voulu me donner malgré moi, Gwawl, fils de Clut, personnage belliqueux et riche. Mais puisqu’il t’est échappé de parler comme tu l’as fait, donne-moi à lui pour t’éviter une honte. » ― « Princesse, je ne sais quelle réponse est la tienne ; je ne pourrai jamais prendre sur moi de dire ce que tu me conseilles. » ― « Donne-moi à lui et je ferai qu’il ne m’aura jamais. » ― « Comment cela ? » ― « Je te mettrai en main un petit sac ; garde-le bien. Il te réclamera le festin et tous ses préparatifs et approvisionnements, mais rien de cela ne t’appartient. Je le distribuerai aux troupes et à la famille. Tu lui répondras dans ce sens. Pour ce qui me concerne, je lui fixerai un délai d’un an, à partir de ce soir, pour coucher avec moi. Au bout de l’année, trouve-toi avec ton sac, avec tes chevaliers, toi centième, dans le verger là haut. Lorsqu’il sera en plein amusement et compotation, entre, vêtu d’habits de mendiant, le sac en main, et ne demande que plein le sac de nourriture. Quand même on y fourrerait tout ce qu’il y a de nourriture et de boisson dans ces sept cantrevs-ci, je ferai qu’il ne soit pas plus plein qu’auparavant. Quand on y aura fourré une grande quantité, il te demandera si ton sac ne sera jamais plein. Tu lui répondras qu’il ne le sera point, si un noble très puissant ne se lève, ne presse avec ses pieds la nourriture dans le sac et ne dise : « on en a assez mis. » C’est lui que j’y ferai aller pour fouler la nourriture. Une fois qu’il y sera entré, tourne le sac jusqu’à ce qu’il en ait par-dessus la tête et fais un nœud avec les courroies du sac. Aie une bonne trompe autour du cou, et, aussitôt que le sac sera lié sur lui, sonne de la trompe : ce sera le signal convenu entre toi et tes chevaliers. À ce son, qu’ils fondent sur la cour. » Gwawl dit à Pwyll : « Il est temps que j’aie réponse au sujet de ma demande. » ― « Tout ce que tu m’as demandé de ce qui est en ma possession, » répondit-il, « tu l’auras ». « Mon âme, » lui dit Riannon, « pour le festin avec tous les approvisionnements, j’en ai disposé en faveur des hommes de Dyvet, de ma famille et des compagnies qui sont ici ; je ne permettrai de le donner à personne. Dans un an ce soir, un festin se trouvera préparé dans cette salle pour toi, mon âme, pour la nuit où tu coucheras avec moi. » Gwawl retourna dans ses terres, Pwyll en Dyvet, et ils y passèrent l’année jusqu’au moment fixé pour le festin dans la cour d’Eveidd Hen.

Gwawl, fils de Clut, se rendit au festin préparé pour lui ; il entra dans la cour et il reçut bon accueil. Quand à Pwyll, chef d’Annwvyn, il se rendit au verger avec ses chevaliers, lui centième, comme lui avait recommandé Riannon, muni de son sac. Il revêtit de lourds haillons et mit de grosses chaussures. Lorsqu’il sut qu’on avait fini de manger et qu’on commençait à boire, il marcha droit à la salle. Arrivé à l’entrée, il salua Gwawl et ses compagnons, hommes et femmes. « Dieu te donne bien. » dit Gwawl,« sois le bienvenu en son nom. » ― « Seigneur, » répondit-il, « j’ai une requête à te faire. » ― « Qu’elle soit la bienvenue ; si tu me fais une demande convenable, tu l’obtiendras. » ― « Convenable, seigneur ; je ne demande que par besoin. Voici ce que je demande plein le petit sac que tu vois de nourriture. » ― « Voilà bien une demande modeste ; je te l’accorde volontiers apportez-lui de la nourriture. » Un grand nombre d’officiers se levèrent et commencèrent à remplir le sac. On avait beau en mettre : il n’était pas plus plein qu’en commençant. « Mon âme, » dit Gwawl, « ton sac sera-t-il jamais plein ? » ― « Il ne le sera jamais, par moi et Dieu, quoi que l’on y mette, à moins qu’un maître de terres, de domaines et de vassaux ne se lève, ne presse la nourriture avec ses deux pieds dans le sac et ne dise : « On en a mis assez. » ― « Champion, » dit Riannon à Gwawl, fis de Clut, « lève-toi vite ». « Volontiers, » répondit-il. Il se leva et mit ses deux pieds dans le sac. Pwyll tourna le sac si bien que Gwawl en eut par dessus la tête et, rapidement, il ferma le sac, le noua avec les courroies, et sonna du cor. Les gens de sa maison envahirent la cour, saisirent tous ceux qui étaient venus avec Gwawl et l’exposèrent lui-même dans sa propre prison (le sac) (v. notes critiques). Pwyll rejeta les haillons, les grosses chaussures et toute sa grossière défroque. Chacun de ses gens en entrant donnait un coup sur le sac en disant : « Qu’y a-t-il là-dedans ? » ― « Un blaireau, » répondaient les autres. Le jeu consistait à donner un coup sur le sac, soit avec le pied, soit avec une trique. Ainsi firent-ils le jeu du sac. Chacun en entrant demandait « Quel jeu faites-vous là ? » ― « Le jeu du blaireau dans le sac », répondaient-ils. Et c’est ainsi que se fit pour la première fois le jeu du Blaireau dans le sac[170]. « Seigneur, » dit l’homme du sac à Pwyll, « si tu voulais m’écouter, ce n’est pas un traitement qui soit digne de moi que d’être ainsi battu dans ce sac. » ― « Seigneur, » dit aussi Eveydd Hen, « il dit vrai. Ce n’est pas un traitement digne de lui. » ― « Eh bien, » répondit Pwyll, « je suivrai ton avis à ce sujet. » ― « Voici ce que tu as à faire, » dit Riannon, « tu es dans une situation qui te commande de satisfaire les solliciteurs et les artistes. Laisse-le donner à chacun à ta place et prends des gages de lui qu’il n’y aura jamais ni réclamation, ni vengeance à son sujet. Il est assez puni. » ― « J’y consens volontiers, » dit l’homme du sac. ― « J’accepterai, » dit Pwyll « si c’est l’avis d’Eveidd et de Riannon. » ― « C’est notre avis, » répondirent-ils. « J’accepte donc : cherchez des cautions pour lui. » ― « Nous le serons, nous » répondit Eveydd, « jusqu’à ce que ses hommes soient libres et répondent pour lui. » Là-dessus, on le laissa sortir du sac et on délivra ses nobles. « Demande maintenant des cautions à Gwawl, » dit Eveydd à Pwyll, « nous connaissons tous ceux qu’on peut accepter de lui. » Eveydd énuméra les cautions. « Maintenant, » dit Gwawl à Pwyll, arrange toi-même le traité. » ― « Je me contente, » répondit-il, « de celui qu’a proposé Riannon. » Cet arrangement fut confirmé par les cautions. « En vérité, seigneur, » dit alors Gwawl, « je suis moulu et couvert de contusions. J’ai besoin de bains[171] : avec ta permission, je m’en irai et je laisserai des nobles ici à ma place pour répondre à chacun de ceux qui viendront vers toi en solliciteurs. » ― « Je le permets volontiers, » répondit Pwyll. Gwawl retourna dans ses terres. On prépara la salle pour Pwyll, ses gens et ceux de la cour en outre. Puis tous se mirent à table et chacun s’assit dans le même ordre qu’il y avait un an pour ce soir-là. Ils mangèrent et burent. Quand le moment fut venu, Pwyll et Riannon se rendirent à leur chambre. La nuit se passa dans les plaisirs et le contentement. Le lendemain, dans la jeunesse du jour, Riannon dit : « Seigneur, lève-toi, et commence à satisfaire les artistes ; ne refuse aujourd’hui à personne ce qu’il te demandera. » ― « Je le ferai volontiers, » dit Pwyll, « et aujourd’hui et les jours suivants, tant que durera ce banquet. »

Pwyll se leva et fit faire une publication invitant les solliciteurs et les artistes à se montrer et leur signifiant qu’on satisferait chacun d’eux suivant sa volonté et sa fantaisie. Ce qui fut fait. Le banquet se continua et, tant qu’il dura, personne n’éprouva de refus. Quand il fut terminé, Pwyll dit à Eveydd, « Seigneur, avec ta permission, je partirai pour Dyvet demain. » ― « Eh bien, » répondit Eveydd, « que Dieu aplanisse la voie devant toi. Fixe le terme et le moment où Riannon ira te rejoindre. » ― « Par moi et Dieu, » répondit-il, « nous partirons tous les deux ensemble d’ici. » ― « C’est bien ton désir, seigneur ? » ― « Oui, par moi et Dieu. » Ils se mirent en marche le lendemain pour Dyvet et se rendirent à la cour d’Arberth, où un festin avait été préparé pour eux. De tout le pays, de toutes les terres, accoururent autour d’eux les hommes et les femmes les plus nobles. Riannon ne laissa personne sans lui faire un présent remarquable, soit collier, soit anneau, soit pierre précieuse.

Ils gouvernèrent le pays d’une façon prospère cette année, puis une seconde. Mais la troisième, les hommes du pays commencèrent à concevoir de sombres pensées, en voyant sans héritier un homme qu’ils aimaient autant qu’ils faisaient leur seigneur et leur frère de lait : ils le prièrent de se rendre auprès d’eux. La réunion eut lieu à Presseleu[172], en Dyvet. « Seigneur, » lui dirent-ils, « nous ne savons si tu vivras aussi vieux que certains hommes de ce pays, et nous craignons que tu n’aies pas d’héritier de la femme avec laquelle tu vis. Prends-en donc une autre qui te donne un héritier. Tu ne dureras pas toujours ; aussi, quand même tu voudrais rester ainsi, nous ne te le permettrions pas. » ― « Il n’y a pas encore longtemps, » répondit Pwyll, « que nous sommes ensemble. Il peut arriver bien des choses. Remettez avec moi cette affaire d’ici à un an. Convenons de, nous réunir aujourd’hui dans un an, et alors je suivrai votre avis. » On convint du délai.

Avant le terme fixé un fils lui naquit, à Arberth même. La nuit de sa naissance, on envoya des femmes veiller la mère et l’enfant. Les femmes s’endormirent, ainsi que Riannon la mère. Ces femmes étaient au nombre de six. Elles veillèrent bien une partie de la nuit ; mais, dès avant minuit, elles s’endormirent et ne se réveillèrent qu’au point du jour. Aussitôt réveillées, leurs yeux se dirigèrent vers l’endroit où elles avaient placé l’enfant : il n’y avait plus de trace de lui. « Hélas ! » s’écria une d’elles, « l’enfant est perdu ! » ― « Assurément, » dit une autre, « on trouvera que c’est une trop faible expiation pour nous de la perte de l’enfant que de nous brûler ou de nous tuer ! » ― « Y a-t-il au monde, » s’écria une autre, « un conseil à suivre en cette occasion ? » ― « Oui, » répondit une d’elles, « j’en sais un bon. » ― « Lequel ? » dirent-elles toutes. « Il y a ici une chienne de chasse avec ses petits. Tuons quelques-uns de petits, frottons de leur sang le visage et les mains de Riannon, jetons les os devant elle et jurons que c’est elle qui a tué son fils. Notre serment à nous six l’emportera sur son affirmation à elle seule[173].

« Elles s’arrêtèrent à ce projet.

Vers le jour, Riannon s’éveilla et dit : « Femmes où est mon fils ? » ― « Princesse, ne nous demande pas ton fils ; nous ne sommes que plaies et contusions, après notre lutte contre toi ; jamais en vérité, nous n’avons vu autant de force chez une femme ; il ne nous a servi de rien de lutter contre toi : tu as toi-même mis en pièces ton fils. Ne nous le réclame donc pas. » ― « Malheureuses, » répondit-elle, « par le Seigneur Dieu qui voit tout, ne faites pas peser sur moi une fausse accusation. Dieu qui sait tout, sait que c’est faux. Si vous avez peur, j’en atteste Dieu, je vous protégerai. » ― « Assurément, » s’écrièrent-elles, « nous ne nous exposerons pas nous-mêmes à mal pour personne au monde. » ― « Malheureuses, mais vous n’aurez aucun mal en disant la vérité. » En dépit de tout ce qu’elle put leur dire de beau et d’attendrissant, elle n’obtint d’elles que la même réponse. À ce moment, Pwyll se leva, ainsi que sa troupe et toute sa maison. On ne put lui cacher le malheur. La nouvelle s’en répandit par le pays. Tous les nobles l’apprirent ; ils se réunirent et envoyèrent des messagers à Pwyll pour lui demander de se séparer de sa femme après un forfait aussi horrible. Pwyll leur fit cette réponse : « Vous ne m’avez demandé de me séparer de ma femme que pour une seule raison : c’est qu’elle n’avait pas d’enfant. Or, je lui en connais un. Je ne me séparerai donc pas d’elle. Si elle a mal fait, qu’elle en fasse pénitence. » Riannon fit venir des docteurs et des sages, et lui parut plus digne d’accepter une pénitence que d’entrer en discussion avec les femmes. Voici la pénitence qu’on lui imposa : elle resterait pendant sept ans de suite à la cour d’Arberth, s’asseoirait chaque jour à côté du montoir de pierre qui était à l’entrée, à l’extérieur, raconterait à tout venant qui lui paraîtrait l’ignorer toute l’aventure et proposerait, aux hôtes et aux étrangers, s’ils voulaient le lui permettre, de les porter sur son dos à la cour. Il arriva rarement que quelqu’un consentît à se laisser porter. Elle passa ainsi une partie de l’année.

En ce temps-là, il y avait comme seigneur à Gwent Is-coed[174] Teyrnon Twryv Vliant[175]. C’était le meilleur homme du monde. Il avait chez lui une jument qu’aucun cheval ou jument dans tout le royaume ne surpassait en beauté. Tous les ans, dans la nuit des calendes[176] de mai, elle mettait bas, mais personne n’avait de nouvelles du poulain. Un soir, Teyrnon dit à sa femme : « Femme, nous sommes vraiment bien nonchalants : nous avons chaque année un poulain de notre jument et nous n’en conservons aucun ! » ― « Que peut on y faire ? » répondit-elle. « Que la vengeance de Dieu soit sur moi, si cette nuit, qui est celles des calendes de mai, je ne sais quel genre de destruction m’enlève ainsi mes poulains. » Il fit rentrer sa jument, se revêtit de son armure et commença sa garde.

Au commencement de la nuit, la jument mit bas un poulain grand et accompli qui se dressa sur ses pieds immédiatement. Teyrnon se leva et se mit à considérer les belles proportions du cheval. Pendant qu’il était ainsi occupe, il entendit un grand bruit, et, aussitôt après, il vit une griffe pénétrer par une fenêtre qui était sur la maison et saisir le cheval par la crinière. Teyrnon tira son épée et trancha le bras à partir de l’articulation du coude, si bien que cette partie et le poulain lui restèrent à l’intérieur. Là-dessus, tumulte et cris perçants se firent entendre. Il ouvrit la porte s’élança dans la direction du bruit. Il n’en voyait pas l’auteur à cause de l’obscurité, mais il se précipita de son côté et se mit à sa poursuite. S’étant souvenu qu’il avait laissé la porte ouverte, il revint. À la porte même, il trouva un petit garçon emmailloté et enveloppé dans un manteau de paile. Il le prit : l’enfant était fort pour l’âge qu’il paraissait. Il ferma la porte et se rendit à la chambre où était sa femme. « Dame, » dit-il, « dors-tu ? » ― « Non, seigneur ; je dormais, mais je me suis réveillée quand tu es entré. » « Voici pour toi un fils, » dit-il, « si tu veux en avoir un qui n’a jamais été à toi. » ― « Seigneur, qu’est-ce que cette aventure ? » ― « Voici. » Et il lui raconta toute, l’histoire. « Eh bien, seigneur, » dit-elle, « quelle sorte d’habit a-t-il ? » ― « Un manteau de paile, » répondit-il. « C’est un fils de gentilhomme. Nous trouverions en lui distraction et consolation, si tu voulais. Je ferais venir des femmes et je leur dirais que je suis enceinte. » ― « Je suis de ton avis à ce sujet, » répondit Teyrnon. Ainsi firent-ils. Ils firent administrer à l’enfant le baptême alors en usage et on lui donna le nom de Gwri Wallt Euryn[177], (aux cheveux d’or) parce que tout ce qu’il avait de cheveux sur la tête était aussi jaune que de l’or.

On le nourrit à la cour jusqu’à ce qu’il eût un an. Au bout de l’année, il marchait d’un pas solide ; il était plus développé qu’un enfant de trois ans grand et gros. Au bout d’une seconde année d’éducation, il était aussi gros qu’un enfant de six ans. Avant la fin de la quatrième année, il cherchait à gagner les valets des chevaux pour qu’ils le laissassent les conduire à l’abreuvoir. « Seigneur, » dit alors la dame à Teyrnon, « où est le poulain que tu as sauvé la nuit où tu as trouvé l’enfant ? » ― « Je l’ai confié aux valets des chevaux, » répondit-il, « en leur recommandant de bien veiller sur lui. » ― « Ne ferais-tu pas bien, seigneur, de le faire dompter et de le donner à l’enfant, puisque c’est la nuit même où tu l’as trouvé que le poulain est né et que tu l’as sauvé[178] ? » ― « Je n’irai pas là contre. Je t’autorise à le lui donner. » ― « Dieu te le rende, je le lui donnerai donc. » On donna le cheval à l’enfant ; la dame se rendit auprès des valets d’écurie et des écuyers pour leur recommander de veiller sur le cheval et de faire qu’il fût bien dressé pour le moment où l’enfant irait chevaucher, avec ordre de la renseigner à son sujet.

Au milieu de ces occupations, ils entendirent de surprenantes nouvelles au sujet de Riannon et de sa pénitence. Teyrnon, à cause de la trouvaille qu’il avait faite, prêta l’oreille à cette histoire et s’en informa incessamment jusqu’à ce qu’il eût entendu souvent les nombreuses personnes qui fréquentaient la cour plaindre Riannon pour sa triste aventure et sa pénitence. Teyrnon y réfléchit. Il examina attentivement l’enfant et trouva qu’à la vue, il ressemblait à Pwyll, chef d’Annwn, comme il n’avait jamais vu fils ressembler à son père. L’aspect de Pwyll lui était bien connu, car il avait été son homme autrefois. Il fut pris ensuite d’une grande tristesse à la pensée du mal qu’il causait en retenant l’enfant lorsqu’il le savait fils d’un autre. Aussitôt qu’il trouva à entretenir sa femme en particulier, il lui remontra qu’ils ne faisaient pas bien de retenir l’enfant et de laisser ainsi peser tant de peine sur une dame comme Riannon, l’enfant étant le fils de Pwyll, chef d’Annwn. La femme de Teyrnon tomba d’accord avec lui pour envoyer l’enfant à Pwyll. « Nous en recueillerons, » dit-elle, « trois avantages : d’abord, remerciements et aumône pour avoir fait cesser la pénitence de Riannon ; des remerciements de la part de Pwyll pour avoir élevé l’enfant et le lui avoir rendu ; en troisième lieu, si l’enfant est de noble nature, il sera notre fils nourricier et nous fera le plus de bien qu’il pourra. » Ils s’arrêtèrent à cette résolution.

Pas plus tard que le lendemain, Teyrnon s’équipa avec ses chevaliers, lui troisième, son fils quatrième, monté sur le cheval dont il lui avait fait présent. Ils se dirigèrent vers Arberth et ne tardèrent pas à y arriver. Ils aperçurent Riannon assise à côté du montoir de pierre. Lorsqu’ils arrivèrent à sa hauteur, elle leur dit : « Seigneur, n’allez pas plus loin ; je porterai chacun de vous jusqu’à la cour c’est là ma pénitence pour avoir tué mon fils et l’avoir moi-même mis en pièces. » ― « Dame, » répondit Teyrnon, « je ne crois pas qu’un seul de nous ici aille sur ton dos. » ― « Aille qui voudra, » dit l’enfant, « pour moi, je n’irai pas. » ― « Ni nous non plus, assurément, mon âme. » dit Teyrnon. Ils entrèrent à la cour, où on les reçut avec de grandes démonstrations de joie.

On commençait justement un banquet ; Pwyll venait de faire son tour de Dyvet[179]. Ils se rendirent à la salle et allèrent se laver. Pwyll fit bon accueil à Teyrnon. On s’assit : Teyrnon, entre Pwyll et Riannon, ses deux compagnons plus haut, à côté de Pwyll, et l’enfant entre eux. Après qu’on eut fini de manger et que l’on commença à boire, ils se mirent à causer. Teyrnon, lui raconta toute l’aventure de la jument et de l’enfant, comme l’enfant avait passé pour le sien et celui de sa femme, comment ils l’avaient élevé. « Voici ton fils, princesse », ajouta-t-il, « ils ont bien tort ceux qui t’ont faussement accusée. Quand j’ai appris la douleur qui t’accablait, j’en ai éprouvé grande peine et compassion. Je ne crois pas qu’il y ait dans toute l’assistance quelqu’un qui ne reconnaisse l’enfant pour le fils de Pwyll. » ― « Personne n’en doute », répondirent-ils tous. « Par moi et Dieu, mon esprit serait délivré de son souci (pryderi), si c’était vrai. » ― « Princesse, » s’écria Pendaran Dyvet[180], « tu as bien nommé ton fils, Pryderi[181] ; cela lui va parfaitement : Pryderi, fils de Pwyll, chef d’Annwn. » ― « Voyez, » dit Riannon, « si son propre nom à lui ne lui irait pas mieux encore ». « Quel nom a-t-il ? » dit Pendaran Dyvet. « Nous lui avons donné le nom de Gwri Wallt Euryn[182]. » ― « Pryderi sera son nom, » dit Pendaran. « Rien de plus juste, » dit Pwyl, « que de lui donner le nom qu’a dit sa mère, lorsqu’elle a eu à son sujet joyeuse nouvelle. » On s’arrêta à cette idée.

« Teyrnon, » dit Pwyll, « Dieu te récompense, pour avoir élevé cet enfant jusqu’à cette heure ; il est juste aussi que lui-même, s’il est vraiment noble, te le rende. » ― « Seigneur, » répondit-il, « pas une femme au monde n’aura plus de chagrin après son fils que la femme qui l’a élevé n’en aura après lui. Il est juste qu’il ne nous oublie ni moi ni elle pour ce que nous avons fait pour lui. » ― « Par moi et Dieu, » répondit Pwyll, « tant que je vivrai, je te maintiendrai, toi et tes tiens, tant que je pourrai maintenir les miens à moi-même. Quand ce sera son tour, il aura encore plus de raisons que moi de te soutenir. Si c’est ton avis et celui de ces gentilshommes, comme tu l’as nourri jusqu’à présent, nous le donnerons désormais à élever à Pendaran Dyvet. Vous serez compagnons, et pour lui, tous les deux, pères nourriciers[183]. » ― « C’est une bonne idée, » dit chacun.

On donna donc l’enfant à Pendaran Dyvet. Les nobles du pays partirent avec lui. Teyrnon Twryv Vliant et ses compagnons se mirent en route au milieu des témoignages d’affection et de joie. Il ne s’en alla pas sans qu’on lui eût offert les joyaux les plus beaux, les chevaux les meilleurs et les chiens les plus recherchés, mais il ne voulait rien accepter. Ils restèrent ensuite dans leurs domaines. Pryderi, fils de Pwyll, chef d’Annwn, fut élevé avec soin, comme cela se devait, jusqu’à ce qu’il fut le jeune homme le plus agréable, le plus beau et le plus accompli en toute prouesse qu’il y eût dans tout le royaume. Ils passèrent ainsi des années et des années, jusqu’au moment où le terme de l’existence arriva pour Pwyll, chef d’Annwn. Après sa mort, Pryderi gouverna les sept cantrevs de Dyvet d’une façon prospère, aimé de ses vassaux et de tous ceux qui l’entouraient. Ensuite, il ajouta à ses domaines les trois cantrevs d’Ystrat Tywi[184] et quatre cantrevs de Ceredigyawn : on les appelle les sept cantrevs de Seisyllwch[185]. Il fut occupé à ces conquêtes jusqu’au moment où il lui vint à l’esprit de se marier. Il choisit pour femme Kicva, fille de Gwynn Gohoyw[186], fils de Gloyw Wallt Lydan[187], fils de Casnar Wledic[188], de la race des princes de cette île. Ainsi se termine cette branche[189] des Mabinogion.



BRANWEN[190], fille de Llyr




Voici la seconde branche du Mabinogi.


Bendigeit Vran[191] fils de Llyr[192], était roi couronné de toute cette île, dignité rehaussée encore

par la couronne de Llundein (Londres)[193]. Une après-midi, il se trouvait à Harddlech[194], en Ardudwy[195], qui lui servait de cour, assis au sommet du rocher au-dessus des flots de la mer, en compagnie de Manawyddan[196], fils de Llyr, son frère, de deux autres frères du côté de sa mère, Nissyen et Evnissyen, et, en outre, de beaucoup de nobles, comme il convenait autour d’un roi. Ces deux frères étaient fils d’Eurosswydd[197], mais ils étaient de la même mère que lui : Penardim, fille de Beli, fils de Mynogan[198]. L’un de ces jeunes gens était bon ; il mettait la paix au milieu de la famille quand on était le plus irrité : c’était Nissyen. L’autre mettait aux prises ses deux frères quand ils s’aimaient le plus. Pendant qu’ils étaient ainsi assis, ils aperçurent treize navires venant du sud d’Iwerddon (l’Irlande)[199] et se dirigeant de leur côté ; leur marche était facile, rapide ; le vent, soufflant en poupe, les rapprochait d’eux rapidement. « Je vois là-bas des navires, » s’écria le roi, « venant vite vers la terre ; commandez aux hommes de la cour de se vêtir, et d’aller voir quelles sont leurs intentions. » Les hommes se vêtirent et descendirent dans leur direction. Quand ils purent voir les navires de près, ils furent bien convaincus qu’ils n’en avaient jamais vu qui eussent l’air mieux équipés. De beaux étendards de paile flottaient au-dessus d’eux. Tout à coup un navire se détacha en avant des autres, et on vit se dresser au-dessus du pont un écu, l’umbo [200] en haut, en signe de paix. Les hommes de Bran avancèrent vers lui, de façon à pouvoir converser.

Les étrangers jetèrent des canots à la mer, se rapprochèrent du rivage et saluèrent le roi. Il les entendait du haut du rocher où il était assis, au-dessus de leurs têtes. « Dieu vous donne bien, » dit-il, « soyez les bienvenus. À qui appartiennent ces navires et quel en est le chef ? » ― « Seigneur, » répondirent-ils, « Matholwch [201], roi d’Iwerddon, est ici, et ces navires sont à lui. » ― « Que peut-il désirer ? Veut-il venir à terre ? » ― « Comme il vient en solliciteur auprès de toi, il n’ira pas, s’il n’obtient l’objet de son voyage. » ― « Quel est-il ? » ― « Il veut, seigneur, s’allier à toi : c’est pour demander Branwen, fille de Llyr, qu’il est venu. Si cela t’agrée, il établira entre l’île des Forts [202] et Iwerddon, un lien qui augmentera leur puissance. » ― « Eh bien, qu’il vienne à terre, et nous délibérerons à ce sujet. » Cette réponse fut portée à Matholwch. « Volontiers. » dit-il. Et il se rendit à terre. On lui fit bon accueil, et il y eut cette nuit-là un grand rassemblement formé par ses troupes et celles de la cour. Dès le lendemain on tint conseil, et il fut décidé qu’on donnerait Branwen à Matholwch. C’était une des trois premières dames de cette île [203], et la plus belle jeune fille du monde. On convint d’un rendez-vous à Aberffraw où Matholwch coucherait avec elle. On se mit en marche, et toutes les troupes se dirigèrent vers Aberffraw [204], Matholwch et les siens par mer, Bendigeit Vran et ses gens par terre.

À leur arrivée à Aberffraw, le banquet commença. Ils s’assirent, le roi de l’île des Forts et Manawyddan d’un côté, Matholwch de l’autre, et Branwen avec eux. Ce n’est pas dans une maison qu’ils étaient, mais sous des pavillons. Bendigeit Vran n’aurait jamais pu tenir dans une maison. On se mit à boire, et on continua, en causant, jusqu’au moment où il fut plus agréable de dormir que de boire. Ils allèrent se coucher. Cette nuit-là Matholwch et Branwen couchèrent ensemble. Le lendemain, tous les gens de la cour se levèrent ; les officiers commencèrent à s’occuper du partage des chevaux, de concert avec les valets ; ils les distribuèrent de tous côtés jusqu’à la mer. Sur ces entrefaites, un jour l’ennemi de la paix dont nous avons parlé plus haut, Evnyssyen[205], tomba sur le logis des chevaux de Matholwch, et demanda à qui ils appartenaient. « Ce sont les chevaux de Matholwch, roi d’Iwerddon, » fut-il répondu. « Que font-ils ici ? » dit-il. « C’est ici qu’est le roi d’Iwerddon ; il a couché avec ta sœur Branwen ; ces chevaux sont les siens. » ― « Et c’est ainsi qu’ils en ont agi avec une jeune fille comme elle, avec ma sœur à moi ! la donner sans ma permission ! Ils ne pouvaient me faire plus grand affront. » Aussitôt il fond sous les chevaux, leur coupe les lèvres au ras des dents, les oreilles au ras de la tête, la queue au ras du dos ; s’il ne trouvait pas prise sur les sourcils, il les rasait jusqu’à l’os. Il défigura ainsi les chevaux, au point qu’il était impossible d’en rien faire. La nouvelle en vint à Matholwch ; on lui rapporta que les chevaux étaient défigurés et gâtés à tel point, qu’on n’en pouvait plus tirer aucun parti. « Oui, seigneur, » dit un des hommes, « on t’a insulté ; c’est bien ce qu’on veut te faire. » ― « En vérité, » répondit-il, « je vous trouve étrange, s’ils voulaient m’outrager, qu’ils m’aient donné une pareille jeune fille, d’aussi haute condition, aussi aimée de sa nation. » ― « Seigneur, » dit un autre, « tu en vois la preuve ; il ne reste qu’une chose à faire, te rendre sur tes vaisseaux. »

À la suite de cet entretien, il se mit en devoir de partir sur ses navires. Bendigeit Vran, apprenant que Matholwch quittait la cour sans prendre congé, lui envoya demander pourquoi. Les messagers étaient Iddic, fils d’Anarawc [206], et Eveydd Hir. Ils arrivèrent jusqu’à lui, et lui demandèrent ce que signifiaient ses préparatifs, et pour quel motif il partait. « Assurément, » répondit-il, « si j’avais su, je ne serais pas venu ici. J’ai essuyé l’outrage le plus complet. Personne n’a eu à subir pire attaque que moi en ces lieux. Une chose, cependant, me surprend par dessus tout. » ― « Laquelle ? » dirent-ils. ― « Qu’on m’ait donné Branwen, une des trois premières dames de cette île, la fille du roi de l’île des Forts, que j’aie couché avec elle, et qu’ensuite on vienne m’outrager. Je suis étonné qu’on ne l’ait pas fait avant de me la donner. » — « Assurément, seigneur, ce n’est point par la volonté de celui qui possède cette cour, ni d’aucun de son conseil qu’on t’a fait cet affront. Et, si tu te trouves outragé, Bendigeit Vran est encore plus sensible que toi à cet affront et à ce mauvais tour. » — « Je le crois, mais il ne peut pas faire que je n’aie reçu cet outrage. » Ils s’en retournèrent, là-dessus, auprès de Bendigeit Vran, et lui rapportèrent la réponse de Matholwch. « Il n’y a pas moyen, » dit-il, « de l’empêcher de partir avec des dispositions hostiles, quand même je ne le permettrais pas. » — « Eh bien, seigneur, envoie encore des messagers après lui. » — « C’est ce que je vais faire. Levez-vous, Manawyddan fils de Llyr, Eveidd Hir, Unic Glew Ysgwydd[207], allez après lui, et dites-lui qu’il aura un cheval en bon état pour chacun de ceux qu’on lui a gâtés. Je lui donnerai en outre, en wynebwarth[208] (en compensation des verges d’argent aussi épaisses et aussi longues que lui, un plat d’or aussi large que son visage. Faites-lui savoir quelle espèce d’homme lui a fait cela, que je n’y suis pour rien, que le coupable est un frère à moi, du côté de ma mère, et qu’il ne m’est guère possible de me défaire de lui ni de le tuer. Qu’il vienne me voir ; je ferai la paix aux conditions qu’il tracera lui-même. » Les messagers se mirent à la recherche de Matholwch, lui rapportèrent ce discours d’une façon amicale. Après les avoir entendus, il dit : « Hommes, nous allons tenir conseil. » Il alla tenir conseil, et ils réfléchirent que s’ils rejetaient ces propositions, il en résulterait vraisemblablement pour eux plutôt de la honte encore qu’une réparation aussi importante. Il condescendit à accepter, et ils se rendirent à la cour en amis.

On leur prépara pavillons et tentes en guise de salles, et ils se mirent à table. Ils s’assirent dans le même ordre qu’au commencement du banquet, et Matholwch commença à s’entretenir avec Bendigeit Vran. Celui-ci trouva que sa conversation languissait, qu’il était triste, à cause sans doute de l’affront, tandis qu’auparavant il était constamment joyeux. Il pensa que le prince était si triste parce qu’il trouvait la réparation trop faible pour le tort qu’on lui avait fait. « Homme, » lui dit-il, « tu n’es pas aussi bon causeur cette nuit que les nuits précédentes. Si la réparation ne te semble pas suffisante, j’y ajouterai à ton gré ; et dès demain, on te payera tes chevaux. » — « Seigneur, » répondit-il, « Dieu te le rende. » — « Je parferai la réparation en te donnant un chaudron[209]dont voici la vertu : si on te tue un homme aujourd’hui, tu n’auras qu’à le jeter dedans pour que le lendemain il soit aussi bien que jamais, sauf qu’il n’aura plus la parole. » Matholwch le remercia, et en conçut très grande joie. Le lendemain on remplaça ses chevaux par d’autres, tant qu’il y eut des chevaux domptés. On alla ensuite dans un autre kymmwt[210], et on lui donna des poulains jusqu’à payement complet ; ce qui fit que ce kymmwt porta, à partir de là, le nom de Tal-ebolyon[211].

La nuit suivante, ils s’assirent en compagnie. « Seigneur, » dit Matholwch à Bendigeit, « d’où t’est venu le chaudron que tu m’as donné ? » — « Il m’est venu, » répondit-il, « d’un homme qui a été dans ton pays, mais je ne sais pas si c’est là qu’il l’a trouvé. » — « Qui était-ce ? » — « Llasar Llaesgyvnewit. Il est venu ici d’Iwerddon, avec Kymideu Kymeinvoll sa femme. Ils s’étaient échappés de la maison de fer, en Iwerddon, lorsqu’on l’avait chauffée à blanc sur eux. Je serais bien étonné si tu ne savais rien à ce sujet. » — « En effet, seigneur, et je vais te dire tout ce que je sais. Un jour que j’étais à la chasse en Iwerddon, sur le haut d’un tertre qui dominait un lac appelé Llynn y Peir (Le lac du Chaudron), j’en vis sortir un grand homme aux cheveux roux, portant un chaudron sur le dos. Il était d’une taille démesurée, et avait l’air d’un malfaiteur. Et s’il était grand, sa femme était encore deux fois plus grande que lui. Ils se dirigèrent vers moi et me saluèrent. « Quel voyage est le vôtre ? » leur dis-je. — « Voici, seigneur, » répondit-il. « Cette femme sera enceinte dans un mois et quinze jours. Celui qui naîtra d’elle, au bout d’un mois et demi sera un guerrier armé de toutes pièces, » — « Je me chargeai de pourvoir à leur entretien, et ils restèrent une année avec moi sans qu’on m’en fît des reproches. Mais, à partir de là, on me fit des difficultés à leur sujet. Avant la fin du quatrième mois, ils se firent eux-mêmes haïr en commettant sans retenue des excès dans le pays, en gênant et en causant des ennuis aux hommes et aux femmes nobles. À la suite de cela, mes vassaux se rassemblèrent et vinrent me sommer de me séparer d’eux en me donnant à choisir entre ces gens et eux-mêmes. Je laissai au pays le soin de décider de leur sort. Ils ne s’en seraient pas allés certainement de bon gré, et ce n’était pas non plus en combattant qu’ils auraient été forcés de partir. Dans cet embarras, mes vassaux décidèrent de construire une maison tout en fer. Quand elle fut prête, ils firent venir tout ce qu’il y avait en Irlande de forgerons possédant tenailles et marteaux, et firent accumuler tout autour du charbon jusqu’au sommet de la maison[212]. Ils passèrent en abondance nourriture et boisson à la femme, à l’homme et à ses enfants. Quand on les sut ivres, on commença à mettre le feu au charbon autour de la maison et à faire jouer les soufflets jusqu’à ce que tout fut chauffé à blanc. Eux tinrent conseil au milieu du sol de la chambre. L’homme, lui y resta jusqu’à ce que la paroi de fer fut blanche. La chaleur devenant intolérable, il donna un coup d’épaule à la paroi et sortit en la jetant dehors, suivi de sa femme. Personne autre qu’eux deux n’échappa. C’est alors, je suppose, qu’il traversa la mer et se rendit près de toi. » — « C’est alors, sans doute, qu’il vint ici et me donna le chaudron. » — « Comment les as-tu accueillis ? » — « Je les ai distribués de tous côtés sur mes domaines. Ils se multiplient et s’élèvent en tout lieu ; partout où ils sont, ils se fortifient en hommes et en armes les meilleurs qu’on ait vus. »

Ils poursuivirent leur entretien cette nuit-là, avec récréations artistiques et compotation, tant qu’il leur plut. Quand ils trouvèrent qu’il valait mieux dormir que de siéger plus longtemps, ils allèrent se coucher. Ils passèrent ainsi le temps du banquet dans la gaieté. Quand il fut terminé, Matholwch partit avec Branwen pour Iwerddon. Ils sortirent d’Aber Menei[213] avec leurs treize navires, et arrivèrent en Iwerddon, où on les accueillit avec de très grandes démonstrations de joie. Il ne venait pas un homme de marque ni une femme noble en Iwerddon faire visite à Branwen, qu’elle ne lui donnât un collier, une bague ou un bijou royal précieux, qui leur donnait un air princier quand ils sortaient. Elle passa ainsi l’année glorieusement, et réussit complètement à acquérir gloire et amitié. Il arriva alors qu’elle devint enceinte. Au bout du temps requis, il lui naquit un fils. On lui donna le nom de Gwern, fils de Matholwch, et on l’envoya élever chez les hommes les meilleurs d’Iwerddon.

La seconde année, il se fit tout à coup grand bruit en Iwerddon, au sujet de l’outrage qu’avait essuyé Matholwch en Kymry [214] (Galles), et du mauvais tour qu’on lui avait joué à propos de ses chevaux. Ses frères de lait et ses plus proches parents lui en firent ouvertement des reproches. Le tumulte devint tel en Iwerddon, qu’il ne pouvait espérer de repos s’il ne tirait vengeance de l’outrage. Voici la vengeance qu’ils décidèrent : il chasserait Branwen de sa chambre, l’enverrait cuire les aliments à la cour, et, tous les jours, le boucher, après avoir coupé la viande, irait à elle et lui donnerait un soufflet. Ce fut le châtiment qu’on imposa à Branwen. « Maintenant, seigneur, » dirent ses hommes à Matholwch, « fais empêcher les navires, les barques et les corwg [215] d’aller en Kymry ; tout ceux qui viendront de Kymry, emprisonne-les ; ne les laisse pas s’en retourner, de peur qu’on ne le sache. » Ils s’arrêtèrent à ce plan. Ils ne restèrent pas moins de trois années ainsi.

Pendant ce temps, Branwen éleva un étourneau sur le bord de son pétrin, lui apprit un langage, lui indiqua quelle espèce d’homme était son frère, et lui apporta une lettre exposant ses souffrances et le traitement injurieux qu’elle subissait[216]. Elle attacha la lettre à la naissance des ailes de l’oiseau, et l’envoya vers Kymry. L’oiseau se rendit dans cette île. Il trouva Bendigeit Vran à Caer Seint[217] en Arvon[218] qui se trouvait être cette fois sa cour de justice. Il descendit sur son épaule et hérissa ses plumes jusqu’à ce qu’on aperçut la lettre et qu’on reconnut qu’on avait affaire à un oiseau élevé dans une maison.

Bendigeit Vran prit la lettre et la lut. Sa douleur fut grande en apprenant les souffrances de Branwen, et il envoya sur-le-champ des messagers pour rassembler l’île tout entière. Il appela à lui toutes les forces des cent cinquante-quatre pays. Il se plaignit lui-même à eux des souffrances qu’on faisait subir à sa sœur, et tint conseil. On décida de faire une expédition en Iwerddon, et de laisser dans cette île sept hommes comme gouverneurs, et Cradawc [219] à leur tête ; c’étaient sept chevaliers. On les laissa en Edeirnon [220], et c’est à cause de cela qu’on appela la ville Seith Marchawc[221] (Sept Chevaliers). C’étaient : Cradawc, fils de Bran ; Eveidd Hir ; Unic Glew Ysgwydd ; Iddic, fils d’Anarawc Walltgrwn ; Ffodor, fils d’Ervyll ; Wlch Minascwrn ; Llashar [222], fils de Llaesar Llaesgywydd, et Pendaran Dyvet qui restait avec eux comme jeune valet. Ces sept hommes restèrent comme administrateurs pour veiller sur l’île ; Cradawc était à leur tête.

Bendigeit Vran et tous les soldats que nous avons indiqués mirent à la voile pour Iwerddon. Les flots n’étaient pas considérables alors ; il marcha à travers les bas-fonds. Il n’y avait que deux rivières appelées Lli et Archan. Depuis, les flots ont étendu leur empire. Bendigeit s’avança, portant sur son dos tout ce qu’il y avait de musiciens [223], et se rendit à la terre d’Iwerddon.

Les porchers de Matholwch, qui étaient sur le bord des eaux, retournèrent auprès de lui. « Seigneur, » dirent-ils, « porte-toi bien. » « Dieu vous donne bien, » répondit-il, « apportez-vous des nouvelles ? » « Oui, seigneur, des nouvelles surprenantes. Nous avons aperçu un bois sur les eaux, à un endroit où auparavant nous n’en avions jamais vu trace. » « Voilà une chose surprenante ; c’est tout ce que vous avez vu ? » « Nous avons vu encore, seigneur, une grande montagne à côté du bois, et cette montagne marchait ; sur la montagne un pic, et de chaque côté du pic un lac. Le bois, la montagne, tout était en marche [224]. » « Il n’y a personne ici à rien connaître à cela, si ce n’est Branwen ; interrogez-la. » Les messagers se rendirent auprès de Branwen. « Princesse, » dirent-ils, « qu’est-ce que tout cela, à ton avis ? » « Ce sont, » répondit-elle, « les hommes de l’île des Forts qui traversent l’eau pour venir ici après avoir appris mes souffrances et mon déshonneur. » ― « Qu’est-ce que ce bois qu’on a vu sur les flots ? » ― « Ce sont des vergues et des mâts de navires. » ― « Oh ! » dirent-ils, « et la montagne que l’on voyait à côté des navires ? » ― « C’est Bendigeit Vran, mon frère, marchant à gué. Il n’y avait pas de navire dans lequel il pût tenir. » ― « Et le pic élevé, et les lacs des deux côtés du pic ? » « C’est lui jetant sur cette île des regards irrités ; les deux lacs des deux côtés du pic sont ses yeux de chaque côté de son nez. »

On rassembla aussitôt tous les guerriers d’Iwerddon, tous les grands chefs, et ont tint conseil. « Seigneur, » dirent les nobles à Matholwch, « il n’y a d’autre plan possible que de reculer par delà la Llinon [225], rivière d’Irlande, de mettre la Llinon entre toi et lui, et de rompre le pont. Il y a au fond de la rivière une pierre aimantée qui ne permet à aucun navire ni vaisseau de la traverser. » Ils se retirèrent de l’autre côté de la rivière, et rompirent le pont. Bendigeit vint à terre et se rendit avec la flotte sur le bord de la rivière. « Seigneur, » lui dirent ses nobles, « tu connais le privilège de cette rivière : personne ne peut la traverser, et il n’y a pas de pont dessus. Quel est ton avis pour un pont ? » ― « Je n’en vois pas d’autre que celui-ci : Que celui qui est chef soit pont [226]. C’est moi qui serai le pont. » C’est alors, pour la première fois, que ce propos fut tenu, et aujourd’hui encore il sert de proverbe. Il se coucha par-dessus la rivière ; on jeta des claies sur lui, et les troupes traversèrent sur son corps. Au moment où il se relevait, les messagers de Matholwch vinrent le saluer et le complimenter de la part de leur maître, son parent par alliance, en l’assurant qu’il n’avait pas démérité de lui, en ce qui dépendait de sa volonté. « Matholwch, » ajoutèrent-ils, « donne le royaume d’Iwerddon à Gwern ton neveu, le fils de ta sœur ; il le lui offre en ta présence, en réparation du tort et des vexations qui ont été faites à Branwen ; tu pourvoiras à l’entretien de Matholwch où tu voudras, ici ou dans l’île des Forts. » « Si je ne puis moi-même, » répondit Bendigeit Vran, « m’emparer du royaume, il se peut que je délibère au sujet de vos propositions. Avant de m’avoir apporté d’autres propositions, ne cherchez pas à obtenir de moi une réponse. » ― « La réponse la plus satisfaisante que nous recevrons, nous te l’apporterons. Attends donc notre message. » « J’attendrai mais revenez assez vite. » Les messagers se rendirent auprès de Matholwch. « Seigneur, » lui dirent-ils, « prépare pour Bendigeit Vran une réponse qui soit plus satisfaisante. Il ne veut rien écouter de celle que nous lui avons apportée de ta part. » ― « Hommes, » dit Matholwch ; quel est votre avis ? » « Seigneur, » répondirent-ils, « nous n’en voyons qu’un. Jamais il n’a pu tenir dans une maison. Et bien ! fais une maison assez grande pour le recevoir lui et les hommes de l’île des Forts d’un côté, toi et ton armée de l’autre. Donne-lui ton royaume pour qu’il en dispose à son gré, et fais-lui hommage. En retour de l’honneur qu’on lui aura fait en bâtissant une maison capable de le contenir, ce qu’il n’a jamais eu, il fera la paix avec toi. » Les messagers retournèrent avec ce message auprès de Bendigeit Vran. Il se décida à accepter. Tout cela se fit par le conseil de Branwen, qui voulait éviter la ruine à un pays qui lui appartenait à elle aussi.

On se mit à exécuter les conditions du traité ; on bâtit une maison haute et vaste. Mais les Gwyddyl (les Irlandais) [227] imaginèrent un stratagème : ils établirent des supports des deux côtés de chacune des cent colonnes de la maison. Ils installèrent un sac de peau sur chaque saillie, et un homme armé dans chaque sac.

Evnyssyen entra avant la troupe de l’île des Forts, et jeta de tous côtés, dans la maison, des regards furieux et méchants. Il aperçut les sacs de peau le long des piliers. « Qu’y a-t-il dans ce sac-ci ? » dit-il à un Gwyddel.» — « De la farine, mon âme, » répondit-il. Il le tâta jusqu’à ce qu’il trouva la tête, et il serra jusqu’à ce qu’il sentit ses doigts se rencontrer dans la moelle à travers les os, et il le laissa. Il mit la main sur un autre, et demanda : « Qu’y a-t-il dans celui-ci. » « De la farine, » répondirent les Gwyddyl. Il se livra au même jeu avec chacun d’eux, jusqu’à ce qu’il ne resta plus de vivant des deux cents hommes qu’un seul. Il alla à ce dernier, et demanda : « Qu’y a-t-il ici ? » — « De la farine, » répondirent les Gwyddyl. Il le tâta jusqu’à ce qu’il eût trouvé la tête, et la lui serra comme aux autres. Il sentit une armure sur la tête de ce dernier, et ne le lâcha pas avant de l’avoir tué. Alors il chanta cet englyn [228] :

« Il y a dans ce sac farine particulière, des champions, des lutteurs, qui descendent dans le combat [229] : combat tout préparé en vue, des combattants. »

À ce moment les troupes entrèrent dans la maison. Les hommes de l’île d’Iwerddon allèrent d’un côté et ceux de l’île des Forts de l’autre. Aussitôt qu’ils furent assis, l’union entre eux se fit. La royauté fut offerte au fils de Matholwch. La paix conclue, Bendigeit Vran fit venir l’enfant ; l’enfant se rendit ensuite auprès de Manawyddan. Tous ceux qui le voyaient le prenaient en affection. Il était avec Manawyddan quand Nyssyen, fils d’Eurosswydd, l’appela auprès de lui. L’enfant alla vers lui gentiment. « Pourquoi, » s’écria Evnyssyen, « mon neveu, le fils de ma sueur, ne vient-il pas à moi ? Ne serait-il pas roi d’Irlande, que je serais heureux d’échanger des caresses avec lui. » « Volontiers, » dit Bendigeit Vran, « qu’il aille. » L’enfant alla à lui tout joyeux. « J’en atteste Dieu, » se dit Evnyssyen, « la famille ne s’attend guère au meurtre que je vais commettre en ce moment. » Il se leva, saisit l’enfant par les pieds, et, avant que personne de la famille ne pût l’arrêter, il lança l’enfant la tête la première dans le feu ardent.

Branwen, en voyant son fils au milieu des flammes, voulut, de l’endroit où elle était assise entre ses deux frères, s’élancer dans le feu ; mais Bendigeit Vran la saisit d’une main et prit son écu de l’autre. Chacun aussitôt de s’attaquer par toute la maison ; cette troupe dans la même maison produit le plus grand tumulte qu’on eût vu ; chacun saisit ses armes. Morddwyt Tyllyon [230] s’écrie alors : « Gwern gwngwch uiwch Vorddwyt Tyllion [231]  !

Chacun alors se jeta sur ses armes. Bendigeit Vran maintint Branwen entre son écu et son épaule. Les Gwyddyl se mirent à allumer du feu sous le chaudron de résurrection. On jeta les cadavres dedans jusqu’à ce qu’il fut plein. Le lendemain, ils se levèrent redevenus guerriers aussi redoutables que jamais, sauf qu’ils ne pouvaient pas parler. Evnyssyen voyant sur le sol les corps privés de renaissance des hommes de l’île des Forts se dit en lui-même : « Ô Dieu, malheur à moi d’avoir été la cause de cette destruction des hommes de l’île des Forts. Honte à moi, si je ne trouve pas un moyen de salut. » Il s’introduisit au milieu des cadavres des Gwyddyl. Deux Gwyddyl aux pieds nus vinrent à lui et, le prenant pour un des leurs, le jetèrent dans le chaudron. Il se distendit lui-même dans le chaudron au point que le chaudron éclata en quatre morceaux et que sa poitrine à lui se brisa. C’est à cela que les hommes de l’île durent tout le succès qu’ils obtinrent. Il se réduisit à ce que sept hommes purent s’échapper ; Bendigeit Vran fut blessé au pied d’un coup de lance empoisonnée. Voici les sept qui échappèrent : Pryderi, Manawyddan, Gliuieri Eil Taran [232], Talyessin [233], Ynawc, Grudyeu, fils de Muryel, Heilyn, fils de Gwyn Hen (le vieux). Bendigeit Vran ordonna qu’on lui coupât la tête. « Prenez ma tête, » leur dit-il ; « portez-la à Gwynn Vryn [234] à Llundein et enterrez-la en cet endroit le visage tourné vers la France. Vous serez longtemps en route. À Harddlech vous resterez sept ans à table, pendant que les oiseaux de Riannon chanteront pour vous. Ma tête sera pour vous une compagnie aussi agréable qu’aux meilleurs moments lorsqu’elle était sur mes épaules. À Gwales [235], en Penvro [236], vous passerez quatre-vingts ans. Jusqu’au moment où vous ouvrirez la porte qui donne sur Aber Henvelen [237], vers Kernyw, vous pourrez y séjourner et conserver la tête intacte. Mais ce sera impossible, dès que vous aurez ouvert la porte ; traversez droit devant vous. » Ils lui coupèrent la tête, et, l’emportant avec eux, partirent à travers le détroit tous les sept, sans compter Branwen[238].

Ils débarquèrent à Aber Alaw [239] en Talebolyon. Là ils s’assirent et se reposèrent. Branwen porta ses regards vers Iwerddon et sur l’île des Forts, sur ce qu’elle en pouvait apercevoir ; « Hélas, fils de Dieu, » s’écria-t-elle « maudite soit ma naissance ! Deux îles si belles détruites à cause de moi ! » Elle poussa un grand soupir et son cœur se brisa. On lui fit une tombe carrée et on l’enterra en cet endroit sur le bord de l’Alaw. Les sept hommes se dirigèrent vers Harddlech avec la tête. En chemin, ils rencontrèrent une troupe d’hommes et de femmes. « Avez-vous des nouvelles ? » dit Manawyddan. — « Pas d’autres, » répondirent-ils, « sinon que Caswallawn [240] fils de Beli a pris possession de l’île des Forts et qu’il est roi couronné à Lundein. » — « Qu’est-il arrivé, » dirent les sept, « à Caradawc, fils de Bran, et aux sept hommes qui ont été laissés avec lui dans cette île ? » « Kaswallawn les a attaqués et en a tué six ; le cœur de Caradawc s’est brisé de désespoir[241] lorsqu’il a vu l’épée tuer ses hommes sans savoir qui les frappait. C’était Kaswallawn qui avait revêtu un manteau enchanté, de sorte que personne ne le voyait les tuer : on n’apercevait que l’épée. Pour Caradawc, il ne voulait pas le tuer, parce que c’était son neveu, le fils de son cousin germain. Ce fut un des trois hommes dont le cœur se brisa de chagrin. Pendaran Dyvet qui était jeune valet avec les sept hommes s’est échappé dans un bois. » Ils se rendirent à Harddlech et s’y installèrent. Ils commencèrent à se pourvoir en abondance de nourriture et de boisson, et se mirent à manger et à boire. Trois oiseaux vinrent leur chanter certain chant auprès duquel étaient sans charme tous ceux qu’ils avaient entendus. Les oiseaux se tenaient au loin au-dessus de flots et ils les voyaient cependant aussi distinctement que s’ils avaient été avec eux. Ce repas dura sept ans ; au bout de la septième année, ils partirent pour Gwales [242] en Penvro. Ils y trouvèrent un endroit agréable, royal au-dessus des flots, et une grande salle. Deux des portes étaient ouvertes, mais la troisième étaient fermée, celle qui donnait sur Kernyw « Voilà, » dit Manawyddan, « la porte que nous ne devons pas ouvrir. » Ils y passèrent la nuit et au milieu de l’abondance et de la gaieté. Quoi qu’ils eussent vu de souffrances, quoi qu’ils en eussent éprouvé eux-mêmes, ils ne se rappelèrent rien, non plus qu’aucun chagrin au monde. Ils y passèrent quatre-vingt années de telle sorte qu’ils ne se rappelaient pas avoir eu un meilleur temps ni plus agréable dans toute leur vie. Ils n’étaient pas plus fatigués ; aucun d’eux ne s’apercevait que l’autre fût plus vieux de tout ce temps qu’au moment où ils étaient venus. La compagnie de la tête ne leur était pas plus pénible que pendant que Bendigeit Vran était en vie. C’est à cause des quatre-vingts années passées ainsi qu’on désigne ce temps sous le nom de Réception de la tête sacrée [243]. Le temps de l’expédition en Iwerddon s’appelle la réception de Branwen et de Matholwch. Mais voici ce que fit un jour Heilyn, fils de Gwynn. « Honte sur ma barbe, » s’écria-t-il, « si je n’ouvre pas cette porte pour savoir si ce qu’on dit est vrai. » Il ouvrit la porte et jeta ses regards sur Kernyw et Aber Henvelen. Aussitôt qu’il eut regardé, toutes les pertes qu’ils avaient faites, la mort de leurs parents et de leurs compagnons, tout le mal qui leur était arrivé leur revint en mémoire aussi clairement que si tout fût survenu à ce moment même, mais, par dessus tout, la perte de leur seigneur. À partir de ce moment, ils n’eurent pas de repos et partirent pour Llundein avec la tête.

Quelle qu’ait été la longueur de leur voyage, ils y arrivèrent et enterrèrent la tête dans Gwynn Vryn. Ce fut, quand on l’enterra, la troisième bonne cachette, et, quand on la découvrit, la troisième mauvaise découverte : aucun fléau ne pouvait en effet venir dans cette île, tant que la tête aurait été cachée en cet endroit. Voilà ce que dit l’histoire de leur aventure. Ce furent là les hommes qui revinrent d’Iwerddon.

En Iwerddon, il ne resta de vivant que cinq femmes enceintes, dans une grotte, dans le désert. Il naquit à la même époque à ces cinq femmes cinq fils. Elles les élevèrent jusqu’à ce qu’ils fussent de grands jeunes gens, qu’ils pensèrent aux femmes et les désirèrent. Alors chacun d’eux coucha avec la mère de l’autre. Ils gouvernèrent le pays, le peuplèrent et le divisèrent entre eux cinq : c’est de ce partage entre cinq que viennent les cinq divisions actuelles d’Iwerddon[244]. Ils examinèrent le terrain à l’endroit où avaient eu lieu les batailles ; il y trouvèrent tant d’or et d’argent qu’ils devinrent riches [245]. Voilà comment se termine cette branche du Mabinogi, traitant de la cause du soufflet donné à Branwen, le troisième des funestes soufflets donnés dans cette île ; de la réception de Bran quand il alla en Iwerddon avec les troupes des cent cinquante-quatre pays punir le soufflet de Branwen ; du souper à Harddlech pendant sept années ; du chant des oiseaux de Riannon, et de l’hospitalité de la tête comprenant quatre-vingt ans.



MANAWYDDAN[246], fils de Llyr


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Voici la troisième branche du Mabinogi.


Lorsque les sept hommes dont nous vous avons parlé plus haut eurent enterré dans Gwynvryn à Llundein la tête de Bendigeit Vran, le visage tourné vers la France, Manawyddan, jetant les yeux sur la ville de Llundein et sur ses compagnons, poussa un grand soupir et fut pris de grande douleur et de grand regret. « Dieu tout-puissant, » s’écria-t-il, « malheur à moi ! Il n’y a personne qui n’ait un refuge cette nuit, excepté moi ! » ― « Seigneur, » dit Pryderi, « ne te laisse pas abattre ainsi. C’est ton cousin germain qui est roi de l’île des Forts. En supposant qu’il puisse avoir eu des torts vis-à-vis de toi, il faut reconnaître que tu n’as jamais réclamé terre ni possession ; tu es un des trois qui sont princes sans l’être. » ― « Quoique cet homme soit mon cousin, » répondit Manawyddan, « il est toujours assez triste pour moi de voir qui que ce soit à la place de mon frère Bendigeit Vran. Je ne pourrai jamais être heureux dans la même demeure que lui. » ― « Veux-tu suivre un conseil ? » ― « J’en ai grand besoin ; quel est-il ce conseil ? » – « Sept cantrevs m’ont été laissés en héritage ; ma mère Riannon y demeure. Je te la donnerai et avec elle les sept cantrevs. Ne t’inquiète pas quand même tu n’aurais pas d’autres possessions ; il n’y en a pas au monde de meilleurs. Ma femme est Kicva, la fille de Gwynn Gohoyw. Les domaines seront à mon nom, mais vous en aurez la jouissance, toi et Riannon. Si tu désirais jamais des domaines en propre, tu pourrais prendre ceux-là. » ― « Non jamais, seigneur : Dieu te rende ta confraternité ! » ― « Si tu veux, toute l’amitié dont je suis capable sera pour toi. » ― « J’accepte, mon âme : Dieu te le rende. Je vais aller avec toi voir Riannon et tes états. » ― « Tu as raison ; je ne crois pas que tu aies jamais entendu femme causant mieux qu’elle. À l’époque où elle était dans la fleur de la jeunesse, il n’y en avait pas de plus parfaite, et maintenant encore son visage ne te déplaira plus. »

Ils partirent aussitôt, et, quelle qu’ait été la longueur de leur voyage, ils arrivèrent en Dyvet. Ils trouvèrent festin préparé à leur intention en arrivant à Arberth ; c’était Riannon et Kicva qui l’avaient organisé. Ils se mirent tous à table ensemble et Manawyddan et Riannon causèrent. Cet entretien lui inspira pour elle de tendres sentiments et il fut heureux de penser qu’il n’avait jamais vu de femme plus belle ni plus accomplie. « Pryderi, » dit-il, « je me conformerai à tes paroles. » ― « Quelles paroles ? » demanda Riannon. ― « Princesse, » répondit Pryderi, « je t’ai donnée comme femme à Manawyddan fils de Llyr. » ― « J’obéirai avec plaisir, » dit Riannon. ― « Et moi aussi, » dit Manawyddan. « Dieu récompense celui qui me témoigne une amitié aussi solide. » Avant la fin du banquet, il coucha avec elle. « Jouissez, » dit Pryderi, « de ce qui reste du festin. Moi, je m’en vais aller porter mon hommage à Kasswallawn, fils de Beli, en Lloegyr [247]. » ― « Seigneur, » répondit Riannon, « Kasswallawn est en Kent. Tu peux terminer ce banquet et attendre qu’il soit plus près. » ― « Nous attendrons donc, » dit-il. Ils achevèrent le banquet et ils se mirent à faire leur tour de Dyvet, à chasser, à prendre plaisir. En circulant à travers le pays, ils constatèrent qu’ils n’avaient jamais vu pays plus habité, meilleur pays de chasse, mieux pourvu de miel et de poisson. Leur amitié à tous les quatre grandit ainsi à tel point qu’ils ne pouvaient se passer les uns des autres ni jour ni nuit.

Entre temps, Pryderi alla porter son hommage à Kasswallawn à Ryt-ychen [248]. Il y reçut un excellent accueil et on lui fut reconnaissant de son hommage. Lorsqu’il fut de retour, Manawyddan et lui se mirent aux festins et aux délassements. Le festin commença à Arberth ; c’était la principale cour et c’était toujours par elle que commençait toute cérémonie. Après le premier repas, ce soir-là, pendant que les serviteurs étaient en train de manger, ils sortirent tous les quatre et se rendirent avec leur suite au Tertre d’Arberth. Comme ils y étaient assis, un grand coup de tonnerre se fit entendre, suivi d’un nuage si épais qu’ils ne pouvaient s’apercevoir les uns les autres. La nuée se dissipa et tout s’éclaircit autour d’eux. Lorsqu’ils jetèrent les yeux sur cette campagne où auparavant on voyait troupeaux, richesses, habitations, tout avait disparu, maison, bétail, fumée, hommes, demeures ; il ne restait que les maisons de la cour, vides, sans aucune créature humaine, sans un animal. Leurs compagnons mêmes avaient disparu sans laisser de traces ; ils ne restaient qu’eux quatre. « Oh ! Seigneur Dieu ! » s’écria Manawyddan, « où sont les gens de la cour ? Où sont tous nos autres compagnons ? Allons voir. » Ils se rendirent à la salle personne ; à la chambre et au dortoir : personne ; à la cave à l’hydromel, à la cuisine : tout était désert. Ils se mirent tous les quatre à continuer le festin, à chasser, à prendre leur plaisir. Chacun d’eux parcourut le pays et les domaines pour voir s’ils trouveraient des maisons et des endroits habités, mais ils n’aperçurent, rien que des animaux sauvages. Le festin et les provisions épuisés, ils commencèrent à se nourrir de gibier, de poisson, de miel sauvage. Ils passèrent ainsi joyeusement une première année, puis une deuxième, mais à la fin la nourriture commença à manquer. « Nous ne pouvons en vérité, » dit Manawyddan, « rester ainsi. Allons en Lloegyr et cherchons un métier qui nous permettre de vivre. »

Ils se rendirent en Lloegyr et s’arrêtèrent à Henffordd (Hereford). Ils se donnèrent comme selliers. Manawyddan se mit à façonner des arçons et à les colorer en bleu émaillé comme il l’avait vu faire à Llasar Llaesgygwyd. Il fabriqua comme lui l’émail bleu, qu’on a appelé calch lasar [249] du nom de son inventeur, Llasar Llaesgygwyd [250]. Tant qu’on en trouvait chez Manawyddan, on n’achetait dans tout Henffordd à aucun sellier ni arçon ni selle ; si bien que les selliers s’aperçurent que leurs gains diminuaient beaucoup ; on ne leur achetait rien que quand on n’avait pu se fournir auprès de Manawyddan. Ils se réunirent tous et convinrent de tuer Manawyddan et son compagnon. Mais ceux-ci en furent avertis et délibérèrent de quitter la ville. « Par moi et Dieu, » dit Pryderi, « je ne suis d’avis de partir, mais bien de tuer ces vilains-là. » ― « Non pas, » répondit Manawyddan ; « si nous nous battions avec eux, nous nous ferions une mauvaise réputation et on nous emprisonnerait. Nous ferons mieux d’aller chercher notre subsistance dans une autre ville. »

Ils se rendirent alors tous les quatre à une autre cité. « Quel métier professerons-nous ? » dit Pryderi. ― « Faisons des boucliers, » répondit Manawyddan. ― « Mais y connaissons-nous quelque chose ? » ― « Nous essaierons toujours. » Ils se mirent à fabriquer des écus ; ils les façonnèrent sur le modèle des bons qu’ils avaient vus et leur donnèrent la même couleur qu’aux selles. Ce travail leur réussit si bien qu’on n’achetait un écu dans toute la ville que lorsqu’on n’en avait pas trouvé chez eux. Ils travaillaient vite ; ils en firent une quantité énorme ; ils continuèrent jusqu’à ce qu’ils firent tomber le commerce des ouvriers de la ville et que ceux-ci s’entendirent pour chercher à les tuer. Mais ils furent avertis ; ils apprirent que ces gens avaient décidé leur mort. « Pryderi, » dit Manawydan, « ces hommes veulent nous tuer. » ― « Ne supportons point pareille chose, » répondit-il, « de ces vilains ; marchons contre eux et tuons-les. » ― « Non point ; Kaswallawn et ses hommes l’apprendraient ; nous serions perdus. Allons dans une autre ville. » Ils arrivèrent dans une autre ville. « À quel art nous mettrons-nous maintenant, » dit Manawyddan ? ― « À celui que tu voudras de ceux que nous savons, » répondit Pryderi. ― « Non point ; faisons de la cordonnerie. Des cordonniers n’auront jamais assez d’audace pour chercher à nous tuer ou à nous créer des obstacles. » ― « Mais moi, je n’y connais rien. » ― « Je m’y connais moi, et je t’apprendrai à coudre. Ne nous mêlons pas de préparer le cuir, achetons-le tout préparé et mettons-le en œuvre. » Il se mit à acheter le cordwal [251] le plus beau qu’il trouva dans la ville ; il n’achetait pas d’autre cuir excepté pour les semelles. Il s’associa avec le meilleur orfèvre de la ville ; il lui fit faire des boucles pour les souliers, dorer les boucles, et le regarda faire jusqu’à ce qu’il eût appris lui-même. C’est à cause de cela qu’on l’a surnommé un des trois cordonniers-orfèvres [252]. Tant qu’on trouvait chez lui soulier ou chaussure, on n’en achetait chez aucun cordonnier dans toute la ville. Les cordonniers reconnurent qu’ils ne gagnaient plus rien. À mesure que Manawyddan façonnait, Pryderi cousait. Les cordonniers se réunirent et tinrent conseil ; le résultat de la délibération fut qu’ils s’entendirent pour les tuer. « Pryderi », dit Manawyddan,« ces gens veulent nous tuer. » ― « Pourquoi supporter pareille chose », répondit Pryderi, « de ces voleurs de vilains ? Tuons-les tous. » ― « Non pas », dit Manawyddan ; « nous ne nous battrons pas avec eux et nous ne resterons pas plus longtemps en Lloegyr. Dirigeons-nous vers Dyvet et allons examiner le pays. »

Quelque temps qu’ils aient été en route, ils arrivèrent à Dyvet et se rendirent à Arberth. Ils y allumèrent du feu, et se mirent à se nourrir de gibier ; ils passèrent un mois ainsi. Ils rassemblèrent leurs chiens autour d’eux et vécurent ainsi pendant une année. Un matin, Pryderi et Manawyddan se levèrent pour aller à la chasse ; ils préparèrent leurs chiens et sortirent de la cour. Certains de leurs chiens partirent devant et arrivèrent à un petit buisson qui se trouvait à côté d’eux. Mais à peine étaient-ils allés au buisson qu’ils reculèrent immédiatement, le poil hérissé et qu’ils retournèrent vers leurs maîtres. « Approchons du buisson, » dit Pryderi, « pour voir ce qu’il y a ». Ils se dirigèrent de ce côté, mais quand ils furent auprès, tout d’un coup un sanglier d’un blanc éclatant se leva du buisson. Les chiens excités par les hommes s’élancèrent sur lui. Il quitta le buisson et recula à une certaine distance des hommes. Jusqu’à ce que les hommes fussent près de lui, il rendit les abois [253] aux chiens sans reculer devant eux. Lorsque les hommes le serrèrent de près, il recula une seconde fois et rompit les abois. Ils poursuivirent ainsi le sanglier jusqu’en vue d’un fort très élevé, paraissant nouvellement bâti, dans un endroit où ils n’avaient jamais vu ni pierre ni trace de travail. Le sanglier se dirigea rapidement vers le fort, les chiens à la suite. Quand le sanglier et les chiens eurent disparu à l’intérieur, ils s’étonnèrent de trouver un fort là où ils n’avaient jamais vu trace de construction. Du haut du tertre, ils regardèrent et écoutèrent mais il eurent beau attendre, ils n’entendirent pas un seul chien et n’en virent pas trace. « Seigneur, » dit Pryderi, « je m’en vais au château chercher des nouvelles des chiens. » ― « Ce n’est pas une bonne idée, » répondit Manawyddan, « que d’aller dans ce château que tu n’as jamais vu. Si tu veux m’écouter, tu n’iras pas. C’est le même qui a jeté charme et enchantement sur le pays qui a fait paraître le château en cet endroit. » ― « Assurément, je n’abandonnerai pas mes chiens, » dit Pryderi. En dépit de tous les conseils de Manawyddan, il se rendit au château. Il entra et n’aperçut ni homme, ni animal, ni le sanglier, ni les chiens, ni maison, ni endroit habité. Sur le sol vers le milieu du fort, il y avait une fontaine entourée de marbre, et sur le bord de la fontaine, reposant sur une dalle de marbre, une coupe d’or attachée par des chaînes qui se dirigeaient en l’air et dont il ne voyait pas l’extrémité [254]. Il fut tout transporté de l’éclat de l’or et de l’excellence du travail de la coupe. Il s’en approcha et la saisit. Au même instant, ses deux mains s’attachèrent à la coupe et ses deux pieds à la dalle de marbre qui la portait. Il perdit la voix et fut dans l’impossibilité de prononcer une parole. Il resta dans cette situation.

Manawyddan, lui, attendit jusque vers la fin du jour. Quand le temps de nones touchait à sa fin et qu’il fut bien sûr qu’il n’avait pas de nouvelles à attendre de Pryderi ni des chiens, il retourna à la cour. Quand il rentra, Riannon le regarda : « Où est ton compagnon ? » dit-elle. « Où sont les chiens ? » ― « Voici l’aventure qui m’est arrivé, » répondit-il. Et il lui raconta tout. « Vraiment, » dit Riannon, « tu es un mauvais camarade et tu en as perdu un bien bon ! » En disant ces mots, elle sortit. Elle se dirigea vers la région où il lui avait dit que Pryderi et le fort se trouvaient. La porte était ouverte ; tout y était au grand jour. Elle entra. En entrant, elle aperçut Pryderi les mains sur la coupe. Elle alla à lui : « Oh ! Seigneur, » dit-elle, « que fais-tu là ? » et elle saisit la coupe. Aussitôt, ses deux mains s’attachèrent à la coupe, ses deux pieds à la dalle, et il lui fut impossible de proférer une parole. Ensuite, aussitôt qu’il fut nuit, un coup de tonnerre se fit entendre, suivi d’un épais nuage, et le fort et eux-mêmes disparurent.

Kicva, fille de Gwyn Gohoyw, voyant qu’il ne restait plus dans la cour que Manawyddan et elle, en conçut tant de douleur que la mort lui semblait préférable à la vie. Ce que voyant, Manawyddan lui dit : « Tu as tort, assurément, si c’est par peur de moi que tu es si affectée ; je te donne Dieu comme caution que je serai pour toi le compagnon le plus sûr que tu aies jamais vu, tant qu’il plaira à Dieu de prolonger pour toi cette situation. Par moi et Dieu, je serais au début de la jeunesse que je garderais ma fidélité envers Pryderi. Je la garderai aussi pour toi. N’aie pas la moindre crainte. Ma société sera telle que tu voudras, autant qu’il sera en mon pouvoir, tant qu’il plaira à Dieu de nous laisser dans cette situation pénible et cette affliction. » ― « Dieu te le rende », répondit-elle ; « c’est bien ce que je supposais. » La jeune femme en conçut joie et assurance. « Vraiment », dit Manawyddan, « ce n’est pas le moment pour nous de rester ici : nous avons perdu nos biens, il nous est impossible d’avoir notre subsistance. Allons en Lloeger[255], nous trouverons à y vivre plus facilement. » ― « Volontiers, seigneur, » répondit-elle ; « suivons ton idée. »

Ils marchèrent jusqu’en Lloegyr. « Quel métier professeras-tu, seigneur ? » dit-elle. « Prends-en un propre. » ― « Je n’en prendrai pas d’autre », répondit-il, « que la cordonnerie, comme je l’ai fait auparavant. » ― « Seigneur, ce n’est pas un métier assez propre pour un homme aussi habile, d’aussi haute condition que toi. » ― « C’est cependant à celui-là que je me mettrai. » Il se mit à exercer sa profession ; il se servit pour son travail du cordwal le plus beau qu’il trouva dans la ville. Puis, comme ils l’avaient fait ailleurs, ils se mirent à fermer les souliers avec des boucles dorées ; si bien que le travail des cordonniers de la ville était inutile ou de peu de valeur auprès du sien. Tant qu’on trouvait chez lui chaussure ou bottes, on n’achetait rien aux autres. Au bout d’une année de cette existence, les cordonniers furent animés de jalousie et de mauvais desseins contre lui ; mais il fut averti et informé que les cordonniers s’étaient entendu pour le tuer : « Seigneur, » dit Kicva, « pourquoi supporter pareille chose de ces vilains ? » ― « Laissons, » répondit Manawyddan, « et retournons en Dyvet. » Ils partirent pour Dyvet.

En partant, Manawyddan emporta avec lui un faix de froment. Il se rendit à Arberth et s’y fixa. Il n’avait pas de plus grand plaisir que de voir Arberth et les lieux où il avait été chasser en compagnie de Pryderi et de Riannon. Il s’habitua à prendre le poisson et les bêtes sauvages dans leur gîte. Ensuite il se mit à labourer la terre, puis il ensemença un clos, puis un second, puis un troisième. Il vit bientôt se lever le froment le meilleur du monde et le blé de ses trois clos grandir de même façon ; il était impossible de voir plus beau froment. Les diverses saisons de l’année passèrent ; l’automne arriva. Il alla voir un de ses clos : il était mûr. « Je moissonnerai celui-là demain. » dit-il. Il retourna passer la nuit à Arberth, et, au petit jour, il partit pour moissonner son clos. En arrivant, il ne trouva que la paille nue ; tout était arraché à partir de l’endroit où la tige se développe en épi ; l’épi était entièrement enlevé, il ne restait que le chaume. Il fut grandement étonné et alla voir un autre clos celui-là était mûr. « Assurément, » dit-il, « je viendrai moissonner celui-ci demain. »

Le lendemain, il revint avec l’intention d’y faire la moisson : en arrivant, il ne trouva que le chaume nu. « Seigneur Dieu », s’écria-t-il, « qui donc est ainsi à consommer ma perte ? Je le devine : c’est celui qui a commencé qui achève et ma perte et celle du pays. » Il alla voir le troisième clos ; il était impossible de voir plus beau froment, et celui-là aussi était mûr. « Honte à moi, » dit-il, « si je ne veille cette nuit. Celui qui a enlevé l’autre blé viendra enlever aussi celui-ci ; je saurai qui c’est. » Il avertit Kicva. « Qu’as-tu l’intention de faire ? » dit-elle, ― « Surveiller ce clos cette nuit, » répondit-il. Il y alla.

Vers minuit, il entendit le plus grand bruit du monde. Il regarda : c’était une troupe de souris, la plus grande au monde, qui arrivait ; il était impossible de les compter ni d’en évaluer le nombre. Avant qu’il ne pût s’en rendre compte, elles se précipitèrent dans le clos ; chacune grimpa le long d’un tige, l’abaissa avec elle, cassa l’épi et s’élança avec lui dehors, laissant le chaume nu. Il ne voyait pas une tige qui ne fût attaquée par une souris et dont elles n’emportassent l’épi avec elles. Entraîné par la fureur et le dépit, il se mit à frapper au milieu des souris, mais il n’en atteignit aucune, comme s’il avait eu affaire à des moucherons ou à des oiseaux dans l’air. Il en avisa une d’apparence très lourde, au point qu’elle paraissait incapable de marcher. Il se mit à sa poursuite, la saisit, la mit dans son gant, dont il lia les extrémités avec une ficelle, et se rendit avec le gant à la cour.

Il entra dans la chambre où se trouvait Kicva, alluma du feu et suspendit le gant par la ficelle à un support. « Qu’y a-t-il là, seigneur ? » dit Kicva. ― « Un voleur, » répondit-il, « que j’ai surpris en train de me voler. » ― « Quelle espèce de voleur, seigneur, pourrais-tu bien mettre ainsi dans ton gant ? » – « Voici toute l’histoire. » Et il lui raconta comment on lui avait gâté et ruiné ses clos, et comment les souris avaient envahi le dernier en sa présence. « Une d’entre elles, » ajouta-t-il, « était très lourde : c’est celle que j’ai attrapée et qui est dans le gant. Je la pendrai demain, et, j’en prends Dieu à témoin, je les pendrais toutes, si je les tenais. » ― « Seigneur, je le comprends. Mais ce n’est pas beau de voir un homme aussi élevé, d’aussi haute noblesse que toi, pendre un vil animal comme celui-là. Tu ferais bien de ne pas y toucher et de le laisser aller. » ― « Honte à moi, si je ne les pendais pas toutes, si je les tenais. Je pendrai toujours celle que j’ai prise. » ― « Seigneur, je n’ai aucune raison de venir en aide à cet animal ; je voulais seulement t’éviter une action peu noble. Fais ta volonté, seigneur. » ― « Si je savais que tu eusses le moindre sujet de lui venir en aide, princesse, je suivrais ton conseil, mais, comme je n’en vois pas, je suis décidé à le tuer. » ― « Volontiers, fais-le. »

Il se rendit à Gorsedd Arberth [256] avec la souris et planta deux fourches à l’endroit le plus élevé du tertre. À ce moment, il vit venir de son côté un clerc revêtu de vieux habits de peu de valeur, pauvres. Il y avait sept ans que Manawyddan n’avait vu ni homme ni bête, à l’exception des personnes avec lesquelles il avait vécu, lui quatrième, jusqu’au moment où deux d’entre elles encore avaient disparu. « Seigneur, » dit le clerc, « bonjour à toi. » ― « Dieu te donne bien, » répondit-il, « sois le bienvenu. D’où viens-tu, clerc ? » ― « Je viens de Lloegyr, où j’ai été chanter[257]. Pourquoi me le demandes-tu ? » ― « Parce que, depuis sept ans, je n’ai vu que quatre personnes isolées, et toi en ce moment. » ― « Eh bien, Seigneur, moi je me rends maintenant, à travers cette contrée, dans mon propre pays. À quoi es-tu donc occupé, seigneur ? » ― « À pendre un voleur que j’ai surpris me volant. » ― « Quelle espèce de voleur ? Je vois dans ta main quelque chose comme une souris. Il n’est guère convenable, pour homme de ton rang, de manier un pareil animal ; lâche-le. » ― « Je ne le lâcherai point, par moi et Dieu. Je l’ai surpris en train de me voler ; je lui appliquerai la loi des voleurs : je le pendrai ». ― « Seigneur, plutôt que de voir un homme de ton rang accomplir pareille besogne, je te donnerai une livre que j’ai recueillie en mendiant ; donne la liberté à cet animal. » ― « Je n’en ferai rien, et je ne le vendrai pas. » ― « Comme tu voudras, seigneur ; si ce n’était pour ne pas voir un homme de ton rang manier un pareil animal, cela me serait indifférent. » Et le clerc s’éloigna.

Au moment où il mettait la traverse sur les fourches, il vit venir à lui un prêtre monté sur un cheval harnaché. « Seigneur, » dit le prêtre, « bonjour à toi. » ― « Dieu te donne bien, » répondit Manawyddan : « ta bénédiction ? » ― « Dieu te bénisse. Et que fais-tu là, seigneur ? » ― « Je pends un voleur que j’ai pris en train de me voler. » ― « Quelle espèce de voleur est celui-là, seigneur ? » ― « C’est un animal, une espèce de souris ; il m’a volé ; il aura la mort des voleurs. » ― « Seigneur, plutôt que te voir manier pareil animal, je te l’achète ; lâche-le. » ― « J’en atteste Dieu : je ne le vendrai ni ne le lâcherai. » ― « Il est juste de reconnaître, seigneur, qu’il n’a aucune valeur. Mais, pour ne pas te voir te salir au contact de cette bête, je te donnerai trois livres ; lâche-le. » ― « Je ne veux, par moi et Dieu, pour lui aucune compensation autre que celle à laquelle il a droit : la pendaison. » ― « C’est bien, seigneur, fais à ta tête. » Le prêtre prit le large.

Manawyddan enroula la ficelle autour du cou de la souris. Comme il se mettait à l’élever en l’air, il aperçu un train[258] d’évêque avec ses bagages et sa suite. L’évêque se dirigeait vers lui. Il s’arrêta dans son œuvre. « Seigneur évêque, » dit-il, « ta bénédiction ? » ― « Dieu te donne sa bénédiction, » répondit-il. ― « Que fais-tu donc là ? » ― « Je pends un voleur que j’ai pris en train de me voler. » ― « N’est-ce pas une souris que je vois dans ta main ? » ― « Oui, et elle m’a volé. » ― « Puisque je surviens au moment où elle va périr, je te l’achète ; je te donnerai pour elle sept livres. Je ne veux pas voir un homme de ton rang détruire un animal aussi insignifiant que celui-là ; lâche-le donc, et la somme est à toi. » ― « Je ne le lâcherai pas, par moi et Dieu. » ― « Puisque tu ne veux pas le relâcher à ce prix, je t’offre vingt-quatre livres d’argent comptant. » ― « Je ne le lâcherais pas, j’en prends Dieu à témoin, pour le double. » ― « Puisque tu ne veux pas le lâcher à ce prix, je te donne tout ce que tu vois de chevaux dans ce champ, les sept charges et les sept chevaux qui les traînent. » ― « Je refuse, par moi et Dieu. » ― « Puisque tu n’en veux pas, fais ton prix toi-même. » ― « Je veux la liberté de Riannon et Pryderi. » ― « Tu l’auras. » ― « Ce n’est pas assez, par moi et Dieu. » ― « Que veux-tu donc ? » ― « Que tu fasses disparaître le charme et l’enchantement de dessus les sept cantrevs. » ― « Je te l’accorde ; relâche la souris. » ― « Je ne la lâcherai pas avant d’avoir su qui elle est. » ― « C’est ma femme, et si cela n’était, je n’essaierais pas de la faire relâcher[259]. » ― « Pour quoi est-elle venue à moi ? » ― « Pour piller. Je suis Llwyt, fils de Kilcoet [260]. C’est moi qui ai jeté le charme sur les sept cantrevs de Dyvet, et cela par amitié pour Gwawl, fils de Clut, et qui ai puni sur Pryderi le jeu du Blaireau dans le sac [261] que Pwyll, chef d’Annwn, avait fait subir à Gwawl dans la cour d’Eveydd Hen, par une mauvaise inspiration. Ayant appris que tu étais venu habiter le pays, les gens de ma famille vinrent me trouver, et me demandèrent de les changer en souris pour détruire ton blé. La première nuit, il n’y eut que mes gens à y aller ; la deuxième nuit, de même, et ils détruisirent les deux clos. La troisième nuit, ma femme et les dames de la cour me prièrent de les métamorphoser aussi. Je le fis. Elle était enceinte ; sans cela tu ne l’aurais pas atteinte. Puisqu’il en est ainsi, et que tu la tiens, je te rendrai Pryderi et Riannon ; je débarrasserai Dyvet du charme et de l’enchantement. Je t’ai révélé qui elle était ; lâche-la maintenant. » ― « Je ne le ferai point, par moi et Dieu. » ― « Que veux-tu donc ? » ― « Voici ce que je veux : qu’il n’y ait jamais d’enchantement, et qu’on ne puisse jeter de charme sur Dyvet. » ― « Je l’accorde ; lâche-la. » ― « Je n’en ferai rien par ma foi. » ― « Que veux-tu donc encore ? » ― « Qu’on ne tire jamais vengeance de ceci sur Pryderi, Riannon et moi. » ― « Tout cela, tu l’auras, et tu as été vraiment bien inspiré ; sans cela, tous les malheurs retombaient sur toi. » ― « Oui, et c’est pour l’éviter que j’ai ainsi précisé. » ― « Mets ma femme en liberté maintenant. » ― « Je ne la délivrerai pas, par moi et Dieu, avant d’avoir vu Pryderi et Riannon libres ici avec moi. » ― « Les voici qui viennent. » À ce moment parurent Pryderi et Riannon.

Manawyddan alla à leur rencontre, les salua, et ils s’assirent ensemble. « Seigneur, » dit l’évêque, « délivre maintenant ma femme ; n’as-tu pas eu tout ce que tu as indiqué ? » ― « Avec plaisir. » Et il la mit en liberté. L’évêque la frappa de sa baguette enchantée, et elle redevint une jeune femme, la plus belle qu’on eût jamais vue. « Regarde le pays autour de toi, » dit-il, « et tu verras les maisons et les habitations en aussi bon état que jamais. » Il se leva et regarda. Tout le pays était habité, pourvu de ses troupeaux[262] et de toutes ses maisons. « À quel service ont été occupés Pryderi et Riannon ? » dit Manawyddan. ― « Pryderi portait au cou les marteaux de la porte de ma cour. Riannon avait au cou, elle, les licous des ânes après qu’ils avaient été porter le foin. Voilà quelle a été leur captivité. » C’est à cause de cela qu’on a appelé cette histoire le Mabinogi de Mynnweir et de Mynordd[263]. Ainsi se termine cette branche du Mabinogi.



MATH, fils de Mathonwy


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Voici la quatrième branche du Mabinogi.


Math[264], fils de Mathonwy, était maître de Gwynedd[265], et Pryderi, fils de Pwyll, de vingt et un cantrevs du Sud, c’est à dire des sept cantrevs de Dyvet, des sept cantrevs de Morganhwc[266] (Glamorgan), des quatre de Keredigyawn (Cardigan) et des trois d’Ystrat Tywi (Carmarthen)[267]. À cette époque, Math, fils de Mathonwy, ne pouvait vivre qu’à la condition que ses deux pieds reposassent dans le giron d’une vierge, à moins toutefois que le tumulte de la guerre ne s’y opposât[268]. La vierge qui vivait ainsi avec lui était Goewin, fille de Pebin, de Dol Pebin[269] en Arvon. C’était bien, à la connaissance des gens du pays, la plus belle jeune fille de son temps. Math résidait toujours à Caer Dathyl[270] en Arvon ; il ne pouvait faire le tour du pays, mais Gilvaethwy, fils de Don[271] et Eveydd[272], fils de Don, ses neveux, fils de sa sœur, ainsi que les gens de sa famille, le faisaient à sa place ; la jeune fille ne le quittait pas. Or, Gilvaethwy tourna ses pensées vers la jeune fille et se mit à l’aimer au point qu’il ne savait que faire à cause d’elle. Tel était son amour qu’il commença à dépérir, couleur, physionomie, aspect extérieur : c’est à peine si on l’aurait reconnu. Gwydyon[273], son frère, le regarda un jour attentivement. « Jeune homme, » lui dit-il, « que t’est-il arrivé ? » ― « Pourquoi cette question ? » répondit-il. « Que remarques-tu en moi ? » ― « Je vois que tu as perdu ton air et tes couleurs : qu’as-tu ? » ― « Seigneur frère, ce qui m’est arrivé, je ne serai pas plus avancé de le confesser à qui que ce soit. » ― « Qu’est-ce, mon âme ? » ― « Tu connais le privilège de Math, fils de Mathonwy : la moindre conversation entre deux personnes, chuchotée aussi bas que possible, si le vent l’atteint[274], il la sait. » ― « C’est bien, n’en dis pas plus long, je connais ta pensée : tu aimes Goewin. »

En voyant que son frère connaissait sa pensée, Gilvaethwy poussa un soupir le plus profond du monde. « Cesse de soupirer, mon âme, » dit Gwydyon ; « ce n’est pas ainsi que l’on vient à bout d’une entreprise. Je ferai soulever, puisqu’il n’y a pas d’autre moyen, Gwynedd, Powys[275] et le Sud[276] pour pouvoir aller chercher la jeune fille. Sois joyeux ; je ferai cela pour toi. »

Ils se rendirent aussitôt auprès de Math, fils de Mathonwy. « Seigneur, » dit Gwydyon, « j’ai appris qu’il était arrivé en Dyvet une espèce d’animaux comme il n’y en a jamais eu dans cette île. » ― « Comment les appelle-t-on ? » répondit Math. ― « Des hob[277], (cochons) seigneur. » ― « Quel genre d’animaux sont ceux-là ? » ― « Ce sont de petites bêtes, mais dont la chair est meilleure que celle des bœufs. Ils sont de petites taille. Ils sont en train de changer de nom. On les appelle moch (porcs), maintenant. » ― « À qui appartiennent-ils ? » ― « Ils ont été envoyés d’Annwn à Pryderi, fils de Pwyll, par Arawn, roi d’Annwn. » (on a encore conservé quelque chose de ce nom : Hannerhwch, Hannerhob)[278]. ― « Eh bien ! de quelle façon pourrait-on les avoir de lui ? » ― « J’irai, seigneur, moi douzième, avec des compagnons déguisés en bardes, demander les cochons. Mon imagination n’est pas mauvaise : je ne reviendrai pas sans les porcs. » ― « Volontiers, pars. » Il alla, avec Gilvaethwy et dix autres compagnons, jusqu’en Keredigyawn[279], à l’endroit qu’on appelle maintenant Ruddlan Teivi[280], où se trouvait la cour de Pryderi.

Ils entrèrent sous l’aspect de bardes. On leur fit bon visage. Ce soir-là, Gwydyon fut placé à côté de Pryderi. « Nous serions heureux, » dit Pryderi, « d’entendre un récit de ces jeunes gens là-bas. » ― « Notre coutume, » répondit Gwydyon, « le premier soir que nous nous rendons auprès d’un personnage important, c’est que le Pennkerdd[281] prenne la parole. Je te raconterai volontiers une histoire. » Gwydyon était le meilleur conteur qu’il y eût au monde. Cette nuit-là, il amusa si bien la cour par des discours récréatifs et des récits que tout le monde fut charmé de lui et que Pryderi prit plaisir à causer avec lui. En finissant, Gwydyon dit : « Seigneur, quelqu’un pourrait-il mieux remplir ma mission auprès de toi que moi-même ? » ― « Oh ! non, » répondit-il ; « c’est une langue pleine de ressources que la tienne. » ― « Voici quelle est ma mission, seigneur : j’ai à te demander les animaux qui t’ont été envoyés d’Annwvyn. » ― « Ce serait la chose du monde la plus facile sans la convention qui existe à leur sujet entre le pays et moi ; il est convenu que je ne m’en dessaisirai pas avant que leur nombre ici n’ait doublé. » ― « Je puis, seigneur, te libérer de ta parole. Voici comment : ne me les donne pas ce soir, mais ne me les refuse pas non plus. Demain, je te proposerai des objets d’échange à leur place. » Cette nuit même, Gwydyon et ses compagnons se rendirent à leur logis pour se concerter. « Hommes, » dit-il, « nous n’obtiendrons point les porcs en les demandant. » ― « Assurément, » répondirent-ils. « Par quel artifice pourrons-nous les avoir ? » ― « J’y arriverai, » dit Gwydyon.

Il eut recours alors à ses artifices et commença à montrer sa puissance magique. Il fit apparaître douze étalons, douze chiens de chasse noirs ayant chacun le poitrail blanc, avec leurs douze colliers et leurs douze laisses que tout le monde eût pris pour de l’or. Les douze chevaux portaient douze selles, et partout le fer était remplacé par de l’or ; les brides étaient en rapport avec les selles. Il se rendit auprès de Pryderi avec les chevaux et les chiens. « Bonjour à toi, seigneur, » dit-il. ― « Dieu te donne bien, » répondit, Pryderi ; « sois le bienvenu. » ― « Seigneur, je t’apporte un moyen de te libérer de la parole que tu as donnée, disais-tu hier soir, au sujet des porcs, à savoir que tu ne les donnerais ni les vendrais. Tu peux les échanger pour quelque chose de mieux. Je t’offre ces douze chevaux avec leur équipement, tel que tu le vois, leurs selles et leurs brides, ces douze chiens de chasse avec ces colliers et ces laisses, ainsi que ces douze boucliers dorés. » Ces écus, c’étaient des champignons qu’il avait transformés[282].

« Eh bien » dit Pryderi, « nous allons tenir conseil. » Ils décidèrent de donner les porcs à Gwydyon, en échange des chevaux, des chiens et des écus. Les gens du Nord prirent congé, et se mirent en route avec les porcs. « Compagnons, » dit Gwydyon, « il nous faut marcher en toute hâte. Le charme ne dure que d’une période d’un jour à l’autre. » Cette même nuit ils marchèrent jusqu’à la partie la plus élevée de Keredigyawn, à l’endroit qu’on appelle encore, pour ce motif, Mochdref.(la ville aux porcs)[283]. Le lendemain, ils mirent en route, traversèrent Elenit[284], et, à la nuit, se trouvèrent entre Keri et Arwystli[285], dans la ville qu’on appelle aussi, depuis, Mochtref. Ils reprirent leur marche, et arrivèrent, à la nuit, dans un cymwd de Powys, qu’on appelle, pour cette raison, Mochnant [286]. Puis ils atteignirent le cantrev de Ros [287], et passèrent la nuit dans la ville connue encore sous le nom de Mochtref. « Hommes, » dit Gwydyon, « réfugions-nous, avec ces animaux, au cœur de Gwynedd ; on lève des armées à notre poursuite. » Ils se rendirent à la ville plus élevée d’Arllechwedd [288], et y construisirent des écuries pour les porcs, ce qui a. valu à la ville le nom de Creuwyryon [289]. Les écuries faites, il se rendirent auprès de Math, fils de Mathonwy, à Kaer Dathyl. Lorsqu’ils y arrivèrent, on était en train d’appeler le pays aux armes. « Qu’y a-t-il de nouveau, » dit Gwydyon ? » ― « Pryderi, » lui fut-il répondu « est en train de réunir les gens de ses vingt et un cantrevs pour vous poursuivre. Nous avons été étonnés de la lenteur de votre marche. Où sont les animaux que vous avez été chercher ? » ― « Ils sont, » dit Gwydyon, « dans l’autre cantrev, là-bas, où nous leur avons fait des écuries. » À ce moment, ils entendirent les trompettes appelant les gens du pays aux armes. Ils s’armèrent et marchèrent jusqu’à Pennardd [290], en Arvon. Gwydyon, fils de Don, avec Gilvaethwy, son frère, se rendit, lui, à Kaer Dathyl il fit coucher Gilvaethwy avec Goewin, dans le lit de Math, fils de Mathonwy, après avoir jeté dehors outrageusement les autres pucelles. Gilvaethwy coucha avec elle cette nuit-là malgré elle. Le lendemain, dès qu’ils virent poindre le jour, ils se rendirent auprès de Math, fils de Mathonwy et ses troupes. On allait justement tenir conseil pour savoir de quel côté on attendrait Pryderi et les hommes du Sud. Ils prirent part à la délibération. Il fut décidé qu’on attendrait au cœur de Gwynedd. Ils attendirent, en effet, juste au milieu des deux ' maenawr [291] de Pennardd et de Coet Alun [292]. Pryderi vint les y attaquer.

C’est là qu’eut lieu la rencontre, et le massacre fut grand des deux côtés ; les hommes du Sud furent forcés à la retraite. Ils reculèrent jusqu’à l’endroit qu’on appelle encore, aujourd’hui, Nantcall [293], poursuivis par leurs adversaires. Alors eut lieu un carnage indescriptible. Ils battirent ensuite en retraite jusqu’à Dol Penmaen [294], où ils se concentrèrent et demandèrent la paix. Pryderi donna des otages ; les otages étaient Gwrgi Gwastra [295] et vingt-trois autres fils de chefs. Ils s’avancèrent ensuite en paix jusqu’à Traeth Mawr [296] ; mais, quand ils se retrouvèrent réunis à Melenryt [297], on ne put empêcher les gens de pied de se lancer des flèches. Pryderi envoya des messagers demander à Math d’arrêter ses gens, et de laisser l’affaire se vider entre lui et Gwydyon, fils de Don, l’auteur de tout ce qui se passait. Quand Math, fils de Mathonwy, eut entendu son message, il dit : « Par moi et Dieu, si Gwydyon, fils de Don, le trouve bon, je le permets volontiers ; je ne forcerai personne à combattre au lieu de faire nous-mêmes de notre mieux. » ― « En vérité, » dirent les messa­gers, « Pryderi, trouve qu’il serait bien, à l’homme qui lui a fait pareil tort, d’opposer son corps à corps, et de laisser en paix sa famille. » ― « J’en atteste Dieu, » dit Gwydyon, « je ne demande pas aux hommes de Gwynedd de se battre pour moi, lorsque je puis lutter seul à seul avec Pryderi. J’opposerai mon corps au sien volontiers. » La réponse fut apportée à Pryderi. « Je ne demande, » dit-il, « le redressement de mes torts à personne autre qu’à moi-même. » On les laissa seuls à l’écart ; ils s’armèrent et se battirent. Par l’effet de sa force et impétuosité, de sa magie et de ses enchantements, Gwydyon l’emporta, et Pryderi fut tué. Il fut enterré à Maentyvyawc [298], au-dessus de Melenryt ; c’est là qu’est sa tombe.

Les gens du Sud se dirigèrent vers leurs pays en faisant entendre des chants funèbres ; ce qui n’avait rien de surprenant : ils avaient perdu leur seigneur, beaucoup de leurs meilleurs guerriers, leurs chevaux et leurs armes en grande partie. Les hommes de Gwynedd s’en retournèrent pleins de joie et d’enthousiasme. « Seigneur, » dit Gwydyon à Math, « ne ferions-nous pas un acte de justice en rendant aux gens du Sud leur seigneur qu’ils nous ont donné en otage pour la paix ? Nous n’avons pas le droit de le tenir en captivité. » ― « Qu’on le mette en liberté, » répondit Math. On laissa Gwrgi et les autres otages aller rejoindre les hommes du Sud. Math se rendit à Kaer Dathyl, tandis que Gilvaethwy, fils de Don, et tous les gens de la famille qui l’accompagnaient auparavant se mirent à faire, comme d’habitude, le circuit de Gwynedd, en laissant de côté la cour. Arrivé dans sa chambre, Math fit préparer un endroit où il pût s’accouder et reposer ses pieds dans le giron de la pucelle. « Seigneur, » dit Goewin, « cherche une vierge pour supporter tes pieds maintenant : moi, je suis femme. » ― « Qu’est-ce que cela veut dire, » répondit-il ? « On m’a assaillie, seigneur, et cela en cachette. Je ne suis pas restée silencieuse : il n’y a personne à la cour qui ne l’ait su. L’attaque est venue de tes neveux, des fils de ta sœur, Gwydyon et Gilvaethwy, fils de Don. Ils m’ont fait, à moi violence, et à toi honte. On a couché avec moi, et cela dans ta chambre et dans ton propre lit. » ― « Eh bien, » répondit-il, « je ferai de mon mieux. Je te ferai tout d’abord avoir satisfaction, et je chercherai ensuite celle qui m’est due. Je te prendrai comme femme, je remettrai entre tes mains la propriété de mes États. » Cependant, les deux fils de Don ne se rapprochaient pas de la cour ; ils continuaient à circuler à travers le pays ; ils se tinrent à l’écart de lui (c’est-à-dire Math) jusqu’au moment où il fut interdit de leur donner nourriture et boisson. Alors, seulement, ils se rendirent auprès de lui. « Seigneur, » dirent-ils, « bonjour à toi. » ― « Oui, » dit-il, « est-ce pour me donner satisfaction que vous êtes venus ? » ― « Seigneur, » répondirent-ils, « nous sommes prêts à faire ta volonté. » ― « S’il en avait toujours été ainsi, je n’aurais pas tant perdu d’hommes et de chevaux ; ma honte, vous ne pouvez me la réparer, sans parler de la mort de Pryderi. Puisque vous êtes venus vous mettre à ma disposition, votre châtiment va commencer » Il prit sa baguette enchantée, et, d’un coup, transforma Gilvaethwy en une biche de bonne taille ; puis instantanément, il prévint toute fuite de la part de l’autre, en le frappant de la même baguette, et en fit un cerf. « Comme vous êtes maintenant liés, » dit Math, « vous marcherez ensemble, vous formerez un couple, et vous aurez les instincts des animaux dont vous avez la forme. Vous aurez un petit à l’époque accoutumée pour eux. Dans un an, vous reviendrez auprès de moi [299]. »

Au bout d’un an, jour pour jour, on entendit un grand bruit contre les parois de la chambre, ce qui excita aussitôt les aboiements des chiens. « Allez voir, » dit Math, « ce qu’il y a dehors. » ― « Seigneur, » dit quelqu’un, « je viens d’aller voir, il y a là un cerf, une biche et un faon. » Il se leva aussitôt et sortit ; il aperçut, en effet, trois bêtes : un cerf, une biche et un faon vigoureux. Il leva sa baguette en disant : « Que celui d’entre vous qui a été biche l’année dernière soit sanglier cette année, et que le cerf soit une truie. » Et il les frappa de sa baguette. « Le petit, je le prends, » ajouta-t-il ; « je le ferai élever et baptiser. » On lui donna le nom de Hyddwn [300]. « Allez, » dit-il ; « vous serez l’un sanglier mâle, l’autre femelle, et vous aurez les mêmes instincts que les porcs des bois. Dans un an, trouvez-vous sous les murs de cette maison avec votre petit. » Au bout de l’année, les aboiements des chiens se firent entendre sous les murs de la chambre, et toute la cour accourut de ce côté. Il se leva lui-même et sortit. Dehors, il aperçut trois bêtes : un sanglier mâle, un sanglier femelle et un petit très fort pour l’âge qu’il paraissait. « Celui-ci » dit-il, « je le garde, et je le ferai baptiser. » Et, d’un coup de sa baguette, il en fit un bel adolescent brun et fort. On l’appela Hychtwn [301]. « Que celui d’entre vous, » ajouta-t-il, « qui a été sanglier mâle l’année dernière, soit louve cette année, et que la truie soit loup. » En disant ces mots, il les frappa de sa baguette et ils devinrent loup et louve. « Ayez, » dit-il, « les instincts des animaux dont vous avez la forme. Soyez ici, sous ces murs, dans un an, aujourd’hui. »

Un an après, jour pour jour, il entendit un grand tumulte, des aboiements de chiens sous les murs de sa chambre. Il se leva et sortit. Dehors, il aperçut un loup, une louve et, avec eux, un fort louveteau. « Celui-ci, » dit-il, « je le prends et je le ferai baptiser. Son nom est tout trouvé : ce sera Bleiddwn [302]. Vous avez trois fils, et ces trois les voilà : Les trois fils de Gilvaethwy le traître ; trois guerriers éminents et fidèles : Bleiddwn, Hyddwn, Hychtwn Hir (le Long). » Et, d’un coup de sa baguette, ils se trouvèrent dans leur propre chair. « Hommes, » dit Math, « si vous m’avez fait tort, vous avez assez souffert et vous avez eu la grande honte d’avoir des enfants l’un de l’autre. Donnez à ces hommes un bain, faites-leur laver la tête et donner des habits. » On exécuta ces ordres. Quand ils furent équipés, ils revinrent auprès de lui. « Hommes, » dit Math, « la paix, vous l’avez eue, l’affection, vous l’aurez aussi ; conseillez-moi : quelle pucelle prendrai-je ? » ― « Seigneur, » répondit Gwydyon, « rien de plus facile : Aranrot [303], fille de Don, ta nièce, la fille de ta sœur. » On alla la lui chercher : la jeune fille entra. « Jeune fille, » dit Math, « es-tu vierge ? » ― « Pas autre chose, seigneur, » répondit-elle, « à ma connaissance. » Alors, il prit sa baguette et la courba. « Passe par-dessus, » dit-il, « et, si tu es vierge, je le reconnaîtrai. » Elle fit un pas par-dessus la baguette enchantée et, en même temps, elle laissa après elle un enfant blond et fort. Aux cris de l’enfant, elle chercha la porte, et aussitôt elle laissa encore quelque chose après elle, comme un petit enfant, mais, avant que personne ne pût l’apercevoir une seconde fois, Gwydyon saisit l’enfant, l’enroula dans un manteau de paile et le cacha au fond d’un coffre, au pied de son lit. « Eh bien, » dit Math, fils de Mathonwy, en parlant de l’enfant blond, « je vais faire baptiser celui-ci, et je lui donnerai le nom de Dylan. » On le baptisa. À peine fut-il baptisé qu’il se dirigea vers la mer. Aussitôt qu’il y entra, sur le champ il en prit la nature et devint aussi bon nageur que le plus rapide des poissons. Aussi l’appela-t-on Dylan Eil Ton [304] (Dylil an, fils de la vague). Jamais vague ne se brisa sous lui. Le coup qui causa sa mort partit de la main de Govannon [305] son oncle, et ce fut un des trois coups funestes.

Comme Gwydyon était un jour au lit mais éveillé, il entendit des cris dans le coffre qui était au pied de son lit ils étaient tout juste assez forts pour être entendus de lui. Il se leva précipitamment et ouvrit le coffre. Il aperçut un petit garçon remuant les bras du milieu du manteau et le rejetant. Il prit l’enfant dans ses bras se rendit avec lui en ville, dans un endroit où il savait trouver une femme pouvant donner le sein et fit marché avec elle pour nourrir l’enfant. On le nourrit une année. Au bout de l’année, il était d’une taille qui eût parut forte même pour un enfant de deux ans. Au bout de la seconde année, c’était un grand enfant capable d’aller tout seul à la cour. Quand il fut à la cour, Gwydyon veilla sur lui ; l’enfant se familiarisa avec lui et l’aima plus que personne. Il fut élevé à la cour ainsi jusqu’à l’âge de quatre ans ; il eût été bien assez développé pour un enfant de huit ans. Un jour, il alla se promener au dehors à la suite de Gwydyon. Celui-ci se rendit avec lui à Kaer Aranrot. En le voyant entrer, Aranrot se leva pour aller à sa rencontre, lui souhaiter la bienvenue et le saluer. « Dieu te donne bien, » dit-il, ― « Quel est donc, » dit-elle, « cet enfant qui te suit ? » ― « Cet enfant c’est ton fils, » répondit Gwydyon. ― « Homme, » s’écria-t-elle, « quelle idée t’a pris de m’outrager ainsi, de poursuivre et de maintenir aussi longtemps mon déshonneur ? » ― « Si tu n’as pas d’autre déshonneur que celui de voir nourrir par moi un enfant aussi beau que celui-ci, ce sera peu de chose. » ― « Quel est le nom de ton fils ? » ― « Eh bien, je jure qu’il aura cette destinée qu’il n’aura pas de nom avant d’en avoir reçu un de moi. » ― « J’en atteste Dieu ; tu es une femme de rien ; l’enfant aura un nom quand même tu le trouverais mauvais, et toi, tu ne retrouveras plus jamais celui que tu es si furieuse d’avoir perdu, celui de pucelle. » En disant ces mots, il sortit furieux et retourna à Kaer Dathyl où il passa la nuit.

Le lendemain il se leva, prit l’enfant avec lui et alla se promener sur les bords de la mer, entre l’Océan et Aber Menei. Il fit paraître par enchantement un navire à l’endroit où il aperçut des algues et du varech ; il transforma les algues et le goémon en cordwal en grande quantité ; il lui donna diverses couleurs au point qu’on ne pouvait voir de plus beau cuir. Il mit à voile et se rendit lui et l’enfant à la porte de l’entrée de Kaer Aranrot. Puis il se mit à façonner des souliers et à les coudre. On le remarqua du fort. Aussitôt qu’il s’en aperçut, il changea ses traits et ceux de l’enfant pour qu’on ne pût les reconnaître. « Quels hommes sont à bord de ce navire ? » dit Aranrot. ― « Ce sont des cordonniers, » lui fut-il répondu. ― « Allez voir quelle espèce de cuir ils ont et comment ils travaillent. » On se rendit auprès d’eux, et on trouva Gwydyon en train de colorer le cuir : il le dorait. Les messagers allèrent le rapporter à Aranrot. « Eh bien dit-elle, « portez la mesure de mon pied à ce cordonnier et dites-lui de me faire des souliers. » Il façonna les souliers, mais non d’après sa mesure il les fit plus grands. On apporta les souliers : ils étaient trop grands. « Ils sont trop grands, » dit-elle ; « je les lui paierai, mais qu’il en fasse une paire de plus petits. » Que fit-il ? Il lui en façonna une paire beaucoup trop petite pour son pied et la lui envoya. « Dites-lui, » dit-elle, « que ceux-ci ne me vont pas non plus. » On lui rapporta ces paroles. « Eh bien, » s’écria-t-il, « je ne lui ferai pas de souliers avant d’avoir vu son pied. » On alla le lui dire. « Eh bien, » s’écria-t-elle, « je vais aller jusqu’à lui. » Elle se rendit au navire : il était en train de tailler et le jeune garçon de coudre. « Princesse, » dit-il, « bonjour à toi. » ― « Dieu te donne bien, » répondit-elle. « Je suis étonnée que tu ne puisses arriver à me faire des souliers sur mesure. » ― « C’est vrai, mais je le pourrai maintenant. » À ce moment, un roitelet se dressa sur le pont du navire. L’enfant lui lança un coup et l’atteignit entre le nerf de la jambe et l’os. Elle se mit à rire. « En vérité, » s’écria-t-elle, « c’est d’une main bien sûre que le lleu [306] l’a atteint. » ― « Eh bien, » dit Gwydyon, « il a un nom, sans que nous ayons à prier Dieu de t’en récompenser, et le nom n’est pas mauvais désormais, il s’appellera Lleu Llaw Gyffes. » Aussitôt, tout ce qu’il avait fait se transforma en algue et en goémon, et il ne continua pas plus longtemps ce travail, qui lui valut d’être appelé un des trois eurgrydd (cordonniers-orfèvres) [307]. « En vérité, » dit-elle, « tu ne te trouveras pas mieux de te montrer méchant envers moi. » ― « Je ne l’ai pas été, » répondit-il. Et il rendit à l’enfant ses traits. « Eh bien, » dit-elle, « je jure que l’enfant aura pour destinée de n’avoir pas d’armure avant que je l’en revête moi-même. » ― « Par moi et Dieu, » dit Gwydyon, « tu peux être aussi perverse que tu voudras, il aura des armes. » Ils se rendirent à Dinas Dinllev [308]. Il y éleva l’enfant jusqu’à ce qu’il fût en état de monter n’importe quel cheval et qu’il eût atteint tout son développement comme visage, taille et corpulence. Gwydyon s’aperçut qu’il était humilié de n’avoir pas de cheval ni d’armes, il l’appela auprès de lui. « Garçon » lui dit-il, « nous irons en expédition demain toi et moi : sois donc plus joyeux que cela. » ― « je le serai, » répondit le jeune homme. Le lendemain, ils se levèrent dans la jeunesse du jour et remontèrent la côte jusqu’à Brynn Aryen [309]. Arrivés au haut de Kevyn Clutno [310], ils s’équipèrent eux et leurs chevaux, et se dirigèrent vers Kaer Aranrot. Ils changèrent leurs traits et se rendirent à l’entrée sous l’aspect de deux jeunes gens, Gwydyon ayant pris toutefois un visage plus grave que son compagnon. « Portier, » dit-il, « rentre et dis qu’il y a ici des bardes de Morgannwc. » Le portier obéit. « Qu’ils soient les bienvenus au nom de Dieu, » dit-elle ; « laisse-les entrer. » On leur fit le meilleur accueil. La salle fut préparée et ils se mirent à table. Quand on eut fini de manger, elle causa avec Gwydyon de contes et histoires. Gwydyon était bon conteur. Quand ce fut le moment de cesser de boire, on leur prépara une chambre et ils allèrent se coucher. Gwydyon se leva de grand matin et appela à lui sa magie et son pouvoir. Un grand mouvement de navires et un grand bruit de trompettes auxquels répondirent de grands cris dans la campagne, se firent entendre. Quand le jour vint, ils entendirent frapper à la porte de la chambre, et Aranrot demander qu’on lui ouvrît. Le jeune homme se leva et ouvrit. Elle entra suivie d’une pucelle [311]. « Gentilshommes, » dit-elle, « nous sommes dans une mauvaise situation. » ― « Oui, » répondirent-ils ; « nous entendons le son des trompettes et les cris ; que t’en semble. » ― « En vérité, » dit-elle, « il est impossible de voir les flots, tellement les navires sont serrés les uns contre les autres. Ils se dirigent vers la terre de toute leur vitesse. Que faire ? » ― « Princesse, il n’y a pas autre chose à faire que de nous renfermer dans le fort et le défendre du mieux que nous pourrons. » ― « Dieu vous le rende. Défendez-le ; vous trouverez ici des armes en abondance. »

Elle alla leur chercher des armes. Elle revint avec deux pucelles, apportant chacune une armure « Princesse, » dit Gwydyon, « revêts son armure à ce jeune homme ; moi je revêtirai l’autre avec le secours des deux pucelles. J’entends le tumulte de gens qui arrivent. » ― « Volontiers, » répondit-elle. Elle le revêtit avec empressement d’une armure complète. « As-tu fini, » dit Gwydyon à Aranrot, « d’armer ce jeune homme ? » ― « C’est fait, » répondit-elle.

― « J’ai fini moi aussi. Tirons maintenant nos armures ; nous n’en n’avons plus besoin. » ― « Oh ! pourquoi ? Voici la flotte autour de la maison. » ― « Non, femme, il n’y a pas la moindre flotte. » ― « Que signifiait donc toute cette levée ? » ― « C’était pour rompre le sort que tu as jeté sur ce jeune homme et lui procurer des armes, et il en a eu sans que tu aies droit à des remerciements. »

― « Par moi et Dieu, tu es méchant homme. Il se pourrait que bien des jeunes gens perdissent la vie à cause de la levée que tu as occasionnée dans ce cantrev aujourd’hui. Je jure que ce jeune homme aura pour destinée de n’avoir jamais une femme de la race qui peuple cette terre en ce moment. » ― « En vérité, » dit-il, « tu as toujours été une femme de rien, que personne ne devrait soutenir. Il aura une femme quand même. » Ils se rendirent auprès de Math, fils de Mathonwy, et se plaignirent d’Aranrot avec la plus grande insistance. Gwydyon lui apprit comment il avait procuré une armure au jeune homme. « Eh bien, » dit Math, « cherchons, au moyen de notre magie et de nos charmes à tous les deux, à lui faire sortir une femme des fleurs. » Il avait alors la stature d’un homme et c’était bien le jeune homme le plus accompli qu’on eût jamais vu. Ils réunirent alors les fleurs du chêne, celles du genêt et de la reine des prés, et, par leurs charmes, ils en formèrent la pucelle la plus belle et la plus parfaite du monde. On la baptisa suivant les rites d’alors et on la nomma Blodeuwedd [312]. Lorsqu’ils eurent couché ensemble, pendant le festin, Gwydyon dit : « Il n’est pas facile de s’entretenir sans domaines. » ― « Et bien, » répondit Math, « je lui donnerai le meilleur cantrev qu’un jeune homme puisse avoir. » ― « Quel cantrev, seigneur ? » ― « Celui de Dinodig. » (Ce cantrev porte aujourd’hui les noms d’Eivynydd et Ardudwy) [313]. On lui bâtit une cour à l’endroit qu’on appelle Mur y Castell [314], dans la partie escarpée d’Ardudwy. C’est là qu’il habita et régna. Tout le monde fut content et accepta avec plaisir sa domination.

Un jour, il se rendit à Kaer Dathyl pour faire visite à Math, fils de Mathonwy. Ce jour-là, Blodeuwedd se mit à se promener dans l’enceinte de la cour. Le son d’un cor se fit entendre, et aussitôt elle vit passer un cerf fatigué poursuivi par les chiens et les chasseurs. Après les chiens et les chasseurs venait toute une troupe de gens à pied, « Envoyez un valet, » dit-elle, « savoir à qui est cette troupe-là. » Un valet sortit et demanda qui ils étaient. ― « La troupe de Gronw Pebyr[315], seigneur de Penllynn[316], » répondirent-ils. Le valet revint le lui dire. Pour Gronw, il continua à poursuivre le cerf, l’atteignit sur les bords de la rivière Kynvael et le tua. Il fut occupé à l’écorcher et à donner la curée aux chiens jusqu’à ce que la nuit vînt le surprendre.

Quand il vit le jour s’en aller et la nuit approcher, il passa devant l’entrée de la cour. « Il est bien sûr, » dit Blodeuwedd, « que nous ferons mal parler de nous par ce seigneur, si nous le laissons, à une pareille heure, aller à un autre endroit sans l’inviter. » ― « Assurément, princesse, » répondirent ses gens, « il vaut mieux l’inviter. » Des messagers allèrent lui porter l’invitation. Il accepta avec plaisir et se rendit à la cour. Elle alla au devant de lui pour lui souhaiter la bienvenue et le saluer. « Princesse, » dit-il, « Dieu te récompense de ton bon accueil. » Il se désarma et ils s’assirent. Blodeuwedd le regarda et, à partir de ce moment, il n’y eut pas une place dans tout son être qui ne fut pénétrée de son amour. Il jeta lui aussi les yeux sur elle et il fut envahi par les mêmes sentiments. Il ne put lui cacher qu’il l’aimait ; il le lui dit. Elle en fut toute réjouie. L’amour qu’ils avaient conçu l’un pour l’autre fut l’unique sujet de leur entretien ce soir-là. Ils ne tardèrent guère à s’unir : cette nuit même ils couchèrent ensemble. Le lendemain, il voulut partir. « Non, assurément, » dit-elle, « tu ne t’en iras pas d’auprès de moi ce soir. » Ils passèrent la nuit ensemble et se concertèrent pour savoir comment ils pourraient vivre réunis. « Il n’y a qu’un moyen, » dit-il, « il faut que tu cherches à savoir de lui comment on peut lui donner la mort, et cela sous couleur de sollicitude pour lui. » Le lendemain il voulut partir. « Vraiment, » dit-elle, je ne suis pas d’avis que tu t’en ailles d’auprès de moi aujourd’hui. » ― « Puisque tel est ton avis, je ne m’en irai pas, » répondit-il, « je te ferai seulement remarquer qu’il est à craindre que le seigneur de cette cour ne revienne à la maison. » ― « Eh bien, demain, je te permettrai de t’en aller. » Le lendemain, il voulut partir, et elle ne s’y opposa pas. « Rappelle-toi, » dit-il, « ce que j’ai dit ; presse-le de questions, et cela, comme en plaisantant, par tendresse ; applique-toi à savoir de lui comment la mort pourrait lui venir. »

Lleu Llaw Gyffes revint chez lui ce soir-là. Ils passèrent le temps en causeries, musique, festin, et dans la nuit, allèrent coucher ensemble. Il lui adressa la parole une fois, puis une seconde, sans obtenir de réponse. « Qu’as-tu, » lui dit-il, « tu n’es pas bien ? » ― « Je réfléchis, » répondit-elle, « à une chose qui ne te viendrait jamais à l’esprit à mon sujet : je suis soucieuse en pensant à ta mort au cas où tu t’en irais avant moi. » ― « Dieu te récompense de ta sollicitude ; mais si Dieu lui-même ne s’en mêle, il n’est pas facile de me tuer. » – « Voudrais-tu, pour l’amour de Dieu et de moi, m’indiquer de quelle façon on pourrait te tuer ? car, pour ce qui est des précautions, j’ai meilleure mémoire que toi. » ― « Volontiers. Il n’est pas facile de me tuer en me frappant : il faudrait passer une année à faire le javelot dont on se servirait et n’y travailler que pendant la messe le dimanche. » ― « Est-ce sûr ? » ― « Bien sûr. On ne peut me tuer dans une maison, on ne le peut dehors ; on ne peut me tuer, si je suis à cheval ; on ne le peut, si je suis à pied. » ― « Eh bien, de quelle façon peut-on donc te tuer ? » ― « je vais te le dire : il faut me préparer un bain sur le bord d’une rivière, établir au-dessus de la cuve une claie voûtée, et ensuite la couvrir hermétiquement, amener un bouc, le placer à côté de la cuve ; il faudrait que je misse un pied sur le dos du bouc et l’autre sur le bord de la cuve quiconque m’atteindrait dans ces conditions, me donnerait la mort. » ― « J’en rends grâces à Dieu, c’est là une chose facile à éviter. » Elle n’eut pas plutôt obtenu la révélation qu’elle la fit parvenir à Gronw Pebyr. Gronw s’occupa de la fabrication de la lance, et, au bout de l’année, jour par jour, elle fut prête. Il le fit savoir, le jour même, à Blodeuwedd. « Seigneur, » dit celle-ci à Lleu, « je me demande comment pourrait se réaliser ce que tu m’as dit. Voudrais-tu me montrer comment tu te tiendrais sur le bord de la cuve et sur le bouc, si je prépare moi-même le bain ? » ― « Je te le montrerai, » répondit-il. Elle envoya vers Gronw et l’avertit de se tenir à l’abri de la colline qu’on appelle maintenant Brynn Kyvergyr [317] sur les bords de la rivière Kynvael. Elle fit rassembler tout ce qu’elle trouva de chèvres dans le cantrev et les amena de l’autre côté de la rivière en face de Brynn Kyvergyr.

Le lendemain, elle dit à Lleu : « Seigneur, j’ai fait préparer la claie et le bain : ils sont prêts. » ― « C’est bien, » répondit-il, « allons voir. » Ils allèrent voir le bain. « Veux-tu aller dans le bain, seigneur, » dit-elle ? ― « Volontiers, répondit-il. Il y alla et prit son bain. « Seigneur, » dit-elle, « voici les animaux que tu as dit s’appeler boucs. » ― « Eh bien, » répondit-il, « fais en prendre un et fais-le amener ici. » On amena le bouc. Lleu sortit du bain, mit ses chausses et posa un pied sur le bord de la cuve, et l’autre sur le dos du bouc. Gronw se leva alors, à l’abri de la colline qu’on appelle Brynn Kyvergyr, et, appuyé sur un genou, il frappa de la lance empoisonnée, et l’atteignit si violemment dans le flanc, que la hampe sauta, et que le fer resta dans le corps. Lleu s’envola sous la forme d’un oiseau en jetant un cri strident, affreux, et on ne le revit plus.

Aussitôt qu’il eut disparu, ils se rendirent, eux, à la cour, et, cette nuit même, couchèrent ensemble. Le lendemain, Gronw se leva et pris possession d’Ardudwy. Après s’en être rendu maître, il le gouverna et devint seigneur d’Ardudwy et de Penllyn [318]. L’histoire parvint aux oreilles de Math, fils de Mathonwy. Math en conçut profonde douleur et grand chagrin, et Gwydyon beaucoup plus encore. « Seigneur, » dit Gwydyon, « je ne prendrai jamais de repos avant d’avoir eu des nouvelles de mon neveu. » ― « Bien, » dit Math, « Dieu te soit en aide. » Il partit et se mit à parcourir le pays ; il erra à travers Gwynedd et Powys d’un bout à l’autre. Ensuite il se rendit en Arvon, et arriva à la maison d’un serf qui habitait le maenawr de Pennardd. Il descendit chez lui et y passa la nuit. Le maître de la maison et les gens de sa famille rentrèrent. Le porcher arriva le dernier. Le maître lui dit : « Valet, ta truie est-elle rentrée ce soir ? » ― « Oui répondit-il ; « en ce moment elle est venue rejoindre les porcs. » ― « Quel trajet fait donc cette truie, ? » demanda Gwydyon. ― « Tous les jours, aussitôt qu’on ouvre l’écurie, elle sort et on ne la voit plus ; on ne sait quel chemin elle a pris, pas plus que si elle allait sous terre ! » ― « Voudrais-tu, » reprit Gwydyon, « me faire plaisir de ne pas ouvrir la porte de l’écurie avant que je ne sois avec toi à côté ? » ― « Volontiers. » Ils allèrent se coucher.

Au point du jour, le porcher se leva et réveilla Gwydyon. Il se leva, s’habilla, alla avec le porcher, et se tint auprès de l’écurie. Le porcher ouvrit la porte ; au même moment, la truie s’élança dehors et se mit à marcher d’une allure vigoureuse. Gwydyon la suivit. Elle prit sa course en remontant le cours de la rivière, se dirigea vers le vallon qu’on appelle maintenant Nant y Llew (le Ravin du Lion) ; là, elle s’arrêta et se mit à paître. Gwydyon vint sous l’arbre et regarda ce que mangeait la truie. Il vit que c’étaient de la chair pourrie et des vers. Il leva les yeux vers le haut de l’arbre et aperçut un aigle au sommet. À chaque fois que l’aigle se secouait, il laissait tomber des vers et de la chair en décomposition que mangeait la truie. Gwydyon pensa que l’aigle n’était pas autre que Lleu, et chanta cet englyn :

Chêne qui pousse entre deux glens, l’air et le vallon sont sombres et agités : si je ne me trompe, ces débris décomposés sont ceux de Llew[319].

L’aigle se laissa aller jusqu’au milieu de l’arbre. Gwydyon chanta un second englyn :

Chêne qui pousse sur cette terre élevée, que la pluie ne peut

plus mouiller, n’a pas amolli, qui a supporté cent quatre-vingts tempêtes : à son sommet est Lleu Llaw Gyffes.

L’aigle se laissa aller jusque sur la branche la plus basse de l’arbre. Gwydyon chanta un troisième englyn :

Chêne qui pousse sur la pente… si je ne me trompe, Lleu viendra
dans mon giron.

L’aigle se laissa tomber sur les genoux de Gwydyon. D’un coup de sa baguette enchantée, Gwydyon lui rendit sa forme naturelle. On n’avait jamais vu quelqu’un présentant plus triste aspect : il n’avait que la peau et les os.

Gwydyon se rendit avec lui à Kaer Dathyl. On amena, pour le soigner, tout ce qu’on put trouver de bons médecins en Gwynedd. Avant la fin de l’année, il était complètement rétabli. « Seigneur, » dit-il alors à Math, fils de Mathonwy, « il est temps que j’aie satisfaction de l’homme dont j’ai eu souffrance. » ― « Assurément, » répondit Math, « il ne peut se maintenir sans te rendre satisfaction. » ― « Le plus tôt que j’obtiendrai satisfaction sera le mieux pour moi. »

Ils rassemblèrent toutes les troupes de Gwynedd et marchèrent sur Ardudwy. Gwydyon, qui était à leur tête, se dirigea sur Mur y Castell. Blodeuwedd, à la nouvelle de leur approche, pris ses suivantes avec elle, et se dirigea, à travers la rivière Kynvael, vers une cour située sur la montagne. Leur terreur était telle qu’elles ne pouvaient marcher qu’en retournant la tête ; elles tombèrent ainsi dans l’eau sans le savoir, et se noyèrent toutes à l’exception de Blodeuwedd. Gwydyon l’atteignit alors, et lui dit « Je ne te tuerai pas, je ferai pis [320]. Je te laisserai aller sous la forme d’un oiseau. Pour te punir de la honte que tu as faite à Lleu Llaw Gyffes, tu n’oseras jamais montrer ta face à la lumière du jour, par crainte de tous les autres oiseaux. Leur instinct les poussera à te frapper, à te traiter avec mépris partout où ils te trouveront. Tu ne perdras pas ton nom, on t’appellera toujours Blodeuwedd. » On appelle en effet le hibou Blodeuwedd, aujourd’hui encore [321]. C’est ainsi que le hibou est devenu un objet de haine pour tous les oiseaux.

Gronw Pebyr, lui, retourna à Penllynn, d’où il envoya une ambassade à Lleu Llaw Gyffes pour lui demander s’il voulait, pour prix de son outrage, terre, domaines, or ou argent. « Je n’accepte pas, » répondit-il, « j’en atteste Dieu. Voici le moins que je puisse accepter de lui : il se rendra à l’endroit où je me trouvais quand il me donna le coup de lance, tandis que moi je serai à la même place que lui, et il me laissera le frapper d’un coup de lance. C’est la moindre satisfaction que je puisse accepter. » On en informa Gronw Pebyr. « Eh bien, » dit-il, « je suis bien forcé de le faire. Nobles fidèles, gens de ma famille, mes frères de lait, y a-t-il quelqu’un de vous qui veuille recevoir le coup à ma place ? » ― « Non pas, » répondirent-ils. C’est à cause de cela, parce ce qu’ils ont refusé de souffrir un coup à la place de leur seigneur, qu’on n’a cessé de les appeler depuis, la troisième famille déloyale [322]. « Eh bien, » dit-il, « c’est donc moi qui le supporterai. »

Ils se rendirent tous les deux sur les bords de la rivière de Kynvael. Gronw se tint à l’endroit où était Lleu Llaw Gyffes quand il le frappa, tandis que Lleu occupait sa place. Grown Pebyr dit alors à Lleu : « Seigneur, comme c’est par les artifices pervers d’une femme que j’ai été amené à ce que j’ai fait, je te prie, au nom de Dieu, de me laisser mettre entre moi et le coup, cette pierre plate que j’aperçois sur le bord de la rivière. » ― « Je ne refuserai pas cela, assurément, » répondit Lleu. ― « Dieu te le rende. » Gronw prit la pierre et la tint entre lui et le coup. Lleu darda sa lance, traversa la pierre de part en part, et Gronw lui-même, au point qu’il lui rompit le dos. Ainsi fut tué Gronw Pebyr. Il y a encore là, sur le bord de la rivière Kynvael, une pierre percée d’un trou ; et, en souvenir de ce fait on l’appelle encore aujourd’hui Llech Gronw [323]. Lleu Llaw Gyffes reprit possession du pays, et le gouverna heureusement. D’après ce que dit le devint ensuite seigneur de Gwynedd. Ainsi se termine cette branche du Mabinogi.


Maxen Wledic [324] était empereur à Ruvein (Rome). C’était le plus beau et le plus sage des hommes, le mieux fait pour la dignité d’empereur de tous ceux qui avaient régné avant lui. Un jour qu’il tenait une conférence de rois, il dit à ses intimes : « J’ai l’intention demain d’aller à la chasse. » Le lendemain matin, il partit avec sa suite et atteignit la vallée d’une rivière qui arrive à Rome. Il chassa dans la vallée jusqu’au milieu du jour accompagné de trente-deux rois, tous portant couronne et ses vassaux. Ce n’était pas par plaisir qu’il chassait aussi longtemps ; il voulait se conduire comme un homme qui est le seigneur de tant de rois. Le soleil était haut dans le ciel au-dessus de leurs têtes, la chaleur était grande ; il fut pris de sommeil. Les valets de chambre dressèrent alors en cercle autour de lui leurs écus en les plaçant sur la hampe de leurs lances pour le défendre du soleil. Ils lui mirent sous la tête un bouclier émaillé d’or. Ainsi dormit Maxen.

Les traits du Maxime de l’histoire ne sont pas du tout ceux du personnage de la légende. Il est d’origine espagnole, repousse en Bretagne une attaque des Pictes et des Scots, est proclamé empereur par les légions, passe en Gaule, prend et tue Gratien à Lyon et est défait et tué par Valentinien et Théodose à Aquilée, 483-488 (v. Aurélius Victor, c. 47, 48 ; Zosime, III, 35 ; Paul Orose, VII, 34, 35 ; Sozomène, VII, 13 ; Prosper d’Aquitaine, aux années 383, 388 ; Prosper Tyron, à l’année 382). Paul Orose est le seul qui fasse son éloge. Gildas (X) le traite de tyran, et ajoute une remarque importante, c’est que la Bretagne, privée de soldats et de chefs par son expédition, devient par là, pour les Pictes et les Scots, une proie facile (XI). Nennius (XXII, XXIII) ajoute au récit de Gildas l’établissement des soldats bretons en Litaw (Armorique) ; ils tuent les hommes et conservent les femmes, après leur avoir coupé la langue, pour que leurs descendants n’aient pas d’autre langage que le leur ; d’où le nom de Letewicion, semi-tacentes, donné aux Armoricains, parce qu’ils parlent confusément. Nennius décompose le mot en Let-tewicion, « qui se taisent à demi, » étymologie des plus fantaisistes (v. J. Loth, De vocis aremoricae forma atque significatione, Picard, Paris, 1883). Gaufrei ajoute l’épisode de Conan Meriadec, reproduit depuis par tous les écrivains bretons armoricains (v. J. Loth, L’émigration bretonne en Armorique du V au VIIe siècle de notre ère, Paris, Picard, 1883, Introduction, V – VII), et beaucoup de détails romanesques. Ainsi Helen, fille du roi Coel, duc de Colchester, se marie à Constance père de Constantin. Après le départ de Constantin, Octavius, duc des Wissei (Essex), enlève le gouvernement aux princes à qui il l’avait confié. Sa fille, dont le nom n’est pas donné, est mariée à un sénateur romain, Maxen Wledic, qui était de race bretonne, étant fils de Llewelyn (Leoninus pour Leolinus), oncle d’Helen. Il est combattu par le neveu d’Octavius, Kynan Meiriadawc. La paix se fait entre eux. Kynan accompagne Maxen, et est récompensé par la royauté du Llydaw. Maxen tee Valentinien, détrône Gratien, mais est tué lui-même à Rome. Ses nombreuses troupes se dispersent, et une bonne partie se réfugient en Armorique avec Kynan Meiriadawc (Cf. Brut Tysilio, Myv. arch., p. 451 et suiv.). On voit que les traits principaux du songe, malgré de notables différences se retrouvent dans Gaufrei (sur la légende de Maxen, d’Ambroisius et d’Uter frères de Constans et fils de Constantin, sur l’origine et les éléments du faux, v, J. Loth, Revue celt., X, p. 418-489). Les Triades sont d’accord avec le songe : la troisième grande expédition a été emmenée de cette île par Elen Lluyddawg et Kynan son frère, seigneur de Meiriadawc jusqu’au Llydaw, où ils obtinrent des terres et des domaines de l’empereur Maxen Wledig, pour l’avoir aidé coutre les Romains. Ces guerriers étaient originaires de la terre de Meiriadawc, de Seisyllwg, de Gwyr et de Gorwennydd. Pas un ne revint ; ils restèrent en Llydaw et à Ystre Gyfaelwg, où ils dominèrent. À la suite de cette grande levée, il manqua d’hommes d’armes en Cymry, de façon que les Gwyddyl Pictes opprimèrent le pays. Gwrtheyrn Gwrtheuau fut obligé d’appeler les Saxons contre eux mais ceux-ci, voyant la faiblesse des Cymry, s’entendirent avec les Gwyddyl Pictes t les traîtres, et enlevèrent aux Cymry leur terre et leur suprématie (Myv. arch., p. 401, 11 ; cf. ibid., p. 395, 5). Le nom de Maxen n’est point populaire chez les poètes gallois ; son nom est une création de lettré, ainsi que les principaux traits de sa légende. Cependant Llewis Glyn Cothi compare Davydd ab Sion à Macsen, et sa femme Gwenllian à Elen, fille d’Eudav (p. 120, v. 50).

Pendant son sommeil, il eut une vision. Il lui sembla qu’il remontait la vallée du fleuve jusqu’à sa source, puis qu’il arrivait à la montagne la plus haute du monde : elle lui paraissait aussi haute que le ciel. La montagne franchie, il traversait, de l’autre côté, les contrées les plus belles et les plus unies qu’on eût jamais vues. Il apercevait de grands fleuves se dirigeant de la montagne vers la mer. Il marchait le long des rivières vers leur embouchure. Quelque temps qu’il eût mis à voyager ainsi, il arrivait à l’embouchure d’un grand fleuve, la plus grande que l’on pût voir. Il y avait à l’embouchure une grande ville et dans la ville une grande forteresse surmontée de grandes tours en grand nombre et de différentes couleurs. Une flotte se trouvait à l’embouchure de la rivière : c’était bien la plus grande qu’on eût jamais vue. Au milieu, il vit un navire beaucoup plus beau que tous les autres. Tout ce qu’il en apercevait au-dessus des flots était composé alternativement de panneaux dorés et argentés ; un pont d’os de cétacés était jeté du navire à terre. Il lui sembla qu’il traversait le pont et entrait dans le navire. Les voiles s’élevèrent et le navire partit à travers la mer et les flots.

Il arriva à une île, la plus belle du monde. Après avoir traversé l’île d’une mer à l’autre et être arrivé à l’extrémité la plus éloignée, il aperçut des vallons encaissés, des précipices, des rochers élevés et une terre abrupte, très arrosée, telle qu’il n’en avait jamais vue de pareille. De là, il aperçut dans la mer, en face de cette terre sillonnée de ruisseaux, une île, et, entre l’île et lui un pays dont la plaine était aussi longue que la mer qui le bordait ; la montagne s’étendait autant que les bois. De la montagne il voyait une rivière traverser le pays et se diriger vers la mer. À son embouchure était une grande forteresse, la plus belle qu’on eût jamais vue. La porte était ouverte ; il entra. Il y aperçut une belle salle. Le toit lui parut être en or, les murs, formant cercle, en pierres précieuses étincelantes, les portes tout entières en or massif. Il aperçut des couches [325] dorées et des tables d’argent. Sur la couche, en face de lui, étaient deux jeunes gens bruns jouant aux échecs [326].

L’échiquier était en argent et les cavaliers en or ; les jeunes gens était vêtus de paile tout noir ; leur chevelure étaient retenue par des bandeaux d’or rouge, rehaussés de pierres précieuses étincelantes ; les rubis et les gemmes [327] y alternaient, sans parler des pierres impériales. Leurs pieds étaient chaussés de brodequins de cordwal neuf, fermés par des lames d’or rouge. Au pied,d’une des colonnes, un homme aux cheveux blancs était assis dans une chaire [328] d’os d’éléphant ornée de deux aigles d’or rouge. Il portait aux bras des bracelets d’or, aux doigts de nombreuses bagues, au cou un collier d’or ; un bandeau d’or retenait ses cheveux : son air était imposant. Il avait devant lui un échiquier d’or avec ses cavaliers ; il tenait à la main une verge d’or et des haches d’acier avec lesquelles il taillait les cavaliers du jeu d’échecs. En face de lui était assise une jeune fille dans une chaire d’or rouge. Elle était si belle qu’il n’était pas plus facile de la regarder que le soleil dans tout son éclat. Elle portait des chemises de soie blanche fermées sur la poitrine par des agrafes d’or rouge, un surcot [329] de paile dorée, autour de la tête un bandeau d’or rouge rehaussé de rubis, de gemmes alternant avec des perles, et de pierres impériales ; sa ceinture était d’or rouge.

Il n’y avait pas une créature offrant un plus beau coup d’œil. La jeune fille se leva de sa chaire à son approche. Il lui jeta les bras autour du cou [330], et ils s’assirent tous les deux dans la chaire d’or qui ne parut pas plus. étroite pour eux que pour la pucelle toute seule ; il avait les bras autour du cou de la jeune fille et sa joue contre la sienne, quand il fut tiré de son sommeil : les chiens faisaient rage contre leurs laisses, les écus se heurtaient, les hampes des lances s’entrechoquaient, les chevaux hennissaient et piaffaient.

Une fois réveillé, l’empereur n’eut plus ni vie, ni repos au souvenir de la pucelle qu’il avait vue en songe. Il n’y avait pas en lui une jointure d’os, un point à l’intérieur d’un ongle, et à plus forte raison endroit plus considérable, qui ne fût entièrement pénétré de l’amour de la jeune fille. Les gens de sa maison lui dirent : « Seigneur, il est plus que temps pour toi de manger. » L’empereur remonta alors sur son palefroi et se dirigea vers Rome, plus triste que jamais homme ne l’avait paru.

Il resta ainsi toute la semaine ; si les gens de sa maison allaient boire vin et hydromel dans des vases d’or, il restait à l’écart ; allaient-ils écouter de la musique ou des récits amusants, il ne les accompagnait point. Il n’aimait qu’une seule chose : dormir. Aussi souvent qu’il s’endormait, il voyait en songe la femme qu’il aimait le plus. Quand il était éveillé, il n’y avait pas trace d’elle : il ne savait au monde où elle était.

Le valet attaché à la chambre – et tout valet qu’il était, c’était le roi de Romani – lui dit un Jour : « Seigneur, tous tes hommes se plaignent de toi. » ― « Pourquoi donc ? » répondit l’empereur.

― « Parce qu’ils n’obtiennent de toi ni mission ni réponse, comme les vassaux ont l’habitude d’en avoir de leur seigneur. Voilà la cause des plaintes qui s’élèvent contre toi. » ― « Eh bien ! valet, » dit l’empereur, « amène autour de moi les sages de Rome et je dirai pourquoi je suis triste. » On réunit les sages de Rome autour de l’empereur. Il leur dit : « Sages de Rome, j’ai eu un songe, et dans ce songe, j’ai vu une jeune fille. Je n’ai plus ni vie ni repos à cause d’elle. » ― « Seigneur, » répondirent-ils, « puisque tu as jugé à propos de nous consulter, nous allons te donner un conseil. Nous sommes d’avis que tu envoies des ’messagers pendant trois ans dans les trois parties du monde pour chercher l’objet de ton songe. Comme tu ne sais ni quel jour ni quelle nuit tu recevras la bonne nouvelle, tu seras toujours soutenu par cet espoir. » Les messagers se mirent à errer à travers le monde et à chercher des nouvelles de la jeune fille pendant toute une année. Quand ils revinrent au bout de l’année, ils ne savaient rien de plus que le jour où ils étaient partis. L’empereur s’attrista en pensant que, vraisemblablement, il n’aurait jamais de nouvelles de la femme qu’il aimait le plus. Le roi de Romani dit alors à l’empereur : « Seigneur, va chasser dans la direction où il t’a semblé aller ; vois si c’est à l’orient ou à l’occident. » L’empereur partit pour la chasse et arriva sur les bords de la rivière. « Voici, » dit-il, « où j’étais quand j’eus cette vision. Je marchais en remontant la rivière vers l’occident. » Aussitôt treize hommes se mirent en route comme messagers de l’empereur.

Devant eux, ils aperçurent une grande montagne qui leur semblait s’élever jusqu’au ciel. Voici dans quel attirail marchaient les messagers chacun d’eux portait sur sa cape, par devant, une manche [331], comme insigne d’ambassadeurs, pour qu’on ne les inquiétât pas dans les pays en guerre qu’ils auraient à traverser. Après avoir franchi cette montagne, ils eurent devant les yeux de grandes contrées au terrain uni, traversées par de grands fleuves. « Voilà, » dirent-ils, « le pays qu’a traversé notre seigneur. » [332] La manche, à cette époque, était cette longue bande de soie qui pendait en écharpe au bras des dames de haut rang. Lancelot, dans le roman qui porte son nom, attache la manche de la reine sur son heaume en forme d’aigrette (Paulin Paris, Les Romans de la Table ronde, V, p. 334).

Ils se dirigèrent le long dus rivières, vers leur embouchure, jusqu’à ce qu’ils arrivèrent à un grand fleuve qu’ils voyaient couler vers la mur ; une grande ville était à l’embouchure du fleuve, et dans la ville une grande forteresse surmontée de grandes tours de couleurs variées. À l’embouchure était une flotte, la plus grande du monde, ut, au milieu, un navire plus grand que tous les autres. « Voilà bien, encore, » dirent-ils, « ce que notre seigneur a vu en songe. » Ils traversèrent la mer sur ce grand navire et arrivèrent dans l’île du Bretagne. Ils la traversèrent jusqu’à l’Eryri [333]. « Voici bien encore, » dirent-ils, « la terre sillonnée d’eau qu’a vue notre seigneur en rêve. » Ils s’avancèrent jusqu’à ce qu’ils aperçurent Mon (Anglesey) en face et qu’ils eurent aussi sous les yeux Arvon. « Voici bien, » dirent-ils, « la terre qu’a vue en songe notre seigneur. » Aber Sein [334] leur apparut ainsi que le fort à l’embouchure du la rivière. La porte du fort était ouverte ; ils entrèrent, ut, à l’intérieur, ils virent une salle. « Voilà bien, » dirent-ils, « la salle qu’il a vue en songe. » Ils entrèrent : les deux jeunes gens jouaient aux échecs assis sur une couche d’or ; l’homme aux cheveux blancs était assis au pied du la colonne, dans une chaire d’or, en train du tailler les cavaliers du jeu d’échecs ; la jeune fille. était assise dans sa chaire d’or rouge.

Les envoyés tombèrent à genoux devant elle. « Impératrice de Rome, » dirent-ils,« saluts » ― « Seigneurs, » répondit la jeune fille, « vous avez l’aspect du gens du marque et dus insignes d’ambassadeurs : que signifie cette moquerie à mon adresse ? » ― « Il n’y a pas là, princesse, la moindre moquerie. L’empereur du Rome t’a vue en songe. Il n’a depuis, à cause du toi, ni vie, ni repos. Nous tu laissons donc le choix, princesse : ou tu viendras avec nous pour qu’on tu fasse impératrice à Rome, ou l’empereur viendra ici lui-même tu prendre pour femme. » ― « Gentilshommes, je nu veux pas mettre en doute ce que vous me dites, ni y ajouter trop du foi non plus. Seulement, si l’empereur m’aime, qu’il vienne me chercher ici. » Lus messagers s’en retournèrent en marchant nuit et jour. Lorsque les chevaux faiblissaient, ils en achetaient d’autres. En arrivant à Rome, ils allèrent saluer l’empereur en demandant leur récompense. Ils eurent ce qu’ils demandèrent. « Nous tu guiderons, seigneur, » dirent-ils, « par mer et par terre, jusqu’à l’endroit où se trouve la femme que tu aimes le plus. Nous savons son nom, ses attaches du famille et son extraction. » L’empereur partit immédiatement avec ses troupes, avec ces hommes pour guides. Ils se rendirent dans l’île de Bretagne à travers la mer et les flots. Il conquit l’île sur Beli, fils de Manogan, et sur ses fils, et les força à prendre la mer ; pour lui, il s’avança jusqu’en Arvon. L’empereur reconnut le pays en le voyant. En apercevant le fort d’Aber Sein : « Voilà, » dit-il, « le fort où j’ai vu la femme que j’aime le plus. » Il marcha droit au fort et à la salle [335]. Il y vit Kynan [336], fils d’Eudav, et Adeon, fils d’Eudav, jouant aux échecs ; Eudav, fils de Karadawc, assis dans une chaire d’ivoire, en train de tailler les cavaliers du jeu d’échecs. La pucelle qu’il avait vue en songe était assise dans une chaire d’or. « Impératrice de Rome, » dit-il, « salut ! » L’empereur lui jeta les bras autour du cou, et, cette nuit-là même, il coucha avec elle.

Le lendemain, la jeune fille lui demanda son présent conjugal (Agweddi) [337] en retour de sa virginité. Il lui demanda ce qu’elle désirait. Elle demanda l’île de Bretagne pour son père depuis la mer Rudd (la Manche) <ref> Mor Rudd, habituellement mor Udd, la Manche :O for ud hyd for Iwerdon, depuis la mer Udd jusqu’à la mer d’Irlande (Cyndelw, XIIe s.), Myv. arch., p. 153, col. 2 ; (O for Udd i for Iwerdon, Myv. arch., p. 318, col. 2 ; mor Udd, Llewis Glyn Cothi, p. 111, 22). Cette mer porte, en irlandais, le nom de Muir n-icht, qui n’est pas réductible au nom gallois. En revanche, Icht peut faire supposer que le Portus Ittius pourrait bien être Ictius, comme l’a conjecturé avec raison M. Rhys (Celtic Britain, 2ème éd., p. 299). </ref> jusqu’à la mer d’Iwerddon, et les trois principales îles adjacentes [338] pour les tenir sous l’empereur de Rome, et trois forteresses à bâtir, à son gré, dans l’endroit qu’elle choisirait. Elle choisit un emplacement pour sa première forteresse la plus élevée en Arvon [339]. On y apporta de la terre de Rome pour qu’il fût plus sain pour l’empereur d’y dormir, de s’y asseoir et de s’y promener. Ensuite on lui bâtit deux autres forteresses, l’une à Kaer Llion [340], l’autre à Kaer Vyrddin [341]. Un jour l’empereur s’en alla chasser à Kaervyrddin et s’avança jusqu’au sommet de Brevi Vawr [342].

Là, l’empereur fit tendre son pavillon, et l’endroit porte encore aujourd’hui le nom de Kadeir Vaxen (chaire de Maxen) [343]. Kaervyrddin est ainsi appelée parce qu’elle a été bâtie par une myriade d’hommes. Alors Elen eut l’idée de faire faire des grandes routes de chaque ville forte à l’autre à travers l’île de Bretagne. Les routes furent faites et on les appelle les chemins d’Elen Luyddawc (la conductrice d’armées) <ref> Lluyddawc, dérivé de llu, « armée, troupe. » Les voies romaines portent en Galles, par endroits, le nom de Sarn Elen ou chaussée, chemin ferré d’Elen. V. la note à Maxen plus haut. Une Triade assez singulière, et probablement altérée, l’envoie à la tête d’une armée, avec Maxen, en Scandinavie, d’où ils ne reviennent pas (Triades Mab, p. 298, 9). Dafydd ab Gwilym et Llewis Glyn Cothi font des allusions à Elen. Llwyddawc pourrait bien être une traduction galloise d’impératrice, de chef d’armée. Hélène, mère de Constantin, paraît avoir été originaire de Bretagne ; mais elle aurait été d’obscure naissance d’après Eutrope (Brev. hist. Rom., X, 2). Bède, Hist. eccl., I, 8, dit que Constance a eu son fils Constantin ex concubina Helena, en Bretagne. C’est Gaufrei de Monmouth qui, le premier, l’a faite fille de Coel, roi de Colchester, car Henri de Huntindon ne le dit sans doute que d’après lui (Historia Anglorum, I, p. 702, dans les Mon. hist. brit.). Le nom de Custennin ou Constantin a été très commun chez les Bretons. On le trouve même dans le Cart. de Redon, dans une charte de 869, sous la forme armoricaine Custentin. Elen et Macsen sont la souche d’une famille de saints, comme tous les personnages en vue de la légende galloise :Owain Vinddu, Ednyved, Peblic, Cystenin sont leurs enfants (Iolo mss., p. 113). Trait assez curieux : une généalogie donne à Maxen, comme fils, Gwythyr, qui parait bien être la forme galloise de Victor ; or, Maxime avait un fils du nom de Victor (Iolo mss., p. 138). </ref>, parce qu’elle était originaire de l’île de Bretagne et que les gens de l’île ne se seraient jamais assemblés en pareil nombre pour personne autre qu’elle.

L’empereur resta sept ans dans cette île-ci. Or les gens de Rome avaient, à cette époque, cette coutume, que, tout empereur qui passait en pays étranger plus de sept années en conquérant, restait dans le pays conquis, et ne pouvait retourner à Rome. Ils créèrent un nouvel empereur. Celui-ci écrivit une lettre de menaces à Maxen. Elle ne contenait que ces mots : « Si tu viens, oui, si tu viens jamais à Rome… » La lettre et les nouvelles furent portées à Maxen, à Kaer Llion. Il envoya alors, lui aussi, une lettre à celui qui se disait empereur de Rome. Il n’y avait non plus, dans cette lettre, que les mots : « Si je vais jamais à Rome, oui, si j’y vais… » Maxen se mit alors en marche avec ses troupes vers Rome. Il soumit la France, la Bourgogne, toutes les contrées sur son passage jusqu’à Rome, et vint assiéger la ville. Il l’assiégea pendant un an, sans être plus près de la prendre que le premier jour.

Les frères d’Elen Luyddawc vinrent le rejoindre avec une armée peu nombreuse, mais composée de tels guerriers, qu’elle valait mieux qu’une armée, double de soldats romains. On avertit l’empereur lorsqu’on vit cette troupe s’arrêter à côté de son armée, et tendre ses pavillons. On n’avait jamais vu une armée plus belle, mieux équipée, ni pourvue d’étendards plus brillants, pour son nombre. Elen vint voir l’armée, et reconnut les étendards de ses frères. Alors, Kynan et Adeon, fils d’Eudaf, allèrent faire visite à l’empereur, qui leur fit bon accueil et les embrassa. Ils allèrent voir les Romains livrer assaut aux remparts, et Kynan dit à son frère : « Nous allons essayer de lutter contre Rome d’une façon plus habile que cela. » Ils mesurèrent pendant la nuit la hauteur des remparts, et envoyèrent leurs charpentiers dans les bois. Ils leur firent faire des échelles, une par quatre hommes. Elles furent prêtes. Chaque jour à midi, les deux empereurs prenaient leur repas, et le combat cessait des deux côtés, jusqu’à ce que chacun eût fini de manger. Or, les hommes de l’île de Bretagne prirent leur repas le matin, et burent jusqu’à être échauffés par la boisson. Au moment où les deux empereurs étaient allés manger, les Bretons s’avancèrent contre les remparts, y appliquèrent leurs échelles, et, en un instant, pénétrèrent, par-dessus, dans l’intérieur. Avant que le nouvel empereur eût eu le temps de s’armer, ils le surprirent et le tuèrent, ainsi que beaucoup d’autres. Ils passèrent trois jours et trois nuits à soumettre les hommes qui se trouvaient dans la forteresse, et à s’emparer du château. Une partie d’entre eux étaient occupés à défendre l’accès des remparts contre tout soldat de l’armée de Maxen jusqu’à ce qu’ils eussent fini de soumettre tout le monde à leur gré.

Maxen dit alors à Elen Lluyddawc : « Je suis fort étonné que ce ne soit pas pour moi que tes frères ont conquis cette ville. » ― « Seigneur empereur, » répondit-elle, « mes frères sont les hommes les plus sages du monde. Va-t’en toi-même réclamer la ville. Si ce sont eux qui l’ont en leur pouvoir, ils te la donneront volontiers. » L’empereur et Elen allèrent demander la ville. Les deux frères dirent alors à l’empereur qu’il ne devait la conquête de la ville et sa reddition qu’aux hommes de l’île de Bretagne. Aussitôt s’ouvrirent les portes de la ville de Rome. L’empereur alla s’asseoir sur son trône, et tous les Romains lui prêtèrent hommage.

L’empereur dit alors à Kynan et à Adeon : « Seigneurs, j’ai recouvré entièrement mon empire. Cette armée-ci, je vous la donne pour soumettre avec elle la partie du monde que vous voudrez. » Ils se mirent en marche, et soumirent des pays, des châteaux-forts et des cités fortifiées. Ils tuaient les hommes, mais laissaient vivre les femmes. Ils continuèrent jusqu’à ce que les jeunes gens qui étaient venus avec eux fussent des hommes à cheveux gris tant ils avaient passé de temps à ces conquêtes ! Kynan dit alors à Adeon son frère : « Que préfères-tu ? Rester dans ce pays, ou retourner dans ta patrie ? » Il préféra retourner dans sa patrie, et beaucoup d’autres avec lui. Kynan resta dans le pays avec les autres et s’y fixa. I1 décidèrent de couper la langue à toutes les femmes pour éviter de corrompre leur langage. C’est parce que les femmes cessèrent de parler, tandis que les hommes parlaient, qu’on appela les hommes de Llydaw, Bretons. C’est à la suite de cela que vint de l’île de Bretagne cette appellation fort usitée et qu’elle en vient encore <ref> Le ms. Pan. 4 ; L.F. 191 porte au lieu de : gwyr Llydaw Brytaen : gwyr Llydau Brytanyeit. Il ajoute à : achaws tewi or gwraged ac eu ieith : a dywedut or gwyr (parce que les femmes cessèrent de parler leur langage tandis que les hommes parlaient.) La pensée des rédacteurs des deux manuscrits ou plutôt du rédacteur de la version qu’ils suivent, est claire : pour eux les hommes de Llydaw (Armorique) ont été appelés Bretons parce que les hommes seuls, qui étaient d’origine bretonne, parlaient, tandis que le langage des femmes à, qui on avait coupé la langue, disparaissait. Ils ajoutent que cette appellation de Bretons (et Bretagne), á la suite de ces événements, est venue de l’île et est encore usitée concurremment (ce qui est dans leur pensée) avec l’ancienne dénomination de Llydaw. Le mot ieith dans le sens d’appellation, surnom, est courant, cf. Texte des Mabín., p. 80, 1. 6. Il n’est pas impossible, il est probable même, qu’une version plus ancienne devait s’accorder avec la fameuse étymologie de Nennius. Après avoir raconté la fable des Bretons coupant la langue des femmes d’Armorique, il ajoute : « unde et nos illos vocamus in nostra lingua Letewicion id est semitacentes, quoniam confuse loquuntur. » Nennius tire Letewicion, habitants de Llydaw, de let, à moitié, et tewicion, se taisant. 1l y avait peut-être dans le texte primitif : y gelwit gwyrBrytaen Llydaw. Le ms. 16 aurait peut-être pu nous apporter quelque lumière à ce sujet, mais la fin manque.

Le Brut Tysilio (Myv. Arch. p. 454,col.2) est d’accord avec Pen. et confirme l’explication donnée plus haut : a Lynna yr amser cyntaf y daeth y Britaniait y Lydaw, ac o hynny allan y gelwit hi Bryttaen vechan « c’est à cette époque (du temps de Maxen et Kynan Meiriadoc) pour la première fois que les Bretons allèrent en Llydaw (Armorique), et depuis ce temps-là, on l’appelle Petite Bretagne. » Le Brut Gr. ab arthur (version galloise de l’Historia de Gaufrei) de même : Llydaw e teyrnas a elwyr yr awr hon Brytaen vechan (Myv. Arch. 512).

</ref>. Ce récit s’appelle le Songe de Maxen Wledic, empereur de Rome. C’est ici qu’il se termine.
LLUDD et LLEVELYS Voici l’aventure ( [344]) de Lludd et Llevelys


Beli le Grand, fils de Manogan, eut trois fils Lludd, Kasswallawn et Nynnyaw [345]  ; suivant l’histoire [346], il en eut même un quatrième, Llevelys. Après la mort de Beli, le royaume de Bretagne revint à Lludd, son fils aîné.

Il le gouverna d’une façon prospère, renouvela les murailles de Llundein et les entoura de tours innombrables. Puis il ordonna à tous les citoyens d’y bâtir des maisons telles qu’il n’y en eût pas d’aussi hautes dans les autres royaumes. C’était aussi un bon guerrier ; il était généreux, distribuant largement nourriture et boisson à tous ceux qui en demandaient. Quoiqu’il possédât beaucoup de villes et de cités fortifiées, c’était celle-là qu’il préférait ; il y passait la plus grande partie de l’année. C’est pourquoi on l’a appelée Kaer Ludd [347] ; à la fin, elle s’est appelée Kaer Lundein ; c’est après qu’elle eut été envahie par une nation étrangère qu’elle prit ce nom de Llundein ou de Llwndrys. Celui de tous ses frères qu’il aimait le mieux, c’était Llevelys, parce que c’était un homme prudent et sage.

Llevelys ayant appris que le roi de France était mort sans autre héritier qu’une fille et qu’il avait laissé tous ses domaines entre ses mains, vint trouver son frère Lludd pour lui demander conseil et appui ; il songeait moins à son propre intérêt qu’à l’accroissement d’honneur, d’élévation et de dignité qui en résulterait pour leur race s’il pouvait aller au royaume de France demander comme femme cette jeune héritière. Son frère tomba d’accord avec lui sur-le-champ et approuva son projet. Immédiatement des navires furent équipés et remplis de chevaliers armés, et Llevelys partit pour la France. Aussitôt débarqués, ils envoyèrent des messagers aux nobles de France pour leur exposer l’objet de leur expédition. Après délibération, d’un commun accord, les nobles et les chefs du pays donnèrent à Llevelys la jeune fille avec la couronne de France. Il ne cessa depuis de gouverner ses Etats avec prudence, sagesse et bonheur jusqu’à la fin de sa vie. Un certain temps s’était déjà écoulé lorsque trois fléaux s’abattirent sur l’île de Bretagne, tels qu’on n’en avait jamais vu de pareils [348]. Le premier était une race particulière qu’on appelait les Corannieit : tel était leur savoir qu’il ne se tenait pas une conversation sur toute la surface de l’île, si bas que l’on parlât, qu’ils ne connussent, si le vent venait à la surprendre ; de sorte qu’on ne pouvait leur nuire. [349]

Le second fléau, c’était un grand cri qui se faisait entendre chaque nuit de premier mai au-dessus de chaque foyer dans l’île de Bretagne ; il traversait le coeur des humains et leur causait une telle frayeur que les hommes en perdaient leurs couleurs et leurs forces ; les femmes, les enfants dans leur sein ; les jeunes gens et. les jeunes filles, leur raison. Animaux, arbres, terre, eaux, tout restait stérile. Voici en quoi consistait le troisième fléau : on avait beau réunir des provisions dans les cours du roi, y aurait-il eu pour un an de nourriture et de boisson, on n’en avait que ce qui se consommait la première nuit. Le premier fléau s’étalait au grand jour, mais il n’y avait personne à connaître la cause des deux autres ; aussi y avait-il plus d’espoir de se débarrasser du premier que du second ou du troisième. Le roi Lludd en conçut beaucoup de souci et d’inquiétude, ne sachant comment il pourrait s’en débarrasser. Il fit venir tous les nobles de ses domaines et leur demanda leur avis au sujet des mesures à prendre contre ces fléaux. Sur l’avis unanime de ses nobles, Lludd, fils de Beli, se décida à se rendre auprès de Llevelys, roi de France, qui était connu pour l’excellence de ses conseils et sa sagesse, afin de lui demander avis.

Ils préparèrent une flotte, et cela en secret, sans bruit, de peur que le motif de leur expédition ne fut connu des envahisseurs, ou de qui que ce fût, à l’exception du roi et des conseillers. Quand ils furent prêts, Lludd et ceux qu’il avait choisis s’embarquèrent et commencèrent à sillonner les flots dans la direction de la France. En apprenant l’approche de cette flotte, Llevelys, qui ne savait pas la cause de l’expédition de son frère, s’avança du rivage opposé à sa rencontre avec une flotte très considérable. Ce que voyant, Lludd laissa tous ses navires au large, excepté un sur lequel il monta pour venir à la rencontre de son frère. Celui-ci vint aussi au-devant de lui avec un seul navire. Aussitôt réunis, ils s’embrassèrent et se saluèrent avec une tendresse toute fraternelle.

Lludd exposa à son frère le motif de son expédition ; Llevelys lui répondit qu’il connaissait les raisons de son voyage dans ce pays. Ils se concertèrent pour trouver un autre mode de conversation au sujet de leurs affaires, de façon que le vent ne pût arriver à leurs paroles et que les Corannieit ne pussent savoir ce qu’ils diraient. Llevelys fit faire, en conséquence, une grande corne de cuivre, et c’est à travers cette corne qu’ils s’entretinrent. Mais quoi que pût dire l’un deux à l’autre, elle ne lui rapportait [350] que des propos désagréables et de sens tout opposé.


Llevelys voyant que le diable se mettait en travers et causait du trouble à travers la corne, fit verser du vin à l’intérieur, la lava et en chassa le diable par la vertu du vin.

Lorsqu’ils purent causer sans obstacle, Llevelys dit à son frère qu’il lui donnerait certains insectes dont il garderait une partie en vie afin d’en perpétuer la race pour le cas où le même fléau surviendrait une seconde fois, et dont il broierait le reste dans de l’eau. Il lui assura que c’était un bon moyen pour détruire la race des Corannieit, voici comment :

Aussitôt arrivé dans son royaume, il réunirait dans un même plaid tout son peuple à lui, et la nation des Corannieit, sous prétexte de faire la paix entre eux. Quand ils seraient tous réunis, il prendrait cette eau merveilleuse et la jetterait sur tous indistinctement.

Llevelys assurait que cette eau empoisonnerait la race des Corannieit, mais qu’elle ne tuerait, ne ferait de mal à personne de sa nation à lui. « Quant au second fléau de tes États, » ajouta-t-il, « c’est un dragon. Un dragon de race étrangère se bat avec lui, et cherche à le vaincre. C’est pourquoi votre dragon [351] à vous pousse un cri effrayant.


Voici comment tu pourras le savoir. De retour chez toi, fais mesurer cette île de long en large : à l’endroit où tu trouveras exactement le point central de l’île, fais creuser un trou, fais-y déposer un cuve pleine de l’hydromel le meilleur que l’on puisse faire, et recouvrir la cuve d’un manteau de paile. Cela fait, veille toi-même, en personne, et tu verras les dragons se battre sous la forme d’animaux effrayants. Ils finiront par apparaître dans l’air sous la forme de dragons, et, en dernier lieu, quand ils seront épuisés à la suite d’un combat furieux et terrible, ils tomberont sur le manteau sous la forme de deux pourceaux ; ils s’enfonceront avec le manteau, et le tireront avec eux, jusqu’au fond de la cuve ; ils boiront tout l’hydromel et s’endormiront ensuite. Alors, replie le manteau tout autour d’eux, fais-les enterrer, enfermés dans un coffre de pierre, à l’endroit le plus fort de tes États, et cache-les bien dans la terre. Tant qu’ils seront en ce lieu fort, aucune invasion ne viendra d’ailleurs dans l’île de Bretagne.

Voici la cause du troisième fléau. C’est un magicien puissant qui enlève ta nourriture, ta boisson et tes provisions ; par sa magie et ses charmes il fait dormir tout le monde. Aussi il te faudra veiller en personne sur les mets de tes banquets et tes provisions. Pour qu’il ne puisse réussir à t’endormir, aies une cuve pleine d’eau à côté de toi. Quand tu sentiras que le sommeil s’empare de toi, jette-toi dans la cuve. »

Lludd s’en retourna alors dans son pays. Aussitôt il invita à se réunir auprès de lui tout son peuple et celui des Corannieit. Suivant les instructions de Llevelys, il broya les insectes dans de l’eau, et jeta l’eau indistinctement sur tous. Immédiatement toute la tribu des Corannieit fut détruite, sans qu’aucun des Bretons éprouvât le moindre mal. Quelques temps après, Lludd fit mesurer l’île de Bretagne en long et en large. Il trouva le point central à Rytychen (Oxford). Il y fit creuser un trou, et déposer dans le trou une cuve pleine du meilleur hydromel qu’il fut possible de faire, avec un manteau de paile par-dessus. Il veilla lui-même en personne cette nuit-là. Pendant qu’il était ainsi aux aguets, il vit les dragons se battre. Quand ils furent fatigués et qu’ils n’en purent plus, ils descendirent sur le manteau et l’entraînèrent avec eux jusqu’au fond de la cuve. Après avoir fini de boire l’hydromel, ils s’endormirent. Pendant leur sommeil, Lludd replia le manteau autour d’eux et les enterra, enfermés dans un coffre de pierre, à l’endroit le plus sûr qu’il trouva dans les montagnes d’Eryri. On appela depuis cet endroit Dinas Emreis [352] ; auparavant, on l’appelait Dinas Ffaraon Dandde [353]. Ainsi cessa ce cri violent qui troublait tout le royaume.

Dinas Emreis est une petite colline isolée au milieu des vallées du Snowdon, entre Beddgelert et Capel Curig, dans le Carnarvonshire, d’après lady Guest. « Au bout des montagnes du Snowdon, non loin de la source de la Conway, qui coule à travers cette région vers le nord, se trouve Dinas Emrys, c’est-à-dire le promontoire d’Ambrosius, où Merlin, assis sur un roc, prophétisait à Vortigern » (Girald. Cambr. d’après lady Guest). Giraldus Cambr. s’inspire ici de Gaufrei de Monmouth. En effet, dans Nennius, l’enfant, qui prophétise à Voltigera n’est nullement Ambrosius Merlinus ou Merlin, mais Embreis Guletic, c’est-à-dire Ambrosien le roi ou l’imperator. Cet Ambrosius est un personnage réel, né en Bretagne, d’une famille romaine ayant porté la pourpre ; il s’appelait Ambrosius Aurelianus ou Aurelius, et lutta victorieusement contre les Saxons dans la seconde moitié du cinquième siècle (Gildas, De Excidio Brit., XXV). Nennius, qui ajoute à l’histoire la légende de l’enfant prophète, le fait aussi descendre de parents romains. Le nom d’Aurelius ou d’Aurelianus a été souvent emporté après par des Bretons. Un des rois des Bretons du temps de Gildas s’appelle Aurelius Conanus. Le premier évêque de notre pays de Léon porte le nom de Paulus Aurelianus. Une commune auprès de Vannes s’appelle Mangolerian et s’appelait autrefois Macoer Aurilian ou la muraille d’Aurélien. Une villa près de Redon, au IXième siècle, portait le nom de Ran Macoer Aurilian.

Cela fait, le roi Lludd fît préparer un énorme festin. Quand tout fut prêt, il fit placer à côté de lui une cuve pleine d’eau froide, et il veilla en personne à côté. Pendant qu’il était ainsi, armé de toutes pièces, vers la troisième veille de la nuit, il entendit beaucoup de récits charmants et extraordinaires, une musique variée, et il sentit qu’il ne pouvait résister au sommeil. Plutôt que de se laisser arrêter dans son projet et vaincre parle sommeil, il se jeta à plusieurs reprises à l’eau. À la fin, un homme de très grande taille, couvert d’armes lourdes et solides, entra, portant un panier, et se mit à y entasser, comme il en avait l’habitude, toutes les provisions de nourriture et de boisson. Puis il se mit en devoir de sortir avec le tout. Ce qui étonnait Lludd le plus, c’est que tant de choses pussent tenir dans le panier. Lludd se lança à sa poursuite et lui dit : « Attends, attends. Si tu m’as fait bien des affronts et causé beaucoup de pertes, désormais tu ne le feras plus, à moins que les armes ne décident que tu es plus fort et plus vaillant que moi. » L’homme déposa immédiatement le panier à terre et l’attendit. Un furieux combat s’engagea entre eux : les étincelles jaillissaient de leurs armes. À la fin, Lludd le saisit ; le sort voulut que la victoire lui restât ; il renversa sous lui l’oppresseur sur le sol. Vaincu par la force et la vaillance de Lludd, celui-ci lui demanda merci. « Comment, » dit le roi, « pourrais-je te donner merci, après toutes les pertes et les affronts que j’ai éprouvés de ta part ? »

― « Tout ce que je t’ai fait perdre, » répondit-il, « je saurai t’en dédommager complètement. Je ne ferai plus rien de pareil, et je serai désormais pour toi un fidèle vassal. » Le roi accepta.

C’est ainsi que Lludd débarrassa l’île de Bretagne de ces trois fléaux. À partir de là jusqu’à la fin de sa vie, Lludd, fils de Beli, gouverna l’île de Bretagne en paix et d’une façon prospère. Ce récit est connu sous le nom de l’Aventure de Lludd et Llevelys.


C’est ainsi qu’elle se termine. KULHWCH et OLWEN



Kilydd, fils du prince Kelyddon, voulut une femme pour partager sa vie, et son choix tomba sur Goleuddydd [354], fille du prince Anllawdd [355]. Quand ils furent sous le même toit, le pays se mit à prier pour qu’ils eussent un héritier, et, grâce à ses prières, un fils leur naquit.

Mais du moment où elle conçut, elle devint folle et fuit toute habitation. Quant arriva le temps de la délivrance, son bon sens lui revint. Or il arriva qu’à l’endroit où le porcher gardait un troupeau de porcs, par peur de ces animaux, elle accoucha. Le porcher prit l’enfant et le porta à la cour. On le baptisa et on lui donna le nom de Kulhwch [356] parce qu’on l’avait trouvé dans la bauge d’une truie. L’enfant cependant était de noble souche et cousin d’Arthur <ref> Arthur. Le nom d’Arthur n’est prononcé ni par Gildas, ni par Bède. Il figure pour la première fois chez Nennius. Suivant l’auteur de l’Historia Britonum, Arthur était chef des guerres contre les Saxons à la fin du Ve siècle ; il aurait remporté sur eux douze victoires. Dans un autre passage qui n’appartient peut-être pas à l’œuvre primitive, il est fait mention d’une chasse au monstre appelé porcum Troit, par lui et son chien Cavall. L’Historia, dans ses parties originales, date du IXe siècle (Voir Arthur de la Borderie, l’Historia Britonum, attribuée à Nennius. Paris, 1832 ; Heeger, Die Trojanersage der Britten. Munich, 1887 ; Zimmer, Nennius vindicatus). Les Annales Cambriae, dans la partie la plus ancienne, dont la rédaction parait être du Xe siècle (elles ont été rédigées entre 954 et 955, comme l’a montré Egerton Philimore, Y Cymmrodor, IX, p. 141-189 : le manuscrit le plus ancien, le Harblian, est de plus d’un siècle plus récent), disent qu’Arthur porta la croix trois jours et trois nuits sur ces épaules, à la bataille du mont Badon, dont il est aussi question dans Gildas, et qui paraît avoir été une défaite très grave pour les Saxons. D’après ces mêmes annales, Arthur aurait péri avec son neveu et adversaire Medraut, en 537, à la bataille de Camlann. Dans l’Historia regum Britanniae de Gaufrei de Monmouth, l’histoire d’Arthur parait singulièrement grossie : il est fils d’Uther, roi des Bretons, et d’Igerna, femme du duc de Cornouailles Gorlois ; il bat non seulement les Saxons, mais les Irlandais et les Romains ; il conquiert une bonne partie de l’Europe. Son neveu Modred s’empare, en son absence, de son trône et de sa femme. Arthur réussit à le battre malgré son alliance avec les Saxons ; mais il est mortellement blessé et se fait porter à l’île d’Avallon pour soigner ses blessures. C’est de là que les Bretons d’Angleterre et de France ont longtemps attendu sa venue. L’histoire de la naissance d’Arthur, des amours d’Igerna et d’Uter, inspirées peut-être d’Ovide, comme l’a fait remarquer M. Paulin Paris (Les Romans de la Table Ronde, I, p. 48), ne sont pas uniquement dues à l’imagination de Gaufrei ; sa querelle avec Medraut, sa blessure et sa retraite à Avallon appartiennent aux traditions bretonnes, Gaufrei, pour le faire fils d’Uther, a glosé peut-être le passage de Nennius, où il est dit que les Bretons l’avaient, à cause de sa passion pour la guerre, appelé Mab Uter id est filius horribilis ; gallois moyen uthr, surprenant, merveilleux. Dans les Traditions galloises, les poésies, c’est un personnage souvent surnaturel ; les propriétés de son épée, de son manteau, rappellent celles de certains héros de l’épopée irlandaise. Il faudrait un volume pour réunir tout ce qu’on trouve dans la littérature galloise seule sur ce héros de la race bretonne. S’il a réellement existé (ce doute eût coûté la vie, au moyen âge, en pays breton), la légende lui a, à coup sûr, attribué les traits de héros ou de demi-dieux plus anciens. (Pour plus de renseignements sur la légende d’Arthur, cf. Gaston Paris, Hist. litt., XXX, p. 3 et suiv. ; San-Marte, Die Arthursage, Quedlinburg, 1842 ; John Rhys, Arthurian Legend, 1891 ; Celtic Folklore, 2 vol. 1901, passim. ; sur les nombreuses localités qui ont porté le nom d’Arthur v. Stuart Glennie. Arthurian Localities, Edinburgh, 1869). On dit encore dans la Bretagne française : fort comme un Artu.</ref>.

On l’envoya à la nourrice. À la suite de l’événement, la mère de l’enfant, Goleuddydd, fille du prince Anllawdd, tomba malade. Elle fit venir son mari et lui dit : « Je mourrai de cette maladie, et tu voudras une autre femme. Or, les femmes sont maintenant les arbitres des largesses. Ce serait cependant mal à toi que de ruiner ton fils ; aussi je te demande de ne pas te remarier que tu n’aies vu une ronce à deux têtes sur ma tombe. » Il le lui promit. Elle appela alors son précepteur [357] et lui demanda de nettoyer complètement sa tombe tous les ans de façon que rien ne pût croître dessus.

La reine mourut. Le roi envoya chaque jour un serviteur pour voir s’il poussait quelque chose sur la tombe. Au bout de sept ans, le précepteur négligea ce qu’il avait promis de faire. Un jour de chasse, le roi se rendit au cimetière ; il voulait voir la tombe lui-même parce qu’il songeait à se remarier la ronce avait poussé dessus ! Aussitôt, il tint conseil pour savoir où il trouverait une femme. Un de ses conseillers lui dit :


[358] Athraw ou Athro. La coutume chez les anciens Gallois était d’avoir un athraw pour la famille : « Il y a trois choses qu’un Gallois, possesseur de terres, doit garder et entretenir : une femme légitime, un homme armé, s’il ne peut lui-même porter les armes et un professeur domestique » (Athraw leuluaidd. Ancient laws, II, p. 514, 31). Le bardd remplissait souvent ce rôle ; c’était lui, en particulier, qui tenait les généalogies. Athro désigne peut-être ici le confesseur, ou plutôt un de ces clercs familiers qui, en France au XIIIe, cumulaient, sous le nom de latiniers, les fonctions d’interprète, de rédacteur et de chapelain (V. Lecoy de la Marche, La Société au XIIIe siècle, p.191). « Je sais une femme qui te conviendrait bien : c’est celle du roi Doged [359]. » Ils décidèrent d’aller la prendre. Ils tuèrent le roi, enlevèrent sa femme et sa fille unique et s’emparèrent de ses Etats.

Un jour, la dame alla se promener. Elle se rendit à la ville chez une vieille sorcière [360] à qui il ne restait plus une dent dans la bouche : « Vieille, » lui dit-elle, « veux-tu me dire, au nom de Dieu, ce que je vais te demander ? Où sont les enfants de celui qui m’a enlevée par violence ? » ― « Il n’en a pas, » dit la vieille.

- »Que je suis malheureuse, » s’écria la reine, « d’être tombée entre les mains d’un homme sans enfants ! » ― « Inutile de gémir, » repartit la vieille : « il est prédit qu’il aura un héritier de toi, quand même il n’en aurait pas d’une autre. D’ailleurs, console-toi : il a un fils. » La princesse retourna joyeuse à la maison, et dit à son mari : « Pourquoi caches-tu tes enfants de moi ? » ― « Je ne le ferai pas plus longtemps, [361] » dit le roi. On envoya chercher le fils et on l’amena à la cour. Sa belle-mère lui dit : « Tu ferais bien de prendre une femme. J’ai justement une fille qui conviendrait à n’importe quel noble au monde. » [362] D’après Rees, Welsh Saints, p. 209 (voy. Lady Guest, Mab., II, p.320), il y aurait eu un roi Doged, fils de Cedig ab Ceredig ab Cunedda Wledig, frère de l’évêque Avan, fondateur de Llan-Avan en Breconshire. Il a été mis au nombre des saints, et a donné son nom à Llan-Ddoged, dans le Denbighshire. Il aurait vécu de 500 à 542.

― « Je n’ai pas encore l’âge de me marier [363], » répondit-il. Alors elle s’écria : « Je jure que tu auras cette destinée que ton flanc ne se choquera jamais à celui d’une femme que tu n’aies eu Olwen, la fille d’Yspaddaden Penkawr. » Le jeune homme rougit [364] et l’amour de la jeune fille le pénétra dans tous ses membres, quoiqu’il ne l’eût jamais vue. « Mon fils, » lui dit son père, « pourquoi changes-tu de couleur ? Qu’est-ce qui t’afflige ? » ― « Ma belle-mère m’a juré que je n’aurais de femme que si j’obtenais Olwen [365], la fille d’Yspaddaden Penkawr. » ― « C’est pour toi chose facile. Arthur est ton cousin. Va le trouver pour qu’il arrange ta chevelure [366] : demande-le lui comme présent. » [367] D’après la plus ancienne rédaction des lois galloises, celle de Gwynedd ou Nord-Galles, à douze ans on pouvait marier les filles (les donner à un mari : rody y wr). L’âge, pour le garçon, devait être quatorze ans révolus, car, à partir de cet âge, il est maître de ses actes, il possède en propre ; son père n’a plus sur lui droit de correction (Ancient laws, I, p. 202, 8 ; 204, 3). Il va sans dire que, dans la réponse de Kulhwch, il ne s’agit pas de l’âge fixé par la loi.

[368] Voir la note à honneur, à la page 127. [dans le mab. de ’Branwen, fille de Llyr’ note à wynebwarth ]

[369] Dafydd ab Gwilym, chantant une femme, l’appelle fain Olwen « mince, svelte Olwen » (p. 162) ; on trouve une comparaison semblable, Iolo mss., p. 239.

[370] D’après la Cyclopaedia de Rees, citée par lady Guest, au VIIIe siècle, c’était la coutume, dans les familles de marque, de faire couper, la première fois, les cheveux de leurs enfants par des personnes qu’elles avaient en estime particulière : ces personnes devenaient comme les pères spirituels ou parrains des enfants. Constantin envoie au pape les cheveux de son fils Héraclius, comme un gage qu’il désire faire de lui, pour Héraclius, un père adoptif. Guortigern ayant eu un fils de sa fille, la poussa à aller porter l’enfant à Germain, l’évêque, en disant qu’il était son père. Germain dit à l’enfant : « Pater tibi ero, nec le permittam nisi mihi novacula cum forcipe et pectine detur, et ad patrem tuum carnalem tibi dare liceat. » L’enfant va droit à Guortigern, et lui dit « Pater meus es tu, caput meum tonde, et comam capitis mei pecte. » (Hist., XXXIX ) Le mot diwyn (v. notes critiques) indique ici donc l’action de mettre en ordre, couper et peigner la chevelure. Ce même usage existait chez les Germains (V. Loth, Revue Celt., 1890, p. 495-496). Il semble aussi, d’après ce passage, que cette opération ne soit pas destinée à faire d’un enfant un fils spirituel, mais qu’elle soit réservée au père et aux parents.


Le jeune homme partit sur un coursier à la tête gris-pommelée, vieux de quatre hivers, aux cuisses puissamment articulées, au sabot brillant comme un coquillage, une bride aux chaînons d’or articulés à la bouche, avec une selle d’or d’un grand prix. Il portait deux javelots d’argent bien aiguisés, une lance à pointe saillante [371], d’une bonne coudée jusqu’à la pointe, en prenant pour mesure le coude d’un homme de forte corpulence, capable d’atteindre le vent et de lui tirer du sang : elle était plus prompte que la chute de la première goutte de rosée de la pointe du roseau sur le sol au moment où elle est la plus abondante, au mois de juin.

À sa hanche pendait une épée à poignée d’or, à lame d’or, à la garde formée d’une croix émaillée d’or et de la couleur de l’éclair du ciel ; dans la croix était une lanterne d’ivoire [372]. Devant lui s’ébattaient deux lévriers au poitrail blanc, à la peau tachetée, portant chacun au cou un collier de rubis allant de la jointure de l’épaule à l’oreille. Celui de gauche passait à droite, celui de droite à gauche, jouant ainsi autour de lui comme deux hirondelles de mer. Les quatre sabots de son coursier faisaient voler quatre mottes de gazon, comme quatre hirondelles en l’air, par dessus sa tête, tantôt plus haut, tantôt plus bas. Il avait autour de lui un manteau de pourpre à quatre angles, une pomme d’or à chaque extrémité de la valeur de cent vaches chacune [373]. Sur ses chausses et ses étriers, depuis le haut de la cuisse jusqu’au bout de son orteil, il y avait de l’or pour une valeur de trois cents vaches.


[374] Notes critiques. Le glaive au moyen âge, dans nos romans français, est une lance. Le gleif gallois, qui lui est emprunté, a le même sens. Dans le Brut Gr. ab Arthur (Myv. Arch., 532.2), Arthur se ceint de son épée Caletvwlch ; puis il prend en mains, un gleif du nom de Ron uwchel. Or dans les Nod. correspondantes, tirées d’un ms du XIIe-XIIIe siècle (Myv. arch., p. 589, n° 510), le mot gleif est remplacé par gwaew ; lance. De même dans le Brut Tysilio. (ibid., 463.1), la lance est appelée Rongymyniat : dans Kulhwch (texte, p. 105) c’est Rongomiant.

[375] Le texte gallois porte lugorn olifant yndi (et une lugorn d’ivoire en elle). On pourrait songer à traduire lugorn par corne de guerre mais c’est un sens très rare. Il s’agit peut-être d’une lanterne dans la croix ou le pommeau de l’épée. Lanterne désignait quelquefois, au moyen âge, un joyau renfermant des boules de senteur ; d’après Littré, on donne encore ce nom à la partie de la croix d’un évêque, ou du bâton d’un chantre, qui est à jour. Les pommeaux d’épée, au moyen âge, étaient souvent à jour ; souvent ils renfermaient, sous un chaton, des reliques sur lesquelles on jurait (Voy. Viollet-le-Duc, Dictionnaire du mobilier français, V, p. 378). Peniarth, IV (L. Blanc 483), a lloring au lieu de lugorn mais le sens est inconnu.

[376] Chez les anciens Bretons, comme chez les Irlandais, la valeur commerciale était appréciée en têtes de bétail. C’est encore la façon de compter, dans les lois d’Howel Da, rédigées au dixième siècle, mais dont le plus ancien manuscrit remonte au douzième siècle. C’est un souvenir de l’époque où la richesse consistait surtout en troupeaux.


Pas un brin d’herbe ne pliait sous lui, si léger était le trot du coursier, qui le portait à la cour d’Arthur.

Le jeune homme dit : « Y a-t-il un portier ? » ― « Oui : et toi, que ta langue ne reste pas silencieuse pourquoi salues-tu … [(lacune)] ? [377]. Moi, je fais le portier pour Arthur tous les premiers de l’an ; tout le reste de l’année, ce sont mes lieutenants : Huandaw [378], Gogigwc, Llaeskenym, et Pennpingyon qui marche sur la tête pour épargner ses pieds, non pas dans la direction du ciel ni de la terre, mais comme une pierre roulante sur le sol de la cour. » ― « Ouvre la porte ? » ― « Je ne l’ouvrirai pas. » ― « Pourquoi ? » ― « Le couteau est allé dans la viande, la boisson dans la corne [379]. On s’ébat dans la salle d’Arthur.


[380] Voir Notes Critiques à la page du texte 103, lignes 6 et 7.

[381] Huandaw, « qui entend bien ; » Gogigwc est probablement une faute du copiste pour Gogihwc, épithète qu’on trouve dans le Gododin d’Aneurin (Skene, Four ancient books of Wales, p. 90, vers 13), mais dont le sens n’est pas certain ; Llaesgenym est peut-être altéré aussi ; Pen. 4. Laes Kemyn peut-être pour Llaes Kevyn ; le premier terme, llaes, vient du latin laxus ; Owen Pughe donne à Pennpingion le sens de tête branchue, en rapprochant pingion de pingc.

[382] Le mot gallois indique que la corne à boire était faite primitivement et ordinairement aussi, sans doute, de corne de buffle ou bœuf sauvage. D’après les lois galloises, la corne à boire du roi, la corne qu’il portait dans ses expéditions, et la corne du chef des chasseurs, devaient être de bœuf sauvage (Ancient laws, II p. 991).


On ne laisse entrer que les fils de roi d’un royaume reconnu ou l’artiste qui apporte son art [383]. On donnera à manger à tes chiens et à tes chevaux ; à toi on offrira des tranches de viandes cuites et poivrées [384], du vin à pleins bords et une musique agréable. On t’apportera la nourriture de trente hommes au logis des hôtes, là où mangent les gens de pays lointains et ceux qui n’auront pas réussi à entrer dans la cour d’Arthur. Tu ne seras pas plus mal là qu’avec Arthur lui-même. On t’offrira une femme pour coucher avec toi, et les plaisirs de la musique. Demain, dans la matinée, lorsque le portail s’ouvrira devant la compagnie qui est venue ici aujourd’hui, c’est devant toi le premier qu’elle s’ouvrira et tu pourras choisir ta place où tu voudras dans la cour d’Arthur du haut en bas. » ― « Je n’en ferai rien, » dit le jeune homme ; « si tu ouvres la porte, c’est bien ;


[385] Le même trait de mœurs se retrouve chez les anciens Irlandais. Quand Lug, fils d’Eithlenn, sorte de Mercure irlandais, se présente au palais royal de Tara, le portier refuse de le laisser entrer à moins qu’il ne soit maître en quelque art ou profession (O’Curry, On the manners, III, p, 42).

[386] Le dystein ou intendant du roi devait fournir au cuisinier certaines herbes ; la seule qui soit spécifiée, c’est le poivre (Ancient laws, I, p. 48). Les viandes poivrées sont en honneur aussi dans nos romans de chevalerie : « poons rostis, et bons cisnes (cygnes) pevreis, » [viandes rôties et bons cygnes poivrés] vers 1560, dans Raoul de Cambrai, édition de la Société des anciens textes français.


si tu ne l’ouvres pas, je répandrai honte à ton maître, à toi déconsidération, et je pousserai trois cris [387] tels à cette porte qu’il n’y en aura jamais eu de plus de mortels depuis Pengwaedd [388], en Kernyw [389] (Cornouailles anglaise), jusqu’au fond de Din Sol, dans le Nord [390], et à Esgeir Oervel [391], en Iwerddon (Irlande) : tout ce qu’il y a de femmes enceintes dans cette île avortera ; les autres seront accablées d’un tel malaise que leur sein se retournera et qu’elles ne concevront jamais plus. » [392] Le cri perçant (diaspad) était un moyen légal de protestation d’après les lois. Il était encore en usage, d’après le code de Gwynedd, dans le cas où un descendant au neuvième degré venait réclamer une terre comme lui appartenant : on l’appelait diaspat uwch annwvyn ou cri plus haut que l’abîme (Ancient laws I, 173,174.2). D’après le code de Gwent, le diaspat egwan ou cri de détresse, était légal au Gallois à qui on refusait l’aide de la loi dans la cour du roi ou devant le juge, au sujet de son patrimoine, ou aux descendants au neuvième degré, pour protester contre une déchéance de propriété (Ancient laws, I, p. 774, 1). Sur la clameur chez les Français comme protestation contre un décret du souverain, v. Paulin, Paris, Romans de la Table Ronde, IV, notes.

[393] Dans les Lois, 1, p. 184, donnent un Penryn Penwaed y Kernyw. Ce serait, d’après l’éditeur, aujourd’hui Penwith en Cornwall, lieu de Pen Blathaon yn y Gogled. Les Lois portent Penryn Blathaon ym Prydyn, c’est-à-dire en Ecosse ; on suppose que c’est Caithness. D’après les Lois, Dyvynwal Moelmut aurait fait mesurer l’île de Bretagne et aurait trouvé, de Penryn Blathaon à Penryn Penwaed, 900 milles, et de Crygyll en Anglesey jusqu’à la Manche, 500 milles. Din Sol est l’ancien nom du Mont de St-Michel de Cornwall ; Esgeir Oervel est inconnu.

[394] Kernyw est le nom gallois de la Cornouailles anglaise, le même que celui de la Cornouailles armoricaine : Kernèo et Kerné. Le Kernyw est parfois confondu avec le Devonshire. Dyvneint (Devon) a désigné tout le territoire des anciens Domononii, la deuxième grande tribu émigrée en Armorique à la suite des invasions saxonnes. Ce n’est pas sans surprise que j’ai trouvé dans un poète gallois du douzième siècle, Llywarch ab Llywelyn à propos de Penwaedd, Dyvneint, nom gallois du Devon à la place de Kernyw : O Pennwaed Dyvneint hyd pentir Gafran (Myv. arch., p. 200, col. 1) ; de même dans un poème anonyme fort curieux, la table d’Arthur est mise en Dyvneint (Myv. arch., p. 130, col. 12). Egerton Phillimore (Owen’s Pembrokeshire II, p. 372, note de la page 371) veut assimiler Penwaedd à Penwith, c’est-à-dire la pointe de Land’s End en Cornwal, ce qui est phonétiquement impossible : aussi loin qu’on peut remonter, on a Penwith ou Penwiđ (Penwiđ, pointe en vue : cf. Gwiđ-va). Dans les Oxford Bruts, p. 292, il est dit qu’Henri Ier réunit des troupes de tout son royaume en 1111, depuis Penryn Pengwaedd en Irlande jusqu’à Penryn Blataon dans le Nord. Penryn Blataon est le Pen Blathaon qui dans le roman de Kulhwch (plus bas) est mis en Ecosse. Les Bruts, p. 73, mentionnent cependant un Penryn Kernyw, qui doit être Penryn près Falmouth. L’erreur pour Pengwaedd est manifeste. Il y a un Penwaed en Galles ; wng Penwaed barth a plorth Gemais (Myv. arch., 132.2).

[395] Dans les Mabinogion, le Nord est le pays des Bretons du nord de l’Angleterre, depuis le Cumberland jusqu’à la Clyde ; voir la note à Kymry, plus haut Mabin. de Branwen. D’après la vie de Saint Cadoc (Rees, Lifes of the Cambro-brit. saints, p. 65), Dinsol est le nom cornique du Mont Saint-Michel, de Cornwall dans la baie de Penzance (J. Loth, Revue Celt., 1899, p. 207).

[396] Comme l’a fait remarquer Kuno Meyer (Early relations between Gael and Brython, Society of Cymmrodorion, 1896, p. 35), c’est une déformation de Sescenn Uairbhéoil en Leinster, mentionné fréquemment comme séjour de héros.


Glewlwyt Gavaelvawr [397] lui répondit : « Tu auras beau crier contre les lois de la cour d’Arthur, on ne te laissera pas entrer que je n’aie tout d’abord été en parler à Arthur. » Glewlwyt se rendit à la salle : « Y a-t-il du nouveau à la porte ? » dit Arthur.

― « Les deux tiers de ma vie sont passés ainsi que les deux tiers de la tienne. J’ai été à Kaer Se et Asse, à Sach et Salach, à Lotor et Fotor ; j’ai été à la grande Inde et à la petite ; j’étais à la bataille des deux Ynyr [398] quand les douze otages furent amenés de Llychlyn (de Scandinavie) ; j’ai été en Europe (Egrop), en Afrique, dans les îles de la Corse (Corsica), à Kaer Brythwch, Brythach et Nerthach ; j’étais là lorsque tu tuas la famille de Cleis fils de Merin ; lorsque tu tuas Mil Du, fils de Ducum ; j’étais avec toi quand tu conquis la Grèce en Orient ; j’ai été à Kaer Oeth et Anoeth [399] ; j’ai été à Kaer Nevenhyr : nous avons vu là neuf rois puissants, de beaux hommes ; eh bien ! je n’ai jamais vu personne d’aussi noble que celui qui est à la porte d’entrée en ce moment ! » ― « Si tu es venu au pas, dit Arthur, retourne en courant. Que tous ceux qui voient la lumière, qui ouvrent les yeux et les ferment, soient ses esclaves ; que les uns le servent avec des cornes montées en or, que les autres lui présentent des tranches de viandes cuites et poivrées, en attendant que sa nourriture et sa boisson soient prêtes. C’est pitié de laisser sous la pluie et le vent un homme comme celui dont tu parles. »

[400] Glewlwyt à la forte étreinte. On le trouve déjà dans le Livre noir, remplissant ses fonctions de portier, mais non, à ce qu’il semble, celles de portier d’Arthur (Skene, II, p. 50, v. 24).
[401] La légende galloise distingue deux Ynyr : Ynyr Gwent et Ynyr Llydaw ou Ynyr d’Armorique. Ynyr Gwent serait, d’après le Liber Laudavensis, p. 111, le père d’un prince Idon, contemporain de saint Teliaw. L’Ynyr armoricain serait fils du roi Alan, et neveu de Cadwaladr (Gaufrei de Monmouth, éd. San-Marte, XII, 19, écrit Iny ; Brut Tysilio, p. 475, col. 2). Taliesin célèbre les exploits d’un Ynyr (Skene, II, p. 167, v. 25 ; p. 168, v.8 et suivants ; au vers 25 le poète parle des gwystlon ou otages d’Ynyr).

[402] Au lieu de Kaer Oeth ac Anoeth, on trouve généralement Carchar (prison) Oeth ac Anoeth. D’après les Iolo mss., p. 187, après la destruction complète des envahisseurs romains par les Bretons gouvernés par Caradawc ab Bran, Manawyddan, fils du roi Llyr, fit rassembler de toutes parts leurs ossements, et en mêlant la chaux aux os, il fit une immense prison destinée à enfermer les étrangers qui envahiraient l’île, et les traîtres à la cause de la patrie. La prison était ronde ; les os les plus gros étaient en dehors ; avec les plus petits, qui étaient en dedans, il ménagea différents cachots ; il y en eut aussi sous terre spécialement destinés aux traîtres. Le Livre noir fait mention de la famille d’Oeth et Anoeth (Skene, 31, 8). D’après les Triades du Livre rouge (Mab., p. 300, 1 ; 306, 9), Arthur aurait été trois nuits dans cette prison avec Llyr Lledyeith, Mabon, fils de Modron, et Geir, fils de Geiryoed ; il aurait été délivré par Goreu, fils de Kustennin, son cousin. Nous retrouvons plusieurs de ces personnages dans notre mabinogi. Les noms des prisonniers diffèrent, p. 306 (v. plus bas à propos de Modron). Le sens de oeth et anoeth ici n’est pas sûr. La terre oeth est une terre cultivée et boisée ; la terre anoeth est une terre inculte (Iolo mss., p. 189 ; cf. Silv. Evans, Welsh Dict.). Mais oeth a aussi le sens de richesses, joyaux, présents, ainsi qu’anoeth : (cf. -oeth dans cyf-oeth, richesse, puissance ; cf. irl., cumachte).



― « Par la main de mon ami, » s’écria Kei [403], « si on suivait mon conseil, on ne violerait pas les lois de la cour pour lui. » ― « Tu es dans le faux, cher Kei, dit Arthur ; nous sommes des hommes de marque à proportion qu’on a recours à nous ; plus grande sera notre générosité, plus grandes seront notre noblesse, notre gloire et notre considération.

Glewlwyt se rendit à l’entrée et ouvrit la porte au jeune homme. Quoique tout le monde descendît à l’entrée sur le montoir de pierre, Kulhwch, lui, ne mit pas pied à terre et entra à cheval. « Salut ! s’écria-t-il, chef suprême de cette île ; salut aussi bien en haut qu’en bas de cette maison, à tes nobles, à ta suite, à tes capitaines ; que chacun reçoive ce salut aussi complet que je l’ai adressé à toi-même [404]. Puissent ta prospérité, ta gloire et ta considération être au comble par toute cette île. » ― « Salut aussi à toi, dit Arthur ; assieds-toi entre deux de mes guerriers ; on t’offrira les distractions de la musique et tu seras traité comme un prince royal, futur héritier d’un trône, tant que tu seras ici. Quand je partagerai mes dons entre mes hôtes et les gens de loin, c’est par ta main que je commencerai, dans cette cour. » ― « Je ne suis pas venu ici, dit le jeune homme, pour gaspiller nourriture et boisson. Si j’obtiens le présent que je désire, je saurai le reconnaître et le célébrer ; sinon, je porterai ton déshonneur aussi loin qu’est allée ta renommée, aux quatre extrémités du monde. » ― « Puisque tu ne veux pas séjourner ici, dit alors Arthur, tu auras le présent qu’indiqueront ta tête et ta langue, aussi loin que sèche le vent, que mouille la pluie, que tourne le soleil, qu’étreint la mer, que s’étend la terre,



[405] Kei est un des personnages les plus connus des légendes galloises. Dans les mabinogion qui ont subi l’influence française et dans les romans français il est brave, mais bavard, gabeur, et il n’est pas toujours heureux dans ses luttes. Dans ce mabinogi il a ses véritables traits ; il commence déjà cependant à gaber. Le Livre noir le présente comme un compagnon d’Arthur, et un terrible guerrier « quand il buvait, il buvait contre quatre, quand il allait au combat, il se battait contre cent » (Skene, p. 50, XXXII ; 52, v. 5, v. 17 et suiv.). D’après les Triades (Mab., 303, 3), c’est un des trois taleithawc ou chefs portant sur le casque une large couronne d’or, avec Gweir, fils de Gwystyl, et Drystan, fils de Tallwch. Les poètes gallois du moyen âge (Gogynveirdd), du XIIe au XVe siècle, font de fréquentes allusions à Kei : Myv. arch., 978, col. 2 : Mae yn gyveill grymus val Kei gwynn (il est un ami fort comme Kei béni) ; ibid., p. 328, col. 2 : Wryd Cai (la vaillance de Kei) ; ibid., p. 329, col. 1 : Cai boneddigaidd (noble comme Kei) ; ibid., p. 332, col. 1 : Pwyll Cai (la raison, le sens de Kei) ; Davydd ab Gwilym, p. 323 (éd. de 1873), contre Rhys Meigen : Nid gwrol Gai hir, ce n’est pas un brave comme Cai le long ; Llewis Glyn Cothi, p. 309, 15, cite aussi Kai hir (Kai le long). Il est fils de Kynyr, mais il semble bien, d’après une phrase de notre mabinogi et un poème des plus singuliers de la Myv. arch., qu’il y ait eu des divergences d’opinion ou des doutes sur ce point. Dans ce poème, qui est un dialogue entre Gwenhwyvar et Arthur qu’elle n’a pas reconnu, il est appelé fils de Sevyn. Gwenhwyvar le vante comme un guerrier incomparable ; elle déclare à Arthur qu’à en juger par son apparence, il ne tiendrait pas Cai, lui centième ; à quoi Arthur répond que, quoiqu’il soit petit, il en tiendrait bien cent tout seul (Myv. arch., p. 130, col. 2). Pour les qualités merveilleuses de Kei, voir plus bas. Gaufrei de Monmouth le donne comme dapifer d’Arthur (IX, 11,.12, 13 ; X, 3, 6, 9. 13) ; il a, en effet, les fonctions propres au dystein dans le mabinogi d’Owen et Lunet. La forme de son nom, dans les romans français, Keu, est bien galloise (prononcez Keï). D’après notre mabinogi, il aurait été tué par Gwyddawc ab Menestyr (149).

[406] Une formule de salut aussi développée et analogue se retrouve dans un poème de la Myv. arch., p. 248, col. 2, attribué à Elidyr Sais (XII-XIIIes s.).


à l’exception de mon navire et de mon manteau, de Kaledvwlch [407], mon épée, de Rongomyant, ma lance ; de Gwyneb Gwrthucher, mon bouclier [408] ; de Karnwenhan [409], mon couteau, et de Gwenhwyvar [410], ma femme ;


[411] Caledvwlch, de calet « dur, » et de bwlch « entaille, brèche » : dur à entailler ? » ou « qui entaille durement. » Une épée célèbre dans l’épopée irlandaise, l’épée de Leité, qui lui venait d’une demeure de fées, porte un nom analogue, Calad-holg, qu’O’Curry traduit par « hard-bulging » (O’Curry, On the manners II, p. 320). – Rongomyant : ron signifie lance ; le second terme n’est pas clair. C’est Ron uwchel et Rongoruchel dans le Brut Gr. ab Arthur (Myv. arch., p. 32,2 et Nod. 500), Rongymynyat ou Lance qui taille, dans le Brut Tys. (ibid., p. 163-178.)

[412] Gwyneb Gwrthucher : gwyneb, « visage, » gwrthucher « soir » (Cf. cornique gwrthuher : Vocab. cornique, Zeuss, Gr. Celt. app.).

[413] Karnwenhan ; le premier terme, carn, signifie « manche ; » gwenana, dans les dictionnaires, le sens de ampoule ou pustule sous la peau ; il est plus probable qu’on ait affaire ici à un diminutif de gwen « blanche » : kyllell, « couteau, » est féminin : Karnwenhan « à manche blanc ou à peu près blanc. » [414] Gwenhwyvar, la Gvanhumara de Gaufrei de Monmouth, et la Genièvre des romans français. Suivant Gaufrei, IX, 9, elle serait de race romaine, et élevée par Cador, duc de Cornouailles. Les traditions galloises lui donnent toutes, comme père, Gogrvan ou Gogvran Gawr, même le Brut Tysilio, Myv., p. 464, col. 1 ; Triades du Livre rouge, Mabin., p. 302, 10 (cf. Myv. arch., p. 396, 16) : « Trois principales dames d’Arthur ; Gwenhwyvar, la fille de Gwryt Gwent, Gwenhwyvar, le fille de [Gwythyr], fils de Greidiawl, et Gwenhwyvar, la fille de Ocurvan Gawr » (Myv. : Ocurvran Gawr). Il y a un Caer Ogrvan à un mille au nord d’Oswestry, d’après les éditeurs de Llewis Glyn Cothi, p. 307, vers 28 : le poète (XVe s.) mentionne Kaer Ogyrvan. D’après les Triades, le soufflet que lui donne Gwenhwyvach est la cause de la bataille de Camlan, où périt Arthur ; elle aurait été également arrachée de sa chaise royale à Kelli Wic, en Kernyw, par Medrawt, neveu d’Arthur, et souffletée par lui (Triades Mab., 301, 18, 24, 25 ; Myv. arch., p. 398, col. 2) ; une triade ajoute qu’il aurait eu des rapports criminels avec elle (Myv., p. 406, col. 1). On sait que Gaufrei la fait enlever par Medrawt ; à l’arrivée d’Arthur elle entre dans un monastère. Les romans français en font l’amante de Lancelot du Lac. Un proverbe gallois a conservé le souvenir de Gwenhwyvar

Gwenhwyvar merch Ogyrvan Gawr

Drwg yn vechan, waeth yn vawr. « Gwenhwyvar, la fille de Gogyrvan Gawr, mauvaise étant petite, pire devenue grande (Myv. arch., p 863, col. 1l. » Gwenhwyvar (blanc fantôme ou blanche fée) est identique à l’irlandais Finnabair : les deux mots sont composés de vindo– (fém. vindā, vendā), blanc et de seimari ou seibari, fantôme, fée : cf. irl. mod. siabhra ; gaëlique siabhrach, a fairy ; irl. moyen Siabur = Seibaro.


j’en prends Dieu à témoin, je te le donnerai avec plaisir. Indique ce que tu voudras. » ― « Je veux que tu mettes en ordre ma chevelure. » ― « Je le ferai. » Arthur prit un peigne d’or, des ciseaux aux anneaux d’argent, et lui peigna la tête. Il lui demanda ensuite qui il était : « Je sens que mon cœur s’épanouit vis-à-vis de toi ; je sais que tu es de mon sang : dis-moi qui tu es. » ― « Je suis Kulhwch, répondit le jeune homme, le fils de Kilydd, fils du prince Kelyddon, par Goleuddydd, ma mère, fille du prince Anllawdd. » ― « C’est donc vrai, tu es mon cousin. Indique tout ce que tu voudras et tu l’auras ; tout ce qu’indiqueront ta tête et ta langue, sur la justice de Dieu et les droits de ton royaume, je te le donnerai volontiers. » ― « Je demande que tu me fasse avoir Olwen, la fille d’Yspaddaden Penkawr, et je la réclamerai aussi à tes guerriers. » Voici ceux à qui il réclama son présent : Kei ; Bedwyr [415] ; Greidawl Galltovydd [416] ; Gwythyr, fils de Greidawl [417] ; Greit, fils d’Eri [418] ; Kynddelic Kyvarwydd [419] ; Tathal Tywyll Goleu [420] ; Maelwys, fils de Baeddan [421] ; Knychwr, fils de Nes [422] ; Kuhert, fils de Daere [423] ;


[424] Voir plus bas.

[425] Un des trois Gallovydd ou maître ès machines, de l’île de Bretagne, avec Drystan, fils de Tallwch et Gwgon, fils de Gwron (Triades Mab., p. 304, 21). D’après d’autres triades, il est fils d’Envael Adran (Skene, II, app., p. 458 : au lieu de Gwgon Gwron, Gweir Gwrhyt vawr). Suivant les Iolo mss., p. 6, n° 29, il battit une population étrangère, les Corraniaid, dont une partie passa en Alban (Ecosse), et l’autre en Irlande. D’après une autre tradition, ce serait un possesseur de flottes, un roi de la mer (Iolo mss., p. 263, 13).

[426] V. Plus bas.

[427] V. plus bas.

[428] Dans le poèmes sur les tombes, Livre noir, éd. Skene, p. 32, la tombe d’un Kindilic, fils de Corknud, est mentionnée comme une tombe d’alltud ou étranger. C’est aussi le nom d’un fils de Llywarch Hen (Livre noir, p. 48, 34 ; 61. 25).

[429] Tywyll Goleu, « sombre clair » V. notes critiques.

[430] L’auteur a vu un rapport entre le second terme wys, dans Maetwys, et Baeddan : Gwys, cf. breton gwes, « truie » ; Baeddan, diminutif de baedd, porc ou sanglier mâle.

[431] C’est le nom du célèbre roi d’Ulster Conchobar mac Nessa (Kuno Meyer, Early relations between Gael and Brython, 1896, p. 35).

[432] Kubert est, sans doute, une faute du copiste ou de plusieurs copistes successifs. Il y a un fils de Daere bien connu, c’est Conroi ou Cúroi. Curoi, roi de West Munster, fut tué traîtreusement par le plus grand héros de l’épopée irlandaise, Cuchulain, qui emmena Blanait, la femme de Curoi, avec lui en Ulster. Le fidèle barde et harpiste de Curoi, Fercoirtne, se rendit à la cour de Cuchulain, un jour où les chefs étaient assemblés à Rinn Chin Bearraidhe, sur une colline à pic ; il se rapprocha de Blanait, en causant l’amena sur le bord du précipice, et, lui jetant les bras autour du corps, il se précipita avec elle du haut de la colline. On trouve, parmi les poèmes attribués à Taliesin, une élégie sur la mort de Conroi mab Dayry ; le nom de Cuchulain s’y trouve mentionné (Cocholyn). Le poème n’a pas été compris par Stephens, comme le fait remarquer Skene, qui ne l’a pas d’ailleurs bien traduit non plus. Sur Conroi, v. O’Curry, On the manners, II, p. 9, 10, 97, 199. 358 ; III, t5, 75, etc.


Percos, fils de Poch ; Lluher Beuthach ; Korvil Bervach ; Gwynn, fils d’Esni ; Gwynn, fils de Nwyvre [433] ; Gwynn, fils de Nudd [434] ; Edern, fils de Nudd [435] ; Garwy [436], fils de Gereint ; le prince Flewddur Flam [437] ; Ruawn Pebyr, fils de Dorath [438] ; Bratwen, fils du prince Moren Mynawc ;


[439] Nwyvre, firmament, empyrée.

[440] V. plus bas.

[441] Edern, qui joue un rôle important dans le mabinogi de Geraint ab Erbin, est devenu, comme beaucoup d’autres héros, un saint. Il a donné son nom à Bod-Edern, en Anglesey, et à Lann-Edern, arrond. de Châteaulin, Finistère (v. Myv. arch., p. 424, col. 1). Il est fait mention de lui chez les poètes. Edern llit, « la colère d’Edern, » Myv. arch., p. 282, col. 1 ; Ochain Edern « soupir comme celui d’Edern » (Myv. arch., p. 302, col XIII.– XIVe s.).

[442] Le ms. porte Adwy : c’est une faute pour Arvy, qui est lui-même pour Garwy. Garwy, fils de Geraint, est un des personnages les plus souvent cités : Myv. arch., p. 411, col. 1, c’est un des trois chevaliers amoureux et généreux de la cour d’Arthur, avec Gwalchmei et Cadeir, fils de Seithin Saidi ; un poète cite sa vaillance (Myv., p. 293, col. 2 ; 323. col. 1), un autre sa générosité (Myv., p. 328, col. 2), cf. Llew-Glyn Cothi, p. 161, v. 21 : Gwryd Garwy, « la vaillance de Garwy ; » Daf. ab Gwil., p. 191 ; c’est l’amant de Creirwy : le poète Hywel ab Einiawn Llygliw (1330-1370) compare une femme à Creirwy la belle, qui l’a ensorcelé comme Garwy (Myv. arch., p. 339, col. 1).

[443] Un des trois unbenn (prince, chef) de la cour d’Arthur, avec Goronwy, fils d’Echel, et Kadyrieith (Triades Mab., 303, 13 ; cf. Triades, Skene, II, p. 456) ; Pen-4 (L. Rh. 460) : Flewdwr Flam wledic : flam est emprunté au latin flamma.

[444] Un des trois Gwyndeyrn (beaux rois ou rois bénis) de l’île de Bretagne, avec Owein, fils d’Uryen, et Run, fils de Maelgwn. Le nom de son père est tantôt Dorarth, tantôt Deorath ; il faut probablement lire Deorarth ? (Triades Mab., 303, 8 ; cf. Triades, Skene, II, p. 456). Il y a un autre Ruvawn, fils de Gwyddno, plus connu. La forme préférable de ce nom paraît être Ruvawn – Rōmānus ; vieux gallois Rumaun (moyen bret. Rumon) ; on la trouve dans les généalogies du Harleian mss. 3.859 (v. tome II, p. 323).


Moren Mynawc lui-même ; Dalldav, fils de Kimin Cov[445] ; [Run ou Dyvyr], fils d’Alun Dyved [446] ; [Kas], fils de Saidi ; [Kadwri], fils de Gwryon ; Uchtrut Ardwyat Kat [447] ; Kynwas Kurvagyl ; Gwrhyr Gwarthegvras [448] ; Isperyr Ewingath [449] ; Gallcoyt Govynyat ; Duach, Grathach [450] et Nerthach, fils de Gwawrddur Kyrvach : ils étaient originaires des abords de l’enfer ;


[451] Avec Ryhawt, fils de Morgant, et Drystan, fils de March c’est un des trois pairs de la cour d’Arthur (Myv. arch., p. 393, 89.) Son cheval, Fer-las (cheville bleue), est un des trois Gordderch varch (cheval d’amoureux) de l’île (Triades Mab., 307, 3). Au lieu de Kimin, on trouve aussi Kunin.

[452] Le texte ne porte que : fils d’Alun Dyvet. Livre noir, 30 26, 27 : Bet Run mab Alun Diwed, « la tombe de Run, fils d’Alun Dyved ; » la tombe d’Alun est également mentionnée comme celle d’un vaillant guerrier. Il y a un Dyvyr, donné aussi comme fils d’Alun Dyved (Mab., 159, 30 ; 2-5, 17).

[453] Il est fait mention d’un Ychtryt vab Etwin dans le Brut y Tywysogyon, Myv. arch., p. 612, col. 2 ; un canton de Carmarthenshire portait le nom de Uchtryd ; le texte porte ardywat ; il faut probablement lire ardwyat cat, « directeur, régulateur du combat. » (Confirmé par Pen, 4 (L. Rh. 460) : ardwyat).

[454] Gwarthegvras, au gros bétail.

[455] Il est mentionné dans les Chwedlau y Doethion. (Propos des sages) : ( As-tu entendu ce que chante Ysperir s’entretenant avec Menw le Long : l’ami véritable se reconnaît dans le danger. » (Iolo mss., p. 254, 49.) Ewingath signifie ongle de chat.

[456] Pen. 4 (L. Blanc) a Brathach qui paraît préférable (Brath, piqûre, morsure).


Kilydd Kanhastyr ; Kanhastyr Kanllaw[457] ; Kors Kantewin [458] ; Esgeir Culhwch Govynkawn ; Drustwrn Hayarn ; Glewlwyd Gavaelvawr ; Loch Lawwynnyawc [459] ; Annwas Adeinawc [460] ; Sinnoch, fils de Seithvet [461] ; Gwennwynwyn, fils de Nav [462] ; Bedyw, fils de Seithvet ;


[463] Kanllaw, « aide, support ; » Kanhastyr ou Kanastr est traduit par Owen Pughe, par « cent liaisons, cent recours ; » le mot indique, en tout cas, quelque chose de fort embarrassé ; il forme opposition avec Kanllaw (cf. Tywyll Goleu et Rwydd Dyrys). Ce terme apparaît dans les Lois : Cyhyryn canhastyr se dit de « la viande volée qui arriverait à la centième main ; » y aurait-il eu cent hommes participant au vol, celui sur lequel on en saisit un morceau est passible d’une amende (Richards, Welsh Dict., d’après Wotton).

[464] On trouve aussi Kwrs ; Kors est préférable ; on trouve un Kors, fils d’Erbig, et un autre, fils de Gafran, dans le Liber Land., p. 466, 487. Kant ewin « aux cent ongles. » [465] Il est fait mention de Lloch Llawwynnawc« à la main blanche, » dans le Livre noir, 51, 14, parmi les compagnons d’Arthur (Lluch Llawynnauc). Lloch parait être le Loth ou Lot des Romans de la Table Ronde (sur Loth, cf. J. Loth, Rev. celt., 1897, p. 84.)

[466] Mentionné à côté de Llwch Llawwynnyawc dans le Livre noir (51, 15) ; adeinawc « l’ailé. » C’est probablement le même personnage donné sous le nom d’Edenawc (Pen. 4. L. Rh. 461 : Edeinawc), comme un des trois vaillants qui ne revenaient jamais du combat que sur une civière : Grudnei, Henpen et Edenawc, fils de Gleissiar du Nord (Triades, Skene, II, p. 458 ; Triades Mab., 304, 15 : Aedenawc).

[467] On trouve aussi Seitwet (Triades Mab., 302, 16), mais c’est peut-être un personnage différent ; seithvet signifie septième.

[468] Texte, Naw, mais le L. Rouge reproduit un manuscrit où le signe désignant w a aussi, parfois, la valeur v : Pen. 4 (L. Rh. 461) ajoute après Naw : mab Seithvet ; Gwennwynwyn est un des trois chefs de flotte de Bretagne, avec Geraint ab Erbin et March ab Meirchion ; chacun possédait cent vingt navires, montés chacun par cent vingt hommes (Myv. arch., p. 407, 68). Un des trois chefs d’œuvres de l’île est le navire de Nefydd Nef Neifion, qui porta un mâle et une femelle de chaque espèce d’animaux quand se rompit l’étang de Llion (Myv. arch., p. 409, col. 97). Neifion serait venu, en nageant, de Troie à l’île d’Anglesey, d’après un passage de Daf. ab Gwil, p. 73 : « Nofiad a wnaeth hen Neifion o Droia vawr draws i Fon. » – Il est fait allusion à un Naf Eidin par un poète du XIIIe et XIVe siècle, Myv. arch., p. 290, col. 2.


Gobrwy, fils de Echel Vorddwyt twll [469] ; Echel Vorddwyt twll lui-même ; Mael, fils de Roycol ; Dallweir Dallpenn [470] ; Garwyli, fils de Gwythawc Gwyr ; Gwythawc Gwyr lui-même ; Gormant, fils de Ricca [471] ; Menw, fils de Teirgwaedd [472] ; Digon, fils de Alar [473] ; Selyf, fils de Sinoit ; Gusc, fils d’Atheu ; Nerth, fils de Kadarn [474] ; Drutwas, fils de Tryffin [475] ;



[476] Echel est identifié par les poètes gallois avec le nom d’Achille. Morddwyt Twll (à la cuisse trouée).

[477] Le texte porte Datweir, mais la forme Dallweir se trouve plus loin et dans d’autres textes. Ce Dallweir Dallbenn avait pour porcher un des trois grands porchers de l’île, Coll, fils de Collfrewi. Voir la note sur Coll et les porcs de Dallweir à Twrch Trwyth, plus bas.

[478] Au lieu de Ricca, lire Rita : v. plus bas, et tome II, Triades. Ce nom est représenté aujourd’hui encore dans la toponomatique du Nord-Galles (J. Rhys, Celtic Folkl., II, pp. 477-80 ; 566-4.)

[479] Voir plus bas.

[480] Digon, assez, Alar dégoût, satiété.

[481] Nerth, force, Kadarn, fort.

[482] Drulwas ab Tryffin aurait reçu de sa femme trois oiseaux merveilleux connus sous le nom d’Adar Llwch Gwin ou oiseaux de Lwch Gwin ; ils faisaient tout ce que leur maître voulait. Il défie un jour Arthur. Il envoya avant lui ses oiseaux sur le lieu du rendez-vous avec ordre de tuer le premier qui se présenterait. Il ne se rendit au lieu du combat qu’assez tard après l’heure fixée, espérant bien trouver Arthur mort. Mais celui-ci avait été retenu à dessein par la sœur de Drutwas, qui l’aimait. Drutwas, arrivé le premier, fut mis en pièces par ses oiseaux (Iolo mess., p. 188). D’après une lettre écrite par Robert Vaugban à Meredith Llwyd, le 24 juillet 1655, publiée par le Cambrian Register, III, p. 311, et reproduite par lady Guest, on jouait encore de son temps, un air connu sous le nom de Caniad Adar Llwch Gwin, le chant des oiseaux de Llwch Gwin. Une Triade donne Drudwas ab Tryphin comme un des trois aurdafodogion ou hommes à la langue d’or, de la cour d’Arthur, avec Gwalchmai et Madawc ab Uthur (Myv., p. 410, 121).


Twrch, fils de Perif ; Twrch, fils d’Annwas ; Iona, roi de France ; Sel, fils de Selgi ; Teregut, fils de Iaen ; Sulyen, fils de Iaen ; Bratwen, fils de Iaen ; Morcn fils de Iaen ; Siawn, fils de Iaen ; Cradawc, fils de Iaen : c’étaient des hommes de Kaer Dathal [483], de la famille d’Arthur lui-même, du côté de son père ; Dirmyc, fils de Kaw [484] ; Iustic, fils de Kaw ; Etmyc, fils de Haw ; Angawd, fils de Kaw ; Ovan, fils de Kaw ; Kelin, fils de Kaw ; Konnyn, fils de Kaw ; Mabsant, fils de Kaw ; Gwyngat, fils de Kaw ; Llwybyr, fils de Kaw ; Koch, fils de Kaw : Meilic, fils de Kaw ; Kynwas, fils de Kaw ; Ardwyat, fils de Kaw ; Ergyryat, fils de Kaw ; Neb, fils de Kaw ; Gilda, fils de Kaw ;




[485] Kaer Dathl, voir p. 175, n° 4. [je recopie cette note tirée du mabinogi de Math : « [486]Caer Dathl, ou, avec une voyelle irrationnelle ou euphonique, Caer Dathyl et Dathal, est encore un nom de lieu du Carnarvonshire. Le caer ou fort se trouvait sur une éminence près de Llanrwst (Lady Guest, d’après le Cambro-Briton, II, p. 3). Il en est souvent question dans les Mab. et ailleurs (Myv. arch., p. 151 col. 1 ; Llewis Glyn Cothi, IV, 1, 7). » ]

[487] Kaw de Prydyn (Ecosse), seigneur de Cwm Cawlwyd, aurait été chassé de son pays par les Pictes et se serait réfugié en Galles, où Arthur et Maelgwn lui auraient donné des terres. Certaines généalogies lui donnent dix-sept enfants tous saints (Iolo mss, p. 109), d’autres vingt et un également saints (Iolo mss., p. 117). Il y a une intention satirique évidente dans Neb, fils de Kaw, mot à mot, quelqu’un, n’importe qui, fils de Kaw ! de même pour Dirmyc (mépris), Etmyc (respect). Mabsant (saint patron), Llwybyr (sentier). Le plus connu des fils est Gildas, auquel une généalogie attribue aussi quatre enfants, quatre saints. Les noms différent beaucoup dans les différentes généalogies. Au lieu de Dirmyc on trouve généralement Dirinic ; au lieu de Iustic on a Ustic ; Meilic est cité à côté de Nonn par Llewis Glyn Cothi, p. 108, vers 24.


Kalcas, fils de Kaw ; Hueil [488], fils de Kaw, qui ne prêta jamais hommage à aucun seigneur ; Samson Vinsych [489], Teleessin Pennbeirdd [490] ; Manawyddan, fils de Llyr [491] ; Llary [492], fils de Kasnar Wledic ; Ysperin, fils de Flergant [493], roi du Llydaw ; Saranhon, fils de Glythwyr ; Llawr, fils d’Erw [494] ;


[495] D’après une tradition mentionnée par Tegid (Llew. Glyn Cothi, p. 199, v. 21), Hueil aurait été décapité à Rhuthyn, dans le Denbighshire, sur l’ordre d’Arthur. Lady Guest la rapporte tout au long d’après Jones, Welsh Bards, p. 22. Hueil aurait eu l’imprudence de courtiser la même femme qu’Arthur, d’où un duel dans lequel Arthur fut grièvement blessé à la cuisse. Il guérit, mais resta très légèrement boiteux. Arthur avait fait promettre à Hueil de ne jamais en souffler mot sous peine de mort. Quelque temps après, Arthur devint amoureux d’une dame de Rhuthyn. Il se déguisa en femme pour l’aller voir. Un jour qu’il dansait avec elle et des amis, Hueil le surprit, le reconnut et s’écria :« La danse irait très bien, n’était la cuisse. » Arthur lui fit trancher la tête sur une pierre qui porte le nom de Maen Hueil. Son nom revient assez souvent chez les poètes (Myv. arch., p. 281, col. 2),

[496] Samson aux lèvres sèches.

[497] Taliessin pennbeird, ou chef des bardes. Voy. plus haut Branwen.

[498] Voir le mabinogi qui porte son nom.

[499] Llary, généreux.

[500] Voir p. 209, note. [aux trois familles déloyales dans le mabinogi de Math.]

[501] Llawr, « sol ; » Erw, « sillon ».


Annyannawc, <ref> 1</ref> fils de Menw fils de Teirgwaedd ; Gwynn, fils de Nwyvre ; Flam, fils de Nwyvre ; Gereint, fils d’Erbin [502] ; Ermit, fils d’Erbin ; Dyvel, fils d’Erbin ; Gwynn, fils d’Ermit ; Kyndrwyn, fils d’Ermit ; Hyveidd Unllenn [503] ; Eiddon Vawrvrydic [504] ; Reidwn Arwy ; Gormant, fils de Ricca, frère d’Arthur du côté de sa mère : Pennhynev Kernyw [505] était son père ; Llawnroddet Varvawc [506] ; Noddawl Varyv Twrch [507] ; Berth,fils de Kado [508] ;


[509] Annyannawc, bien doué, Menw, intelligence.

[510] Voir le mabinogi qui porte son nom.

[511] Hyveidd Unllen, « à un seul manteau. » Voir plus haut, p. 97, note 2. [Mabinogi de Pwyll, note à Heveidd Hen.]

[512] Mawrvrydic, « magnanime. » [513] Pennhynev, « le chef des vieillards. » Il manque un nom propre. Il s’agit, sans doute, de Kadwr, comte de Cornouailles. D’après des Triades (Skene, II, p.456), il y a un pennhyneif dans chacune des cours d’Arthur : à Mynyw, c’est Maelgwn Gwynedd ; à Kelliwic, en Kernyw, c’est Karadawc Vreichvras ; à Pen Rionydd, dans le Nord, c’est Gwrthmwl Wledic.

[514] Ce personnage se confond souvent avec un autre : Llawfrodedd, également surnommé Varvawc, « le barbu » (Myv. arch., 166, col. 2 ; 148, col. 1 ; 303, col. 1). D’après une Triade, c’est un des trois bergers de Bretagne ; il garde les bœufs de Nudd Hael (Myv. arch., p. 408, 85) ; il y avait, dans ce troupeau, 20 001 vaches à lait. Dans la liste des treize merveilles de Bretagne donnée par lady Guest, d’après un vieux manuscrit, dit-elle, son couteau est au sixième rang ; il servait à manger à vingt-quatre hommes à la même table (Mab., III, p. 354). (Allusions à Llawnroddet, Myv. arch., p. 297, col. 2 ; 299, col. 2, Llawrodded.) Dans le Songe de Rhonabwy, p. 159, on trouve un Llawroded Varyvawc.

[515] Baryv Twrch, « barbe de sanglier. » [516] Plus bas, il est donné comme un puissant chef d’Ecosse. D’après les Triades, Kado est un des trois qui eurent la sagesse d’Adam ; les autres sont Beda et Sibli doeth, « sage » (Mab. 297, 6). Il n’est pas difficile de reconnaître dans celui-ci Cato, « le vieux Caton. » On l’appelle même Cado hen, « le vieux. » Le saint Kado d’Armorique est différent même comme nom. On prononce, en vannetais, Kadaw ou Kadew (= [517] Catavos). Berth signifie riche.


Reidwn, fils de Beli ; Iscovan Hael ; Iscawin, fils de Panon ; Morvran [518], fils de Tegit (personne ne le frappa de son arme à la bataille de Kamlan [519], à cause de sa laideur : tous voyaient en lui un démon auxiliaire ; il était couvert de poils semblables à ceux d’un cerf) ;


[520] Morvran. « corbeau de mer. » D’après la vie de Taliesin, il serait fils de Tegid Voel, « le Chauve, » et de Ceridwen. C’est un des trois ysgymydd aereu ou esgemydd aereu (esgemydd, d’après E. Lhwyd, avait le sens de banc ; Cf. istomid dans le cart. de Redon, à corriger en iscomid = ysgymydd) ; les autres étaient Gilbert, fils de Catgyffro et Gwynn Cleddyfrudd (Skene, II, p. 458 ; Triades Mab., 304, 25) ; ils ne revenaient du combat que sur leurs civières, lorsqu’ils ne pouvaient remuer ni doigt ni langue (Myv. arch, p. 404, 33). Le troisième, échappé de Kamlan, est Glewlwyd Gavael Vawr. (Myv., p. 392. 85).

[521] Les Annales Cambriae portent, à l’année 537, la mention « Gueith Camlann, la bataille de Camlann, où Arthur et Medraut tombèrent ; il y eut grande mortalité en Bretagne et en Irlande. » D’après les Triades, ce serait un des trois overgad ou combats superflus, frivoles ; il aurait été causé par le soufflet que donna Gwenhwyach ou Gwenhwyvach à Gwenhwyvar, la femme d’Arthur (Triades Mab., p. 301, 18 ; Myv. arch., 391, col. 2). D’après Gaufrei de Monmouth, la bataille aurait été livrée par Arthur à Medrawt, son neveu, qui avait enlevé Gwenhwyvar et usurpé la couronne de Bretagne. Arthur aurait été vainqueur, mais grièvement blessé. Il fut transporté à l’île d’Avallach, d’où les Bretons attendent son retour. D’après une Triade du Livre Rouge, il y aurait été enterré (Mab., 299, 30). Llewis Gl. Cothi appelle cette bataille la bataille d’Avallach, p. 318, v. 3. Gaufrei appelle cette île Avallon. Voir, sur cette bataille, le Songe de Rhonabwy. Le nom de cette bataille revient souvent chez les poètes (Myv. arch., p. 269, col. 1 ; Daf. ab Gwil, p. 295). D’après les lois de Gwent (Ancient laws, I, p.678), quand la reine désirait un chant, le barde devait choisir le chant sur la bataille de Kamlan. Medrawt y aurait eu pour alliés les Saxons et les Irlandais. Les Triades donnent à Morvran et à Sandde le même rôle que le mabinogi de Kulhwch (Myv. arch., p. 393, col. 2). Camlann (vieux-celt. Cambo-glannà signifie rive courbe,) il y a aussi des Camlann en Bretagne comme en Galles. En Galles : hameau de Camlan en Mallwyd, Merionethshire ; Maes Camlan, Bron Camlan en Aberangell, Montgomeryshire (Jones Cymru I, p.99). D’après le Livre noir, le fils d’Osvran a été enterré à Camlan (F-a-B, t. I, p. 29, 22).



Sandde Bryd-angel [522] : (personne ne le frappa de son arme à la bataille de Kamlan, à cause de sa beauté : tous voyaient en lui un ange auxiliaire) ; Kynnwyl Sant (un des trois hommes qui s’échappèrent de la bataille de Camlan) : ce fut lui qui se sépara le dernier d’Arthur sur son cheval Hengroen [523] ; Uchtryt fils d’Erim [524] ; Eus fils d’Erim ; Henwas [525] Adeinawc fils d’Erim, Henbeddestyr [526] fils d’Erim, Sgilti Ysgawndroet fils d’Erim (ces trois hommes avaient chacun une qualité caractéristique : Henbedestyr ne rencontra jamais personne qui pût le suivre ni à cheval ni à pied ; Henwas Adeinawc, jamais quadrupède ne put l’accompagner la longueur d’un sillon et à plus forte raison plus loin ; Sgilti Ysgawndroet [527], quand il était bien en train de marcher pour une mission de son seigneur,


[528] Pryd-angell, « au visage d’ange. » [529] Hen-groen, « vieille peau ».

[530] Tire peut-être son nom de l’Irlandais érimm, course, coureur (Kuno Meyer, Gael and Brython, p. 35, note 5).

[531] Cf. plus haut Anwas adeinawc.

[532] Hen-beddestyr, « vieux piéton. » [533] Ysgavndroet,« au pied léger. »



ne s’inquiétait jamais de savoir par où aller : s’il était dans un bois, il marchait sur l’extrémité des branches des arbres [534] ; jamais, une fois dans sa vie, un brin d’herbe, je ne dis pas ne cassa, mais même ne plia sous son pied, tellement il était léger) ; Teithi Hen, le fils de Gwynhan dont les domaines furent submergés par la mer et qui, ayant échappé lui-même à grand peine, se rendit auprès d’Arthur : son couteau avait cette particularité depuis qu’il vint ici, qu’il ne supporta jamais aucun manche, ce qui fit naître chez Teithi Hen un malaise et une langueur qui ne le quittèrent plus et dont il mourut ; Karnedyr fils de Govynyon Hen ; Gwenwenwyn fils de Nav Gyssevin [535], champion d’Arthur ; Llygatrudd Emys [536] et Gwrbothu Men, oncles d’Arthur, frères de sa mère ; Kulvanawyd [537] fils de Gwryon ; Llenlleawc [538] le Gwyddel (le Gaël)


[539] Pen. 4 (L. Rh. 463) ajoute : tant qu’il était sur une montagne, c’est sur le bout des roseaux qu’il marchait.

[540] Nav Gyssevin, « Naf, le premier » ; on pourrait aussi faire porter gyssevin dans rysswr : le premier guerrier ou champion. Voir la note p. 264, à Gwenwynwyn [note 6 à Nav, en fait]. C’est le Noé gallois.

[541] Llygad-rudd, « œil rouge ; » emys,« étalon. » [542] Ce Kulvanawyd ou Kulvynawyd (mynawyd, arm. menaoued, « alène ; » cul, « étroit ») est le père des trois femmes impudiques de Bretagne : Essyllt Fynwen, l’amante de Trystan ; Penarwen, femme d’Owen ab Urien ; Bun, femme de Flamddwyn (Ida, porte brandon). Il est de Prydein (Myv. arch., p. 392, col. 1).

[543] Ce nom est aussi écrit Llenvleawc ; il parait altéré dans les deux cas.


du promontoire de Gamon [544] ; Dyvynwal Moel [545] ; Dunart [546] roi du Nord ; Teirnon Twryv Bliant [547] ; Tecvan Gloff [548] ; Tegyr Talgellawc ; Gwrdival fils d’Ebrei ; Morgant Hael [549] ; Gwystyl [550] fils de Run fils de Nwython ;


[551] Ganion est peut-être préférable. D’après le Dictionnaire de Richards, il y aurait eu un promontoire de ce nom en Irlande. John Rhys (Celtic Britain, p. 298) prétend que Ptolémée donne un promontoire des Gangani qu’il faudrait placer dans le Carnarvonshire : Ganion égalerait Gangnones. Or, la lecture adoptée par Müller dans la nouvelle édition de Ptolémée donnée par Didot est le promontoire des Ceangani (Ptol., III, § 2). Les variantes sont diverses sur ce nom dans les mss., mais la leçon Ceangani est certaine. On a trouvé à Chester et aux bouches de la Mersey des plombs portant, l’un Ceangi (s), le second Cea, le troisième Ceang (Hübner, Inscr. Brit. lat., 1204, 1205, 1206). La supposition de John Rhys n’est donc pas fondée. Tacite, Ann., 12, 31, mentionne des Cangos ; l’Anonyme de Ravenne, des Ceganges.

[552] Plus connu sous le nom de Dyvynwal Moelmut. D’après les Triades, c’est un des trois post-cenedl, « piliers de race », de l’île de Bretagne, et le grand législateur (Myv. arch., p 400, col. 2). Les lois donnent sur ce personnage plus ou moins légendaire et son oeuvre de curieux détails (Ancient laws, I, p. 183-184). Gaufrei de Monmouth l’appelle Dunvallo Molmutius et le fait fils de Cloten, roi de Cornouailles (II, p. 17), Dyvynwal ou Dyvnwal (arm. Dumnwal, et plus tard, Donwal) est souvent cité comme législateur (Iolo mss., p. 263, 9).

[553] Peut-être Dyvnarth.

[554] V. plus haut, p. 22 et 108. [p. 22 : remarques sur l’orthographe des Gallois ancien et moyen (celui des Mabinogion). p 108 : bliant est « le nom d’une sorte de toile fine ou de batiste. » ]

[555] Cloff, « le boiteux. » [556] Paraît le même que Morgan Mwynvawr. C’est un des trois Ruddvoawc (doublet ruddvaawc), qui font le sol rouge, avec Run, fils de Beli et Llew Llawgyffes ; rien ne poussait, ni herbe ni plante. là ou ils passaient, pendant une année ; Arthur était plus ruddvaawc qu’eux : rien ne poussait après lui pendant sept ans (Tr. Mab., p. 303, 5 ; cf. Myv. arch., p. 405, col. 1).

[557] Son fils Gweir est plus connu. C’est un des trois Taleithawc (porte-bandeaux) de la cour d’Arthur (Tr. Mab., 303, 4) ; les poètes en parlent : « Estimé comme Gweir, fils de Gwestyl » (Myv. arch, p. 233. col. 1 ; cf. ibid., 300, col. 2 ; 294, col. 1).

Llwydeu fils de Nwython ; Gwydre fils de Llwydeu par Gwenabwy fille de Kaw, sa mère : Hueil, son oncle, le frappa, et c’est à cause de cette blessure qu’il y eut inimitié entre Hueil et Arthur ; Drem [558] fils de Dremidyt, qui voyait de Kelliwic en Kernyw jusqu’à Pen Blathaon en Prydyn [559] (Ecosse) le moucheron se lever avec le soleil ;


[560] Drem, « vue, aspect » ; dremidydd, « celui qui voit. » Il en est question dans les Englynion y Clyweid et chez un poète du XVe siècle, Iolo Goch (Lady Guest, II, p. 341).

[561] Prydyn. C’est le nom donné à l’Ecosse par les Bretons. Il répond à Cruithni, nom qui désignait les Pictes (le p breton répond à un ancien q vieux-celtique). D’après un auteur irlandais, cité par Todd dans une note sur la version irlandaise de Nennius, le mot viendrait de cruth (gallois, pryd), « forme ». Cruithni indiquerait un peuple qui peint sur sa figure et sur son corps des formes de bêtes, d’oiseaux et de poissons (Rhys, Celt. Brit., p. 240). C’est fort douteux : cf. Whitley Stokes, Urkelt. Sprachschatz, p. 63. On trouve aussi Prydein au lieu de Prydyn ; Prydein est usité surtout pour désigner la partie de l’île représentant l’Angleterre actuelle, la Bretagne insulaire. D’ailleurs, au lieu de Britannia, on a, chez les géographes anciens, Pretania (sur Pretania, cf. d’Arbois de Jubainville : L’île Prétanique, les îles Prétaniques, les Brettones ou Britanni, Rev. Celt., XIII, p. 398, 519). Au témoignage de Stéphane de Byzance, c’était l’orthographe de Marcianus, d’Héraclée et de Ptolémée. Dindorf, dans une note aux Geographici minores de Didot, p. 517, a constaté que, d’après les meilleurs manuscrits, c’était la forme correcte et pour Ptolémée et pour Strabon. Les noms ethniques des Bretons sont, pour leur pays Brittia, d’où Breiz, vannetais, Breh ; pour le peuple Brittones, d’où le gallois Brython, et l’armoricain Brezonec, Brehonec ou la langue bretonne. Le Brut Gr. ab. Arthur (Myv. arch., 530. 2) donne : Penryn Bladon.


Eidyol [562], fils de Ner ; Glwyddyn Saer [563] qui fit Ehangwen [564] la salle d’Arthur ; Kynyr Keinvarvawc [565] (Kei passait pour son fils ; il avait dit à sa femme : « si ton fils, jeune femme, tient de moi, toujours son coeur sera froid ; jamais il n’y aura de chaleur dans ses mains ; il aura une autre particularité : si c’est mon fils, il sera têtu [566] ; autre trait particulier : lorsqu’il portera un fardeau, grand ou petit, on ne l’apercevra jamais ni par devant lui ni par derrière ; autre trait caractéristique : personne ne supportera l’eau et le feu aussi longtemps que lui ; autre chose encore : il n’y aura pas un serviteur ni un officier comme lui. » [567] Eidyol. Ce nom existe (V. Iolo mss., p. 161, le conte d’Eidiol et d’Eidwyl). Pen.4 donne Eidoet qu’il fait corriger en Eideol pour Eidiol ; cf. L. noir, éd. Evans [568]. Eidoel également pour Eideol, Eidiol comme le prouve la rime ; sur Eidoel, voir plus bas, p. 312 [il est le cousin germain de Mabon et le seul à pouvoir le retrouver]. Eidiol le fort tua, lors de la trahison de Caersallawg, six cent soixante Saxons avec une quenouille de cormier (Myv. arch., p. 407, 60).

[569] Saer, ouvrier, travaillant la pierre ou le bois, ici charpentier. Sur le saer, voir Trioedd Doethineb beirdd, Les Triades de la sagesse des bardes, Myv. arch., p. 927, col. 1 ; Brut Tysilio, ibid., p. 459, col. 2 ; Iolo mss., p. 95, le poète Daf. ab Gwilym est appelé saer cerddi, charpentier, artiste en chants. En irlandais, le saer est aussi charpentier, maçon, architecte (O’Curry. On the manners, III, p. 40-42 ; Vocabulaire cornique, sair).

[570] Ehangwen, « large et blanche. » [571] Voir la note à Kei. Un poète du XIVe siècle, Madawc Dwygraig, chantant Gruffudd ab Madawc, dit que les hommes de la terre de Kynyrle pleurent. Or, Madawc est de Ystrad Llechwedd, c’est-à-dire du pays entre Bangor et Conwy (Myv. arch., p. 21, col, 1). Certaines Triades donnent Kynyr Kynvarvawc (Skene, II, p. 458).

[572] Ce n’était pas cependant le plus têtu des Bretons. Les trois têtus dans les Triades sont : Eiddilic Gorr, Trystan ab Tallwch et Gweirwerydd Vawr. On ne pouvait jamais leur faire changer de résolution (Myv. arch., p. 408, 78).


Henwas, Henwyneb et Hen Gedymdeith [573] (serviteurs) d’Arthur ; Gwallgoyc, autre serviteur : (dans la ville où il allait, aurait-elle eu cent maisons, s’il venait à lui manquer quelque chose, il ne laissait pas, tant qu’il y était, le sommeil clore les paupières d’une seule personne) ; Berwyn fils de Cerenhir [574] ; Paris, roi de France, d’où le nom de Kaer Baris (la ville de Paris) ; Osla Gyllellvawr [575] qui portait un poignard court et large (quand Arthur et ses troupes arrivaient devant un torrent, on cherchait un endroit resserré ; on jetait par dessus le couteau dans sa gaine, et on avait ainsi un pont suffisant pour l’armée des trois îles de Bretagne, des trois îles adjacentes et leur butin) ; Gwyddawc, fils de Menestyr, qui tua Kei et qu’Arthur tua ainsi que ses frères pour venger Kei ; Garanwyn, fils de Kei ; Amren, fils de Bedwyr ;


[576] Henwas, « vieux serviteur » ; cf. Anwas ; Hen wyneb, « vieux visage » ; Hen gedymdeith, « vieux compagnon ».

[577] Le texte porte Gerenhir. D’après les Iolo mss., Berwyn serait le père de Ceraint Veddw, « l’ivrogne ». Ceraint est le premier qui ait fait la bière convenablement. Il venait de faire bouillir le malt avec des fleurs des champs et du miel quand survint un sanglier qui en but et y laissa tomber son écume, ce qui fit fermenter la bière. Geraint s’adonna à la boisson et en mourut.

[578] Osla, « au grand couteau ». Dans le Songe de Ronabwy, Arthur doit se battre avec lui à Kaer Vaddon. Son nom est aussi écrit une fois Ossa, ce qui mènerait sans difficulté à Offa, nom bien connu des Gallois. Dans le récit irlandais connu sous le nom de Bruighean Daderga, on voit figurer, à la cour de Daderg, trois princes saxons dont l’un porte le nom d’Osalt (O’Curry, On the manners, III, p. 146).


Ely ; Myr [579] ; Reu Rwydd Dyrys [580] ; Run Ruddwerri ; Ely et Trachmyr chefs chasseurs d’Arthur ; Llwydeu, fils de Kelcoet [581] ; Hunabwy, fils de Gwryon ; Gwynn Gotyvron [582] ; Gweir Dathar Wennidawc ; Gweir, fils de Kadellin Talaryant ; Gweir Gwrhyt Ennwir, et Gweir [583] Baladyr Hir, oncles d’Arthur, frères de sa mère, fils de Llwch Llawwynnyawc de l’autre côté de la mer Terwyn ; Llenlleawc le Gwyddel, prince de Prydein [584] ; Cas, fils de Saidi [585] ;


[586] Peut-être une faute du copiste pour Ely et Trachmyr dont il est question une ligne plus bas.

[587] Reu est probablement pour Rew, « gelée » ; rwydd, « facile, libre » ; dyrys, « embarrassé ».

[588] Ce fils de Kelcoet est appelé Llwyd par Dafydd ab Gwilym, p. 114.

[589] Gwynn Gotyvron apparaît dans le Livre noir, dans le dialogue entre Arthur et Glewlwyd Gavaelvawr. Il est donné comme serviteur d’Arthur, p. 51, vers 4 : Guin Godybrion ; il faut probablement lire Godybron.

[590] Gweir, fils de Gwestyl, est plus célèbre que ces Gweir. Voir la note sur ce personnage plus haut, p. 272. Il y a un autre Gweir, fils de Ruvawn, qui aurait composé un livre de lois (Ancient laws I, p. 218). Talaryant « front d’argent » ; paladyr hir,« à la longue lance ». Pour Llwch, voir plus haut, à Lloch. Pen. 4 (L. Rh. 466.) ; Gweir Gwrhyt Baladyr.

[591] Il est possible qu’Arderchawc Prydein ne se rapporte pas à Llenlleawc et désigne un autre personnage.

[592] Cas, « objet de haine, haïssable » ; c’est probablement Seithynin, fils de Seithyn Saidi, roi de Dyvet, un des trois ivrognes endurcis de l’île de Bretagne, qui, dans un jour d’ivresse, lâcha la mer sur le pays appelé Cantrev y Gwaelod (Myv. arch., p.104, col. 2 ; cf. Livre noir, p. 59). Llewei, fille de Seithwedd Saidi, est une des trois amazones (gwrvorwyn,« homme-femme » ) de Bretagne.

Gwrvan Gwallt Avwyn [593] ; Gwillennhin, roi de France ; Gwittard,fils d’Aedd [594], roi d’Iwerddon ; Garselit [595] le Gwyddel ; Panawr Penbagat ; Flendor fils de Nav ; Gwynnhyvar maire [596] de Kernyw et de Dyvneint, un des neuf qui tramèrent la bataille de Kamlan ; Keli et Kueli ; Gilla Goeshydd [597] (il sautait trois sillons d’un bond : c’était le chef des sauteurs d’Iwerddon) ; Sol, Gwadyn Ossol et Gwadyn Odyeith [598] (Sol pouvait se tenir tout un jour sur le même pied ; la montagne la plus haute du globe devenait sous les pieds de Gwadyn Ossol une vallée unie ; Gwadyn Odyeith faisait jaillir de la plante de ses pieds autant d’étincelles que le métal chauffé à blanc quand on le retire de la forge, lorsqu’il se heurtait à des corps durs ; c’est lui qui débarrassait la route de tout obstacle devant Arthur dans ses expéditions) ;


[599] Gwallt, « cheveux ; » avwgn, « rênes, » du latin abêna (habena).

[600] Le L. Rouge a Oed ; j’adopte la leçon de Pen. 4, Aedd, parce qu’il s’agit d’un roi d’Irlande.

[601] Garselit porte un nom irlandais signifiant (l’homme) au court espace de temps (Kuno Meyer, Guel and Brython p. 35, note 5 : irl. Gearr-selut).

[602] Le maer était un personnage important ; c’était lui qui avait la haute surveillance des tenures serviles et qui procédait au partage des terres qui en dépendaient. Maer vient du latin major. Il y avait aussi à la cour un maer (Voir Ancient laws, I, passim. Pour Kamlan, voir p. 269).

[603] Coes hydd, « à la jambe de cerf » : Gilla est l’irlandais gilla, ir. mod. giolla, compagnon, page, serviteur.

[604] Gwadyn ou gwadn, signifie « la plante du pied ». Odyeith a le sens de « rare, extraordinaire ». Pour sol, on attendrait plutôt sawdl, « talon » (breton-moyen, seuzl, auj. seul). Il est possible que le scribe ait eu sodl sous les yeux ou reproduise une forme orale de l’irl. sál. Sol du latin solum a en breton, parfois, le sens de semelle.


Hir Erwm et Hir Atrwm [605] (le jour où ils allaient loger quelque part, on faisait main-basse à leur intention sur trois cantrevs : ils mangeaient jusqu’à nones et buvaient jusqu’à la nuit, jusqu’au moment où ils allaient se coucher ; alors la faim les poussait à dévorer la tête de la vermine, comme s’ils n’avaient jamais rien mangé ; ils ne laissaient chez leurs hôtes rien après eux ; ni épais ni mince, ni froid ni chaud, ni aigre ni doux, ni frais ni salé, ni bouilli ni cru) ; Huarwar fils d’Avlawn [606] qui demanda à Arthur comme présent de lui donner son content (quand on le lui fournit, ce fut le troisième des fléaux intolérables de Kernyw [607] : jamais on ne pouvait obtenir de lui un sourire de satisfaction que quand il était plein) ; Gware Gwallt Euryn [608] ; les deux petits de Gast Rymi [609] ;



[610] Ces deux singuliers personnages sont mentionnés ensemble dans un poème de la Myv. arch., p. 129, col. 1 (Englynion y Klyweit. Le nom du premier est maltraité : Llucrum ; mais l’assonance montre qu’il faut corriger cruor en crwm.)

[611] Avlawn, « non plein » ; Huarwar, « facile à apaiser ».

[612] Pen.4 (L. Rh. 467) ajoute : et de Dyvneint (Devon).

[613] Probablement Gwri Wallt Euryn, « Gwri aux cheveux d’or », plus connu sous le nom de Pryderi. Voir le mabinogi de Pwyll, p. 110, 115, et celui de Math, fils de Mathonwy, p. 179. Dafydd ab Gwilym fait mention de Gwri Gwallt Euryn.

[614] Gast, « chienne ». Rymi : il y a un fleuve Rymni en Glamorgan, Iolo mss., p. 18. Rymi, écrit aussi Rymhi, est pour Rymni.



Gwyddawc et Gwydneu Astrus <ref> 1</ref> ; Sugyn, fils de Sucnedydd [615], qui pompait un estuaire à contenir trois cents navires au point de n’y laisser que du sable sec : il avait un estomac de pierre rouge ; Kacymwri, serviteur d’Arthur : on pouvait lui montrer la grange qu’on voulait, aurait-on pu y manoeuvrer trente charrues, il vous la battait si bien avec un fléau de fer que les poutres, les chevrons et les lattes n’étaient pas en meilleur état que les menus grains d’avoine au fond du tas de blé sur le sol ; Dygyvlwng ; Anoeth Veiddawc [616] ; Hir Eiddyl et Hir Amren [617], tous deux serviteurs d’Arthur ; Gwevyl [618] fils de Gwestat : quand il était triste, il laissait tomber une de ses lèvres jusqu’à son nombril et l’autre lui faisait comme un capuchon sur la tête ; Ychdryt Varyvdraws [619] qui projetait sa barbe rouge hérissée par dessus les quarante-huit poutres [620] de la salle d’Arthur ;


[621] Astrus, « enchevêtré ».

[622] Sugyn, « action de sucer » ; sugnedydd,« qui suce, qui pompe » (Cf. sugno,« sucer, téter ; » armor., suno, seuno ou cheuno).

[623] Beiddiawc, « hardi ».

[624] Hir, «.long », eiddil, « mince ».

[625] Gwevyt ou Gwevl, « lèvre ». Au lieu de Gwestat, Pen. 4 a. Gwastat.

[626] Baryvdraws, barbe de travers ou à la barbe rude ; traws a aussi le sens de dur, violent. La maison royale, qui était en bois, n’avait, d’après les Lois, que six colonnes. Il en était de même de celles des nobles et même de celles des vilains (Ancient laws, I, p. 292).

[627] Pen. 4 (L. Rh. 468) donne : cinquante poutres.


Elidyr Gyvarwydd [628] ; Yskyrdav et Yscudydd [629], serviteurs de Gwenhwyvar, aux pieds aussi rapides que leurs pensées dans l’accomplissement de leurs missions ; Brys, fils de Bryssethach, de Tal y Redynawc Du [630] de Prydein ; Gruddlwyn Corr [631] ; Bwlch, Kyvwlch [632], Sevwlch, petit-fils de Cleddyv Divwlch (d’une blancheur éclatante était le blanc de leurs boucliers ; c’étaient trois perceurs que les pointes de leurs trois lances ; trois trancheurs que les tranchants de leurs trois épées ;


[633] Kyvarwydd, « guide, celui qui renseigne et, aussi, habile ». Kyvarwyddon a quelquefois le sens d’enchantements, sortilèges (V. Campeu Charlymaen dans les Selections from Hengwrt mss., XVII ; cf. dorguid, Gloses d’Orléans, gallois moyen derwydd « devin, prophète » ).

[634] Yscudydd de ysgud,« rapide » ; ysgudo,« courir précipitamment » ; ysgyrdaf, peut-être pour ysgrydaf de ysgryd, frissonnement, tremblement.

[635] Tal, « le bout, le front ; » redynawc, de redyn, « fougère », = armor., radenec, « fougeraie », du « noir ».

(4) Corr, « nain ».

[636] Kyvwlch. Ce nom apparaît dans l’extrait du Codex Lichf., (Th. Rovk of Llandav, éd. Rhys-Evans XVI) : Arthan filius Cimulch. Or, dans le Livre noir, à propos de la tombe d’Eiddiwlch il semble qu’il y ait un jeu de mot sur ce nom : mab Arthan gywlavan gyvwlch. F. B. a. If, v. 22). Bwlch signifie entaille, brèche, Divwlch, sans entaille et métaphoriquement sans défaut et continu ; eyvwlch a le sens de complet, parfait ; Cleddyv, signifie épée.

Le texte porte : CledyvKyvwlch, mais d’après un autre passage (v. plus bas, page 317) il faut lire Divwlch. Kyvwlch dans Bwlch Kyvwlch, Sevwlch est évidemment incorrect. Je proposerais en conférant les deux passages : Bwlch, Hyvwlch (qui coupe, taille bien), Syvwlch, fils de Kilydd Kyvwlch, petit-fils de Cleddyv Divwlch.


Glas, Gleissic et Gleissat, étaient leurs trois chiens [637] ; KalI, Kuall et Kavall [638] leurs trois chevaux ; Hwyrdyddwc, Drwcdyddwc [639] et Llwyrdyddwc, leurs trois femmes ; Och, Garym et Diaspat [640] leurs trois petits-fils ; Lluchet, Nevet et Eissiwet [641], leurs trois filles ; Drwc, Gwaeth et Gwaethav Oll [642], leurs trois servantes ; Eheubryd, fille de Kyvwlch, Gorascwrn, fille de Nerth, et Gwaeddan, fille de Kynvelyn Keudawt [643]. ) Pwyll Hanner Dyn [644] ;


[645] Lorsque le dieu Lug se présente au palais royal de Tara, entre autres talents qu’il énumère afin d’y pénétrer, il indique celui de porte-coupe ; on lui répond qu’il y en a et on cite Glei, Glan, Gleisi, noms différents de ceux-ci, mais inventés d’après les mêmes procédés et probablement altérés (O’Curry, On the manners, III, p. 43). Glas signifie verdâtre ou blanchâtre ; gleissic, gleissat en sont des dérivés.

[646] Kall, « fin » ; Kuall,« cruel, sauvage » ; Kavall est le nom du chien d’Arthur, d’après Nennius et les Mab. (Nennius, éd. Petrie, Mon. Hist. brit., 79) ; pour Kavall, v. plus bas ; il manque quelque chose au texte. Cf. note 3.

[647] Dyddwc « qui porte » ; hwyr, « tard », llwyr, « complet » ; drwc, « mal, mauvais ». Il semble qu’il y ait interversion dans le texte ; Hwyrdyddwc, Drwcdyddwc ou Hwyrdyddwc seraient mieux appropriés comme noms de chevaux ; Och, Garym et Diaspat iraient bien comme noms de femme.

[648] Och, « exclamation de douleur, gémissement » ; garym ou garam, avec une voyelle euphonique ou irrationnelle pour garm, « cri » ; diaspat,« cri perçant ».

[649] Lluchet « éclair », Eisiwed, « indigence » : peut-être Luddet, Nychet et Eisiwet.

[650] Drwc,« mauvais », gwaeth, « pire » ; gwaethav oll, « le pire de tous ».

[651] Il est fort possible qu’il faille séparer Keudawt de Kynvelin. Le texte est altéré.

[652] Hanner dyn, « moitié d’homme » ; suivant Lady Guest, il existerait une fable galloise, d’après laquelle Arthur aurait vu, un jour, venir à lui une sorte de lutin qui, de loin, avait une forme indistincte, et en approchant paraissait se développer peu à peu ; arrivé près de lui, c’était un demi-homme. Le demi-homme le provoque. Arthur remet la lutte par mépris, si bien que le demi-homme grandit et qu’Arthur, en fin de compte, a besoin de toutes ses forces pour venir à bout de lui. Ce serait, d’après lady Guest, une allégorie destinée à montrer le pouvoir de l’exercice et de l’habitude. Les Iolo mss., p. 164. donnent cette fable ; mais il est aisé de voir qu’elle a été remaniée par un arrangeur maladroit.


Dwnn Diessic Unbenn [653] ; Eiladyr, fils de Pen Llorcan [654] ; Kyvedyr Wyllt [655], fils de Hettwn Talaryant ; Sawyl Bennuchel [656] ; Gwalchmei, fils de Gwyar [657] ; Gwalhavet, fils de Gwyar ; Gwrhyr Gwalstawt Ieithoedd [658] : il savait toutes les langues ; Kethtrwm Offeirat (le Prêtre) ; Klust, fils de Klustveinat [659] : l’enterrait-on cent coudées sous terre, il entendait à cinquante milles de là la fourmi quitter son nid le matin ;


[660] Unbenn, prince et même simplement seigneur, primitivement monarque.

[661] Le texte porte Harcan ; un autre passage donne un Pennlloran ; il faut prob. lire llorcan : pennllorcan, « à la tête de pivert ». Llorcan est aussi le nom d’un roi de Munster (O’Curry, On the manners, II, p. 98).

[662] Kyvedyr, ailleurs Kyledyr et même Kynedyr ; gwyllt, « sauvage, fou ».

[663] Samuel à la tête haute, un des trois orgueilleux de Bretagne (Triad. Mab., 304, 17 ; Triad., Skene, II, p. 458). Gaufrei de Monmouth parle d’un roi Samuil Pennissel, ou Samuel à la tête basse (Hist., III, 19).

[664] Voir p. 288. [six pages further on]

(G) Voir p. 287. [five …]

[665] Clust, « oreille » ; Clustveinad, « à l’oreille fine » ; d’après Owen Pughe, « qui dresse l’oreille, qui écoute attentivement ».


Medyr, fils de Methredydd, qui, de Kelliwic à Esgeir Oervel en Iwerddon, traversait, en un clin d’œil, les deux pattes du roitelet ; Gwiawn Llygat Cath [666], qui, d’un coup, enlevait.une tache de dessus l’exil du moucheron sans lui faire de mal ; Ol, fils d’Olwydd [667] (sept années avant sa naissance, on avait enlevé les cochons de son père ; devenu homme, il retrouva leur piste et les ramena en sept troupeaux) ; Bedwini [668], l’évèque qui bénissait la nourriture et la boisson d’Arthur.

[Kulhwch fit en outre sa demande] pour l’amour des femmes de cette île portant des colliers d’or : à Gwenhwyvar, la reine des dames de Bretagne ; Gwenhwyvach, sa sœur ; Rathtyeu, fille unique de Clememhill ; Relemon, fille de Kei ; Tannwen, fille de Gweir Dathar Wennidawc ; Gwennalarch [669], fille de Kynnwyl Kanhwch ;


[670] Llyyat cath, » à l’œil de chat ». Il y a un Gwiawn qui ne porte pas ce surnom et qui est plus connu ; il est qualifié de dewin, « devin », par Gwilym Ddu, poète du treizième-quatorzième siècle (Myv. arch., p.277, col. 1 ; cf. Taliesin chez Skene, II, p. 130, 9 153, 23). Medyr a ici le sens de habileté ou habile à viser ; Methredydd (medrydydd) en est un dérivé : cf. Drem fils de Dremhidydd.

[671] Ol, « trace, action de suivre » ; Olwydd, « qui suit les traces ».

[672] Dafydd ab Gwilym fait allusion au manteau de Bedwini, p. 122. Les Triades le font chef des évêques à la cour d’Arthur à Kelli Wic, en Kernyw (Triades, Skene, II, p. 455). Il est aussi question de lui dans le Songe de Ronabwy.

[673] Gwenn, « blanche » ; alarch, « cygne. »

Eurneid, fille de Clydno Eiddin [674] ; Enevawc, fille de Bedwyr [675] ; Enrydrec, fille de TuTúathar ; Gwennwledyr, fille de Gwaleddur Kyrvach [676] ; Erdutvul, fille de Tryffin ; Eurolwen, fille de Gwiddolwyn Gorr ; Teleri, fille de Peul ; Morvudd [677], fille d’Uryen Reget ; Gwenllian Dec [678], la majestueuse jeune fille ; Kreiddylat [679], fille de Lludd Llaw Ereint [680], la jeune fille la plus brillante qu’il y ait eu dans l’île des Forts, et les trois îles adjacentes : c’est à cause d’elle que Gwythyr, fils de Greidiawl et Gwynn, fils de Nudd, se battent et se battront, chaque premier jour de mai, jusqu’au jour du jugement ;


[681] Chef du Nord, probablement, d’après son surnom, du pays d’Edimbourg. D’après les Lois, il serait venu dans le pays de Galles avec Nudd Hael et d’autres pour venger la mort d’Elidyr le généreux, tué en Arvon ; les Gallois avaient pour chef Run, fils de Maelgwn (Ancient laws, 1, p. 104). La vaillance déployée par les hommes d’Arvon contre lui aurait été l’origine de leurs privilèges, que les Lois énumèrent à cet endroit. D’après les Triades sur la noblesse des Bretons du Nord, il serait fils de Kynnwyd Kynnwydyon et de la grande tribu de Coel (Triades, Skene, II, p. 454). Les poètes gallois parlent souvent de la gloire de Clydno, clot Clydno, épithète amenée par l’allitération et la ressemblance des formes (Myn. arch., p. 246, col. 2 ; 290, col. 1 ; 293, col. 2).

[682] Voir p. 286.

[683] Pen, 4 (L. Rh. 569) Gwaredur ; Il faut lire Gwawrddur.

[684] C’était une des trois femmes aimées par Arthur (Triades Mab., p. 302, 14). Son nom est synonyme de beauté chez les poètes (Daf. ab Gwil., p. 27 ; Iolo mss., p. 247).

[685] Tec, « belle ».

[686] On l’a identifiée avec la Cordelia de Gaufrei de Monmouth, II, 11 ; mais Cordelia est la fille du roi Llyr. Les Triades confondent Lludd et Llyr ; voir sur Lludd Llaw Ereint la note plus bas. Dans le Livre noir, 51,18, Gwyn ab Nudd se dit l’amant de Kreurdilad, fille de Lludd.

[687] Llaw Ereint, à la main d’argent.


Ellylw, fille de Neol Kynn Kroc, qui vécut trois âges d’homme ; Essyllt Vinwen et Essyllt Vingul [688] ; à elles toutes, Kulhwch réclama son présent.

Arthur lui dit alors : « Je n’ai jamais rien entendu au sujet de la jeune fille que tu dis, ni au sujet de ses parents. J’enverrai volontiers des messagers à sa recherche : donne-moi seulement du temps. » ― « Volontiers : tu as un an à partir de ce soir, jour pour jour. » Arthur envoya des messagers dans toutes les directions, dans les limites de son empire, à la recherche de la jeune fille. Au bout de l’année, les messagers revinrent sans plus de nouvelles, ni d’indications au sujet d’Olwen que le premier jour. « Chacun, » dit’ alors Kulhwch, « a obtenu son présent, et moi, j’attends le mien encore. Je m’en irai donc et j’emporterai ton honneur [689] avec moi. » ― « Prince, » s’écria Kei, « c’est trop de propos blessants pour Arthur !


[690] Essyllt est le nom qui est devenu Iseult dans les romans français. Min a le sens de lèvres. Essyllt Vinwen, fille de Kulvanawyt, est une des trois femmes impudiques de l’île ; c’est l’amante de Trystan (Myv. arch., p. 392, col. 1 ; là son nom est Fyngwen, « crinière blanche » ). Il est aussi curieux que Essyllt Vinwen soit devenue Iseult aux blanches mains. Y aurait-il eu une fausse interprétation de min ? Minwen, « lèvres blanches » ; mingul, « lèvres minces ». Caradawc Vreichvras, ou Caradawc « aux grands bras », est devenu de même, dans nos romans français, Brie-bras. Sur Essyllt, v. J. Loth, Contributions à l’étude des romans de la Table Ronde, p. 23 et suiv.

[691] Mot à mot, ton visage (dy wyneb). Voir p. 127, note 2.


Viens avec nous et, avant que tu ne reconnaisses toi-même que la jeune fille ne se trouve nulle part au monde, ou que nous ne l’ayons trouvée, nous ne nous séparerons pas de toi. » En disant ces mots, Kei se leva.

Kei avait cette vigueur caractéristique qu’il pouvait respirer neuf nuits et neuf jours sous l’eau ; il restait neuf nuits et neuf jours sans dormir ; un coup de l’épée de Kei, aucun médecin ne pouvait le guérir ; c’était un homme précieux que Kei : quand il plaisait à Kei, il devenait aussi grand que l’arbre le plus élevé de la forêt. Autre privilège : quand la pluie tombait le plus dru, tout ce qu’il tenait à la main était sec au-dessus et au-dessous, à la distance d’une palme, si grande était sa chaleur naturelle. Elle servait même de combustible à ses compagnons pour faire du feu, quand ils étaient le plus éprouvés par le froid. Arthur appela Bedwyr [692], qui n’hésita jamais à prendre part à une mission pour laquelle partait Kei. Personne ne l’égalait à la course dans cette île, à l’exception de Drych, fils de Kibddar [693] ; quoiqu’il n’eût qu’une main, trois combattants ne faisaient pas jaillir le sang plus vite que lui sur le champ de bataille ; autre vertu : sa lance produisait une blessure [en entrant], mais neuf en se retirant [694]. Arthur appela Kynddelic le guide : « Va », dit-il, « à cette entreprise avec le prince. » Kynddelic n’était pas plus mauvais guide dans un pays qu’il n’avait jamais vu que dans le sien propre. Arthur appela Gwrhyr Gwalstawt Ieithoed [695], parce qu’il savait toutes les langues.


[696] Une triade le met au-dessus des trois taleithiawc ou porte diadèmes de l’île, c’est-à-dire de Drystan, Hueil, fils de Kaw et Kei (Myv. arch., p. 389, col. 2 ; Triades Mab., p. 307, 16). Le Livre noir met sa tombe à Allt Tryvan, dans le Carnarvonshire (p. 51, 34) ; Arthur, dans le même livre, célèbre sa valeur (p. 51, v. 37 ; 52, 11). Llewis Glyn Cothi compare deux vaillants Gallois aux deux pouces de Bedwyr (Dwy vawd Vedwyr oeddynt, p. 396, v. 25 ; cf. ibid., p. 345, v. 22).

[697] Drych, « vue, regard » ; Cibddar est, dans les Triades, avec Coll, fils de Collvrewi, et Menw, un des trois prif Lledrithiawc ou premiers magiciens, habiles à se transformer ou à se métamorphoser (Myv. arch., p. 390,33) ; une autre tradition lui donne pour fils Elmur, qui est des trois tarw unbenn ou princes taureaux du combat (Myv. arch., 408, col. 1). Il est aussi question de Cibddar dans les Iolo mss., p. 253 (a glyweist tichwedl Cibddar.).

[698] Nous avons dû ici expliquer plutôt que traduire le texte ; le texte dit que la lance de Bedwyr avait un coup, une blessure, et neuf contre-coups (gwrth-wan ; gwan, « action de percer » ). Il semble qu’on soit ici en présence d’une arme dans le genre du gae bulga du héros irlandais Cuchulain. Le gae bulga ou javelot du ventre faisait la blessure d’un seul trait en entrant, et trente en se retirant ; il portait, échelonnées, une série de pointes disposées comme des hameçons. Pour le retirer, on était souvent obligé d’ouvrir le corps. Cuchulain visait avec lui ses ennemis au ventre (O’Curry, On the manners, II, p. 309). Des lances avec des pointes (généralement cinq) sont souvent mentionnées dans des épopées irlandaises, notamment dans le Táin Bó Cualgne.

[699] Gwrhyr, le maître ou plutôt l’interprète des langues.Il est fait mention de lui dans le Songe de Ronabwy et le roman de Gereint ab Erbin. C’est de lui probablement qu’il s’agit dans les Chwedlau des Iolo mss. : « As-tu entendu le propos de Gwrhyr, le serviteur de Teilaw le barde au langage véridique ? » (p. 255). Pour le sens de gwalstawd ou gwalystawd, mot emprunté à l’anglais, v. Iolo mss., p. 257, strophe 119.


Il appela Gwalchmei, fils de Gwyar [700] ; il ne revenait jamais d’une mission sans l’avoir remplie ; c’était le meilleur des piétons et le meilleur des cavaliers ; il était neveu d’Arthur, fils de sa soeur et son cousin. Arthur appela encore Menw, fils de Teirgwaedd : au cas où ils seraient allés dans un pays payen, il pouvait jeter sur eux charme et enchantement de façon à ce qu’ils ne fussent vus par personne, tout en voyant tout le monde.

Ils marchèrent jusqu’à une vaste plaine dans la quelle ils aperçurent un grand château fort, le plus : beau du monde. Ils marchèrent jusqu’au soir et lorsqu’ils s’en croyaient tout près, ils n’en étaient pas plus rapprochés que le matin. Ils marchèrent deux jours, ils marchèrent trois jours, et c’est à peine s’ils purent l’atteindre. Quand ils furent devant, ils aperçurent un troupeau de moutons, grand, sans bornes ni sans fin. Du sommet d’un tertre, un berger vêtu d’une casaque de peau les gardait ; à côté de lui était un dogue aux poils hérissés, plus grand qu’un étalon vieux de neuf hivers. Il avait cette habitude qu’il ne laissait jamais se perdre un agneau et, à plus forte raison, une bête plus grosse. Jamais compagnie ne passa à côté de lui sans blessure ou fâcheux accident ; tout ce qu’il y avait de bois sec et de buissons dans la plaine, son haleine le brûlait jusqu’au sol même. « Gwrhyr Gwalstawt Ieithoedd, » dit Kei, « va parler à cet homme là-bas ! » ― « Kei, » répondit-il, « je n’ai promis d’aller que jusqu’où tu iras toi-même. » ― « Allons-y ensemble, » dit Kei.

― « N’ayez aucune appréhension, » dit Menw [701], fils de Teirgwaedd ; « j’enverrai un charme sur le chien, de telle sorte qu’il ne fasse de mal à personne. » [702] Gwalchmei : le premier terme, gwalch, signifie faucon mâle, gwyar signifie sang. Il n’est pas inutile de remarquer que ce nom se retrouve très probablement dans le cartulaire de Redon ; le même personnage y est appelé Waltmoe et Walcmoel ; la forme qui explique le mieux l’erreur est Walc-Moei. C’est un des personnages les plus importants des Mabinogion, avec cette réserve qu’il n’apparaît pas dans les Mabinogion où il n’est pas question d’Arthur. Il a le même caractère dans les Triades que dans les Mabin. c’est un des trois eurdavodogion ou « gens à la langue dorée » ; c’est un des chevaliers de la cour d’Arthur les meilleurs pour les hôtes et les étrangers (Myv. arch., p. 393, col. 1, col. 2 ; ibid., p. 407, col. 2). Il y a un intéressant dialogue en vers, dans la Myv. arch., entre lui et Trystan ; il réussit, par sa courtoisie, à le ramener à la cour d’Arthur. Il remplit une mission analogue auprès de Peredur, dans le mabinogi de ce nom. Dans ce poème, il se dit neveu d’Arthur (Myv. arch„ p. 132, col. 1). Il n’y a pas de nom qui revienne plus souvent chez les poètes (Myv. arch., p. 278, col. 2 ; 286, col. 2, etc. ; Livre noir, Skene, p. 29, 10 ; 10, 12 : son cheval s’appelle Keincaled). C’est le Gauvain de nos Romans de la Table Ronde. Il est fils de Lloch Llawwynnyawc (le Loth ou Lot des romans français), et cousin d’Arthur. V. sur Gauvain, Gaston Paris, Hist. litt., XXX, 29-45. Un des Cymmwd de Rhos en Pembrokeshire tire son nom de lui : Walwyn’s Castle, en gallois Castell Gwalchmai (Eg. Phillimore, Owen’s Pembrok., II, p. 318, note 6).

[703] Menw, « esprit, intelligence ». La magie de Menw, qu’il avait apprise d’Uthur Penndragon, la magie de Math, fils de Mathonwy, qui l’enseigna à Gwydyon, fils de Don, et celle du Rudlwm Gorr qui l’enseigna à Koll, fils de Kollvrewi, sont les trois principales magies de Bretagne (Triades Mab., p. 302, 23 ; cf. Myv. arch., p. 390, col. 1). D’après un passage de Daf. ab. Gwilym, les trois magiciens seraient Menw, Eiddilic Corr et Maeth (sic), p. 143 (Eiddilic Corr, Wyddel call, « le Gaël subtil »). Ce Menw joue un grand rôle dans les rêveries de certains écrivains gallois contemporains. Un certain Einigan Gawr aurait aperçu, un jour, trois rayons de lumière sur lesquels était écrite toute science. Il prit trois baguettes de frêne sauvage, et y inscrivit ce qu’il avait vu. Les hommes ayant déifié ces baguettes, Einigan, irrité, les brisa et mourut. Menw vit trois baguettes poussant sur sa tombe ; elles sortaient de sa bouche. Il apprit ainsi toutes les sciences, et les enseigna, à l’exception du nom de Dieu (Lady Guest, d’après un travail publié par Tal. Williams, à Abergavenny, 1840, sur l’alphabet bardique). Sur ce personnage. de Menw, cf. Iolo mss., p. 252.


Ils se rendirent auprès du berger et lui dirent : « Es-tu riche, berger [704] ? » ― « À Dieu ne plaise, que vous soyez jamais plus riches que moi ! » ― « Par Dieu, puisque tu es le maître. » ― « Je n’ai d’autre défaut à me nuire que mon propre bien. » ― « À qui sont les brebis que tu gardes, et ce château là-bas ? » ― « Vous êtes vraiment sans intelligence : on sait dans tout l’univers que c’est le château d’Yspaddaden Penkawr [705]. » ― « Et toi, qui es-tu ? » ― « Kustennin, fils de Dyvnedic, et c’est à cause de me biens que m’a ainsi réduit mon frère Yspaddaden Penkawr. Et vous-mêmes, qui -êtes-vous ?"

― « Des messagers d’Arthur, venus ici pou demander Olwen, la fille d’Yspaddaden Penkawr. :

― « Oh ! hommes, Dieu vous protège ! Pour tout au monde, n’en faites rien : personne n’est vent faire cette demande qui s’en soit retourné en vie. » Comme le berger se levait pour partir, Kulhwch lui donna une bague d’or. Il essaya de la mettre mais, comme elle ne lui allait pas, il la plaça sur un doigt de son gant et s’en alla à la maison. Il donna le gant à sa femme à garder. Elle retira la bague du gant et lorsqu’elle l’eut mise de côté, elle lui dit : « Homme d’où te vient cette bague [706] ? Il ne t’arrive pas souvent d’avoir bonne aubaine. » ― « J’étais allé, » répondit-il, « chercher nourriture de mer ; lorsque tout d’un coup je vis un cadavre venir avec les flots ; jamais je n’en avais vu de plus beau : c’est sur son doigt que j’ai pris cette bague. » ― « Comme la mer ne souffre pas chez elle de joyau mort [707] montre-moi le cadavre. » [708] Tout ce dialogue est obscur. Il y a probablement un jeu de mots sur berth, et un autre sur priawt. Berth signifie beau, brillant. Il serait possible que ce fût une formule de salut comme en français : Es-tu gaillard ? Le berger prend le mot dans le sens de richesses, comme semble le prouver l’exclamation de son interlocuteur. Priawt signifie bien propre, et s’applique aussi à la femme légitime. Son beau-frère Yspaddaden, comme la suite du récit le montre, a tué tous ses enfants moins un, qui est caché, pour s’emparer de ses biens. Le don d’un anneau d’or semble bien montrer que les voyageurs ont l’intention d’acheter la complaisance du berger, et justifie le sens que nous avons donné à berth. Le texte semble ici encore avoir été remanié.

[709] Yspaddaden à la tête de géant.

[710] Pour la reconstitution du texte, v. Notes critiques. [J. Loth y explique, pour les experts en Gallois, comment il a reconstitué un texte à partir de deux version galloises.]

[711] Cf. Anc. Laws. II, p. 258 : Kanys pabeth bynac a vo yn varw yn y mor tri llanw a thri tray y brenyn biev (quelque chose que ce soit resté à l’état de mort dans la mer pendant trois flux et trois reflux, appartient au roi).

― « Femme, celui à qui appartient ce cadavre, tu le verras ici bientôt [712]. » ― « Qui est-ce ? » ― « Kulhwch, fils de Kilydd, fils du prince Anllawdd ; il est venu pour demander Olwen comme femme ». Elle fut partagée entre deux sentiments : elle était joyeuse à l’idée de l’arrivée de son neveu, le fils de sa soeur ; triste, en pensant qu’elle n’avait jamais vu revenir en vie un seul de ceux qui étaient allés faire pareille demande.

Pour eux, ils se dirigèrent vers la cour de Custennin le berger. Elle les entendit venir et courut de joie à leur rencontre. Kei arracha une pièce de bois au tas et, au moment où elle allait au-devant d’eux pour les embrasser, il lui mit la bûche entre les mains. Elle la pressa si bien qu’elle ressemblait à un rouleau de corde tordu [713]. « Ah ! femme, » s’écria Kei, « si tu m’avais serré ainsi, personne n’eût été tenté de placer sur moi son amour : dangereux amour que le tien ! » Ils entrèrent dans la maison et on les servit.

Au bout de quelque temps comme tout le monde sortait pour jouer, la femme ouvrit un coffre de pierre qui était auprès de la pierre de garde du feu [714], et un jeune homme aux cheveux blonds frisés en sortit. « C’est pitié, » dit Gwrhyr Gwalstawt Ieithoedd, « de cacher un pareil garçon ; je suis bien sûr que ce ne sont pas ses propres méfaits qu’on venge ainsi sur lui » ― « Celui-ci n’est qu’un rebut, » dit la femme : « Yspaddaden Penkawr m’a tué vingt-trois fils, et je n’ai pas plus d’espoir de conserver celui-ci que les autres. » ― « Qu’il me tienne compagnie, » dit Kei, « et on ne le tuera qu’en même temps que moi. » Ils se mirent à table. « Pour quelle affaire êtes-vous venus ? » dit la femme.

― « Afin de demander Olwen pour ce jeune homme. » ― « Pour Dieu, comme personne ne vous a encore aperçus du château, retournez sur vos pas. » ― « Dieu sait que nous ne nous en retournerons pas avant d’avoir vu la jeune fille. » ― « Vient-elle ici, » dit Kei, « de façon qu’on puisse la voir ? » ― « Elle vient ici tous les samedis pour se laver la tête. Elle laisse toutes ses bagues dans le vase où elle se lave, et elle ne vient jamais les reprendre pas plus qu’elle n’envoie à leur sujet. »


[715] Le récit a été ici délayé, sans doute, par un maladroit arrangeur. J’imagine que le dialogue primitif devait être à peu près ceci : « J’ai pris ce bijou sur un cadavre, le plus beau que j’aie vu. » – « Quel cadavre ? » – « Tu vas le voir. c’est Kulhwch ton neveu. » Le berger considère Kulhwch comme un homme mort. L’arrangeur ne l’aura pas compris, et aura essayé d’expliquer à sa façon les paroles de Kustennin : Cependant, il peut y avoir simplement un défaut dans l’expression ; le sens est évident.

[716] V. notes critiques.

[717] La pierre du foyer avait une importance particulière dans les lois galloises. Les maisons étant en bois, la pierre du foyer était la partie la plus difficile à faire disparaître. Le feu se trouvait sans doute au milieu de la maison, à peu près au niveau du sol. Il est, en effet, question dans les Lois du cas ou des porcs entrant dans une maison, éparpillent le feu et causent la destruction de la maison (Ancient laws I, p. 260 ; pour le pentan, v. ibid., p. 76, 452, 455, etc. ; II, p. 774). Pentan a aussi le sens de trépied (Ancient laws, II, p. 865).

― « Viendra-t-elle ici, si on la mande ? » ― « Dieu sait que je ne veux pas ma propre mort, que je ne tromperai pas qui se fie à moi ; seulement, si vous me donnez votre foi que vous ne lui ferez aucun mal, je la ferai venir. » ― « Nous la donnons, » répondirent-ils.

Elle la fit mander. La jeune fille vint. Elle était vêtue d’une chemise de soie rouge-flamme ; elle avait autour du cou un collier d’or rouge, rehaussé de pierres précieuses et de rubis. Plus blonds étaient ses cheveux que la fleur du genêt ; plus blanche sa peau que l’écume de la vague, plus éclatants ses mains et ses doigts que le rejeton du trèfle des eaux émergeant du petit bassin formé par une fontaine jaillissante [718] ; ni le regard du faucon après une mue, ni celui du tiercelet après trois mues [719] n’étaient plus clairs que le sien.

Son sein était plus blanc que celui du cygne, ses joues plus rouges que la plus rouge des roses. On ne pouvait la voir sans être entièrement pénétré de son amour. Quatre trèfles blancs naissaient sous ses pas partout où elle allait c’est pourquoi on l’avait appelée Olwen [720] (trace blanche).

Elle entra et alla s’asseoir sur le principal banc à côté de Kulhwch. En la voyant, il devina que c’était elle : « Jeune fille, » s’écria-il, » c’est bien toi que j’aimais. Tu viendras avec moi pour nous épargner un péché à moi et à toi. Il y a longtemps que je t’aime. » - » Je ne le puis en aucune façon, » répondit-elle : « mon père m’a fait donner ma foi, que je ne m’en irais pas sans son aveu, car il ne doit vivre que jusqu’au moment où je m’en irai avec un mari. Il y a cependant peut-être un conseil que je puis te donner, si tu veux t’y prêter. Va me demander à mon père ; tout ce qu’il te signifiera de lui procurer, promets qu’il l’aura, et tu m’auras moi-même. Si tu le contraries en quoi que ce soit, tu ne m’auras jamais et tu pourras t’estimer heureux, si tu t’échappes la vie sauve. » ― « Je lui promettrai tout et j’aurai tout. » Elle s’en alla vers sa demeure, et eux, ils se levèrent pour la suivre au château. Ils tuèrent les neuf portiers gardant les neuf portes sans qu’un seul fit entendre une plainte, les neuf dogues sans qu’aucun poussât un cri, et entrèrent tout droit dans la salle. « Salut, » dirent-ils, « Yspaddaden Penkawr [721], au nom de Dieu et des hommes. » ― « Et vous, pourquoi êtes-vous venus ? » ― « Nous sommes venus pour te demander Olwen, ta fille, pour Kulhwch, fils de Kilydd, fils du prince Kelyddon. » ― « Où sont mes serviteurs et mes vauriens de gens ? Elevez les fourches sous mes deux sourcils qui sont tombés sur mes yeux, pour que je voie mon futur gendre. » Cela fait, il leur dit : « Venez ici demain, et vous aurez une réponse. »

[722] La comparaison est aussi gracieuse que juste. La fleur du ményanthe trifolié, ou trèfle, aquatique, est une des plus charmantes de nos pays. Elle est d’une grande blancheur avec une très légère teinte purpurine ; elle aime les eaux de source. Au moment où les pédoncules sortent de l’eau, la fleur qu’ils portent n’est pas encore étalée ; elle ressemble à un calice à trois angles (v. notes critiques).

[723] D’après les lois galloises, le faucon qui a mué (qui a été levé de la mue, suivant l’expression propre de la fauconnerie) a une plus grande valeur qu’avant, surtout s’il devient blanc (Ancient laws, I, p 282). La comparaison avec l’œil du faucon est fréquente : Myv. arch., p. 252, col. 2. un guerrier est appelé trimud aer-walch ; cf. ibid., 221, col. 1 ; 257, col. 2). Le sens primitif de trimud est qui a trois mues ; mais à cause de sa ressemblance avec mut, « muet », son sens a évolué, et trimut, termut, a fini par signifier absolument muet, comme le prouve le passage suivant de Llywarch ab Llewelyn, poète du douzième et treizième siècle :

rei tra llwfyr tra llafar eu son

ac ereill taerlew termudion « les uns très lâches, très loquaces, les autres vaillants et fermes, tout à fait silencieux » (Myv. arch., p. 201, col. 2). Gwalch doit être traduit par tiercelet ou faucon mâle. Les lois (Ancient laws, II, p. 197) glosent (hebawc) wyedic ou faucon mâle par gwalch. Il est d’un prix moins élevé que le hebawc ou faucon sans épithète, c’est-à-dire le faucon femelle. Aneurin Owen, au t. I, p. 788 des Lois, se trompe donc en traduisant gwalch par buse. La mue profitait au faucon ; sa livrée n’était même complète qu’après trois mues. En parlant de la mue, François de Saint-Aulaire (Fauconnerie, Paris, 1819) dit que « le faucon en devient plus beau et plus agréable comme une personne estant vestue à neuf. » [724] L’auteur décompose le mot en ol, « trace », et aven, « blanche ».

[725] Yspaddaden à la tête de géant offre certains traits de ressemblance avec le Balór irlandais. Celui-ci sert même à expliquer certaines bizarreries du récit évidemment mutilé que nous avons sous les yeux. Balór, dieu des Fomore, population fabuleuse d’Irlande, a les paupières habituellement rabattues sur les yeux ; lorsqu’il les relève, d’un coup d’œil il tue son adversaire. Il est tué par son petit-fils Lug, dieu des Túatha Dé Danann. Yspaddaden, lui aussi, a les paupières baissées ; on ne voit pas qu’il ait le mauvais oeil, mais c’est sans doute une lacune du récit. Il est tué par son neveu Goreu. Lug tue Balor avec une pierre de fronde. Yspaddaden se sert aussi d’un javelot de pierre et en est frappé à son tour. Ce llechwaew ou javelot de pierre devient, une ligne après, une arme en fer ; mais ces contradictions ne montrent que mieux l’ancienneté de la légende : le mot llechwaew ne se comprenait plus.


Ils se levèrent pour sortir ; Yspaddaden Penkawr saisit un des trois javelots [726] empoisonnés qui étaient à portée de sa main et le lança après eux. Bedwyr le saisit au passage, lui renvoya le tout instantanément, et lui traversa la rotule du genou : « Maudit, barbare gendre ! Je m’en ressentirai toute ma vie en marchant sur une pente. Ce fer empoisonné m’a fait souffrir comme la morsure du taon. Maudit soit le forgeron qui l’a fabriqué et l’enclume sur laquelle il a été forgé. » Ils logèrent cette nuit-là chez Custennin le berger. Le jour suivant, en grand appareil, la chevelure soigneusement peignée [727], ils se rendirent au château, entrèrent dans la salle et parlèrent ainsi : – « Yspaddaden Penkawr, donne-nous ta fille. Nous te payerons ses agweddi et amobyr [728] à toi et à ses deux parentes. Si tu refuses, il t’en coûtera la vie. » ― « Ses quatre bisaïeules, » répondit-il, « et ses quatre bisaïeuls sont encore en vie ; il faut que je tienne conseil avec eux. » ― « Soit, allons manger. » Comme ils partaient, il saisit un des deux javelots qui étaient à portée de sa main et le lança après eux.

Menw, fils de Teirgwaedd le saisit au passage, le lui renvoya ; le trait l’atteignit au milieu de la poitrine et sortit à la chute des reins : « maudit, barbare gendre, » s’écria-t-il ! « cet acier est cuisant comme la morsure de la grosse sangsue. Maudite soit la fournaise où il a été fondu, et le forgeron qui l’a forgé ! Quand je voudrai gravir une colline, j’aurai désormais courte haleine, maux d’estomac et fréquentes nausées. » Ils allèrent manger. Le lendemain, troisième jour, ils revinrent à la cour. « Ne nous lance plus de trait, Yspaddaden Penkawr, dirent-ils, si tu ne veux ta propre mort. » ― « Où sont mes serviteurs, dit Yspaddaden Penkawr ? Elevez les fourches sous mes sourcils qui sont tombés sur les prunelles de mes yeux, pour que je voie mon futur gendre. » Ils se levèrent. À ce moment Yspaddaden Penkawr saisit le troisième javelot empoisonné et le lança après eux. Kulhwch le saisit, le lança de toutes ses forces, à souhait, si bien que le trait lui traversa la prunelle de l’œil, et lui sortit par derrière la tête. « Maudit, barbare gendre, » s’écria-t-il ! « tant que je resterai en vie, ma vue s’en ressentira ; quand j’irai contre le vent, mes yeux pleureront, j’aurai des maux de tête et des étourdissements à chaque nouvelle lune. Maudite soit la fournaise où il a été façonné ! La blessure de ce fer empoisonné a été aussi poignante pour moi que la morsure d’un chien enragé. » Ils allèrent manger. Le lendemain ils revinrent à la cour et dirent : « Ne nous lance plus de traits désormais ; il n’en est résulté pour toi que blessures, fâcheuses affaires, tortures ; il t’arrivera pis encore, si tu y tiens. Donne-nous ta fille, sinon tu mourras à cause d’elle. » ― « Où est-il celui qui demande ma fille ? Viens ici que je fasse ta connaissance. » On fit asseoir Kulhwch sur un siège face à face avec lui. « Est-ce toi, dit Yspaddaden Penkawr, qui demande ma fille ? » ― « C’est moi, répondit Kulhwch. » ― « Donne-moi ta parole que tu ne feras rien qui ne soit légal. Quand j’aurai eu tout ce que je t’indiquerai, tu auras ma fille. » ― « Volontiers ; indique ce que tu désires. » ― « C’est ce que je vais faire : vois-tu cette vaste colline là-bas ? » ― « Je la vois. » ― « Je veux que toutes les racines en soient arrachées et brûlées à la surface du sol de façon à servir d’engrais, qu’elle soit charruée et ensemencée en un jour, et qu’en un seul jour aussi le grain en soit mûr. Du froment, je veux avoir de la nourriture et une liqueur faite, pour le festin de tes noces avec ma fille. Que tout cela soit fait en un jour. » ― « J’y arriverai facilement quoique tu le croies difficile. » ― « Si tu y arrives, il y a une chose à laquelle tu n’arriveras pas. Il n’y a d’autre laboureur à pouvoir labourer et mettre en état cette terre qu’Amaethon <ref> Amaethon est le moins célèbre des enfants de Don. Ce qui l’a désigné pour être grand agriculteur, c’est son nom qu’on a dérivé d’amaeth, « laboureur » = ambactos. D’après les Iolo mss., Don serait un roi de Scandinavie et de Dublin qui aurait amené les Gaëls dans le nord du pays de Galles en 267 après Jésus-Christ. Ils y auraient séjourné cent vingt-neuf ans. Ils auraient été chassés par les Bretons du nord, sous la conduite de Cunedda et de ses enfants (Iolo mss., p.77, 78, 81). Dans la légende irlandaise, Don est l’aîné des fils de Milet et amène les ancêtres des Irlandais en Irlande (O’Curry, On the manners, p. 189). Les Iolo mss., dont l’autorité, quoi qu’on en ait dit, est mince en matière historique, ne concordent pas avec les Mabinogion qui ne présentent nullement Don et ses enfants comme des Gaëls. Amaethon est mentionné par Taliessin avec Math et Gwydyon (Skene, Four ancient books, II, p. 200, vers 2 ; cf., ibid., p. 158, 14, 26). Amaethon figure aussi à la bataille de Goddeu, une des trois frivoles batailles de l’île de Bretagne ; elle eut lieu à cause d’un chevreuil et d’un vanneau ; on y tua soixante et onze mille hommes (Myv. arch., p. 405. 50). Une note à un fragment poétique de la Myv. ajoute qu’Amaethon s’y battit avec Arawn, roi d’Annwn, et qu’il fut vainqueur grâce à son frère Gwydyon : il y avait sur le champ de bataille un homme et une femme dont on ne pouvait triompher, si on ne savait leurs noms. Gwydyon les devina. La femme s’appelait Achren ; aussi appelle-t-on la bataille cat Achren ou cat Goddeu (Myv arch., p. 127, note. 2). </ref>, fils de Don, tellement elle est embroussaillée.

[729] D’après les lois de Gwynedd ou Nord-Galles, c’était à celui qui livrait la jeune fille au mari, qu’il fût père ou tuteur, à payer l’amobyr (Ancient laws, 1, p. 88, 204). D’après d’autres textes, on payait l’amobyr au père de la jeune fille ou au seigneur. Agweddi indique la dot qu’apporte la jeune fille en se mariant, ou le don fait par le mari à sa femme après la consommation du mariage : v. pour agweddi dans ce dernier sens, Mab., p. 222, note 3. [c. à d. le ’songe de Maxen’, note au sujet du présent conjugal] Il semble bien ici que le prétendant veuille faire acte de générosité ; au lieu de demander amobyr et agweddi, il offre d’en donner la valeur à Yspaddaden (v. sur agweddi, Ancient laws, 1, p. 82, 88 et suiv. ; amobyr, ibid., p. 88, 204 et suiv.) La consultation que doit avoir Yspaddaden avec les ascendants de la jeune fille, s’il n’en est pas question dans les Lois, est bien cependant dans l’esprit de la législation galloise.


Il ne viendra jamais avec toi de bon gré ; l’y contraindre, tu ne le pourrais pas. » ― « Si toi, tu le crois difficile, pour moi, c’est chose facile. » ― « Si tu l’obtiens, il y a une chose que tu n’obtiendras pas : que Gevannon <ref> Govannon, v. p. 192, note 2. [Mabinogi de Math, note à Govannon]. </ref>, fils de Don, vienne au bord des sillons pour débarrasser le fer. Il ne travaille jamais volontairement que pour un roi véritable ; le contraindre, tu ne le pourrais pas. » – « C’est pour moi chose facile. » ― « Si tu l’obtiens, il y a une chose que tu n’obtiendras pas : les deux bœufs de Gwlwlyd Wineu [730], comme compagnons [731], pour charruer ensemble vaillamment cette terre embroussaillée. Il ne les donnera pas de bon gré ; l’y contraindre, tu ne le pourrais pas. » ― « C’est pour moi chose facile. » ― « Si tu l’obtiens, il y a une chose que tu n’obtiendras pas : je veux avoir, formant paire, le bœuf Melyn Gwanwyn et le bœuf Brych [732]. » ― « C’est pour moi chose facile. » ― « Si tu l’obtiens, il y a une chose que tu n’obtiendra pas : les deux bœufs cornus dont l’un est de l’autre côté de cette montagne pointue et l’autre de ce côté-ci ; il faut les amener sous le même joug de la même charrue : ce sont Nynnyaw et Peibaw <ref> Nynniaw et Pebiaw. Le Liber Landav., p. 75 et suiv., fait d’un Pepiau, roi d’Erchyng (Archenfield, dans le Herefordshire, au sud-ouest de la Wye), le père de saint Dyvric (Dubricius), saint du VIe siècle. Nynniaw, d’après certaines généalogies, serait un roi de Glamorgan et de Gwent, ancêtre de Marchell, mère de Brychan Brychelniawc, qui a laissé son nom au Breconshire, tige de la troisième grande tribu des saints (Iolo mss., p. 118). L’orgueil de Nynniaw et Pebiaw est le sujet d’un conte des Iolo mss. Les rois Nynniaw et Pebiaw se promenaient par une belle nuit étoilée : « Quelle belle campagne je possède, » dit Nynniaw. – « Laquelle ? » s’écria Pebiaw. – « Le ciel entier. » – « Regarde ce que j’ai de bétail et de brebis broutant tes champs ? » – « Où sont-ils ? » – » Les étoiles, avec la lune comme berger. » – « Elles ne resteront pas plus longtemps dans mes champs. » – « Elles resteront. » De là, guerre et carnage. Rhitta le Géant, roi de Galles, irrité, vint mettre la paix entre eux, les vainquit et leur arracha la barbe. Les rois des pays voisins s’unirent contre lui. Il les fit prisonniers et leur enleva la barbe en disant : « Voilà les animaux qui ont brouté mes pâturages ; je les en ai chassés, il n’y paîtront plus désormais. » Il se fit de leurs barbes une ample tunique qui lui descendait de la tête aux pieds (Iolo mss., p. 193). Les deux bœufs cornus (ychain bannawc) les plus célèbres dans les Triades sont ceux de Hu Gadarn, qui auraient traîné l’avanc de l’étang de Llion à la terre ; depuis ce temps, l’étang n’aurait plus rompu ses digues (L’avanc ou addanc est ici un monstre mystérieux). Ce serait une des trois grandes merveilles de l’île (Myv. arch., p. 409, 97). Avant l’arrivée des Kymry, il n’y avait d’autres habitants en Bretagne que des ours, des loups, des eveinc (plur. d’avanc) et des ychain bannoy ou bœufs cornus (Myv. arch., p. 400, 1). V. un très copieux article du Welsh Dict. de Silvan Evans, au mot afang. Mais l’auteur aurait dû comparer le gallois au breton avanc, irl. moy. abacc : le sens propre est castor. </ref>, que Dieu a transformés en bœufs pour leur péchés. »

― « C’est pour moi chose facile. » ― « Si tu l’obtiens, il y a une chose que tu n’obtiendras pas. Vois-tu là-bas cette terre rouge cultivée ? » ― « Je la vois. » ― « Lorsque je me rencontrai pour la première fois avec la mère de cette jeune fille, on y sema neuf setiers de graine de lin, et rien n’est encore sorti, ni blanc, ni noir. J’ai encore la mesure. Cette graine de lin, je veux l’avoir pour la semer dans cette terre neuve là-bas, de façon que le lin serve de guimpe blanche autour de la tête de ma fille pour tes noces. » ― « Si toi, tu le crois difficile, pour moi c’est chose facile. » ― « Si tu l’obtiens, il y a une chose que tu n’obtiendras pas : du miel qui soit neuf fois plus doux que le miel du premier essaim [733], sans scories, ni abeilles dedans, pour brasser [734] la boisson du banquet. » ― « Si toi, tu le crois difficile, pour moi c’est chose facile. » ― « Si tu l’obtiens, il y a une chose que tu n’obtiendras pas : le vase de Llwyr fils de Llwyryon qui contient un penllad [735] ; il n’y a pas au monde d’autre vase à pouvoir contenir cette forte liqueur. Il ne te le donnera pas de bon gré ; l’y contraindre, tu ne le pourrais pas. » ― « Si toi, tu le crois difficile, pour moi c’est chose facile. » ― « Si tu l’obtiens, il y a une chose que tu n’obtiendras pas : la corbeille de Gwyddneu Garanhir [736] ; le monde entier se présenterait par groupes de trois fois neuf hommes, que chacun y trouverait à manger suivant sa fantaisie ; je veux en manger la nuit où ma fille couchera avec toi. Il ne te la donnera pas de bon gré ; l’y contraindre, tu ne le pourrais pas. » ― « Si toi, tu le crois difficile, pour moi c’est chose facile. » ― « Si tu l’obtiens, il y a une chose que tu n’obtiendras pas : la corrne de Gwlgawt Gogodin [737] pour nous verser à boire cette nuit-là. Il ne te la donnera pas de bon gré ; l’y contraindre, tu ne le pourrais pas. » ― « Si toi, tu le crois difficile, pour moi c’est chose facile. » ― « Si tu l’obtiens, il y aune chose que tu n’obtiendras pas : la harpe de Teirtu [738] pour nous charmer cette nuit-là. Désire-t-on qu’elle joue : elle joue toute seule ; qu’elle cesse ? elle se tait d’elle-même. Cette harpe, il ne te la donnera pas de bon gré ; l’y contraindre, tu ne le pourrais pas. »

― « Si toi, tu le crois difficile, pour moi c’est chose facile. » ― « Si tu l’obtiens, il y aune chose que tu n’obtiendras pas : le bassin [739] de Diwrnach le Gwyddel (l’irlandais), l’intendant d’Odgar, fils d’Aedd, roi d’Iwerddon, pour bouillir les mets de ton festin de noces. » ― « Si toi, tu le crois difficile, pour moi c’est chose facile. » ― « Si tu l’obtiens, il y a une chose que tu n’obtiendras pas : il faut que je me lave la tête et que je fasse ma barbe. C’est la défense d’Yskithyrwynn [740] Penbeidd qu’il me faut pour me raser, mais il ne me servira de rien de l’avoir, si on ne la lui arrache pendant qu’il est en vie. » ― « Si toi, tu le crois difficile, pour moi c’est chose facile. » ― « Si tu l’obtiens, il y a une chose que tu n’obtiendras pas : il n’y a personne à pouvoir la lui arracher qu’Odgar, fils d’Aedd, roi d’Iwerddon. » ― « Si toi, tu le crois difficile, pour moi c’est chose facile. » ― « Si tu l’obtiens, il y a une chose que tu n’obtiendras pas : je ne me reposerai sur personne de la garde de la défense, si ce n’est sur Kado de Prydein, le maître de soixante cantrev [741] ; il ne vien­dra pas de bon gré ; l’y contraindre, tu ne le pourrais pas. » ― « Si toi, tu le crois difficile, pour moi c’est chose facile. » ― « Si tu l’obtiens, il y a une chose que tu n’obtiendras pas : il faut que les poils de ma barbe soient étirés pour qu’on les rase ; or, ils ne céderont jamais sans le secours du sang de la sorcière Gorddu [742] [743] Gwidolwyn le nain a pour fille Eurolwen, mentionnée plus haut p. 284. </ref>, fille de la sorcière Gorwenn de Pennant Govut, aux abords de l’enfer. » ― « Si toi, tu le crois difficile, pour moi c’est chose facile. » ― « Si tu l’obtiens, il y a une chose que tu n’obtiendras pas : je ne veux pas de ce sang, si tu ne l’as chaud ; or, il n’y a pas de vase au monde à pouvoir conserver la chaleur de la liqueur qu’on y versera, à l’exception des bouteilles de Gwiddolwyn Gorr [744] : qu’on y verse de la boisson à l’orient, elles la conserveront avec sa chaleur jusqu’à l’occident. Il ne te les donnera pas de bon gré ; l’y contraindre, tu ne le pourrais pas. » ― « Si toi, tu le crois difficile, pour moi c’est chose facile. » ― « Si tu l’obtiens, il y a une chose que tu n’obtiendras pas : il y en a qui désirent du lait frais ; or, je n’ai pas la prétention d’en avoir pour chacun, si je n’ai les bouteilles de Rinnon Rin [745] Barnawt dans lesquelles aucune liqueur ne tourne. Il ne les donnera à personne de bon gré ; l’y contraindre, tu ne le pourrais pas. » ― « Si toi, tu le crois difficile, pour moi c’est chose facile.

― « Si tu l’obtiens, il y a une chose que tu n’obtiendras pas : il n’y a pas au monde de peigne ni de ciseaux avec lesquels on puisse mettre en état ma chevelure, tellement-elle est rebelle, à l’exception du peigne et des ciseaux qui se trouvent entre les deux oreilles de Twrch Trwyth [746], fils du prince Taredd. Il ne les donnera pas de bon gré ; l’y contraindre, tu ne le pourrais pas. »

― « Si toi, tu le crois difficile, pour moi c’est chose facile. » ― « Si tu l’obtiens, il y a une chose que tu n’obtiendras pas : Drutwyn, le petit chien de Greit, fils d’Eri : on ne peut chasser le Twrch Trwyth sans lui. » ― « Si toi, tu le crois difficile, pour moi c’est chose facile. » ― « Si tu l’obtiens, il y a une chose que tu n’obtiendrais pas : la laisse de Kwrs Kant Ewin ; il n’y a pas au monde d’autre laisse à pouvoir le retenir. » ― « Si toi, tu le crois difficile, pour moi c’est chose facile. » ― « Si tu l’obtiens, il y a une chose que tu n’obtiendras pas : le collier de Kanhastyr Kanllaw : il n’y a pas d’autre collier au monde à pouvoir retenir la laisse. » ― « Si toi tu le crois difficile, pour moi c’est chose facile. » ― « Si tu l’obtiens, il y a une chose que tu n’obtiendras pas. la chaîne de Kilydd Kanhastyr pour joindre le collier à la laisse. » ― « Si toi, tu le crois difficile, pour moi c’est chose facile. » ― « Si tu l’obtiens, il y a une chose que tu n’obtiendras pas : il n’y a d’autre chasseur à pouvoir chasser avec ce chien que Mabon, fils de Modron ; il a été enlevé à sa mère la troisième nuit [747] de sa naissance, et on ne sait ni où il est, ni s’il est mort ou vivant. » ― « Si toi, tu le crois difficile, pour moi c’est chose facile. » ― « Si tu l’obtiens, il y a une chose que tu n’obtiendras pas : Gwynn Mygdwnn [748], le cheval de Gweddw, aussi rapide que la vague, pour chasser le Twrch Trwyth sous Mabon. Il ne te le donnera pas de bon gré ; l’y contraindre, tu ne le pourrais pas. » ― « Si toi, tu le crois difficile, pour moi c’est chose facile. » ― « Si tu l’obtiens, voici que tu n’obtiendras pas : on ne trouvera jamais Mabon puisqu’on ne sait de quel côté il peut être, si on ne trouve Eidoel [749], fils d’Aer, son principal parent. Autrement, toute recherche serait inutile. C’est son cousin germain. » ― « Si toi, tu le crois difficile, pour moi c’est chose facile. » ― « Si tu l’obtiens, voici que tu n’obtiendras pas : Garselit le Gwyddel [750], chef des chasseurs d’Iwerddon ; on ne pourra jamais chasser le Twrch Trwyth sans lui. » ― « Si toi, tu le crois difficile, pour moi c’est chose facile. » ― « Si tu l’obtiens, voici que tu n’obtiendras pas : une laisse faite de la barbe de Dillus Varvawc ; il n’y en a pas d’autre à pouvoir tenir les deux petits de [Gast Rymi], et on ne pourra en tirer parti que si on l’extrait poil par poil de sa barbe pendant qu’il est en vie. Il faut aussi l’arracher avec des pinces de bois. Jamais, tant qu’il vivra, il ne se laissera faire. Si on la lui arrache mort, la laisse ne sera d’aucune utilité : elle sera cassante.

― « Si toi, tu le crois difficile, pour moi c’est chose facile. »

― « Si tu l’obtiens, voici que tu n’obtiendras pas : on ne peut chasser le Twrch Trwyth sans Gwynn[751], ses gens, que le rouge signifiait chaleur brillante, et le bleu, froid, il l’aspergea d’eau bénite lui et ses gens, et tout disparut (lady Guest, d’après la collection du Greal, p. 337, Londres, 1805). Le dieu Gwynn, fils de Nudd, joue donc le même rôle en Galles que Núada et les Túatha Dé Danann en Irlande. Chez certains poètes, Gwynn n’a pas ce caractère diabolique ; c’est un héros comme beaucoup d’autres ; Gwynn est descendu au rang des hommes. Dans le Livre noir, 55, XXXIII, il se donne comme l’amant de Kreurdilat, fille de Lludd ; il a assisté à beaucoup de batailles, à la mort de beaucoup de héros. Notre Mabinogi concilie la légende chrétienne et païenne. Ne pouvant l’arracher de l’enfer, où saint Collen et ses amis l’ont irrévocablement installé, l’auteur explique que c’est pour mater les démons et les empêcher de nuire aux mortels. Le paradis des Celtes s’appelait chez les Gaëls Findmag et chez les Gallois Gwynva, « le champ blanc ou heureux », ou peut-être le champ de Gwynn (Gwynva = [752]Vindo-magos). </ref>. Il est plus sauvage neuf fois que la bête la plus sauvage de la montagne. Tu ne l’auras jamais, ni ma fille non plus. » ― « Si toi, tu le crois difficile, pour moi c’est chose facile. » ― « Si tu l’obtiens, voici que tu n’obtiendras pas : on ne peut chasser le Twrch Trwyth sans Gwynn [753], fils de Nudd, en qui Dieu a mis la force des démons d’Annwvyn pour les empêcher de détruire les gens de ce monde : il est trop indispensable pour qu’on le laisse partir. » ― « Si toi, tu le crois difficile, pour moi c’est chose facile. »

― « Si tu l’obtiens, voici que tu n’obtiendras pas : il n’y a d’autre cheval à pouvoir porter Gwynn à la chasse du Twrch Trwyth que Du, le cheval de Moro Oerveddawc [754]. » ― « Si toi, tu le crois difficile, pour moi c’est chose facile. » ― « Si tu l’obtiens, voici que tu n’obtiendras pas : jusqu’à l’arrivée de Gwilennin, roi de France, on ne pourra chasser le Twrch Trwyth. Or, il ne serait pas convenable à lui d’abandonner son pays pour l’amour de toi. Jamais il ne viendra. » ― « Si toi, tu le crois difficile, pour moi c’est chose facile. » ― « Si tu l’obtiens, voici que tu n’obtiendras pas : on ne pourra chasser le Twrch Trwyth sans Alun, fils de Dyvet : il est habile à lancer les chiens. » ― « Si toi, tu le crois difficile, pour moi c’est chose facile. » ― « Si tu l’obtiens, voici que tu n’obtiendras pas : jamais on ne chassera le Twrch Trwyth sans Anet et Aethlem [755], aussi rapides que le vent : on ne les a jamais lancés sur une bête qu’ils ne l’aient tuée. » ― « Si toi, tu le crois difficile, pour moi c’est chose facile. » ― « Si tu l’obtiens, voici que tu n’obtiendras pas : Arthur et ses compagnons pour chasser le Twrch Trwyth. C’est un homme puissant. Jamais il ne viendra pour l’amour de toi [756] ; l’y contraindre, tu ne le pourrais pas. » ― « Si toi, tu le crois difficile, pour moi c’est chose facile. » ― « Si tu l’obtiens, voici que tu n’obtiendras pas : on ne chassera jamais le Twrch Trwyth sans Bwlch, Kyvwlch et Syvwlch fils de Kilydd Kyvwlch, petit-fils de Cleddyv Divwlch, rien n’est plus blanc que le blanc de leurs trois boucliers, plus poignant que la pointe de leurs trois lances, plus tranchant que le tranchant de leurs trois épées ; Glas, Gleissic, Gleissyat, sont leurs trois chiens ; Kall, Kuall et Kavall, leurs trois chevaux ; Hwyrdyddwc, Drycdyddwc et Llwvrdyddwc, leurs trois femmes ; Och, Garam et Diaspat, leurs trois petits-fils ; Lluchet, Nyvet et Eissiwet, leurs trois filles ; Drwc, Gwaeth et Gwaethav Oll, leurs trois servantes [757] ; quand ces trois hommes sonnent de leurs trompes, tous les autres répondent : « On croirait que le ciel s’écroule sur la terre. » ― « Si toi tu le crois difficile, pour moi c’est chose facile. » ― « Si tu l’obtiens, voici que tu n’obtiendras pas : l’épée de Gwrnach Gawr [758]. Le Twrch Trwyth ne sera tué qu’avec cette épée. Il ne la donnera jamais de bon gré, ni à aucun prix, ni par générosité ; l’y contraindre, tu ne le pourrais pas.

― « Si toi, tu le crois difficile, pour moi c’est chose facile. » ― « En admettant que tu y réussisses, tu passeras dans ces recherches tes nuits sans dormir : non, jamais tu n’auras tout cela, ni ma fille non plus. » ― « J’aurai des chevaux, j’irai à cheval ; mon seigneur et parent Arthur me procurera tout cela, j’aurai ta fille, et toi tu perdras la vie. » ― « Eh bien, pars maintenant. Tu ne seras tenu de fournir ni nourriture ni boisson à ma fille tant que dureront tes recherches. Quand tu auras trouvé toutes ces merveilles, ma fille sera tienne. » Ce jour-là, ils marchèrent jusqu’au soir et finirent par apercevoir un grand château-fort, le plus grand du monde. Ils virent en sortir un homme noir plus gros que trois hommes de ce monde-ci à la fois. « D’où viens-tu, homme ? » lui dirent-ils.

― « Du château que vous voyez là-bas. » ― « Quel en est le maître ? » ― « Vous êtes vraiment sans intelligence : il n’y a personne au monde qui ne sache quel est le maître de ce château : c’est Gwrnach Gawr. » ― « Quel accueil fait-on aux hôtes et aux étrangers qui voudraient descendre dans ce château ? » ― « Prince, Dieu vous protège ! Jamais personne n’a logé dans ce château qui en soit sorti en vie. On n’y laisse entrer que l’artiste qui apporte avec lui son art. » Ils se dirigèrent vers le château. « Y a-t-il avec un portier ? » dit Gwrhyr Gwalstawt Ieithoedd.

― « Oui, et toi, que ta langue ne reste pas muette dans ta bouche ; pourquoi m’adresses-tu la parole ? » ― « Ouvre la porte. » ― « Je ne l’ouvrirai pas. » ― « Pourquoi n’ouvres-tu pas ? » ― « Le couteau est allé dans la viande, la boisson dans la corne, on s’ébat dans la salle de Gwrnach Gawr : ce n’est qu’à l’artiste qui apportera son art que l’on ouvrira la porte désormais cette nuit. » Alors Kei dit : « Portier, j’ai un art. » ― « Lequel ? » ― » Je suis le meilleur polisseur d’épées qu’il y ait au monde. » ― « Je vais le dire à Gwrnach Gawr et je te rapporterai sa réponse. » Le portier entra : « Il y a du nouveau à l’entrée ? » dit Gwrnach Gwar.

― « Oui, il y a à la porte une compagnie qui veut entrer. » ― « Leur as-tu demandé s’ils apportent un art ? » ― « Je l’ai fait, et l’un d’eux prétend qu’il est bon polisseur d’épées. Avons-nous besoin de lui ? » ― « Il y a pas mal de temps que je cherche en vain quelqu’un qui me nettoie mon épée. Laisse entrer celui-là puisqu’il apporte un art. » Le portier alla ouvrir la porte. Kei entra et salua Gwrnach Gawr. On l’assit en face de lui. « Est-ce vrai, homme, » dit Gwrnach Gawr, « ce que l’on dit de toi, que tu sais polir les épées ? » ― « Je le sais, et bien, » répondit Kei. On lui apporta l’épée de Gwrnach. Kei tira de dessous son aisselle une pierre à aiguiser en marbre, [759] et lui. demanda ce qu’il préférait : qu’il polît la garde en blanc ou en bleu [760]. « Fais comme tu voudras, » dit Gwrnach, « comme si l’épée t’appartenait. » Kei nettoya la moitié de l’épée et la lui mit dans la main en disant : « Cela te plaît-il ? » ― « Plus que n’importe quoi dans mes états, si elle était ainsi tout entière. C’est pitié qu’un homme comme toi soit sans compagnon. » ― « Seigneur, j’en ai un, quoiqu’il n’apporte pas cet art-ci ? » ― « Qui est-ce ? » ― « Que le portier sorte. Voici à quels signes il le reconnaîtra : la pointe de sa lance se détachera de la hampe, elle tirera du sang du vent et descendra de nouveau sur la hampe. » La porte fut ouverte et Bedwyr entra. « Bedwyr », dit Kei, « c’est un homme précieux, quoiqu’il ne sache pas cet art-ci. » Il y avait grande discussion parmi ceux qui étaient restés dehors, à cause de l’entrée de Kei et de Bedwyr. Un d’entre eux, un jeune homme, le fils unique de Kustennin le berger, réussit à entrer et, ses compagnons s’attachant à lui, il traversa les trois cours [761] et arriva à l’intérieur du château. Ses compagnons lui dirent alors : « Puisque tu as fait cela, tu es le meilleur (goreu) des hommes. » Depuis on l’appela Goreu, fils de Kustennin. Ils se dispersèrent pour aller dans les différents logis, afin de pouvoir tuer ceux qui les tenaient, sans que le géant le sût.


[762] Il faut peut-être lire aerveddawc. Les trois aer-veddawc sont Selyv ab Cynan Garwyn ; Avaon fils de Taliesin, et Gwallawc ab Lleenawc. On les appelait ainsi parce qu’ils vengeaient les torts qu’on avait envers eux, même de la tombe (Myv. arch., p. 408, 76).

[763] Aethlem (pour Aethlym ?) aigu, poignant.

[764] Pen. 4 (L. Rh. 495) ajoute la curieuse explication suivante « En voici la cause il est sous ma main. » [765] V. plus haut p. 280, et notes critiques.

[766] L’épée merveilleuse, parmi les treize joyaux de l’île, est celle de Rhydderch Hael. Si un autre que lui la tirait du fourreau, elle s’embrasait depuis la poignée jusqu’à la pointe. Il la donnait à tous ceux qui la lui demandaient, ce qui lui valut le nom de Rhydderch le généreux, mais tous la rejetaient à cause de cette particularité (Lady Guest,II, p. 354). Il y a un Urnach l’Irlandais qui aurait amené les Gaëls dans le nord pu pays de Galles. Son fils Serygi aurait été tué à la bataille de Cerric y Gwyddel par Caswallon Llawhir « à la main longue ». Son petit-fils Daronwy, encore enfant, aurait été recueilli par les vainqueurs. sur le champ de bataille. Elevé par Gallois, il s’unit plus tard aux Irlandais, et devint la cause des plus grands maux pour ses bienfaiteurs (Iolo mss., p. 81, 82). Le nom de Daronwy est conservé dans le nom d’une ferme de Llanfachreth près de Carnarwon (L. Rhys, Celt. Folklore, II, p. 567).

[767] V. notes critiques.

[768] Voir notes critiques.

[769] Le cadlys répond, sans doute, à l’air-lis Irlandais. Chaque lis, résidence d’un noble entourée d’une levée de terre, renfermait au moins une cour intérieure (air-lis) où les troupeaux se réfugiaient (O’Curry, On the manners, 1, p. 304). Cad ne signifie probablement pas ici combat, mais appartient à la même racine que cadw, garder. Le cadlys était protégé par des palissades ou d’autres moyens de défenses. Dans certains Brittish camps (camps de l’époque celtique dans l’île de Bretagne), l’enceinte circulaire, en général réservée au bétail, est parfaitement reconnaissable.


Quand l’épée fut remise en état, Kei la mit dans la main de Gwrnach Gawr, comme pour voir si le travail lui plaisait. « Le travail est bon », dit le géant, « il me plaît. » ― « C’est ta gaine, » dit Kei, « qui a gâté l’épée. Donne-la moi pour que je lui enlève ses garnitures de bois et que j’en remette de neuves. » Il prit la gaîne d’une main, l’épée de l’autre ; et, debout, au-dessus du géant comme s’il voulait remettre l’épée dans le fourreau, il la dirigea contre lui et lui fit voler la tête de dessus les épaules. Ils dévastèrent le château, enlevèrent ce qui leur convint des richesses et des bijoux [770], et, au bout d’un an, jour pour jour, ils arrivaient à la cour d’Arthur avec l’épée de Gwrnach Gawr. Ils racontèrent à Arthur leur aventure. Arthur leur demanda alors ce qu’il valait mieux chercher de toutes les merveilles. « Il vaut mieux, » répondirent-ils, « chercher d’abord Mabon, fils de Modron, mais on ne le trouvera pas avant d’avoir trouvé Eidoel, fils d’Aer, son parent. » Arthur partit avec les guerriers de l’île de Bretagne à la recherche d’Eidoel, et ils arrivèrent devant le château fort de Glini, où Eidoel était emprisonné. Glini, debout sur le haut de ses murs, s’écria : « Arthur, que me réclames-tu, du moment que tu ne me laisses pas eu paix sur ce pic rocailleux ! Je suis assez privé de biens, de plaisir, de froment, d’avoine, sans que tu cherches encore à me nuire. » ― « Ce n’est pas pour te faire du mal, » répondit Arthur, « que je suis venu ici, c’est pour chercher ton prisonnier. » ― « Je te le donnerai, bien que je ne fusse disposé à le donner à personne, et, en outre, tu auras ma force et mon appui. » Les hommes d’Arthur lui dirent alors : « Seigneur, retourne chez toi ; tu ne peux aller à la tête de ton armée, chercher des choses de si mince importance. » ― « Gwrhyr Gwalstawt Ieithoedd, » dit Arthur, « c’est à toi que revient cette mission : tu sais toutes les langues, tu sais même converser avec certains oiseaux et certains animaux. Eidoel, c’est à toi d’aller le chercher, lui qui est ton cousin, avec mes hommes. Kei et Bedwyr, j’ai bon espoir qu’une entreprise à laquelle vous prendrez part réussira : allez-y pour moi. » Ils marchèrent jusqu’à ce qu’ils rencontrèrent le merle de Cilgwri [771]. Gwrhyr lui demanda : « Au nom de Dieu, sais-tu quelque chose de Mabon, fils de Modron, qu’on a enlevé la troisième nuit de sa naissance d’entre sa mère et le mur ? » ― « Lorsque je vins ici pour la première fois, » dit le merle, « il y avait une enclume de forgeron, et je n’étais alors qu’un jeune oiseau ; il n’y a eu dessus d’autre travail que celui de mon bec chaque soir, et aujourd’hui elle est usée au point qu’il n’en reste pas la grosseur d’une noix : que Dieu me punisse si j’ai jamais rien entendu, au sujet de l’homme que vous demandez. Cependant ce que la justice commande et ce que je dois aux messagers d’Arthur, je le ferai. Il y a une race d’animaux que Dieu a formés avant moi : je vous guiderai jusqu’à eux. »

[772] Tlysseu, bijoux. Le sens primitif de tlws a été probablement celui de l’irlandais tlus, bétail ; de même alaf, richesses, irl. alam, troupeau. Dans le même ordre d’idées, le latin soldus (solidos) a donné au breton, saout (solt), vaches.

[773] Le récit qui suit a été reproduit modifié dans les Iolo mss., sous titre de Henaifion byd, « les anciens du monde » (p. 188). Dans cette version, l’aigle de Gwernabwy veut se remarier, mais à une veuve de son âge ; il songe à la chouette de Cwm Cawlwyd, mais il veut être fixé sur son âge. Il prend des renseignements auprès du cerf de Rhedynvre, en Gwent, du saumon de Llyn Llivon, du merle de Cilgwri, du crapaud de Cors Vochno, en Ceredigiawn (Cardiganshire), les créatures les plus vieilles du monde : la chouette était plus vieille qu’aucun d’eux. L’aigle put ainsi épouser la chouette sans se mésallier. Dafydd ab Gwilym fait allusion, dans un même passage, aux animaux de Gwernabwy, de Cilgwri et de Cwm Cawlwyd (p. 68 ; cf. Myv. arch., p. 340, col. 2). Il y a un endroit du nom de Cilgwri, dans le Flintshire (Lew. Glyn Cothi, p. 415, vers 20, note). Une traduction française du conte des Anciens du monde été publiée dans la Revue de Bretagne et de Vendée, année 1887, 1er semestre, p. 456-458, d’après la traduction anglaise. Ils allèrent jusqu’à l’endroit où se trouvait le cerf de Redynvre [774]. « Cerf de Redynvre, nous voici venus vers toi, nous messagers d’Arthur, parce que nous ne connaissons pas d’animal plus vieux que toi. Dis, sais-tu quelque chose au sujet de Mabon, fils de Modron, qui a été enlevé à sa mère la troisième nuit de sa naissance ? » ― « Lorsque je vins ici pour la première fois, » dit le cerf, « je n’avais qu’une dague [775] de chaque côté de la tête et il n’y avait ici d’autre arbre qu’un jeune plant de chêne ; il est devenu un chêne à cent branches ; le chêne est tombé et aujourd’hui ce n’est plus qu’une souche rougeâtre et pourrie : quoique je sois resté ici tout ce temps, je n’ai rien entendu au sujet de celui que vous demandez. Cependant, puisque vous êtes des messagers d’Arthur, je serai votre guide jusqu’auprès d’animaux que Dieu a formés avant moi. » Ils arrivèrent à l’endroit où était le hibou de Kwm Kawlwyt [776]. « Hibou de Kwm Kawlwyt, nous sommes des envoyés d’Arthur ; sais-tu quelque chose de Mabon, fils de Modron, qui a été enlevé à sa mère la troisième nuit de sa naissance ? » ― « Si je le savais, je le dirais. Quand je vins ici pour la première fois, la grande vallée que vous voyez était couverte de bois. Vint une race d’hommes qui le détruisit. Un second bois y poussa ; celui-ci est le troisième. Vous voyez mes ailes ? Ce ne sont plus que des moignons racornis : eh bien, depuis ce temps jusqu’aujourd’hui, je n’ai jamais entendu parler de l’homme que vous demandez. Je serai cependant votre guide, à vous, messagers d’Arthur, jusqu’auprès de l’animal le plus vieux de ce monde et celui qui circule le plus, l’aigle de Gwernabwy. » Gwrhyr dit : « Aigle de Gwernabwy, nous, messagers d’Arthur, nous sommes venus vers toi pour te demander si tu sais quelque chose au sujet de Mabon, fils de Modron qui a été enlevé à sa mère, la troisième nuit de sa naissance. » ― Il y a longtemps, » dit l’aigle, « que je suis venu ici ; à mon arrivée, il y avait une roche du sommet de laquelle je becquetais les astres chaque soir ; maintenant elle n’a plus qu’une palme de haut ; je suis ici depuis, et néanmoins je n’ai rien entendu au sujet de l’homme que vous demandez. Cependant, une fois j’allai chercher ma nourriture à Llynn Llyw ; arrivé à l’étang, j’enfonçai mes serres dans un saumon, pensant qu’en lui ma nourriture était assurée pour longtemps ; mais il m’entraîna dans les profondeurs, et ce ne fut qu’à grand’peine que je pus me débarrasser de lui. Moi et mes parents nous nous mimes en campagne avec ardeur pour tâcher de le mettre en pièces, mais il m’envoya des messagers pour s’arranger avec moi, et il vint en personne me livrer de son dos cinquante harponnées de chair. Si lui ne sait rien de ce que vous cherchez, je ne connais personne qui puisse le savoir. Je vous guiderai en tout cas jusqu’auprès de lui. » Quand ils furent arrivés à l’étang, l’aigle dit : « Saumon de Llynn Llyw, je suis venu vers toi avec les messagers d’Arthur pour te demander si tu sais quelque chose au sujet de Mabon, fils de Modron, qui a été enlevé à sa mère la troisième nuit de sa naissance. » ― « Tout ce que je sais, je vais vous le dire. Je remonte la rivière avec chaque marée jusqu’à l’angle des murs de Kaer Loyw [777], et c’est là que j’ai éprouvé le plus grand mal de ma vie. Pour vous en convaincre, que deux d’entre vous montent sur moi, un sur chaque épaule. »

[778] Gloucester. Gloyw (Glevum) devient, en composition avec le nom féminin Kaer, Loyw, suivant une règle commune à tous les dialectes brittoniques.


[779] Redyn, « fougère » ; bre « colline. » [780] La deuxième année, il pousse sur la tête du cerf deux petites pointes qu’on nomme dagues, mot qui répond exactement au gallois reidd, du latin radius (Vénerie, par Jacques du Foulloux, réimprimé à Angers, en 1844). L’écriture reit pour reid = reidd, vient d’une copie ou le t avait la valeur d’une spirante dentale sonore, comme c’est la règle dans le Livre noir ; cf. y byt = y hydd, Mab., p. 237, 1, 27.

[781] D’après lady Guest, il y a un lieu de ce nom dans le Carnarvonshire, et un autre dans le Carmarthenshire.



Kei et Gwrhyr Gwalstawt Ieithoedd montèrent sur les épaules du saumon ; ils arrivèrent auprès de la muraille du prisonnier, et ils entendirent de l’autre côté

des plaintes et des lamentations. « Quelle créature, » dit Gwrhyr, « se lamente dans cette demeure de pierre ? » ― « Hélas, homme, il a lieu de se lamenter celui qui est ici : c’est Mabon, fils de Modron [782]. Personne n’a été plus cruellement traité comme prisonnier que moi, pas même Lludd Llaw Ereint [783], ni Greit, fils d’Eri [784]. » ― « As-tu espoir d’être relâché pour or, pour argent, pour des richesses de ce monde, ou seulement par combat et bataille ? » ― « On ne peut s’attendre à m’avoir que par combat. » Ils s’en allèrent et retournèrent près d’Arthur auquel ils apprirent où Mabon, fils de Modron, était en prison. Arthur convoqua les guerriers de cette île et s’avança jusqu’à Kaer Loyw ou Mabon était emprisonné.

Kei et Bedwyr montèrent sur les épaules du poisson et, pendant que les soldats d’Arthur attaquaient le château, Kei fit une brèche aux parois de la prison et enleva le prisonnier sur son dos. Les hommes continuèrent à se battre et Arthur revint chez lui avec Mabon délivré.

Arthur dit : « Laquelle des autres merveilles vaut-il mieux maintenant chercher la première ? » ― « Il vaut mieux chercher d’abord les deux petits de Gast Rymhi. » ― « Sait-on de quel côté elle est ? » ― « Elle est, » dit quelqu’un, « à Aber Deugleddyv [785]. » Arthur se rendit à Aber Deugleddyv, chez Tringat, et lui demanda s’il avait entendu parler d’elle et comment elle était faite. « Elle est sous la forme d’une louve, » dit-il, « et ses deux petits voyagent avec elle. Elle a souvent tué de mon bétail. Elle est là-bas à Aber Cleddyv, dans une caverne. » Arthur envoya une partie de ses troupes par mer sur Prytwenn [786], son navire, et les autres par terre pourchasser la chienne.


[787] Mabon est un des trois prisonniers de très haut rang de l’île avec Llyr Lledyeith, et Gweir, fils de Geiryoedd. Il y en avait un plus illustre encore : Arthur, qui fut trois nuits en prison dans Kaer Oeth et Anoeth, trois nuits en prison par Gwenn Benndragon, trois nuits dans une prison enchantée sous Llech Echymeint. Ce fut Goreu qui les délivra (Triades Mab., p. 308, 9). Mabon est appelé dans le Livre noir le serviteur d’Uthir Pendragon (Skene, 51, 1). Dans les assemblées des bardes, on comprenait sous le nom de Cofanon darempryd Mabon ab Modron (les souvenirs voyageurs de Mabon ab Modron) les noms des bardes, poètes, savants de l’île et tout ce qui les concernait (Iolo mss. ; p. 206).

[788] Il y a eu confusion entre ce personnage et Llyr, comme je l’ai déjà dit. Je serais fort tenté de corriger Ludd en Nudd Llaw Ereint ou Nudd à la main d’argent, et de l’identifier avec le Núada à la main d’argent, roi des Túatha Dé Danann. Ce Núada avait perdu une main qui avait été remplacée par une main d’argent. Il fut tenu avec son peuple dans l’oppression par le Fomore Breas, qu’ils avaient pris pour champion, mais il finit par être délivré et remis sur le trône. Le sens d’Ereint est rendu certain par un passage de notre mabinogi sur le porc Grugyn Gwrych Ereint (Ereint = Argantios).

[789] « Ardent comme Greit, fils d’Eri », dit Kynddelw, poète du douzième siècle (Myv. arch., p. 165, col. 2) ; graid, actuellement a le sens d’ardent ; cf. vannetais greu, ardeur, gredus, ardent, zélé.

[790] Aber Deu Cleddyv, aujourd’hui, en anglais, Milford Haven, dans le comté de Pembroke ; Penvro en gallois). Il y avait un cantrev de Dangleddeu comprenant les cwmwd de Amgoed, Pennant et Evelvre (Powell, History of Wales, p. 18). Aber, comme en breton-armoricain signifie embouchure, flux. Le nom de Deu Gleddyv vient de deux rivières de cette région, portant toutes les deux le nom de Cleddyv.

[791] Pritwenn, « visage blanc, forme blanche ». Gaufrey de Monmouth et, naturellement, le Brut Tysilio, font de Prytwenn le bouclier d’Arthur (Gaufrei, IX, 4 ; Brut Tysilio, Myv. arch, p. 462). Taliesin (Skene, II,181, 15) y fait allusion : « Trois fois plein Prytwen nous y allâmes : nous ne revînmes que sept de Caer Sidi. » Le Liber Landav. mentionne un lieu appelé Messur Prytguen, p. 198 (La mesure de Prytguen).


Ils la cernèrent ainsi, elle et ses deux petits. Dieu, en faveur d’Arthur, les rendit à leur forme naturelle. Alors les soldats d’Arthur se dispersèrent un à un, deux à deux.

Un jour que Gwythyr, fils de Greidiawl franchissait une montagne, il entendit des lamentations et des cris qui faisaient peine. Il se précipita de ce côté. Arrivé sur les lieux, il dégaina son épée et coupa la butte aux fourmis au niveau du sol, délivrant ainsi les fourmis du feu : « Emporte avec toi, » dirent-elles, « la bénédiction de Dieu et la nôtre. Un service que pas un homme ne pourrait te rendre, nous, nous te le rendrons. » Elles ne tardèrent pas à arriver avec les neuf setiers de graine de lin qu’avait réclamés Yspaddaden Penkawr à Kulhwch, parfaitement mesurés, sans qu’il y manquât autre chose qu’un seul grain, et encore avant la nuit, fut-il apporté par la fourmi boiteuse.

Un jour que Kei et Bedwyr étaient assis au sommet du Pumlummon [792] sur Karn Gwylathyr, au milieu du plus grand vent du monde, en regardant autour d’eux, ils aperçurent au loin, sur la droite, une grande fumée que le vent ne faisait pas le moins du monde dévier. « Par la main de mon ami, » dit Kei, « voilà là-bas le feu d’un aventurier [793]. » Ils se dirigèrent en toute hâte du côté de la fumée et s’en approchèrent avec beaucoup de précaution, de loin, jusqu’à ce qu’ils aperçurent Dillus Varvawc en train de cuire un sanglier. « Voilà le plus grand des aventuriers, » dit Kei, « il a toujours échappé à Arthur. » ― « Le connais-tu ? » dit Bedwyr.

― « Je le connais : c’est Dillus Varvawc. Il n’y a pas au monde de laisse à pouvoir tenir Drutwyn, le petit chien de Greit, fils d’Eri, si ce n’est une laisse faite de la barbe de l’homme que tu vois là-bas ; et elle ne servira de rien, si on ne l’extrait poil par poil de sa barbe avec des pinces de bois pendant qu’il sera en vie ; s’il était mort, le poil serait cassant. » ― « Qu’allons-nous faire alors ? » ― « Laissons-le manger tout son saoûl de cette viande ; il dormira après. » Pendant qu’il mangeait, ils firent des pinces de bois. Quand Kei fut sûr qu’il dormait, il creusa sous ses pieds un trou le plus grand du monde, lui donna un coup d’une force inimaginable et le pressa dans le trou jusqu’à ce qu’ils eurent achevé de lui enlever toute sa barbe avec les pinces de bois.

Puis ils le tuèrent net et s’en allèrent tous deux jusqu’à Kelli Wic en Kernyw avec la laisse faite de la barbe de Dillus Varvawc qu’ils mirent dans la main d’Arthur. Arthur chanta alors cet englyn

Kei a fait une laisse

de la barbe de Dillus, fils d’Eurei :

s’il avait été bien, c’eût été ta mort.

Kei en fut tellement irrité que les guerriers de cette île eurent grand peine à mettre la paix entre lui et Arthur. Jamais, dans la suite, qu’Arthur eut besoin de secours ou qu’on tuât ses hommes, Kei ne se jeta dans le danger avec lui.

Arthur dit alors : « Laquelle des autres merveilles vaut-il mieux chercher d’abord ? » ― « Il vaut mieux chercher Drutwyn le petit chien de Greit, fils d’Eri. » Peu de temps avant, Kreiddylat, la fille de Lludd Llaw Ereint, s’en était allée comme femme avec Gwythyr, fils de Greidiawl. Avant qu’il ne couchât avec elle, survint Gwynn, fils de Nudd qui l’enleva de force. Gwythyr, fils de Greidiawl, rassembla une armée et vint se battre avec Gwynn fils de Nudd. Celui-ci fut victorieux et s’empara de Greit, fils d’Eri, de Glinneu, fils de Taran [794], de Gwrgwst Letlwm [795], de Dyvnarth, son fils.


[796] Pumlummon, aujourd’hui appelé le Plimlimmon, montagne du comté de Cardigan, sur les confins du comté de Montgomery, où prennent leur source la Severn, la Wye et la Rheidol, appelées pour ce motif les trois sœurs.

[797] Un proverbe gallois dit : arwydd drwc mwc yn diffeith, « signe de mal que la fumée dans la solitude » (Y Cymmrodor, VII, p. 139, l. 1).

[798] Taran, « tonnerre ».

[799] Llet-lwm, « à moitié nu ».


Il prit aussi Penn, fils de Nethawe, Nwython <ref> 1</ref> et Kyledyr Wyllt, son fils. Il tua Nwython, mit son cœur à nu et força Kyledyr à manger le cœur de son père [800] : c’est à la suite de cela que Kyledyr devint fou. Arthur, à ces nouvelles, se rendit au Nord, fit venir Gwynn, fils de Nudd, lui fit relâcher les nobles captifs et rétablit la paix entre lui et Gwythyr, fils de Greidiawl, à cette condition que la jeune fille resterait dans la maison de son père sans qu’aucun des deux rivaux usât d’elle : chaque premier jour de mai, jusqu’au jour du jugement, il y aurait bataille entre Gwynn et Gwythyr, et celui qui serait vainqueur le jour du jugement prendrait la jeune fille. À la suite de l’accord qui intervint entre ces princes, Arthur obtint Gwynn Mygdwnn, le cheval de Gweddw, et la laisse de Kwrs Kant Ewin.

Arthur se rendit ensuite au Llydaw (Armorique) avec Mabon, fils de Mellt et Gware Gwallt Euryn pour chercher les deux chiens de Glythmyr Lledewic (l’Armoricain).

Après les avoir pris, Arthur alla jusque dans l’ouest d’Iwerddon pour chercher Gwrgi Severi, en compagnie d’Odgar, fils d’Aedd, roi d’Iverddon. Puis, il se rendit au nord où il s’empara de Kyledyr Wyllt. Celui-ci alla à la recherche d’Yskithyrwynn Pennbeidd, ainsi que Mabon, fils de Mellt [801] tenant en main les deux chiens de Glythvyr Lledewic [802] et Drutwynn le petit chien de Greit, fils d’Eri. Arthur prit part en personne à la poursuite, tenant son chien Kavall. Kaw de Prydein monta sur Lamrei la jument d’Arthur, arriva le premier sur la bête aux abois [803] et, s’armant d’une forte cognée, vaillamment, sans hésiter, il fondit sur le sanglier, lui fendit la tête en deux et s’empara de sa défense. Ce ne furent pas les chiens qu’avait indiqués Yspaddaden Penkawr à Kulhwch qui mirent en pièces le sanglier, mais bien Kavall lui-même, le chien d’Arthur.

Après avoir tué Yskithyrwynn Pennbeidd, Arthur et ses troupes se rendirent à Kelli Wic en Kernyw.


[804] Dans le Gwarchan Maelderw attribué à Aneurin (Four ancient books of Wales, II, p. 103, vers 29, 31), il est question d’un fils de Nwython appelé Neim ? Nwython est peut-être le même nom que le nom picte Naiton, nom d’un roi vivant au commencement du huitième siècle (Bède, Hist. eccl., V, 21). Ce Naiton est le même personnage que le Nechtan des annales irlandaises (V. Connor, Rerum hibernicarum script., IV, p. 236). Naithon serait-il la forme picte de Nechtan, et Nwython la forme brittonne ?

[805] L’histoire, si importante pour les mœurs galloises du onzième siècle, de Gruffudd ab Cynan, cite un fait d’anthropophagie à la charge d’un Irlandais. Le compétiteur de Gruffudd au trône de Gwynedd ou Nord-Galles, fut tué à a bataille de Carno, et un des auxiliaires de Gruffudd, l’Irlandais Gwrcharis ou Gwrcharci en usa avec lui comme avec un porc, en fit du bacwn (porc salé et desséché) (Myv. arch., p. 727, col. 2).

[806] Mabon ab Mellt. Ce personnage apparaît à côté d’Arthur dans le Livre noir (Skene, 31, 11) : Mabon am Mellt.

[807] Lledewic, « l’Armoricain, » dérivé de Llydaw, plus anciennement Litaw, nom gallois de l’Armorique gauloise, et qui, comme le mot Armorique, ne désigne plus que la péninsule armoricaine (v. J. Loth, De Vocis Aremoricae forma atque significatione. Paris, Picard, 1883). Glythvyr : Glythmyr, avec m intact, représente une graphie du vieux-gallois.

[808] V. p 159, note 1. Taliesin mentionne Llamrei (Skene, II, p. 176, 27).


De là, il envoya Menw, fils de Teirgwaedd, pour voir si les bijoux étaient entre les deux oreilles du Twrch Trwyth, car il était inutile qu’il allât se battre avec lui s’il n’avait plus sur lui les bijoux. Il était sur en tout cas que lui était là : il venait de dévaster le tiers d’Iwerddon. Menw alla à sa recherche et l’aperçut à Esgeir Oervel en Iwerddon. Menw se transforma en oiseau, descendit au-dessus de sa bauge et chercha à enlever un des bijoux, mais il n’eut qu’un de ses crins. Le sanglier se leva vigoureusement, résolument, et se démena si bien qu’un peu de son venin atteignit Menw : à partir de là, celui-ci ne fut jamais bien.

Arthur envoya alors un messager à Odgar, fils d’Aedd, roi d’Iwerddon, pour lui demander le chaudron de Diwrnach le Gwyddel, son intendant. Odgar pria Diwrnach de le donner : « Dieu sait, » répondit Diwrnach, « que, quand même il se trouverait bien de jeter un seul regard sur le chaudron, il ne l’obtiendrait pas. » Le messager d’Arthur revint d’Iwerddon avec ce refus. Arthur partit avec une troupe légère sur Prytwenn, son navire. Aussitôt arrivés en Iwerddon, ils se rendirent chez Diwrnach le Gwyddel. Les gens d’Odgar purent se rendre compte de leur nombre. Quand ils eurent suffisamment bu et mangé, Arthur demanda le chaudron. Diwrnach répondit que s’il l’avait donné à quelqu’un, c’eût été sur l’invitation d’Odgar, roi d’Iwerddon. Sur ce refus, Bedwyr se leva, saisit le chaudron et le mit sur les épaules de Hygwydd [809], serviteur d’Arthur, frère par sa mère de Kachamwri, serviteur d’Arthur également : sa fonction en tout temps était de porter le chaudron d’Arthur et d’allumer le feu dessous. Llenlleawc le Gwyddel saisit Kaletvwlch, la fit tournoyer et tua Diwrnach et tous ses gens. Les armées d’Iwerddon accoururent pour leur livrer bataille. Après les avoir mises en complète déroute, Arthur et ses gens partirent aussitôt, à leur vue, sur leur navire, emportant le chaudron plein de monnaie d’Iwerddon. Ils descendirent chez Llwydeu, fils de Kelcoet,à Porth Kerddin [810] en Dyvet. C’est là qu’est la mesure du chaudron.

Arthur réunit alors tout ce qu’il y avait de combattants dans les trois îles de Bretagne, les trois îles adjacentes [811], en France, en Llydaw, en Normandie, et dans le pays de l’Eté [812], tout ce qu’il y avait de fantassins d’élite et de cavaliers en renom. Il partit avec toutes ces troupes pour l’Iwerddon. Il y eut grande crainte et tremblement à son approche. Lorsqu’il fut descendu à terre, les saints d’Iwerddon vinrent lui demander sa protection. Il la leur donna, et eux lui donnèrent leur bénédiction. Les hommes d’Iwerddon se rendirent auprès de lui et lui présentèrent un tribut de vivres. Il s’avança jusqu’à Esgeir Oervel [813], où se trouvait le Twrch Trwyth avec ses sept pourceaux. On lança sur eux les chiens de toutes parts. Les Gwyddyl (les Irlandais) se battirent avec lui ce jour-là jusqu’au soir, et il n’en dévasta pas moins la cinquième partie d’Iwerddon. Le lendemain, la famille d’Arthur se battit avec lui ; mais ils n’en eurent que des coups et ne remportèrent aucun avantage. Le troisième jour, Arthur, en personne, engagea contre lui un combat qui dura neuf nuits et neuf jours ; mais il ne réussit qu’à tuer un de ses pourceaux. Les hommes d’Arthur lui demandèrent alors ce qu’était cette laie. Il leur dit que c’était un roi que Dieu avait ainsi métamorphosé pour ses péchés.

Arthur envoya Gwrhyr Gwalstawt Ieithoedd pour chercher à s’entretenir avec l’animal. Gwrhyr s’en alla sous la forme d’un oiseau et descendit au-dessus de la bauge où il se trouvait avec ses sept pourceaux.


[814] Hygwydd, signifie « qui tombe facilement, » mais c’est une graphie pour Hywydd (qui sait bien) : Chwedlau y Doelhion, Iolo mss., p. 255.

[815] Porth Kerddin, peut-être Porthmawr, près Saint-David’s Head, dans le comté de Pembroke, d’après lady Guest. D’après Wade-Evans (Arch. Cambrensis, 1904), ce serait Moylgrove en Pembroke.

[816] Voir page 223, note 1.

[817] Gwlad yr hav, « le pays de l’été. » Une triade fait venir les Kymry ou Bretons du pays de l’été ou Deffrobani, « c’est-à-dire là où est Constantinople » (Myv. arch., 400, 4). Deffrobani est probablement pour Teffrobani, et semble être l’île plus ou moins fabuleuse de Taprobane, dont parlent les géographes anciens. Le pays de l’été désigne aussi tout simplement le Somersetshire (Iolo mss, p. 86).

[818] V. plus haut, p. 254, note 2. « Par celui qui t’a mis sous cette forme, » lui dit-il, « si toi et les tiens pouvez parler, je demande qu’un de vous vienne s’entretenir avec Arthur. » Grugyn Gwrych Ereint [819], dont les soies étaient comme des fils d’argent, à tel point qu’on le suivait à leur scintillement à travers bois ou champs, lui fit cette réponse : « Par celui qui nous a mis sous cette forme, nous n’en ferons rien ; nous ne parlerons pas à Arthur. Dieu nous a fait déjà assez de mal en nous donnant cette forme, sans que vous veniez vous battre avec nous. » ― « Apprenez qu’Arthur se bat avec vous pour le peigne, le rasoir et les ciseaux qui se trouvent entre les deux oreilles de Twrch Trwyth. » -.« On n’aura ces joyaux, » répondit Grugyn, « qu’avec sa vie. Demain matin, nous partirons d’ici ; nous irons au pays d’Arthur et nous lui ferons le plus de mal que nous pourrons. » Les pourceaux partirent par mer dans la direction de Kymry. Arthur s’embarqua sur son navire Prytwen avec ses soldats, ses chevaux et ses chiens et, en un clin d’œil, ils furent en vue. Le Twrch Trwyth aborda à Porth Kleis [820] en Dyvet. Arthur, lui, cette nuit-là, s’avança jusqu’à Mynyw [821]. On lui apprit le lendemain qu’ils étaient passés. Il les atteignit en train de tuer les bêtes à cornes de Kynnwas Kwrr y [822] Vagyl, après avoir déjà détruit tout ce qu’il y avait d’hommes et d’animaux à Deu Gleddyv.


[823] Gwrych Ereint, « aux crins d’argent ».

[824] Porth Cleis, petit port du comté de Pembroke, à l’estuaire de l’Alun.

[825] Miynyw ou Saint-David’s (Pembrokeskire).

[826] À la crosse anguleuse (anguleux son bâton).


À l’arrivée d’Arthur, le Twrch Trwyth s’enfuit jusqu’à Presseleu [827]. Arthur s’y rendit avec ses troupes. Il envoya ses gens à leur poursuite : Eli et Trachmyr, lui-même tenant en main Drutwyn, le petit chien de Greit fils d’Eri ; Gwarthegyt [828], fils de Kaw, dans un autre coin, tenait les deux chiens de Glythmyr Lledewïc ; Bedwyr, lui, tenait en laisse Kavall, le chien d’Arthur. Arthur rangea toutes ses troupes autour de Glynn Nyver [829]. Vinrent aussi les trois fils de Kleddyv Divwlch, qui s’étaient acquis beaucoup de gloire [830] en tuant Ysgithyrwynn Penbeidd. Le porc partit de Glynn Nyver et s’arrêta à Kwm Kerwyn [831] ; il y tua quatre des champions d’Arthur : Gwarthegyt, fils de Kaw ; Tarawc d’Allt Clwyt [832] ; Reidwn, fils d’Eri Adver ; Iscovan Hael.


[833] Presseleu, v. p. 105, note.

[834] Gwarthegyt, de gwarthec, « vaches ».

[835] Glynn Nyver. À l’extrémité des Presseley-Mountains naît la Nyver auj. Nevern. Le Glynn est une vallée étroite garnie de bois. On entend aussi souvent par là une vallée étroite et profonde traversée par un cours d’eau. Glen, en breton arm. moyen, a la sens de pays, terre, monde (cf. vallée de larmes) par opposition au ciel.

[836] Ils ne paraissent pas dans cette chasse. Il y a là, comme en divers endroits, une lacune.

[837] Cwm Kerwyn, « la combe de la cuve » (Cwm, « vallon de forme concave » ) ; contre le pic le plus élevé des monts de Preselly, Preselly Top, est le vallon de Cwm Cerwyn ; à deux milles de là se dresse le sommet de Carn Arthur (lady Guest).

[838] Allt-Clwyt ; allt, « colline, roche ». On a confondu la Clwyd, rivière du nord du pays de Galles, et la Clut, à l’époque latine Clota, qui a donné son nom au royaume des Bretons du nord ou de Strat-Clut, « vallée de la Clut », anglais Clyde. L’Al-Clut ou Petra Clotae de Bède, est, probablement, pour Alt-Clut, « la colline rocheuse de la Clut » (Dumbarton). Cependant, cf. irl all, falaise, roc escarpé.


Puis il rendit les abois, et tua Gwydre, fils d’Arthur ; Garselit le Gwyddel ; Glew, fils d’Yscawt, et Iscawyn, fils de Panon ; mais il fut lui-même blessé.

Le lendemain matin, vers le jour, quelques-uns des hommes d’Arthur l’atteignirent. C’est alors qu’il tua Huandaw, Gogigwc, Pennpingon, les trois serviteurs de Glewlwyt Gavaelvawr, si bien que celui-ci n’avait plus au monde aucun serviteur, à l’exception du seul Llaesgenym, dont personne n’eut jamais à se louer. Il tua, en outre, beaucoup d’hommes du pays, entre autres Gwlydyn Saer (le charpentier), le chef des charpentiers d’Arthur. Arthur lui-même l’atteignit à Pelumyawc [839]. Après y avoir tué Madawc, fils de Teithyon ; Gwynn, fils de Tringat fils de Nevet, et Eiryawn Pennlloran, le porc alla à Aber Tywi [840]. Là, il rendit les abois et tua Kynlas [841], fils de Kynan, et Gwilenhin, roi de France.

Il poussa ensuite jusqu’à Glynn Ystu [842]. Là, hommes et chiens perdirent sa trace. Arthur fit venir Gwynn, fils de Nudd, et lui demanda s’il savait quelque chose au sujet du Twrch Trwyth. Il répondit qu’il ne savait rien.

Tous les chasseurs se mirent alors à la poursuite du porc jusqu’à Dyffrynn Llychwr [843]. Grugyn Gwallt Ereint et Llwyddawc Govynnyat leur tinrent tête et les tuèrent tous, à l’exception d’un seul qui leur échappa. Arthur et ses troupes arrivèrent à l’endroit où étaient Grugyn et Llwyddawc, et lancèrent sur eux absolument tous les chiens qui avaient été désignés. Aussitôt que les sangliers rendirent les abois, le Twrch Trwyth accourut à leur secours : depuis qu’ils avaient passé la mer d’Iwerddon, il ne s’étaient pas trouvé avec eux. Hommes et chiens tombèrent avec lui. Il se mit en marche et parvint à Mynydd Amanw [844]. Là, une de ses truies fut tuée.


[845] Pelunyawc (The Bruts, p. 335) ; pour Peuliniawc ? Ce district devait comprendre une partie des paroisses actuelles de Whitland et de Landysilio (J. Rhys, Celt. Folkl., II, p. 512, 513).

[846] Aber Tywi, l’embouchure de la Tywi ou Towy, dans le comté de Carmarthen, le Tobios de Ptolémée. C’est le nom d’un lieu anciennement habité aujourd’hui disparu dans le voisinage de l’embouchure entre les rivières Tywi ou Towy et la Gwendraeth.

[847] Kynlas = Cunoglassos, nom d’un roi breton dans l’Epistola Gildae (éd. Petrie, Mon. Hist. brit., 17), armor. Cunglas (Cart. de Redon) ; Kynan, en breton arm. Conan.

[848] Peut-être pour Clyn ystun ; Clyn ystyn est le nom d’une ferme entre Carmarthen et le confluent de l’Amman et du Llychwr (Celt. Folkl., II, p. 513).

[849] Dyffrynn Llychwr, écrit aujourd’hui Loughor, sur les confins des comtés de Carmarthen et de Glamorgan. Dyffrynn est une vallée arrosée par une rivière.

[850] Mynydd Amanw ou la montagne d’Amanw, désigne les hauteurs formant barrière naturelle entre les comtés de Brecon et de Carmarthen. L’Amman est un affluent du Llychwr. On trouve sur ces monts un Gwely Arthur, ou lit d’Arthur. Près de l’endroit où la rivière Amman prend sa source est une butte appelée Twyn y Moch, et au pied se trouve Llwyn y Moch, « le buisson aux porcs. » La rivière Twrch (porc) est tout près. Elle se jette dans la Tawy, au-dessous d’Ystradgynlais (lady Guest).


On lui rendit vie pour vie. Twrch Lawin succomba également, ainsi qu’un autre des sangliers du nom de Gwys [851]. Il s’avança jusqu’à Dyffynn Amanw [852], où furent tués Banw et Benwic [853]. Il n’y eut à s’échapper de là vivants, de tous ses pourceaux que Grugyn Gwallt Ereint et Llwyddawc Govynnyat. Ils s’enfuirent de là jusqu’à Lwch Ewin [854], où Arthur atteignit le sanglier. Il rendit les abois et tua Echel Vorddwyt Twll, Garwyli, fils de Gwyddawc Gwyr [855], et beaucoup d’hommes et de chiens. Ils poursuivirent leur course jusqu’à Llwch Tawy [856], où Grugyn Gwallt Ereint se sépara d’eux. Il se rendit d’abord à Din Tywi [857], puis en Keredigyawn [858],


[859] Gwys signifie truie (bret. gwes).

[860] Auj. Dyffryn Amman ou vallée de l’Amman.

[861] Banw, « truie » ; Bennwic est un diminutif.

[862] Auj. Llwch, ferme de la paroisse de Bettws (Celt. Folk., t. I, p. 515).

[863] Gwyddawc Gwyr, peut-être Gwyddawc de Gwyr, en anglais, Gower, partie occidentale du comté de Gamorgan

[864] Llwch Tawy, l’étang de la Tawy, rivière de Glamorgan. À l’embouchure est la ville d’Abertawy, en anglais, Swansea. La position est précisée par le nom actuel de Ynys Pen Llwch, Ville du bout de l’étang (ibid.).

[865] Din Tywi ; din, « citadelle, lieu fortifié ». Comme il y a plusieurs lieux appelés Dinas sur le cours du Tywi, il est difficile d’identifier ce nom.

[866] Keredigiawn, le comté de Cardigan. D’après la légende galloise, ce nom vient de Ceretic, un des fils du célèbre Cunedda.

suivi d’Eli et Trachmyr et de beaucoup d’autres, puis à Garth Grugyn [867], où il fut tué. Llwyddawc Govynniat se précipita au milieu d’eux, tua Ruddvyw Rys et beaucoup d’autres et s’enfuit jusqu’à Ystrad Yw [868], où les hommes du Llydaw se rencontrèrent avec lui. Il tua Hirpeissawc, roi du Llydaw, Llygatrudd Emys et Gwrbothw, oncles d’Arthur, frères de sa mère, et il fut tué lui-même.

Le Twrch Trwyth, lui, passa entre Tawy et Euyas [869]. Arthur convoqua les hommes de Kernyw et de Dyvneint contre lui. à l’embouchure de la Havren [870], et dit aux guerriers de cette île : « Twrch Trwyth a tué bon nombre de mes gens. J’en jure par la vaillance de mes hommes, il n’ira pas en Kernyw, moi vivant. Pour moi, je ne le poursuivrai pas plus longtemps, je lui opposerai vie pour vie. Vous, voyez ce que vous avez à faire. » Son plan fut d’envoyer un parti de cavaliers avec des chiens de cette île jusqu’à Euyas pour le rabattre jusqu’à la Havren ; là, il lui barrerait le passage avec tout ce qu’il y avait de guerriers éprouvés dans l’île, et on le pousserait irrésistiblement dans le fleuve. Mabon, fils de Modron, le suivit, jusqu’à la Havren sur Gwynn Mygdwnn [871], le cheval de Gweddw, ainsi que Goreu, fils de Kustennin, Menw, fils de Teirgwaedd, entre Llynn Lliwan [872] et Aber Gwy [873]. Arthur tomba sur lui avec les champions de l’île de Bretagne. Osla Gyllellvawr, Manawyddan, fils de Llyr, Kachmwri, serviteur d’Arthur, Gwyngelli, se jetèrent tous sur lui, le saisirent d’abord par les pieds et le plongèrent dans la Havren, au point qu’il avait de l’eau par dessus la tête. Mabon, fils de Modron, d’un côté, éperonna son étalon et enleva le rasoir. De l’autre côté, Kyledyr Wyllt, monté sur un autre étalon, entra dans la Havren et s’empara des ciseaux. Mais avant qu’on eût pu enlever le peigne, les pieds du porc touchèrent terre et dès lors ni chien, ni homme, ni cheval ne purent le suivre avant qu’il ne fut arrivé en Kernyw.

Ils eurent plus de mal à tirer les deux guerriers de l’eau et à les empêcher de se noyer qu’ils n’en avaient eu en essayant de lui enlever les joyaux. Kachmwri, au moment où on le tirait de l’eau, était entraîné dans l’abîme par deux meules de moulin. Osla Gytlellvawr, en courant après le porc, avait laissé tomber son couteau de sa gaine et l’avait, perdu ; la gaine s’était remplie d’eau, et, comme on le tirait dehors, elle l’entraînait au fond.

Arthur et ses troupes finirent par atteindre le sanglier en Kernyw. Ce n’était qu’un jeu ce qu’on avait eu de mal jusque-là en comparaison de ce qu’il en fallut pour lui enlever le peigne. Enfin, à force de sacrifices, on le lui enleva. Puis on le chassa de Kernyw et on le poussa tout droit à la mer. On ne sut jamais où il était allé avec Anet et Aethlem. Quant à Arthur il retourna à Kelliwic en Kernyw pour se baigner et se reposer de ses fatigues. « Reste-t-il encore, » dit Arthur, « une des merveilles à nous procurer ? » ― « Oui, » dit un des hommes, « le sang de la sorcière Gorddu, fille de la sorcière Gorwenn, de Penn Nant Govut, sur les confins de l’enfer. » Arthur partit pour le Nord et arriva à la caverne de la sorcière. Gwynn, fils de Nudd, et Gwythyr, fils de Greidiawl, lui conseillèrent d’envoyer Kachmwri et son frère Hygwydd se battre avec elle. Comme ils entraient dans la caverne, la sorcière les prévint, saisit Hygwydd par les cheveux, et le jeta sous elle sur le sol. Kachmwri, à son tour, l’empoigna par les cheveux et la tira de dessus Hygwydd. Elle se retourna contre Kachmwri, les accabla de coups et les jeta dehors à coups de pieds et à coups de poings. Arthur devint furieux en voyant ses serviteurs presque tués, et voulut pénétrer dans la caverne. « Il ne serait ni convenable, ni agréable pour nous, » lui dirent Gwynn et Gwythyr, » de te voir te prendre aux cheveux avec la sorcière. Envoie Hir Amren et Hir Eiddyl dans la caverne. » Ils y allèrent. Si les deux premiers avaient eu du mal, ces deux-ci en eurent encore bien plus, au point qu’on ne savait si aucun des quatre aurait pu sortir, s’ils ne s’étaient jetés tous quatre sur Lamrei, la jument d’Arthur. Arthur, alors, se précipita sur la porte de la caverne et, du seuil, frappa la sorcière avec son couteau Karnwennan ; il l’atteignit au milieu du corps et en fit deux tronçons [874]. Kaw de Prydein recueillit le sang de la sorcière et le garda.

Alors Kulhwch, accompagné de Goreu, fils de Kustennin, et de tous ceux qui voulaient du mal à Yspaddaden Penkawr, retournèrent à sa cour avec les objets merveilleux. Kaw de Prydein vint le raser et lui enleva chair et peau jusqu’à l’os, d’une oreille à l’autre entièrement. « Es-tu rasé, homme ? » lui dit Kulhwch.

― « Je le suis, » dit-il.

― « Ta fille est-elle à moi maintenant ? » ― « Elle est à toi, et tu n’as pas besoin de m’en remercier ; remercie Arthur qui te l’a procurée. De mon plein gré, tu ne l’aurais jamais eue. Le moment est venu pour moi de perdre la vie. » Alors Goreu, fils de Kustennin, le saisit par les cheveux, le traîna après lui jusqu’au donjon, lui coupa la tête et la plaça sur un poteau dans la cour. Puis il prit possession du château et de ses domaines. Cette nuit-là, Kulhwch coucha avec Olwen, et il n’eut pas d’autre femme pendant toute sa vie. Les autres se dispersèrent pour rentrer chacun dans son pays. C’est ainsi que Kulhwch eut Olwen, la fille d’Yspaddaden Pennkawr.




  1. Voir plus bas : Introduction, p. 15-16.
  2. Au point de vue intellectuel, les Lois sont le plus grand titre de gloire des Gallois. L’éminent jurisconsulte allemand, Ferd. Walter constate qu’à ce point de vue les Gallois ont laissé bien loin derrière eux les autres peuples du moyen âge (Das alte Wales, p. 354). Elles prouvent chez eux une singulière précision une grande subtilité d’esprit, et une singulière aptitude à la spéculation philosophique.
  3. Sur la grande valeur littéraire des romans gallois, voir plus loin, Introduction, p. 41 et suiv.
  4. The Mabinogion, mediæval welsh romances, translated by lady Charlotte Guest, with notes by Alfred Nutt and published by David Nutt. London, 1902, in-vol, in-12.
  5. J’emploie brittonique pour gallois, cornique et breton, et Brittons pour les Gallois, Cornouaillais insulaires et Bretons Armoricains. Breton amenait une confusion au profit de ces derniers. Le nom national d’ailleurs est au singulier Britto et au pluriel Brittones.
  6. The mabinogion from the Llyfr Coch o Hergest, and other ancient Welsh Mss. with an English translation and notes, 1838.
  7. Le mabinogi de Pwyll avait paru avec une traduction dans le Cambrian Register I, p. 177, en 1795 et 1796 ; une reproduction en fut faite dans le Cambro-Briton II, p. 271 (1821) ; les mêmes passages ont été supprimés dans cette traduction et dans celle de lady Charlotte Guest. Peu après, en 1829, le mabinogi de Math ab Mathonwy était donné avec une traduction dans le Cambrian Quarterly, I, p. 170. Y Greal avait donné le texte seulement du songe de Maxen, en 1806, p. 289, L’Aventure de Lludd et Llevelis avait été insérée dans le Brut Tysilio et le Brut Gruffydd ab Arthur publiés dans la 1re édition du vaste répertoire de poésie et de prose du moyen âge connu sous le nom de Myvyrian Archaeolugy of Wales. Une version du même récit avait paru en 1805 dans Y Greal, p. 241, provenant d’une source différente d’après lady Charlotte Guest. Le rév. Peter Roberts en avait donné une traduction dans The Chronicle of the Kings of Britain. Le célèbre Owen Pughe, autour d’un dictionnaire gallois-anglais, encore indispensable à consulter, malgré ses sérieux défauts et ses lacunes, avait préparé une édition complète avec notes explicatives. Son travail devait même commencer à paraître en 1831, comme il ressort d’une lettre de son fils Aneurin Owen (Archaeol Cambrensis IV, 3e série, p. 210).
  8. Die Arthur Sage, and die Mährchen des Rothen Buches, 1841.
  9. Die Arthur Sage, and die Mährchen des Rothen Buches, 1841.
  10. Les romans de la Table Ronde et les contes des anciens Bretons. Paris, 1842.
  11. L’enfance de Lez-Breiz qui manque avant l’apparition de la traduction de lady Charlott Guest, dans le Barzas-Breiz, y a été introduit ensuite. (Cf. J. Loth : Deux nouveaux documents pour servir à l’étude de Barzas-Breiz. Revue Celt., XXVII, 343 ; XXVIII, 122.)
  12. Mabinogion o Lyfr coch Hergest : deux fascicules. Wrexbam. 1896 et 1900. Dans sa préface, l’auteur déclare les quatre Mabinogion plus vieux que l’Évangile, et antérieurs aux Anglo-Saxons et aux Romains. Il a laissé de côté le Songe de Maxen, Kulhwch et Olwen, mais ajouté Taliesin.
  13. À la fin du premier, Pwyll, prince de Dyved, il y a le pluriel : ainsi se termine cette branche des Mabinogion.
  14. Feniarth 14 : la partie qui contient cette version du De Infantia Christi est de la seconde moitié du xive siècle, (Gwenogvryn Evans, Report on mss. in the Welsh Language, vol. I, Part. II, p. 332, 116).
  15. Ibid., p. 305, 309, XIII. Cf. The White Book Mobinogion, p. XXVI.
  16. The text of the Red Book Mabinogion, p. VIII.
  17. Ce sens est donné avec précision dans les Jolo manuscripts, p. 211, collection fort curieuse mais disparate et dont les sources sont fort troubles. D’après ce curieux passage, le barde ayant ses grades officiels, devait prendre avec lui trois disciples (mabinogion, mebinogion). Ils avaient à passer trois degrés avant de devenir bardes à chaire. Les études du mabinog comprenaient : l’étude du gallois (orthographe, syntaxe, formation et dérivation) ; la connaissance de la métrique (allitération consonnantique elvocalique, rime, pieds, strophes, avec des compositions originales) ; l’étude des généalogies, lois, coutumes, histoire. Taliesin se vante de ses connaissances bardiques, qui se rapportent justement à certaines traditions conservées dans nos Mabinogion. Les poètes gallois, au xii-xiiie siècle, se vantent parfois de la pureté de leur langue.
  18. En tête de Branwen : Lbyma yr eil gaine ôr mabinogi, voici la seconde branche du mabinogi (p. 26). En tête de Manawyddan (p. 44) : Hyma y dryded gaine or mabiwogi, voici la troisième branche du mabinogi ; en tête de Math (p. 59) : honn yw y bedwared geine or mabinogi, celle-ci est la quatrième branche du mabinogi.
  19. D’après les Jolo Mss., Blegywryd, archidiacre du Llandav (v. plus bas, p. 73) est le mebydd de ce monastère. Le sens est des plus évidents dans le composé cyn-vebydd, premier ou principal professeur. Les trois cyn-vebydd, d’après une triade (Myss. Arch., p. 409, triade 93) sont : Tydain Tadawen (père de l’inspiration), Mynw Hen et Gwrhir, barde de Teliaw à Llandav. Le surnom de tat-awen dans Nennius (tad-aguen) est donné à Talhaearn.
  20. La revue le Cambre-briton, vol. II, p. 75, contient un index complet de son contenu. Ce manuscrit se compose de 362 folios de parchemin à deux colonnes.
  21. The Text of the Mabinogion and other welsh tales from the Red Book of Hergest. Oxford, 1887. C’est le premier volume de la collection des Old welsh Texts.
  22. Cette bibliothèque a été généreusement donnée récemment par les héritiers de W. R. M. Wynne, à la Bibliothèque nationale galloise d’Aberystwyth.
  23. The White Book mabinogion: welsh Tales and Romances reproduced from Peniarth manuscripts : edited by J. Gwenogvryn Evans Pevllheli, 1907. C’est le volume 7 de la collection des Old welsh Texts.
  24. Du commencement jusqu’à la page 94, ligne 14 du texte publié du Livre Rouge.
  25. Le premier fragment correspond au texte du Livre Rouge, de la page 163, ligne 17, à la page 169, l. 21 ; le second, au texte de la page 184, l. 1, à la page 188, l. 23.
  26. Cf. Livre Rouge, de la page 100, l. 1, à la page 128, l. 11.
  27. Gwenogvryn Evans ; Report on manuscripts in the Welsh Language, vol. I, part II : Peniarth.
  28. Pour Branwen : cf. L. Rouge, p. 36, l. 25, p. 38, l. 18 ; Manawyddan : L. R. p. 49, l. 20, p. 51, l. 10.
  29. Cf. L. Rouge, de la page 280, l. 21, à la page 282, l. 18 ; de la page 294, l. 8, à la fin (p. 295).
  30. Cf. L. Rouge, de la page 261, l. 21, jusqu’à la fin.
  31. M. 71 : cf. L. Rouge, p. 193, l. 18-232, l. 6. — m. 14 : L. R. p. 193, l. 1-202, l. 14.
  32. Sur ces questions de texte, cf. Gwenogvryn Evans. Report ; cf. Préface du White Book Mabinogion. Il est regrettable que l’auteur n’ait pas donné d’une façon explicite, lorsqu’il n’y a pas de date précise, les raisons de sa chronologie.
  33. Cf. miss Mary R. Williams, Essai sur la composition du roman gallois de Peredur. Paris, 1909 : p. 30-37.
  34. e pour y (i bref) devait être fréquent dans l’archétype, ainsi : Peniarth 4, p. 20, donne Wynt pour le pays de Gwent (ar Wynt), tandis que le Livre Rouge a correctement Gwent (ar Went).
  35. J. Loth, L’élégie du Black Book of Chirk (Revue celt., 1911, p. 203).
  36. W pour u voyelle apparaît déjà dans la seconde moitié du xiie siècle. On ne le trouve pas dans les privilèges de l’Église de Llandav ; mais il apparaît dans le texte latin le plus ancien des Lois et le Black Book of Chirk.
  37. Dans la partie la plus ancienne de Peniarth 16 (Hengwrt 54), qui est au début du xiiie siècle et dont la calligraphie est identique à celle du manuscrit de Dingestow Court contenant le Brut Gruff Arthur, on trouve aỽ surtout dans les diphtongues ; ỽ est aussi employé encore pour v (Report on welsh mss, n° 11, I, p. 377 ; The Bruts, p. 13, de même dans le mss. Peniarth 17.
  38. J. Loth. La principale source des poèmes des xiie-xiiie siècles dans la Myv. Arch. (Revue celt., XXII, p. 13).
  39. Livre Blanc p. 457; Le Livre Rouge, p. 104, n’a pas : yssydynt genhym. Pour les lecteurs peu familiarisés avec les caractères du vieux gallois, il est nécessaire de savoir qu’en vieux gallois, les occlusives sourdes p t c, les sonores b d (g parfois) m, intervocatiques, sont intactes dans l’écriture, tandis qu’en moyen gallois (plus ou moins régulièrement), p t c évoluent en h d g, et b m en v (d, dans l’écriture, est le plus souvent écrit d), vieux gallois genhim, moyen gall. genhyv (m est intervocalique en vieux celtique).
  40. White Book, Préface, p. XII. La graphie ou du pluriel pour eu se trouve encore à la fin du xie siècle, par exemple dans les quatre vers écrits par Johannes, fils de Sulgen, évêque de Saint-David en 1071-1089 (Archæol. Camb. 1874, p. 340) ; ou dans oulodeu, représenteraient ai, ae moderne. Cette hypothèse soulève plus d’une difficulté ; il me paraît plus probable que oulodeu est à rapprocher de ovlydu, se décomposer.
  41. V. plus loin, traduction et notes critiques au texte. J’ai rectifié le texte des englyn dans ma première traduction : I, p. 331, note à la page 78, I. I7, traduction, p. 148. Cf. J. Loth, Métrique galloise, II, 1re partie, p. 227.
  42. La graphie oi pour ui existe sporadiquement en vieux gallois : loinou, buissons, pour luinou ; toimn pour tuimn, etc. L’u de la diphtongue ou avait un son voisin de u français ou y gallois du xie siècle. Il n’est guère possible à cette date de supposer une forme dialectale analogue à celle qui est en usage près de Carnarvon : deu lo, les deux mains, pour dwy lo.
    On peut, il est vrai, supposer que deu lynn est pour deu glynn et dans le vers suivant, lire : awyr a llynn (pour un plus ancien awyr ac lynn).
  43. Pen. 3 (White Rook : p. 60 a gymerhaf ; 483 ny surha ; 124 a vynhaf ; 482 mwynha ; 122 a vynho ; 141 a blinho ; 151 a talho ; 163 a tynho ; 456 rotho ; 457 ranhwyf ; 135 tra barahei ; 174 mynhei ; 474 a delhei ; 136 kyweirher, etc…
  44. Pen. 4. White Rook : p. 22 rydodet (L. Rouge : a dodet) ; 145 ryderyw L. R. a deryw) ; 158 y ryvum ; rygael (L. R. y deuthum ; kaffael) ; 140 o ryllad (L. R. llad), 143 ar ladassei (L. R. ladassei) ; 474 rywascut (L. R., a wascut) ; 475 ryladawd (L.R. a ladawd), etc.
  45. Il présente (White B., p. 204) les deux intéressantes formes suivantes : ar neb a welhei y vorwyn yn y wisc honno, ef a welei… Peniarth 4 et L. Rouge ont au lieu de a welhei : welsei.
  46. Les proverbes gallois ont souvent conservé des tournures anciennes (il y en a qui remontent sûrement au xiie siècle, malgré des formes orthographiques modernisées). Je relève (Myv. Arch., p. 772-1) : ni elwir cywrain ni gynnydd ; on n’appelle pas habile celui qui ne prospère pas : ni gynnydd au lieu du moderne : ni chynnydd. Le recueil de Welsh Proverbs de H. Vaughan (London, 1809), n° 2560, en a conservé un autre exemple : nid ergyd ni gywirer, ce n’est pas un coup, celui qui n’a pas son effet.
  47. Cawd se trouve peut-être avec une forme en -s- dans le ri-ceus du 2e poème à Juvencus (ixe siècle).
  48. Cf. L, Aneurin, F. a.-B. of Wales, II, p. 97 : noc a dele
  49. Cf. la construction de la copule avec l’attribut en vieil irlandais (Vendryès, Grammaire du vieil irl., 55, 573).
  50. Cf. The Book of Llandav, éd. Rhys-Evans, pp. 247-249.
  51. Sur les vieux poèmes gallois, v. J. Loth, Revue Celtique, XXI, 28, 328 ; XXII, 438 ; XXIII, 203 ; XXVIII, 4. Métrique galloise, passim.
  52. V. plus bas, trad. et notes.
  53. V. trad. et notes : se référer à l’Index.
  54. Ibid., note à Arthur.
  55. V. plus bas, I, Kulhwch.
  56. Le manuscrit de Shirburn 18, de la première moitié du xiiie siècle et les manuscrits de la même classe de la version galloise de Gaufrei la donnent, mais elle manque dans le manuscrit de Dingestow Gourt et ceux de sa classe ; or le manuscrit de Dingestow est au commencement du xiiie siècle (Gwenogvryn Evans, The Bruts. Préface, p. XII-XV). On trouve quelques variantes de Shirburn 18 dans l’édition d’Ifor Williams du Cyfranc Lludd a Llevelis. Bangor, 1910.
  57. D’Arbois de Jubainville, L’épopée celt. en Irlande, pp. 80-149. On peut comparer dans Cuchulain malade (ibid., p. 179), la peinture des femmes d’Ulster et surtout celle de Cuchulainn irrité à celle de personnages grotesques de la cour d’Arthur. (V. plus bas, trad.)
  58. On attendrait Kadarn fils de Nerth, et Erw fils de Llawr.
  59. La parodie proprement dite ne se développe que beaucoup plus tard ; cf. J. Loth, Une parodie des Mabinogion, Revue celt. XIX 308.
  60. Il ne se trouve pas dans l’Yvain de Chrétien de Troyes.
  61. D’Arbois de Jubainville, L’épopée celtique en Irlande, p. 156. Dans le Perlesvaus (Potvin, I, p. 61, 62) Perceval a en mains trois javelots, ce qui est probablement une mauvaise interprétation. La mère de Perceval lui en fait enlever deux parce que ce serait trop gallois, c’est-à-dire barbare. (Voy. t. II, trad. note à Peredur. Cf. J. Loth. « Un trait de l’armement des Celtes », Revue celt., 1910).
  62. Il y a eu des établissements de Gaëls dans l’île de Bretagne, même après l’ère chrétienne, au iiie siècle par exemple ; il y en a eu également et de durables de la part des Brittons en Irlande, (J. Loth, « Bretons insulaires en Irlande » Revue celt., XVIII, 304 ; XXVIII, 417.) Les inscriptions oghamiques de Galles, de Cornawall (on en trouve jusqu’à Silchester), n’ont pas, à mon avis, du tout la signification qu’on leur attribue et n’indiquent nullement une conquête. Sur les rapports des Gaëls et des Brittons, cf. Kuno Meyer, Early relations between Gaël and Brython (y Cymmrodor, 1896). — John Rhys, Archaeolagia cambrensis, 1898 ; Celtic Follkore, p. 541 et suiv.Rev. Celt., XVIII, 344 ; XXXVIII, 417.
  63. Livre de Taliessin, F. a. B. of Wales, II, p. 198.
  64. On trouvera, à ce point de vue, quelques remarques suggestives dans le travail d’Anwyl : The four branches of the Mabinogi (Zeitschrift für celtische Philologie, I, p. 277 ; II, p. 124 ; III, p. 123).
  65. Kulhwch suffit à montrer que la légende arthurienne existait avant Gaufrei. Ce dernier a pétri, taillé à sa guise une matière qu’il n’a pas inventée. Il ne faut pas nier cependant qu’il n’ait commis de véritables faux.
  66. J’emploie français au lieu de normand ou anglo-normand ; c’est plus juste et plus exact ; de plus, les Gallois ignoraient à peu près complètement les Normands et ne connaissaient que les Français.
  67. L’épisode des Nichelungen où Kriemhild reconnaît le meurtrier de Siegfried parce qu’en sa présence le sang a jailli de ses plaies, paraît bien emprunté aux traditions arthuriennes : c’est là un trait qui ne s’est retrouvé jusqu’ici que dans l’Yvain de Chrétien et le Morien néerlandais. (V. plus bas, tome II, Owen). E. Philipot m’apprend que Lachmann déclare l’épisode des Niebelungen postérieur à Hartmann d’Aue, et qu’il y a une preuve de l’existence de la croyance à la cruentation en France. Elle paraît néanmoins populaire surtout en Angleterre et en Écosse (Carew Hazlitt, Dictionary of Faiths and Myth, 2 vol., 1909 : I: Blood-Portents).
  68. Les artistes, parmi lesquels au premier rang les bardes, sont mis sur le même pied que les fils de roi, dans Kulhweh (V. plus bas, trad.). Les bardes du Glamorgan paraissent aussi avoir été particulièrement appréciés. (Ibid. Math.)
  69. Le meilleure édition du Chevalier au Lion et d’Erec et Enide, est celle de M. Foerster, tomes 2 et 3 de son édition compléte des œuvres de Chrétien : Der Lôwenritter (Yvain) von Chrétien von Troyes, herausgegeben von Wendelin Foerster, Halle, 1887. Erec und Enide, Halle, 1890, 2e éd. en 1909.
  70. Perceval le Gallois (Le conte del Graal), édition Potvin, Mans, 1866-1871, 6 volumes : Pertevaux, roman en prose, forme le tome premier. Cf. Le saint Graal, éd. Hucher. Le Mans, 3 vol., 1875-1878.
  71. Sur Chrétien de Troyes, ce qu’on sait de sa vie et ses œuvres, voir surtout Gaston Paris, Journal des Savants, 1902.
  72. Jessie L. Western, Wauchier de Denain as a continuator of Perceval and the Prologue of the Mons ms. (Romania, XXXIII, p. 333).
  73. C’est le manuscrit 12.560, suppl. fr. 210, xiie siècle ; ms. G. de l’édition de Foerster (Der Löwenritter, Einleitung, VIII). Cf. G. Paris, Histoire litt. de la France, XXX, p. 170.
  74. L’édition la plus récente est celle de Bech, Leipzig, 1893.
  75. Edit. par Kölbing (Riddarasögur, 1872). Cf. Ivens saga. Halle, 1898. Cf. Foerster. Der Löwenr, Eint, Cf. XVII-XVIII.
  76. Ueber Sage, Quellen und Kompasilion des Chevalier au Lyon des Crestien de Troyes, Paderborn, 1883. Ce travail mérite l’attention. Pour l’auteur, le noyau du récit est un conte populaire localisé en Bretagne armoricaine. Le sujet est une fontaine qui se venge sur son profanateur. Le châtiment est personnifié plus tard dans le chevalier Ivain. Chrétien a entendu ce récit d’un barde breton, et la version galloise repose sur une forme française du conte breton. Le roman était donc arrêté par les bardes dans ses grandes lignes. Chrétien y a ajouté, il a enrichi le dialogue, introduit les manières courtoises de son temps. Il n’a pas tout compris. (Cf. Brown, Ivain, p. 2).
  77. Die Quellen des Ivain (Zeitschr. f. rom. Phil., XXI, 1897).
  78. Ivain. A Study in the origins of Arthurian romances. (Studies and notes in Phil. and Lit. Harvard Univ., VIII, 1909).
  79. Sur l’origine du chevalier au Lion (Mélanges offerts à Carl Wahlund, 1896, pp. 289-304).
  80. The Fountain defended (Mod. Phil. VII, 14).
  81. Le roman du chevalier un Lion (Annales de Bretagne, VIII, 1892-1893).
  82. Parzival, éd. E. Martin. Halle, 1900. Il a été traduit en anglais par J.-L. Weston (Parzival of Wolfram von Eschenbach. 2 vol., London, 1894.
  83. Ed. J.-O. Halliwell (The Thornton romances, 1844). - J -L. Weston, The Legend of sir Perceval, 2 vol. Grimm Library, vol. XVII et XIX, 1906-1909).
  84. Lanceloet, éd.de Jouckbloet : Perceval, tome I, 36948-42540.
  85. Kölbing, Riddarasögur, I-IV, I.71.
  86. The Legend of the Holy Grail. Folk-Lore Society, XXIII, 1885.
  87. Chrestiens Conte del Graal in seiner Verhällung zum wälschen Peredur and zum englischen sir Perceval (Sitzungsber. d. Königl. bayr. Akad. der Wissensch., 1890. Philos. Hist. Klasse II. Parzival und der Gral, in deutscher Sage des Mittelallers und der Neuzeit, 1908. (Walhalla IV).
  88. Artur und der Graal. Zeitschr. f. r. Ph. XIX, 1895.
  89. The legend of sir Perceval : Studies upon its original scope and signification. London, 1898.
  90. Essai sur la composition du roman gallois de Peredur.(Thèse de doctorat de l’Univ. de Paris). Paris, 1909. Voir les comptes rendus de ce consciencieux travail : Revue Celt., 1910, p. 381. (Anwyl) Annales de Bretagne, 1910, p. 253. (J. Loth) ; Modern Language notes, december 1910 (Nitze).
  91. The Bleeding Lance, 1910 (repr. from the Public. of the mod. lang. Assoc. of America., XXV, I).
  92. Ed. Bech, Leipzig, 1893.
  93. Erec saga, éd. Cederchiöld. Copenhague. 1880.
  94. Ueber Chrestien von Troyes und Hartmann’s. Erec und Enide Germania, VII, 1862).
  95. Das verhältniss von Chrétiens Erec und Enide zu dem Mabinogi des roten Buches von Hergest, « Garaint ab Érbin ›, Köln, 1889 (G. Paris, Romania X et XII : compte rendu).
  96. Hartmann von Ane’s Erek and seine alfr. Quelle. Königsb. Prog. 1893.
  97. Zum Erec (Zeistschr. f. d. Phil. XXVII, 1894).
  98. Un épisode d’Erec et Enide (Romania XXV, 1896).
  99. Étude sur Hartmann d’Aue. Paris (Thèse pour le doctorat), 1898.
  100. Erec-Gereint. Der Chrétiensebe Versroman und das Wälsche Mabinogi. Inaug. Diss. Rostock, 1910. On y trouvera une comparaison minutieuse des deux romans.
  101. Voir par exemple (trad.) dans Peredur, l’épisode du jeu d’échecs.
  102. Gaston Paris, Histoire de la litt. française du moyen âge, éd. de 1890, p. 88 ; Journal des Savants, 1902, p. 304.
  103. Mélusine V, 217-224 ; 241-244 VI 74-75.
  104. Le roman du chevalier au lion (Annales de Bretagne, VIII, p. 56).
  105. Yvain, p. 132, note 3.
  106. C’est au fond l’opinion de Gaston Paris, développée dans divers écrits : Histoire littéraire de la France, XXX, p. 1-270 ; Romania, X, p. 465 et suiv. : XII, p. 459, etc. Cf. Histoire de la littérature française du moyen âge.
  107. Ce serait un souvenir de l’époque même du Gereint historique, roi de Dumnonia, c’est-à-dire du Devon et du Cornwall.
  108. Nitze, The castle of the Grail : an irish analogue (Repr. from. studies in Honour of A. Marshall Elliot, I, p. 39). Nitze démontre que la source des descriptions de Chrétien-Wolfram est celtique mais qu’il a dû y avoir un intermédiaire latin.
  109. Cependant il est d’une grande importance de relever une remarque du narrateur gallois de Geraint, à propos du chevalier accompagné d’un nain discourtois (Voir trad.) : il portait une armure étrangère qui ne laissait pas voir son visage. Voilà un trait qui assurément ne peut être français (Cf. J. Loth. Des nouvelles théories. Rev. celt. XIII, p. 498).
  110. L. Rouge, p. 187, l. 28 ; Livre Blanc, p. 256.
  111. Dans Perlesvaux on a la curieuse étymologie : perd le val. Si Perceval a été compris de même, ce serait une forme picarde : per(d)ce val au lieu de per(d) le val. Le sens de Peredur est inconnu.
  112. Ferd. Lot, Erec (Romania, XXV, p. 588) ; v. plus bas.
  113. On a prétendu que la conception de la chevalerie errante était étrangère aux Celtes. Alfred Nutt a fait remarquer à plusieurs reprises et établi que l’esprit de la chevalerie errante était au contraire dominant dans la littérature de l’ancienne Irlande et entretenu par des institutions tout à fait analogues — dans leur essence, à celles de la chevalerie du moyen-âge. Esprit et institution florissaient sûrement chez les anciens Brittons aussi bien que chez les Irlandais.
  114. Archæol. Cambr., XIX, 3e sér., p. 147. Cf. Stephens, Literature of the Cymry, p. 413.
  115. On trouvera un certain nombre de rapprochements de ce genre dans nos notes. Cf. J. Loth, Rapprochements entre l’épopée irlandaise et les traditions galloises. (Revue celtique, XI, 345.) On peut consulter particulièrement à ce point de vue, outre les ouvrages cités d’Alfred Nutt, Brown, Nitze et d’autres qui seront mentionnés plus bas. les ouvrages suivants de John Rhys : Lectures on the origin and Growth of religion as illustrated by celtic Heathendom, London, 1888 ; Arthurian Legend, Oxford, 1891 ; Celtic Folklore, welsh and manx, 2 vol., Oxford, 1901.
  116. J’ai publié depuis dans la Revue celtique divers articles sur ce sujet (Revue celtique, XXV, 94, 267 ; XXIII, 349 ; v. aussi Romania, XIX, 435 ; XXIX, 121 ; XVIII, 281). J’ai commencé récemment la publication d’une série de Contributions à l’étude des romans de la Table Ronde. Cinq ont paru : I Le drame moral de Tristan et Iseut est-il d’origine celtique ?II. Le bouclier de Tristan. — III. Les noms de Tristan et Iseut. (Revue celtique, XXX, 270 ; ibid., XXXII, 2° et 3° fasc.). — IV. Remarques diverses au Mabiu. — V. Le Cornwall et le Roman de Tristan. Revue Celt. 1912).
  117. Pour les travaux de Gaston Paris, v. plus haut., p 43, note 7 ; p. 51, note 2 ; p. 53. note 1 ; p. 55, note 1. Pour ceux d’É. Philipot, v. p. 48, note 1 ; 56, note 7.
  118. Celtica (Romania, XXIV, 321) — Études sur la provenance du cycle arthurien (ibid., XXIV, 417 ; XXV, 588) Nouvelles théories sur la provenance du cycle arthurien (ibid., XXVII, 529 ; XXVIII, 1, 21 ; XXX, 1) — Nouveaux essais sur la prov. du cycle d’Arthur (ibid., XXVIII, 1). Études sur Merlin, Rennes. 1900.
  119. Le roman de Tristan de Thomas, 2 vol., Paris, 1902.
  120. Le roman de Tristan de Béroul, Paris, 1903.
  121. Les derniers travaux allemands sur la légende du saint Graal (Revue Celt., XII, p. 181). Folklore Journal, II, IV, V etc. The voyage of Bran, son of Febail to the land of Living, an essay upon the irish vision of the happy Other-World and the celtic doctrine of Rebirth, 2 vol., London, 1895-1897.
  122. Welsh traditions in the Layamon’s. Brut (University of Chicago Press) — The round Table before Wace (Studies and notes, VII, p. 189). V. plus haut. p. 48, not. 3 ; p. 49, notes 9 ; 52, note 2 ;
  123. The lay of Guingamor (Harvard studies and notes, IV, 1895. V. 236 — The lays of Graelent and Lanval, and the story of Wayland (repr. from the public. of the modern Lang. Assoc. of America, XV, n° 2). Baltimore, 1900 — Chaucer’s Franklin’s. Tale (ibid., XVI, n° 3). Baltimore, 1901 — English litterature from the Norman Conquest to Chaucer, 1906 — Studies on the Li beaus Desconnens (Harvard studies, IV, 1895).
  124. Arthur and Gorlagon (repr. from the Studies and Notes in Phil. and Liter., VIII). Boston, 1903.
  125. The legend of the holy Grail. Cambridge, man. 1902. King Arthur and the Round Table, 2 vol., 1897). (Je cite à titre de document, les opinions de l’auteur étant insoutenables).
  126. Studies in the fairy mythology of Arthurian Romances, Boston. 1902.
  127. The Legend of sir Perceval, Studies upon its origin. development and position in the Arthurian cycle, 2 vol., London, 1906-1909. — Arthurian Romances unrepresented in Malory ; 4 vol., London, 1898-1902 (I. Sir Gawain and the Green Knight. II. Tristan and Iseult. III. Guingamor, Lanval, Tyolet, the Werewolf. IV. Morien : Tristan et Iseult est traduit de Gottfried de Strasbourg, les 4 lais sont traduits du français ; Morien est traduit du hollandais) — The legend of sir Lancelot du Lac. London, 1901.
  128. Arthurian material in the chronicles (Studies and notes X).
  129. Beziehungen zwischen französ und Kellische litter. in Mittelalter. Zeitschrift für vergl. Litterat. Geschichte, 1890. LII. Parzival und der Grall, München. 1908. V. plus haut., p. 49, note 5.Tristan und Isolde, in der Dichtungen des Mittelutters und der neuen zeit. Leipzig, 1907.
  130. Principalement : Bretonische Elemente in der Arthursage des Gollfried von Monmouth Zeitschr. für franzos. Spr. XII, 1) — Beiträge zur Namenforschung in den allfranzös. Arturepen (ibid., 189). Cf. Göting. gel. Anzeigen (10 juin 1890 ; 1er octobre 1890). Nennius vindicatus, Berlin, 1893 (Cf. J. Loth, Revue celt., X. 357 ; XVI, 267).
  131. L’idée de le guérison du roi Pêcheur parla vengeance est profondément celtique. En vieil irlandais, l’idée de payement, acquittement d’une dette est exprimée par le même mot : iccaim signifie : je paye et je guéris ; de même iachau en gallois (Anc. L. I, p. 466).
  132. Hartland, Primitive paternity, 1909, tome I, p. 183.
  133. Sur ces questions, v. J. Loth, Des théorie nouvelles sur l’origine des romans arthuriens. Revue celt., XIII, p. 502-503.
  134. a et b D’après Cligès, Chrétien a fait un voyage en Angleterre. Gaston Paris n’est pas éloigné de croire qu’il en a fait deux. En tout cas, ce n’est pas dans la région où se placent les trois romans qu’il a voyagé. À part deux ou trois exceptions, il ne connait avec précision que le sud-est et les environs de Londres. Cf. G Paris, Journal des Savants, 1902, p.302.
  135. À remarquer que dans Gereint, il est dit que les Français et les Saxons appellent Gniffret, Guvffret Petit, et les Cymry (Gallois) y Brenin vychan, (le petit Roi). V. plus bas ; Cf. J. Loth. Des théories nouvellesRevue celt., XIII, p. 298-301.
  136. Eliduc (Aliduc) est connu de Gaufrei (Historia X, 146) qui le place à Tintagol. La forme Tintaiol (aujourd’hui on prononce Tintadjol), indique une source française ou anglaise.
  137. J. Loth, Cornoviana I. Revue celt., 1911 ; fascicule 3.
  138. J. Loth, Le brittonique en Somerset (Revue celt., XX, 349). Cf. mots latins, p. 17-18, 17, note 3 ; p. 32, note 1.
  139. J’en ai donné des preuves dans mon article : Des nouvelles théories… Revue celt., XIII, p. 485-488 ; cf. Les études celtiques. Revue Intern. de l’Ens. sup., 1911, p. 23. Dans un texte de 960 (B. of Landav, p. 219), deux des fils de Nogui portent des noms saxons : Birtulf et Britilm. Il y avait des esclaves saxonnes chez les Gallois. Riataf (ibid., p. 1857), du temps de l’évêque Berthguin, achète une terre pro XXIIII et saxonica muliere, etc.
  140. À l’appui, Nutt compare le début de la Dame de la Fontaine jusqu’à la fin du récit et Kynon, au début. de Chrétien. Il est certain que la comparaison est tout à l’avantage du conteur gallois. En revanche, il y a un passage charmant dans le Perceval de Chrétien qui manque dans Peredur : c’est la promenade matinale de Peredur adolescent dans la forêt. Cependant nulle part, le sentiment de la nature n’est aussi profond que chez les bardes gallois. D’ailleurs le conteur gallois n’exprime-t-il pas d’un mot ce qu’a développé Chrétien lorsqu’il nous montre ses héros partant dans la jeunesse du jour ?
  141. Silvan Evans, Llythyraeth y Cymry, p. 7.
  142. Literature of the Cymry, p. 408. Stephens, se fondant sur la description exacte, à ce qu’il paraît, de Cardiff dans Gereint et Enid, suppose qu’il était l’auteur du roman ; ce qui est impossible.
  143. Gaston Paris, Hist. litt. de la France, XXX, p. 10.
  144. The Book of Llandav, éd. Gwenogvryn Evans, avec la coopération de John Rhys, Oxford, 1893, p. 247-252 ; 312-352.
  145. Historia, IIL, 19. Ce nom peut être rapproché de celui de Blegywryd, architecte de Llaudav, jurisconsulte et savant éminent, qui fut chargé par Howel Dda, de la rédaction du code de lois qui porte son nom (Ancient Laws and Institutes of Wales, éd. Auneurin Owen, p. I, p.343). La forme du Book of Llandav est Bledecuirit et Bledcuvrit (p. 222, 230) : p. 219. Il est aussi qualifié de famosissimus ille vir Bledcuirit (année 960). La forme plus ancienne serait Bled-cobrit ou Bled-cowrit.
  146. Wauchier de Dennin and Bleheris, Romania, 1905, p. 1011-106.
  147. Sur l’identité de Bledri, v. Revue Celtique, 1911, p.5 et 1912.
  148. Cf. J. Loth, Triades humoristiques, morales et politiques des Gallois, texte et tradition, dans Annales de Bretagne, V, 506, 632.
  149. Iolo manuscrits, a selection of ancient welsh manuscripts, made by the late Edward Williams (Iola Morganwg), with english translation and notes, by his son, Taliesin Williams, Llandovery, 1838.
  150. Pwyll. Il est encore question incidemment de ce personnage dans le Mabinogi de Manawyddan ab Llyr ; v. trad. Taliessin fait allusion à Pwyll dans un poème curieux connu sous le nom de Preiddieu Annwn ; le poète semble lui attribuer, à lui et à son fils Pryderi, la prison de Gwair (v. Kulhwch et Olwen, note). Dans le même poème est mentionné le chaudron de Pen Annwvyn, qui ne fait pas bouillir la nourriture du lâche (cf. Kulhwch et Olwen, note. Voir ce poème dans Skene, Four ancient books of Wales, II, p. 181, vers 9-24). Les Triades (Mabinogion, éd. Rhys-Evans, p : 807, l. 7) citent, parmi les trois puissants porchers de l’île, son fils Pryderi ; les porcs de Pryderi n’étaient autres que les sept animaux que Pwyll Pen Annwnn avait amenés en Dyved : d’après le Mabinogi de Math, fils de Mathonwy, ils auraient été envoyés en présent à son fils Pryderi par son ami Arawn, roi d’Annwvyn. Pwyll, d’après les Triades, les aurait donnés à Pendaran Dyvet, son père nourricier (v. trad. plus loin). Le nom propre Pwyll se retrouve en Armorique : Poyll. Cart. de Quimper, Bibl. nat., 9891., fol. 40 v°, XIVème siècle.
  151. Dyvet tire son nom du peuple des Demetae. Les Demetae occupaient le territoire qui a formé les comtés actuels de Carmarthen, de Pembroke et de Cardigan. Il en est question dans la vie de saint Samson (Mabillon, Acta SS., I, p. 165 ; Paul Aurélien, Revue celt., V. p. 413 et suiv., ch. II). Demett est le nom d’une paroisse importante de notre Cornouailles. (Cart. de Landevennec, p. 45) ; plus tard, au XIVème siècle, Ploe-Demet, auj. Plo-Zevet, près Quimper. L’étendue du territoire de Dyved a beaucoup varié. Il n’y avait à porter proprement ce nom que la partie comprise entre la Teivi, au nord-ouest, et la Tywy, au sud-est (Ancient laws, éd. Aneurin Owen, 1, 339, note ; Iolo mss p. 86). L’évêché de Menevie ou Saint-David’s s’étend sur à peu près tout l’ancien territoire des Demetae. Les Triades nous ont aussi conservé le souvenir de la puissance des Demetae lorsqu’elles mentionnent que les peuples de Cardigan et de Gwyr étaient des branches des Demetae. D’après notre Mabinogi, Pryderi, fils de Pwyll aurait ajouté à Dyved, trois cantrevs de Caermarthen et quatre de Cardigan. Mais, d’après le Mabinogi de Math (Trad. franç., plus bas), sa domination se serait étendue sur vingt et un cantrevs, ce qui supposerait à peu près tout le territoire de l’ancien royaume de Dinevwr ou Sud-Galles, moins Brycheiniog ou Breconshire (Powell, History of Wales, p. 17 et suiv. ). Les sept cantrevs propres de Pwyll ne comprennent que le comté actuel de Pembroke (cf. Giraldus Cambrensis, Itiner, I, 12), mais, au XIIIème siècle, Dyved a huit cantrevs (Myv. arch., 2e éd., p. 737). Les poètes désignent Dyved sous le nom de Bro yr hud, « le pays de la magie », expression qui trouve son explication dans le Mabinogi de Manawyddan ab Llyr (Cf. Dafydd ab Gwilym, poète du XIVème siècle, 2° éd., p. 320). Llewys Glyn Cothi, poète du XVème siècle, appelle aussi Dyved, Gwlad Pryderi ou le pays de Pryderi (p. 136, v. 150).
  152. Cantrev, mot à mot, cent habitations ou villas : Giraldus Cambrensis, Cambriae Descript., c. 4 : « Cantredus autem, id est cantrev, a cant quod centum, et tref, villa : composito vocabulo tam britannica quam hibernica lingua dicitur tanta terrae portio, quanta centum villas continere potest. » Le cantrev se subdivisait en cymmwd. Au XIIe siècle, Gwynedd ou le Nord-Galles comprenait 12 cantrevs, Powys 6, le sud du pays de Galles 29, parmi lesquels les 7 de Dyved (Girald. Cambr., Itiner., 1, 12). Sur l’étendue primitive du cantrev, v. Ancient Laws, I, p. 185-186 ; sur des traces certaines de cette division en Armorique, v. J. Loth, l’Émigration bretonne en Armorique, p. 228. Paris, Picard, 1883. Le Cymmod est devenu généralement le manor et le cantrev la Hundred.
  153. Arberth, cour princière, au sud-est du comté de Pembroke, sur les limites du Carmarthenshire. Un poète du XIIIe siècle, Einiawn Wann, appelle Llywelyn ab Iorwerth Llyw Arberth, ou le chef d’Arberth (Myv. arch., p. 233, col. 2). La hundred moderne de Narberth est formée de l’ancien cymmwd (commote en anglais) de Coed Rhath dans le cantrev de Penvro (Penbroke) et aussi du district d’Evelvre ou Velvrey dans le cantrev Gwarthaf, ainsi peut-être que d’un lambeau de terre à l’extrême nord-ouest qui n’appartenait à aucun de ces districts. Il n’y a jamais eu de hundred ancienne de Narberth (Egerton Phillimore, Owen’s Pembrokeshire p. 48, note 2).
  154. Glynn Cuch. La Cuch ou Cych est une rivière qui coule entre les comtés de Pembroke et de Carmarthen et va se jeter dans la Teivi entre Cenarth et Llechryd. Le glynn indique proprement un vallon étroit et boisé. Glen, en breton armoricain moyen, indique la terre, opposée au ciel.
  155. Llwyn Diarwya. Le mot llwyn signifie buisson, fourré (vieil armoricain, loin ; pluriel, loeniou. v. J. Loth, Chrestomathie bret. Annales de Bretagne, t. II, p. 401).
  156. Cette expression paraît correspondre à prime dans nos romans français de la Table Ronde, c’est-à-dire à la période de trois heures qui suit le lever du soleil.
  157. C’est là un trait bien gallois ; la réparation pour dommage offense, meurtre était tarifée dans les. lois, suivant le rang de l’intéressé.
  158. Annwvyn, ou Annwvn, ou Annwn, proprement un abîme, et souvent la région des morts, l’enfer (Kulhwch et Olwen, trad. franç. ; cf. Silvan Evans, Welsh dictionary). D’après lady Guest, on parle encore, en Galles, des chiens d’Annwvn ; on les entend passer, aboyant dans l’air, à la poursuite d’une proie.
  159. Arawn. Ce personnage figure à la bataille mythologique de Cat Goddeu. Il y est battu par Amaethon, fils de Don (v. Kulhwch et Olwen, trad., note).
  160. Le terme de compagnonnage serait plus exact, dans le sens qu’on lui attribuait assez souvent au moyen âge. Les compagnons étaient des chevaliers qui faisaient entre eux une association tant pour l’attaque que pour la défense de leurs personnes.
  161. Paile, drap de soie brochée, appelé souvent pane alexandrin, parce que c’est Alexandrie qui en était le dépôt, en usage surtout aux XIe et XIIe siècles (V. Quicherat, Hist. du costume, p. 153). La forme palis apparaît dans la Passion ; pali dans le Lai du Fresne.
  162. Cette expression a été probablement imitée de nos romans français : Raoul de Cambrai, v. 2468 :
    Plaine sa lance l’abat mort en l’erbois.
    (Société des anciens textes français.)
  163. On dirait un souvenir du vers de Virgile :
    Parcere subjectis et debellare superbos.
  164. Teulu ou llwyth, dans l’ancien pays de Galles, indique un véritable clan. D’après les Triades de Dyvnwal Moelmut, la famille comprenait tous les parents jusqu’au neuvième degré (Myv. arch., p. 927, 88).
  165. Le mot gallois gorsedd signifie proprement siège éminent, mais il désigne souvent un tertre qui servait de tribunal, comme le fait remarquer lady Guest. Le mont appelé Tynwald en Man a servi longtemps de siège aux assemblées judiciaires. La motte islandaise désignait à la fois l’assemblée, et la motte sur laquelle elle se tenait.
  166. Valet. Ce terme, dans notre traduction, n’a pas le sens actuel ; nous l’employons dans le sens qu’il avait au moyen-âge, de « jeune homme de condition honorable ». « La domesticité au XIIe siècle, » dit justement Paulin Paris, « dans les familles nobles, était une sorte d’apprentissage de la chevalerie réservée aux jeunes amis et aux parents du chevalier qui les entretenait. Au XVIIe siècle encore, l’emploi de fille de chambre et de compagnie était de préférence donné aux parentes les moins fortunées. (Les romans de la Table Ronde mis en nouveau langage, V, p. 186, note).
  167. On pourrait traduire l’expression galloise yrof i a Duw par entre moi et Dieu.
  168. Elle est donnée en mariage, après la mort de Pwyll, à Manawyddan ab Llyr, par son fils Pryderi. Le chant de ses oiseaux merveilleux qui charme pendant sept ans Manawyddan et ses compagnons au festin de Harddlech, dans le Mabinogi de Branwen, fille de Llyr, est célèbre dans les légendes galloises. Les Triades de l’avare disent : « Il y a trois choses qu’on n’entend guère : le chant des oiseaux de Rhiannon, un chant de sagesse de la bouche d’un Anglais et une invitation à dîner de la part d’un avare » (Myv. arch., p. 899, 29). Goronwy Gyriawg, poète du xive siècle, compare, pour la générosité, une certaine Gwenhwyvar à Rhiannon (Myv. arch., p. 333, col. 1).
  169. Heiveidd hen ou le vieux. Il y a plusieurs personnages de ce nom. On trouve dans le Mab. de Kulhwch et Olwen un Hyveidd unllen ou à un seul manteau (trad. française), mentionné aussi dans le Songe de Rhonabwy ; un Hyveidd, fils de Don, dans le Mab. de Math, fils de Mathonwy (trad. franç.) ; un Heveidd hir ou le Long, dans le Mab. de Branwen ; un Heveidd, fils de Bleiddig, dans les Triades ; ce dernier serait fils d’étranger et aurait régné dans le sud de Galles (Triades Mab., p.308, 20) ; il serait devenu saint. Les Annales Cambriae signalent à l’année 939 la mort d’un Himeid (= Hyveidd), fils de Clitauc. Un guerrier du nom de Hyveidd est célébré par Taliesin (Skene, Four ancient books of Wales, II, p. 150, v. 7 ; 190, 25 ; 191, 26). Dans le Gododin (Skene, Four ancient books, II, p. 64), il s’agit de Heveidd hir.
  170. D’après le Linguæ britannicæ dictionar. duplex, de Davies, ce jeu consistait à essayer de fourrer son adversaire dans un sac. C’est encore une expression proverbiale (v. Richards, Welsh dict., p. 251 : Chwareu broch ynghod) Dafydd ab Gwilym, dans une satire contre Gruffydd Gryg, lui dit que lui, Davydd, s’il veut aller dans le Nord, sera partout choyé ; « si toi, » ajoute-t-il, « tu viens dans le Sud, tu seras broch y’nghod, blaireau dans le sac, braich anghadarn, ô bras sans force » (p. 174).
  171. À en juger par les Mabinogion, les Gallois devaient faire grand usage de bains ; c’est confirmé par plusieurs passages des Lois, un notamment. Il n’est pas dû d’indemnité pour un incendie causé par un feu d’enneint (bains), si l’établissement est distant de 7 brasses des autres maisons du hameau (Ancient Laws, I, p.258). Le Brut Tysilio mentionne un établissement de bains chauds fondé à Caer Vaddon (Bath) par Bleiddyt (Myv. arch., p.441, col. 1). C’était un reste probablement des usages introduits par les Romains.
  172. Presseleu, aujourd’hui Presselly, désigne la plus haute chaîne de collines du comté de Pembroke. Il en est encore question dans Kulhwch et Olwen, Il s’agit ici d’un endroit précis dans le voisinage. C’est peut-être aujourd’hui Preselwy, nom d’une maison dans le voisinage de Neath. Il y a échange parfois entre les terminaison eu et wy (Ma[w]deu, pour Mawdwy. Oxford Bruts,. p. 408 : cf. Eg. Phil. dans Owen’s Pembrok., t. I, p. 448, note 2 : cf. trothwy et trotheu. ; aswy, aseu, etc.
  173. V. notes critiques.
  174. Gwent s’étendait depuis l’Usk jusqu’au pont de Gloucester (Iolo mss. p. 86), et se divisait en trois cantrevs : Gwent is coèd, ou « plus bas que la forêt ; » Gwent uch coed, ou plus haut que la forêt, et cantrev coch, ou « le rouge, » appelé aussi cantrev coch yn y Dena, ou « dans la forêt de Dean » (Myv. arch., p. 137). Gwent comprenait donc le Monmouthshire ; une partie du Ilerefordshire et du Gloucestershire. Le nom de Gwent vient de Venta (Venta Silurum).
  175. Teyrnon est un dérivé de Tiern, = vieux celtique Tigernos, « chef de famille, chef. » (Pour les dérivés armoricains, voy. Annales de Bretagne, 1887, t. II, p. 422. Cf. Rhys, Lectures on welsh. Philology, 2 édit., p. 33.) Twryf signifie bruit ; vliant est pour bliant, nom d’une étoffe dont il est souvent question dans les Mabinogion, sorte de toile fine ou de batiste. La forme bliant est insulaire ; en vieux français, c’est bliatt ou bliaut. On trouve en vieil anglais blihant, blihand et plus récemment, bleaunt. Le mot désigne, d’après Murray (a new engl. Dict.) une tunique ou vêtement de dessus, et aussi une étoffe de prix pour la confection de ce vêtement. Ce surnom bizarre vient d’une erreur du scribe (v. plus haut. Introd. ; cf. John Rhys, Arthurian Legend p. 283) ; il faut lire Twryv Liant, bruit des flots.
  176. Calan est un mot emprunté par tous les Bretons à l’époque de l’occupation romaine, et désigne le premier jour du mois (cf. le nom propre Kalan-hedre, Cart. de Redon). Cf. J. Loth, L’année celtique, p. 13 et suiv.
  177. Gwallt, « cheveux ; » euryn, « d’or. » Voy. la note à Pryderi.
  178. Ce passage est d’accord avec les lois. C’est à trois ans que le poulain devait être dompté et utilisé (Ancient laws, I, p. 262).
  179. Cylchaw Dyvet. Le cylch était une sorte de voyage circulaire du roi ou chef avec ses principaux officiers à travers ses Etats. C’étaient les tenanciers qui en faisaient tous les frais. Les hommes libres contribuaient seulement aux frais du circuit annuel que faisait après Noël le Penteulu, chef de famille, ou major domus. Les hommes d’Arvon et de Powys en étaient exempts (Voy. Ancient Laws, I, p. 16, 106, 359 ; II, 746 ; cf., sur ces usages, Ferdinand Walter, Das alte Wales, Bonn, 1859, p. 191, 199, 212, 213). Il y a une très curieuse pièce de vers du prince-barde de Powys, Owen Cyveiliog (1150-1197) sur le cylch de sa maison (Myv. arch., p. 192).
  180. La famille ou tribu de Pendaran est donnée comme une des trois familles de Cymry ou Gallois ; la première est celle des Gwenhwysson, ou hommes de Gwent ; la seconde, celle des Gwyndydiaid, ou hommes de Gwynedd et Powys ; la troisième, celle de Pendaran Dyved, c’est-à-dire des hommes de Dyved, Gwyr (Gower) et Ceredigiawn (Cardigan) (Myv. arch., p. 402, col. 2). Une autre triade nous apprend que Pryderi garda les porcs de Pendaran Dyved, son père nourricier, à Glynn Cuch (Myv. arch., p. 317, 7).
  181. Pryderi, « souci » (Breton arm. prederi). Il devient le compagnon de Manawyddan dans le Mabinogi de ce nom, et lui donne sa mère en mariage. Il est tué par Gwydion ab Don dans le Mab. de Math, fils de Mathonwy, sur les bords de la Cynvael, dans le Merionethshire, et enterré à Maen Tyvyawc. Le Livre Noir place sa tombe à Abergwenoli (Skene, Four ancient books, II, p. 29, 8). D’après les triades, c’est un des trois gwrddveichyat ou rudes porchers de l’île il garde pour Pendaran les sept porcs que son père Pwyll a donnés à Pendaran (v. la note à Pwyll). Le titre de porcher ne paraît avoir eu rien de dégradant (cf. le nom propre Winmochiat, Cart. de Redon, Annales de Bret., 1887, t. II, p. 430). Son nom est associé à celui de Manawyddan par Taliesin (Skene, Four ancient books, II, p. 155, v. 9 ; cf. ibid., p. 181, v. 10). Davydd ab Gwilym appelle Dyved la terre de Pryderi (O Fon hyd Bryderi dir, p. 170), de Mon (Anglesey), jusqu’à la terre de Pryderi), ainsi que Llewis Glyn Cothi. Les Iolo manuscripts font aussi mention de Pryderi, p. 258. Cynddelw, poète de la seconde moitié du XIIe siècle, compare Owain, fils de Madawc, roi de Powys, à Pryderi (Myv. arch., p. 159, col. 2.
  182. Cf. p. 110. note.
  183. Nourrir ici indique une éducation complète. Comme chez les Irlandais (voy. O’Curry, On the manners and the customs of the ancient Irish, II, p. 355 et suiv.) ; chez les Gallois l’habitude était d’envoyer l’enfant hors de la famille, au sens étroit de ce mot. L’éducation dans un autre clan devenait souvent l’origine d’une véritable alliance du nourri avec ceux qui avaient été élevés avec lui ; les Mabinogion le montrent en maint endroit. Quelque chose de semblable a existé sur le continent. On appelait, en vieux français, nourri celui qui avait passé sa jeunesse dans la maison d’un parent, ami ou patron (Paulin Paris, Les Romans de la Table Ronde, IV, appendice).
  184. Ystrad Tywi ou la vallée de la Tywi
  185. Ceredigyawn ou Seisyllwch. De même que Morganhwc tire nom de Morgant, Seissylwc ou Seissyllwch doit tirer son nom de Seisyll, ou plus anciennement Sitsyllt. Il y a plusieurs. personnages de ce nom ; le plus connu est Seisyll, roi de Nord-Galles, dont le fils Llywelyn joue un rôle important (voy. Brut a Tywysogion, à l’année 1020, Monum. hist. brit.). Une triade nous dit que Cynan Meiriadawc (Conan Meriadec) emmena au Lydaw des hommes de Seissyllwc et autres contrées (Myv. arch., p. 402, 14, Ceredigawn tire son nom de Ceretic. Voir t. II, app. généalogies, XXXII.
  186. Gwynn, « blanc ; » gohoyw, « enjoué, animé. »
  187. Gloyw, « clair. transparent » : gwallt lydan « chevelure étendue. »
  188. Casnar est aussi un. nom commun signifiant rage, fureur (v. Taliesin, ap. Skene, II, p. 123, 29) Gwledic dérivé de gwlat, « contrée, domaines, » arm. moy. gloat, « royaume ». gloedic, chef, duc (Revue celt., 1912, fasc. 2), a varié comme signification, mais a généralement le sens de roi, chef suprême. Llywelyn Vardd, qui vivait entre 1260-1280, fait descendre le célèbre prince Liywelyn ab lorwerth de Llary, fils de Casnar (Myv. arch., p. 247, col. 1).
  189. Le même terme est usité dans les romans français de la Table Ronde. Le mot gallois ceing signifie proprement une branche d’arbre. Un poète du XIVe siècle, Davydd y Coet, appelle l’Elucidarius, eur-ddar, « chêne d’or ou précieux, » (Eur-ddar y Lucidarius, Myv. arch., p. 398, col. 1.)
  190. Branwen. Il y a eu, disent les Triades, trois soufflets causés par la colère : celui que donna l’Irlandais Matholwch à Branwen, celui de Gwenhwyvach, à Gwenhwyvar, femme d’Arthur, ce qui amena la bataille de Camlan ; le soufflet de Golyddan Vardd, ou le barde, à Cadwaladyr le béni (Triades Mabin., p. 301, I. 16 ; la triade 51, Myv. arch., p. 392, fait donner le deuxième soufflet à Medrawt par Arthur. (Voy. la note à Arthur, dans le Mab, de Kulhwch et Olwen). Un poète de la fin du xive siècle, Yr Iustus Llwyd, fait une allusion aux noces de Branwen (Myv. arch., p. 367, col. 2). Dafydd ab Gwilym compare le teint d’une de ses maîtresses à celui de Bronwen, fille de Llyr. Lady Guest rapporte, d’après le Cambro-briton, II, p. 71, 1821, qu’on découvrit, en 1813, sur les bords de l’Alaw, en Anglesey, dans un endroit appelé Ynys Bronwen, ou l’île de Bronwen, sous un tumulus, une urne funéraire contenant des cendres et des ossements.
  191. Bran le béni doit son surnom, d’après les Triades, à ce qu’il apporta le premier la foi chrétienne aux Kymry, de Rome, où il avait passé sept années comme otage avec son fils Caradawc (Caratacos), pris par les Romains à la suite de la trahison d’Aregwedd Voeddawg. Les deux autres inspirés et bénis sont : Lleirwg ab Coel ab Cyllin, surnommé Lleuver mawr, grande lumière, qui bâtit la première église à Llandaf, et Cadwaladr le béni, qui accorda un refuge sur ses terres et sa protection aux chrétiens fuyant les Saxons (Myv. arch., p. 404, 35). Il est rangé aussi à côté de Prydain ab Aedd Mawr, et Dyfnwal Moelmut, parmi les trois fondateurs et législateurs du royaume de Bretagne (Ibid. ; p. 404, 36). Le Mabinogi de Branwen, plus bas, nous le montre ordonnant de lui couper la tête, et de la cacher dans la colline blanche, à Londres. Ce fut, disent les Triades, une des trois bonnes cachettes, avec les os de Gwerthevyr (cf. Nennius, Hist., 47 ; cf. Gaufrei de Monm., Hist., VI, 14) enfouis dans les principaux ports de l’île, et les dragons cachés par Lludd à Dinas Emreis (voy. le Mab. de Lludd et Llevelys). Ce fut une des trois mauvaises découvertes, quand on la découvrit. Ce fut Arthur qui la déterra, ne voulant devoir la défense de l’île qu’à sa valeur : il ne devait pas y avoir d’invasion tant qu’elle resterait cachée. Ce fut Gwrtheyrn qui, par amour pour la fille de Hengist, déterra les dragons et les os de Gwerthevyr (Triades Mabinog., p. 300). Bran est la tige d’une des trois grandes familles de saints ; Cunedda et Brychan sont les deux autres (Rees, Welsh saints, p. 77 ; Iolo mss., p. 100, p. 8, p. 40). Un poème des Iolo mss., p. 307, attribué à Rhys Goch, poète du xive siècle, fait cacher la tête de Bran dans le bois de Pharaon, ou Dinas Emrys, près Beddgelert, Carnarvonshire, et non les dragons. Son nom revient souvent chez les poètes (Livre Noir, ap. Skene, Four anc. books, p. 55 : dans le dialogue de Gwyn ab Nudd et de Guiddnev, un des interlocuteurs dit qu’il a été là où Bran fut tué). Taliesin prétend qu’il a été avec Bran en Iwerddon, et qu’il a vu tuer Morddwyd Tyllon, (Skene, 154, 27) ; Llywarch ab Llywelyn, poète du xiie siècle, compare Gruffudd ab Cynan à Bran, fils de Llyr, (Myv. arch., p. 205, col. 1). Bran, corbeau, est un nom fort commun chez tous les Celtes (On trouve sept ou huit Bran et des noms qui en sont dérivés dans le Cartul. de Redon).
  192. . Llyr Lledieith, ou au demi-langage, ou au langage à moitié étranger, est un personnage dont il est fréquemment question. D’après les Triades (Mab., II, p. 306, 9), c’est un des trois principaux prisonniers de l’île de Bretagne (Voir Kulhwch et Olwen, note à Mabon, fils de Modron). Il aurait été emprisonné avec sa famille par Euroswydd et les Romains. Les Iolo mss. lui font chasser les Romains du sud de l’île, les Gaëls du nord du pays de Galles, les Armoricains de Cornouailles (p. 83). On distingue plusieurs Llyr : Llyr Lledieith, Llyr Merini, et enfin Llyr, fils de Bleidyt, que Gaufrei de Monmouth a popularisé, surtout grâce à l’histoire de ses filles Gonorilla, Regan et Cordélia (Hist., II, 11 ; Brut. Tysilio, Myv. Arch. p. 440 et suiv.). L’histoire des enfants de Lir est une des trois histoires douloureuses chez les Irlandais (O’Curry. On the manners, II, p. 325). Llyr, chez les Gaëls comme chez les Bretons, signifie les flots, la mer. Était-ce le Neptune celtique ? Le passage cité plus haut, du Livre Noir, tendrait à le confirmer : « Bran, fils de Y Werydd, à la gloire étendue. » Y Werydd signifie l’Océan, et semble s’appliquer plus spécialement au canal de Saint-Georges.
  193. Voir le début du Mab, de Lludd et Llevelys.
  194. Harddlech, aujourd’hui Harllech, sur la côte, dans le Merionethshire. Suivant lady Guest, Harlech porterait aussi le nom de Twr Bronwen, ou la tour de Bronwen.
  195. Ardudwy était un cymwd faisant partie du cantrev de Dinodic en Arvon (Myv. arch., p. 735). Silvan Evans, dans son English-Welsh Dict., donne à l’article sea-side, à Ardudwy, le sens de bord de la mer.
  196. Voy. le Mabinogi qui porte son nom.
  197. Beaucoup d’écrivains gallois, lady Charlotte Guest notamment, ont identifié ce personnage avec le général romain Ostorius ; l’identification des deux noms est phonétiquement impossible. Voy. la note à Llyr.
  198. Beli le Grand, fils de Mynogan, aurait régné en Bretagne trente-neuf ou quarante ans. C’est le père de Lludd et de Caswallawn, dont on peut identifier le nom avec celui de Cassivellaunus. De la mort de Beli jusqu’à Llyr, dont le fils apporta la foi en Bretagne, il se serait écoulé cent vingt ans (Iolo mss. p. 37, 38 ; Brut Tysilio, Myv., p. 448, col. 1 ; Gaufrei de Monmouth, Hist., III, 20). Une triade lui attribue l’honneur d’avoir étouffé une conspiration contre la sûreté de l’île (Myv. arch., p. 401, 11). Taliesin le célèbre (Skene, Four ancient books of Wales, 204, 28) ; il lui attribue sept fils (ibid., 202, 9). Voy. le début du Mabinogi de Lludd et Llevelys.
  199. Iwerddon est aujourd’hui le nom gallois de l’Irlande. Il dérive de la même forme vieille celtique que le nom que les Irlandais eux-mêmes donnent à leur pays : nominatif Ériu, accus. Erinn.
  200. Mot à mot, le soc : swch, proprement soc de charrue et primitivement aussi probablement groin, comme l’irlandais socc. Dans l’épopée irlandaise le bouclier dans le combat mugit. V. J. Loth. Revue celt. 1911 : Le bouclier de Tristan.
  201. Voir la note à Branwen, et le Mabinogi de Math.
  202. Ynys y Kedyrn, « l’île des Forts. » Ce nom revient souvent dans les Mabinogion, et semble ailleurs d’un emploi assez rare. Suivant une triade (Myv. arch., p. 400, 1), l’île a porté trois noms : celui de Clas Merddin avant d’être habitée ; celui de Y vel ynys, « l’île de miel », après, et enfin, le nom de Ynys Prydein, après sa conquête par Prydain ab Aedd mawr. D’après une autre triade (Myv. arch., p. 388, 1), on lui donna, après sa colonisation par Bryt (Brutus), le nom d’Ynys Bryt.
  203. Les Triades ne la nomment pas parmi les dames célèbres de l’île.
  204. Aberffraw, au sud de l’île d’Anglesey, à l’embouchure d’une petite rivière comme l’indique le mot aber, « embouchure », a été au moins depuis le VIIIe siècle jusqu’à la chute de l’indépendance galloise, la résidence principale des rois de Gwynedd ou Nord-Galles. C’était le chef-lieu d’un cantrev du même nom. Mon, que les Anglais appellent Anglesey, avait une importance considérable surtout à cause de sa fertilité qui, au témoignage de Giraldus Cambrensis, l’avait fait surnommer la mère de la Cambrie.
  205. Evnys, en gallois, signifie hostile, ennemi, fâcheux.
  206. Il faut peut-être lire Anarawt, nom bien connu. Les Iolo mss., p. 258, mentionnent un roi de Gwynedd, ou Nord-Galles de ce nom. D’après une triade, c’est un des trois taleithiawc, « roi porte-diadème, » avec Cadell, roi de Dinevwr ou du Sud, et Mervin, roi de Mathraval ou Powys (Myv. arch, p. 405, col. 2). Les Annales Cambriae mentionnent la dévastation de Cereticiawn et de Ystrattui. (Ystrad Tywi) par Anarawt et les Saxons. Anarawt meurt en 915 ; d’après le Brut y Tywysogion, c’est un fils de Rodri ; il est qualifié de Rex Britonum (Monum. Hist. brit., p. 846, 847).
  207. Unic, « seul, unique ; » glew, « vaillant ; » ysgwydd, « épaule »
  208. 'Wyneb-werth, mot à mot prix du visage. Visage et honneur sont synonymes chez les Celtes (voy. Kulhwch et Olwen). La compensation s’appelait, en Irlande, log enech, « prix du visage ; » l’enech ruice ou outrage était proprement la rougeur du visage causée par un acte attentatoire à l’honneur de la famille ; enechgris, qui a un sens analogue, indique que le visage devient pâle ou blanc par suite d’une injure. La forme bretonne armoricaine de wynep-werth est, au ixe siècle, enep-uuert [h] (Cart. de Redon) ; mais ce mot avait chez nous un sens moins général : c’était le don offert par le mari à sa femme après la consommation du mariage, la compensation pour la virginité. Le mot actuel enebarz, « douaire », est le représentant moderne d’enep-werth. Comme l’a fait remarquer lady Guest, le Mabinogi est ici à peu près d’accord avec les lois ; la compensation pour un outrage fait au roi d’Aberffraw ou du Nord-Galles consistait en : cent vaches par cantrev, avec un taureau blanc aux oreilles rouges par cent vaches ; une verge d’or aussi longue que lui et aussi épaisse que son petit doigt ; un plat d’or aussi long que son visage et aussi épais que l’ongle d’un laboureur qui laboure depuis sept ans (Ancient Laws, I, p. 7). On a ici wyneb-warth ; il semble qu’il y ait là une tentative d’étymologie populaire : gwarth, en effet, en gallois, signifie honte, déshonneur.
  209. Voyez le Mabinogi de Kulhwch et Olwen ; voir plus haut la note à Pwyll Penn Annwvyn.
  210. Voy. la note au mot cantrev, p. 82.
  211. L’auteur y voit le mot tal, « payement, » et ebolyon, « poulains » (armor. ebeul). Chez un poète du xiie-xiiie siècle, Davydd Benvras, on trouve la forme Tal y bolion (Myv. arch., p. 222. col. 1. ) Talybolion ou Talebolion était un cymmwd du cantrev de Cemais on Mon (Anglesey), d’après Powell. La Myv. arch., range Cemais ou Cemmaes avec Talebolion parmi les Cymmwd du cantrev d’Aberffraw (Myv. arch., p. 735).
  212. Un épisode semblable se trouve dans le morceau épique irlandais, Mesca Ulad or The Intoxication of the Ultonians, Todd Lectures ser., vol. I, part. I. (J. Loth. Revue Celt., 1890, p. 345.)
  213. Aber Menai, l’embouchure de la Menai, ou du détroit entre l’île d’Anglesey et le continent. Aber Menai désigne la sortie sud du détroit.
  214. Kymry ou Kymru, et non Kymri, le pays de Galles. Le singulier est Kymro, qui suppose en vieux celtique Com-brox, pluriel Com-broges, « gens du même pays, compatriotes », nom que se sont donné, vers le VIIe siècle, les Bretons en lutte avec les Saxons. Kymry a compris non seulement le pays de Galles actuel, mais encore le nord de l’Angleterre breton jusqu’à la Clyde ; le nom de Cumberland en vient. Cette extension du pays des Kymry a amené les auteurs des romans français de la Table Ronde à placer en Nord-Galles des villes du nord de l’Angleterre, Longtown, par exemple (Longuetown), qui est située à l’extrémité septentrionale du Cumberland (Paulin Paris, Les Romans de la Table Ronde, I, p. 280). Sur Kymro et Kymry, v. J. Loth. Revue celt. XXX, p. 384.
  215. Le corwc ou corwg était un léger bateau en usage chez les pêcheurs de Galles, d’Écosse et d’Irlande. Il avait la forme ovale, était fait d’osier ou de baguettes entrelacées et recouvert de cuir, de peau de cheval ou de toile goudronnée. Assis au milieu, le pêcheur pouvait ramer d’une main et manier ses filets de l’autre. Arrivé à terre, il emportait son corwc sur son dos. Ce canot était en usage sur les rivières surtout (Richards, Welsh Dict. ). Le mot irlandais est curach.
  216. Dans le lai de Milun de Marie de France, Milun se sert d’un cygne pour le même ministère (éd. Warncke, p. 158).
  217. Ce nom désigne une ancienne forteresse romaine, près de la ville actuelle de Carnarvon. La rivière à l’embouchure de laquelle est située cette ville, porte le nom de Seint. Seint a été plus anciennement Segeint (Nennius ap. Petrie, Mon. hist. brit., p. 54), qui représente exactement le Segontium de l’époque romaine.
  218. Arvon, ou le territoire en face ou auprès de Mon (Mon, Anglesey) ; le mot est composé comme Arvor, territoire près de la mer. Arvon formait une des trois subdivisions de Gwynedd ou Nord-Galles ; les autres étaient Mon et Meirionydd (Merioneth). Arvon répond au Carnarvonshire actuel.
  219. Cradawc ou Caradawc = Caratâcos ; ce nom a été maladroitement changé, par les éditeurs, en Caractacus. On a confondu sans doute plusieurs personnages sous ce nom. Les chroniqueurs gallois n’ont pas manqué de l’identifier avec le Caratacus ou Caractacus de Tacite et de Dion Cassius, le fils de Cunobelinos, le brave et généreux chef des Silures, livré au Romains par la reine des Brigantes, Cartismandua (Tacite, Ann., XII, 33-7 ; Dion Cassius, IX, 20, 21). Dans les Triades, c’est un des trois monarques de l’île, choisis et établis par serment, avec Caswallawn ab Ludd ab Beli et Owen ab Macsen Wledig (Myv. arch., p. 402, 17 ; ab ou ap a le sens de map, fils). D’après une autre triade (ibid., p. 404, 34), c’est pour diriger la défense contre les Romains qu’on lui donna la royauté. C’est aussi un des trois braves de l’île avec Cynvelyn (Cunobelinos) et Arthur (ibid., p. 403) ; un des trois chefs de guerre avec Caswallawn, fils de Beli, et Gweirydd, fils de Cynvelyn (ibid., p. 403, 24). Il est livré aux Romains par Aregwedd Voeddawg, fille d’Avarwy ab Lludd, que les chroniqueurs ont identifiée avec Cartismandua (ibid., p. 403, 22). Une triade, qui est l’écho d’une tradition semblable à celle que nous a conservée notre Mabinogi, nous dit que c’est un des Cynweisiaid ou premiers serviteurs (cf. Taliesin ap. Skene, 156, 9) de l’île. Notez qu’ici comme ailleurs, lorsque Skene est cité sans autre référence que les chiffres suivant son nom, il s’agit des Four anc. Books of Wales, tome II) que les ) de l’île ; les autres sont Cawrdaf, fils de Caradawc Vreichvras, et Owain ab Macsen Wledig ; on les appelait ainsi parce qu’il n’y avait pas en Bretagne un homme qui ne se levât à leur appel et qui ne fût prêt à les suivre (ibid., p. 404, 41). Caradawc est le héros d’un curieux récit des Iolo mss., p. 185 et suiv. Il est roi d’Essyllwg, pays des Silures, et bat les Romains. Ceux-ci attribuant leur défaite à la constitution du pays qui est couvert de bois et de fourrés, il détruit les bois pour leur montrer qu’il ne doit le succès qu’à sa seule vaillance. Manawyddan ab Llyr bâtit, à l’intention des traîtres, une prison avec les os des Romains tués (voy. Kulhwch et Olwen, note à Caer Oeth et Anoeth. )
  220. Edeirnion, kymmwd du Cantrev y Barwn en Powys (Myv. arch., p. 35).
  221. 'Seith marchawc : seith a aussi le sens de saint ; aussi le sens de Saint Marchawc, pourrait bien être le sens véritable et ancien. Saint Marchoc a donné son nom à Lo-marec en Crach (Morbihan).
  222. Voy. Manawyddan, fils de Llyr
  223. Ce passage, singulier, si le texte n’est pas altéré, me semble éclairci par un poème de Iorwerth Beli, poète de la seconde moitié du XIVe siècle, à l’évêque de Bangor. Il se plaint à lui de ce qu’il néglige les poètes pour les musiciens. Il lui rapporte pour prouver la supériorité des poètes sur les musiciens, que Maelgwn, se rendant à. Caer Seion, emmena avec lui tout ce qu’il y avait de chanteurs et de musiciens (a oedd o gerdd arwest ar gerddorion), et qu’il força tous les gens de sa suite à nager pour atteindre Caer Seion. Les harpistes, dit le poète, ne valaient plus rien après cette épreuve, tandis que les poètes composaient tout aussi bien. (Myv. arch., p. 317, 318).
  224. Le récit épique irlandais. Togail Bruidne Dá Derga, présente un épisode semblable (J. Loth, Rev. celt., 1890, p. 347-348).
  225. C’est la Shannon ; en irlandais Sinon. D’après des expériences faites au collège de France, ll gallois (l sourd), au début de son articulation, donne le tracé de s. Il est remarquable aussi que des enfants, en Galles, jusqu’à l’âge de 2 à 3 ans, prononcent s au lieu de ll.
  226. Ce proverbe se trouve encore dans tous les recueils de proverbes gallois (A vo pen bid pont, Myv. arch., p 839, col. 1). Il y a trace d’une croyance semblable dans la littérature boudhique de l’Inde. Un chef de singes sauva sa troupe en lui faisant de son corps un pont (Henri Kern, Aus des Ind. und der Kelt. Sagenwelt, Rev celt., 1896, p, 295).
  227. Gwyddyl, singulier Gwyddel, est le nom que les Gallois donnent aux gens de race gaëlique (Irlandais, Écossais des hautes terres et habitants de l’île de Man). C’est le nom national de ces peuples, vieil irlandais Góidel, irl. moderne Gaedheal, qui se prononce à peu près comme Gael. On voit que ce nom n’a rien à faire avec celui de prétendus Galls qui auraient envahi la Gaule avant les non moins fabuleux Kymry.
  228. Englyn, épigramme, stance, un des trois principaux mètres gallois (V. Dosparth Edeyrn Davod aur, LXVI, LXVII). La Myv. arch., p. 331, col. 2, nous donne une version de deux Englyn, au lieu d’un, tirés eux aussi des Mabinogion, d’une autre source par conséquent. Le premier ne semble pas se rapporter directement à ce passage : « J’ai entendu une grue jeter des cris dans le marais, loin des maisons ; celui qu’on n’écoute pas peut se taire ( ?) »
  229. Il y a peut-être ici la même idée que dans le Gododin (Skene, Four, anc. books, II, p. 100, 26) : Pan esgynnei bawp, ti disgynnut. « Quand chacun montait à cheval, toi tu descendais », c’est-à-dire, quand on se retirait en hâte, quand on fuyait, toi, tu restais.
  230. Morddwyd, cuisse ; armoricain ; morzed ou morzad ; tyllion parait être un dérivé de twll, trou. Taliesin fait allusion à ce personnage : « J’ai été avec Bran en Iwerddon, j’ai vu tuer Morddwyt Tyllon (Skene, Four ancient books ; II, p. 275).
  231. V. les notes critiques. Gwern est le nom du fils de Mathollwch.
  232. Eil Taran, fils de Taran ; taran, tonnerre ; le dieu gaulois du tonnerre était Taranus.
  233. Taliessin ou Teliessin penbeirdd, Taliesin, chef des bardes. D’après Nennius, éd. Petrie, Monum. hist. brit., p. 75, Taliesin aurait vécu au VIe siècle. On ne sait de sa vie rien de certain. Dans un curieux poème du Livre noir, où il converse avec Ygnach, il dit qu’il vient de Caer Seon, près Carnarvon, se battre avec Itewon (les Juifs ?) et qu’il va à Caer Lew et Gwydyon. Ygnach l’appelle penhaw o’r gwyr, le premier des hommes (Skene, Four anc. books, p. 56, xxxv). Dans les poèmes donnés sous son nom et qui sont peut-être, à certains égards, les plus curieux de la littérature galloise, il célèbre surtout Urien, Elphin, Kynan, dont le premier au moins passe pour avoir été un roi des Bretons du nord. Il y est souvent question aussi de Gwydyon, roi de Gwynedd du Nord-Galles, personnage mystérieux, plutôt mythologique que réel. Il n’est pas sans intérêt de remarquer qu’il célèbre un héros irlandais, Conroi, fils de Daere. Si tous les poèmes mis sous son nom lui appartiennent, il est sûr qu’il a vécu eu milieu des Gaëls, ce qui confirmerait la légende d’après laquelle il aurait été esclave en Irlande. Pour plus de détails, voir sa vie annexée par lady Guest aux Mabinogion, III. Taliesin est un nom propre connu aussi on Armorique (Petrus dictus Taliesin, Cart. de Quimper, bibl. nat., 9892, fol. 23 v°, année 1325 ; Petrus Yvonis Talgesini, ibid., fol. 21 r°, 1331 ; Talgesin, ibid., fol. 79 r°, t. III, 14).
  234. ’Brynn, colline, armor. bren ; et gwynn, blanc, arm. anc. win, auj. gwen. Le féminin gallois est gwen (gwynn = vindos ; gwenn = vindā (Rhys, Lectures on Welsh Philology, 2ème éd., p 115). D’après lady Guest, ce serait la Tour de Londres. Un poète de la fin du XIIe siècle, Llywarch ab Llywelyn, plus connu sous le nom de Prydydd y Moch, en parle comme d’un lieu célèbre (Myv. arch., p. 200, col. 1).
  235. Gwales parait bien être Gresholm en Pembrokeshire (Rhys, Arthurian Legend, p. 269, 394, note).
  236. ’Penvro (mot à mot bout du pays). Le comté primitif de Pembroke (Pem-brog), paraît avoir correspondu à peu près à la hundred actuelle de Castlemartin, qui comprend deux des trois cymmwd dont se compose l’ancien cantref de Penvro, ceux de Penvro et de Maenor Byr (Manorbeer) : Cf. Egerton Phillimore Owen’s Pembrok. I, p. 153, note 3. Il y avait un autre Pembro en Cornwall : c’était le nom laïque de la paroisse de Saint-Breage.
  237. Aber Henvelen, ambassadeur. Les ms. portent Henveleu. Egerton Phillimore (Owen’s Pembrok. II, p. 410 note 42), suivant en cela John Rhys, l’identifie avec Clovelly, au nord du Devon : Clovelly pour clodd velly (gallois, clawdd (tranchée) ; hen serait l’article cornique en. Le cornique répondrait à la terminaison eu par ow ; hen est également invraisemblable pour en. Je n’ai pas hésité à lire Henvelen, à cause de deux textes où cette lecture est assurée. Taliesin (F. A. B. of Wales II, p. 153. 32) nous dit : J’ai chanté devant les enfants de Llyr à Ebyr (pluriel d’aber) Henvelen : la rime finale est en -en. De même Cynddelw, dans la seconde moitié du XIIe siècle nous parle des flots de Henvelen : Henvelen rime avec Maxen et Wryen Myv. Arch. 162. 1).
  238. Voir sur cet épisode, Introduction, p.65.
  239. Aber Alaw, embouchure de l’Alaw, rivière d’Anglesey.
  240. Caswallawn est identique comme forme au nom de l’époque romaine Cassivellaunus. Il est donné, dans les Triades, comme un des chefs luttant contre les Romains, comme un des chefs de guerre des Bretons ; les deux autres sont Gweirydd, fils de Cynvelyn et Caradawc ab Bran (Myv. arch., p. 403, 24). Il organise une expédition de soixante et un mille hommes pour aller enlever Flur, la fille de Mynach Gorr, à Mwrchan, prince gaulois ; il passe en Llydaw (Armorique), bat les Romains, reprend Flur et reste en Gwasgwyn, où ses descendants sont encore (Myv. arch., p. 402, col. 1 ; cf. Brut Tysilio, ibid., p. 449 et suiv. ; Gaufrei de Monmouth, Hist., III, 20 ; IV, 2, 3, 7, 9). C’est aussi un des trois amoureux de l’île ; il est, lui, amoureux de Flur ; les deux autres sont Trystan ab Tallwch, amant d’Essyllt, femme de March ab Meirchion, son oncle, et Kynon, amant de Morvudd fille d’Urien de Reged (Myv arch., p. 392, 53). C’est encore un des trois eurgrydd ou cordonniers-orfèvres, v. la note à Manawyddan, p.151. Le cheval de Caswallawn s’appelle Melynlas (jaune pâle), Livre noir, 10, v. 15.
  241. 'Notes critiques, à la page du texte 41 l.15
  242. Ce nom de Gwales représente l’anglo-saxon Wealas, Wales, nom sous lequel les Saxons désignaient les Bretons avec lesquels ils étaient en lutte. Les Germains ont appliqué en général cette dénomination à toutes les peuplades soumises à l’empire romain. Elle dérive de Volca, nom d’une population gauloise qui semble avoir joué un rôle très important dans les rapports des Celtes avec les Germains (Vieux-haut all., Walah = Volca) ; de Wales nous avons fait Galles (V. d’Arbois de Jubainville, Cours de littérature celtique, I. p. 11, d’après Gaston Paris). Ici Gwales désigne Gresholm (v. plus haut, note à Gwales).
  243. Réception ou hospitalité : v. Notes critiques.
  244. L’Irlande, anciennement, a été divisée en cinq parties Meath, Connacht, Ulster, Leinster et Munster (O’ Curry, On the manners, I, p. XCIX ; Joyce, a social history of Ireland, I. p. 36 et suiv. ).
  245. Comme les Scandinaves en Irlande, les Gallois fouillaient les tombeaux préhistoriques pour y trouver de l’or ; nous en avons la preuve, dans un document du XIIe siècle, le Livre noir de Carmarthen (Skene, F. a. b. II, p. 35, vers 5).
  246. C’est le même personnage que le Manannan, fils de Lir, des Irlandais (V. sur ce personnage O’Curry, On the manners, II, p. 198). Son nom dérive de Manaw, nom gallois de l’île de Man, qui désigne aussi une portion du territoire des Otadini (Manaw Gwotodin). Dans les Triades, c’est un des trois princes lleddv, obliques, ainsi appelés parce qu’ils ne recherchaient pas de domaines et qu’on ne pouvait cependant leur en refuser (Myv. arch., 304, 20 ; 404, 38) ; les deux autres étaient Llywarch Hen ab Elidir Lydanwen, et Gwgawn Gwron ab Eleufer Gosgorddvawr. Des poèmes des Iolo mss. (p. 263) lui attribuent la construction de la prison d’Oeth et Anoeth (v. Kulhwch et Olwen, p. 255, note 2). Dans le Livre Noir il devient compagnon d’Arthur et on y vante la sagesse de ses conseils (Skene, Four ancient books, II, p. 51, 7). Comme dans ce Mabinogi, il est donné par les Triades comme un des trois eur-grydd ou cordonniers-orfèvres : « Les trois cordonniers-orfèvres sont : Caswallawn, fils de Beli, quand il alla chercher Flur à Rome ; Manawyddan ab Llyr, pendant l’enchantement jeté sur Dyved ; Llew Llaw Gyffes, quand il alla avec Gwydyon chercher à avoir un nom et des armes d’Aranrot, sa mère » (Triades Mabin, p. 308, I. 14). Son nom paraît être associé à celui de Pryderi, sous la forme Manawyt, dans un poème de Taliesin (Skene, Four ancient Books, p. 155, v. 9).
  247. Lloegr ou Lloegyr est le nom que les Gallois donnent à l’Angleterre proprement dite, au sud de l’Humber.
  248. Nom gallois d’Oxford. Le terme gallois signifie gué des bœufs, et paraît une interprétation du nom anglo-saxon Oxnaford
  249. 'Calch lasar, émail. Calch signifie chaux, du latin calx, calcis. et aussi haubert (v. notes cric. ; cf. Myv. arch., p. 161, col. 2 ; 167, col. 2). L’étymologie donnée à lasar est une pure fantaisie.
  250. Poniarth : Llaesgygnwyt
  251. Cuir de Cordoue ; en vieux français cordouan.
  252. L’usage de peindre, gaufrer, dorer le cuir est ancien. D’après Viollet-le-Duc, on en trouve des exemples dès les premiers siècles du moyen âge. (Viollet-le-Duc, Dict., rais. du mob. fr, I.) Pour les trois cordonniers-orfèvres, v. la note à Manawyddan.
  253. Les expressions galloises de vénerie sont en général des traductions du français. À chaque pause que fait le porc Trwyth dans Kulhwch et Owen (voir les notes de ce conte), le texte dit rodes ar gyvarthva. Cette expression est inintelligible sans le secours des termes français de vénerie ; c’est la traduction galloise de l’expression rendre les abois, terme classique en usage quand le cerf ou le sanglier n’en peut plus et se repose (V. La Vénerie, par Jacques du Fouilloux, réimpression de 1844, Angers).
  254. Cf. tome II, la description de la fontaine enchantée dans Owen et Lunet.
  255. Dans les formes Lloegyr ou Lloeger, y et e sont de simples voyelles de résonance et n’ont rien d’étymologique.
  256. Au Tertre d’Arberth
  257. 'Canu, chanter : ce passage est intéressant, il semble indiquer que les Gallois allaient chanter en pays saxon, mais canu a ausi le sens de réciter : canu y pader, réciter le pater. Il ne faut pas oublier qu’il s’agit d’un clerc.
  258. Je traduis train : le gallois rwtter est clairement l’anglais rutter (routiers) ; sur ce mot, cf. John Rhys, Arthur. Legends, p. 289, note 1. C’est un dérivé du français route, qui peut avoir le sens de troupe en marche (Chrétien, Perceval, chez Potvin, t. II, p. 207 : une route de chevaliers parmi la lande voit trespasser). Il a ici le sens collectif.
  259. V. notes critiques.
  260. Ce personnage paraît avoir été assez célèbre. Dafydd ab Gwilym, voulant vanter un brave, le compare à Llwyd, fils de Celcoet. Il est question dans le roman de Kulhwch, (plus bas. p. 216), de Llwydeu, fils de Kitcoet. Le nom de Cilgoet est conservé dans le nom d’un ruisseau qui prend sa source près de Ludchurch (Eglwys Lwyd), en Pembrokeshire (Eg. Phillimore, Owen’s Pembrok., t. I, p. 906, note 2.)
  261. Voir plus haut, Mabin. de Pwyll.
  262. Le mot gallois alavoed, pluriel de alav n’a, dans les dictionaires, que le sens de richesses ; son sens propre est troupeaux. Alanot dans le L. Rouge a pour correspondant dans Pen. 4 Alavoed (v. t. II, p. 185 note à 205, l. 9), pl. de alav, bétail. Pour l’équivalence de richesses et troupeaux, voir plus loin, p. 260, note 1.
  263. Mynweir, collier pour les bêtes de somme ; Mynordd, d’après le Mabinogi, est composé de myn = mwn, « cou, » avec la dégradation vocalique habituelle, parce que l’accent est sur le second terme, et de ordd, actuellement donné à tort sous la forme gordd, marteau, dans les dictionnaires. Un autre personnage a porté le surnom de Mynweir, d’après ce passage de Taliessin : bum Mynawc Mynweir, « J’ai été Mynawc Mynweir » (Skene, Four ancient books, II, 156, v.22).
  264. ’Math. « Les trois premières magies, » disent les Triades, « sont : celle de Math, fils de Mathonwy, qu’il apprit à Gwydyon, fils de Don, celle d’Uthur Pendragon, qu’il apprit à Menw, fils de Teirgwaedd, celle de Rudlwm Gorr, qu’il apprit à Coll, fils de Collvrewi son neveu. » (Triades Mab., p 302, 1. 20 ; cf. Skene, Four anc. books, append. II, p. 460 : Rudlwm est remplacé par Gwidolwyn Gorr). Taliesin parle de la baguette enchantée de Mathonwy (Skene. Four anc. books, p. 947, 25), et fait aussi une allusion à la magie de Math (ibid., p. 200, v. 1). « J’ai été, » dit aussi un poète du Livre Rouge, « avec des hommes artificieux, avec le vieux Math et Govannon (Skene, Four ancient books, p. 303, v. 20 ; le texte donne gan Vathheu, il faut lire gan Vath hen). » Dafydd ab Gwilym nomme comme les trois maîtres en magie, Menw, Eiddilic Corr le Gaël, et Maeth (sic), sans qu’il soit possible de supposer une erreur de l’éditeur pour Math (p. 143). M. Rhys en fait une sorte de Plutus ou Pluton gallois (Lectures on welsh philology, 2e édit., p. 413, 414). Il est évident. que les. trois noms de Math, Mathonwy, Matholwch dérivent de la même racine. Zimmer a voulu tirer Mathonwy d’un nom irlandais au génitif Mathgamnai (auj. Mahony). C’est invraisemblable pour bien des raisons. (Zimmer, Götting. Gelehrte Anz., 1890, p. 512). Les dérivés en -onwy sont fréquents en gallois : Daronwy, Gronwy, Gwynonwy, Euronwy, etc.
  265. Gwynedd. Cette expression désigne tout le nord du pays de Galles compris entre la mer, depuis la Dee à Basingwerk jusqu’à Aber Dyfi, au nord et à l’ouest ; la Dyfi au sud-ouest ; au sud et à l’est, les limites sont moins naturelles ; Gwynedd est séparé de Powys en remontant jusqu’à la Dee tantôt par des montagnes, tantôt par des rivières. Gwynedd comprenait donc Anglesey, le Carnarvonshire, le Merlonethshire, une partie du Flintshire et du Denbighshire. Suivant M. Rhys, Gwynedd, à une certaine époque, aurait désigné spécialement la partie comprenant la vallée de la Clwyd et le district à l’est de cette vallée et au nord de la Mawddach. Gwynedd est identique à l’irlandais Fine, « tribu » (Zeuss, Grammatica celtica, 2e édit., VIII, note 1). Le nom des Veneti, aujourd’hui Gwenet en breton armoricain, appartient peut-être à la même racine, mais n’a pas le même suffixe (Sur les autres formes de ce nom, voy. Rhys, Lectures, p. 369-370).
  266. Voy. la note à Dyved, Pwyll, p. 81. Ce qui est digne de remarque, c’est que le mabinogi attribue sept cantrevs à Morgannwc qui n’en comptait, au XIIIe siècle, que quatre (Myv., arch., p. 737) cf. The Book of Llandav, éd., Rhys-Evans p. 247 249). C’est exactement l’étendue du royaume de Iestin ab Gwrgan, roi de Glamorgan de 1043 à 1091 (Iolo mss., p. 22). Le Liber Landavensis, d’après un document disparu mais d’accord en principe avec les Iolo mss., nous donne également sept cantrevs pour Morgannwc. Outre Gwent, les deux documents donnent à Morgannwc Ystrad Yw, dans le Brecknockshire, et Euyas dans le Herefordshire. Ces deux districts auraient été adjugés par le roi Edgar à Morgan Hen et à son fils, contre Howell Dda (Book of Llandav, p. 248 ; cf. Myv. arch., p. 739, col. 2). Morgan Hen (le vieux) mourut en 980. Le comté actuel de Glamorgan (pour Gwlad Morgan, le pays de Morgan), ne représente pas exactement l’ancien Morgannwg : sur ce comté cf. Egerton Phillimore, Owen’s Pembrok., p. 208, note 1.
  267. En gros, Ystrad Tywi (vallée de la Tywi), représente le comté actuel de Carmarthen. Il y a cependant deux modifications importantes : le Carmarthenshire ne comprend pas le Cymmwd de Gower qui est actuellement en Glamorganshire ; il comprend, en exceptant le petit district de Velfrey, tout le Cantref Gwarthaf, le plus considérable des sept Cantrefs de Dyfed (Egerton Phillimore, Owen’s Pembrok. I, p. 216, note 1).
  268. Parmi les fonctionnaires de la cour, figure, dans les Lois, le Troediawc ou porte-pied. Son office consiste à tenir le pied du roi dans son giron, depuis le moment où il s’esseoit à table jusqu’au moment où il va se coucher ; il doit gratter le roi, et défendre le roi tout ce temps contre tout accident. Il a sa terre libre, sa toile et son drap du roi, et un cheval aux frais du roi. Il mange au même plat que le roi, le dos tourné au feu. Son sarhaet « compensation pour outrage, » est de cent vingt vaches payées en argent. Sa valeur personnelle est de cent vingt-six vaches, avec augmentation possible. Il peut protéger un coupable en le faisant sortir depuis le moment où le roi met le pied dans son giron jusqu’au moment où il se retire dans sa chambre (Ancien Laws, 1, p. 622, 660, 678).
  269. Dol, pré ou vallon fertile, souvent sur les bords d’une rivière. Dol Pebin est entre Llanllyfni et Nantlle Lakes en Carnarvon (Egerton Phillimore, Owen’s Pembrokeshire, II, p. 351.
  270. Caer Dathl, ou, avec une voyelle irrationnelle ou euphonique, Caer Dathyl et Dathal ; est encore un nom de lieu du Carnarvonshire. Le caer ou fort se trouvait sur une éminence près de Llanrwst (Lady Guest, d’après le Cambro-Briton, II, p. 3). Il en est souvent question dans les Mab. et ailleurs (Myv. arch., p. 151 col. 1 ; Llewis Glyn Cothi, IV, 1, 7).
  271. Les enfants de Don sont Amaethon, Gilvaethwy, Govannon, Heveydd, Gwydyon et Aranrot. Ce mabinogi fait de Don leur mère. Suivant les Iolo mss., il y a eu un Don roi de Llychlyn (Scandinavie) et de Dulyn (Dublin) qui, vers 267 après J.-C., amena les Gaëls en Gwynedd. Ils y restèrent pendant cent vingt-neuf ans, jusqu’à l’époque où ils furent chassés par les fils de Cunedda venant du nord de l’Angleterre (p. 81). Il y a eu encore ici probablement confusion entre un personnage mythologique et un personnage réel. Chez les Irlandais, il y a aussi un Don, l’aîné des fils de Milet, personnage mythologique, et un Don Dess, roi de Leinster, dont les fils ravagèrent, avec un roi des Bretons, la plus grande partie des côtes de Bretagne (O’Curry, On the manners, II, 189 ; III, 136, 13-1).
  272. Eveidd, appelé Euuyd chez Taliesin (Skene, p. 200, v. 1).
  273. Gwydyon est le plus célèbre des fils de Don, et un personnage des plus fameux dans la légende galloise. Suivant les Iolo mss., il était roi de Mon et de Gwynedd. Ce serait lui qui, le premier, aurait appris la lecture et les sciences des livres aux Gaëls de Mon et d’Irlande. Il aurait appelé auprès de lui Maelgyn Hir, barde de Landaf, qui aurait remporté tous les prix et aurait péri victime de la jalousie des Gaëls (77, 78). Dans les Triades, c’est un des trois astrologues avec Idris Gam et Gwynn ab Nudd (Myv. arch., p. 409, col. 1) ; c’est un grand magicien ; il apprend la magie de Math (voy. la note à Math) ; c’est par sa magie qu’il gouverne Gwynedd, aidé en cela des conseils de Mor ap Morien (Iolo mss., p. 263, 20). C’est un des trois grands bergers de l’île ; il garde son troupeau de deux mille vaches à lait en Gwynedd, au-dessus de Conwy ; les deux autres sont Benren, qui garde les troupeaux de Caradawc ab Bran et Llawfrodedd Varvawc, qui garde les troupeaux de Nudd Hael. Le Livre Noir mentionne Caer Lew et Gwydyon (Skene, Four ancient books, II, p. 57, 3). Taliesin le mentionne souvent (Skene, Four ancient books, II, p. 138, 29 ; 154, 25 : « J’ai été au combat de Goddeu avec Llew et Gwydyon »). Un de ses poèmes est, à ce sujet, particulièrement intéressant : « L’homme le plus habile dont j’aie entendu parler est Gwydyon ap Don, aux forces terribles – je lis dygynnertheu au lieu de dygynuertheu ; on pourrait aussi supposer dygynwyrtheu, « aux prodiges terribles », – qui a tiré par magie une femme des fleurs, qui emmena les porcs du Sud ; car c’est lui qui avait la plus grande science (Kan bu idaw disgoreu, « leg. Kan bu idaw disc goren)… qui forma du sol ( ? ) de la cour des coursiers et des selles remarquables » (Skene, p. 158, vers 13-21). Plus loin, le poète nous dit qu’il a vu, le dimanche, une lutte terrible dans laquelle était engagé Cwydyon à Nant Ffrangcon (près de Carnarvon) ; le jeudi ils vont à Mon (ibid., v. 27). Le Livre Rouge vante aussi l’habileté de Lleu et Gwydyon (Skene, II, p. 302, v. 8). Llewis Glyn Cothi fait allusion à Caer Gwydyon qui, d’après les éditeurs, serait la voie lactée (p. 254, vers. 1). Gilvaethwy n’est guère connu.
  274. V. le mabinogi de Lludd et Llevelys : les Corranicit, race étrangère, avaient ce privilège.
  275. Une des trois grandes divisions du pays de Galles. Powys, à l’époque de sa plus grande étendue, était borné à l’ouest et au nord-ouest, par Gwynedd ; au sud, par le Cardiganshire et la Wye, et à l’est, par les marches d’Angleterre, depuis Chester jusqu’à la Wye, un peu au-dessus d’Hereford. La capitale avait d’abord été Pengwern, aujourd’hui Shrewsbury, appelée par les Gallois maintenant Amwythic. Les empiètements des Saxons firent transporter la capitale de Pengwern plus à l’intérieur, à Mathraval. Suivant Powel, ce transfert aurait eu lieu en 796, après l’achèvement du fossé d’Offa : mais les Iolo mss., p. 30, donnent encore Pengwern comme capitale du temps de Rhodri le Grand qui mourut en 877.
  276. Le Sud (Deheubarth), formant le royaume de Dinevwr, comprenait tout le reste du Pays de Galles, c’est-à-dire tout l’ancien pays des Demetae et des Silures représentés par les deux évêchés de Saint-David et de Llandaf.
  277. Hob. Ce mot n’est plus usité. Il a été conservé dans une chanson très populaire dont la ritournelle est hob y deri dando.
  278. Le texte de ce passage n’est pas certain. Il semble qu’on soit ici en présence d’une glose du copiste du xive siècle, à en juger par le dictionnaire de Davies au mot hob ; après avoir renvoyé à ce passage de notre mabinogi, Davies ajoute : « hinc usitatum hannerhob. » Hannerhwch = hanner « moitié ; » hwch « truie ». Hannerhob aujourd’hui encore, a le sens de tranche de lard.
  279. Keredigyawn ou pays de Ceretic (V. trad. II, p.323, XXXIII), correspondait à peu près exactement au comté actuel de Cardigan.
  280. Rhuddlan Teivi, Rhuddlan, sur les bords de la Teivi, pour le distinguer d’autres Rhuddlan (plus anciennement Ruddglan, « la rive rouge »). C’est peut-être Glan Teivy, d’après lady Guest, à un mille et demi de Cardigan Bridge. Il y a des villages de Rulann en Bretagne armoricaine aussi.
  281. Penkerdd, « chef du chant ou des musiciens. » Le pencerdd est, à l’époque où les lois de Gwynedd et de Dyved ont été écrites, le même personnage que le barde à chaire ; cela est dit expressément dans les lois de Dyved (Ancient laws, I, p. 382, 9). Le huitième personnage de la cour est le barde de la famille. Il a sa terre libre, son cheval aux frais du roi, son habit de toile de la reine et son habit de laine du roi. Il s’assied auprès du Penteulu, ou chef de la maison royale, aux trois principales fêtes de l’année et celui-ci lui met la harpe en main. Quand on désire de la musique, c’est au barde à chaire ou au chef des bardes, comme dans notre mabinogi, à commencer. Il a droit à une vache et à un bœuf sur le butin fait par le clan dans une contrée voisine, après que le tiers a été donné au roi ; pendant le partage des dépouilles, il chante Unbeynyaeth Prydyn, « monarchie de Bretagne. » Sa valeur est de 123 vaches (Ancient laws, I, p. 33-34).
  282. Voir plus haut la note à Gwydyon.
  283. Moch, « porcs ; » trev, « habitation, ville. » Ce nom se retrouve très vraisemblablement en Armorique dans Motreff, près Carhaix, Finistère.
  284. Elenit. Lady Guest suppose que c’est une erreur pour Melenidd, montagne entre Llan Ddewi et Enni dans le Radnorshire. On pourrait supposer aussi Mevenydd, dans le comté de Cardigan.
  285. Keri était un cymmwd du cantrev de Melienydd, relevant de Mathraval, et faisant partie de Powys. Arwystli était un cantrev de Meirionydd. Ceri et Arwystli sont actuellement dans le comté de Montgomery.
  286. Mochnant, « le ravin ou le ruisseau aux porcs » (Cf. amoricain ant, la fosse entre deux sillons : an ant pour an nant. Cf. an env pour an nenv). Il y avait deux cymmwd de Mochnant en Powys ; Mochnant uch Raiadyr, dans le cantrev de Y Vyrnwy et Mochant Is Raiadyr dans le cantrev de Raiadyr (V. Powel, History of Wales ; Myv. arch., p. 736). On trouve dans cette région aussi un Castell y Moch.
  287. Ros. Ce cantrev était en Gwynedd, dans la région appelée y Berveddwlad, « le milieu du pays. » Il fait partie actuellement du Denbighshire. Le Mochdrev de Ros est actuellement un village entre Conway et Abergele.
  288. Arllechwedd était un cymmwd d’Arvon, divisé en deux parties : uchav et isav, le plus haut et le plus bas. On les appelle maintenant simplement Uchav et Isav, dit lady Guest. Ils faisaient partie du cantrev d’Aber.
  289. Creuwyryon. L’auteur voit dans ce mot une forme ou un dérivé de creu craw, « toit à porcs ; » armor., craou, « étable, écurie. »
  290. Pennardd, à l’ouest de la rivière Seint, en face Caernarvon. Cet endroit a eu une certaine célébrité (V. Ancient laws, I, p. 103). D’après les lois, Pennardd était la principale cynghellawrdref ou villa de chancelier de tout le pays de Galles (Ancient laws, II, p. 584). Il y a une commune de Pennars près Quimper.
  291. Maenawr ou maynawl, subdivision du cymmwd. D’après les Lois, il y aurait eu d’abord deux maenawr et deux trevs dans chaque cymmwd (Ancient laws, I, 90, 7-13)
  292. Coet Alun ou le bois d’Alun, transformé aujourd’hui, par de malencontreux archéologues, en Coet Helen ou le bois d’Hélène, l’impératrice, près de la ville de Caernarvon, de l’autre côté de la rivière.
  293. Nantcall est actuellement, d’après lady Guest, un ruisseau qui traverse la route de Dolpenmaen et de Caernavon, à neuf milles de cette dernière ville.
  294. Dol Penmaen (penmaen, tête de pierre), dans l’ancien cantrev de Dunodig, aujourd’hui dans le district d’Eivionydd.
  295. Il y a plusieurs Gwrgi ; le plus célèbre est le frère de Peredur et le fils d’Eliffer Gosgorddvawr (Myv. arch., p. 392, col. 1 ; v. la note à Peredur, dans le Mab. de ce nom). I1 y a un Gwrg Garwlwyd qui ne mangeait que de la chair humaine ; il était allié d’Edelfled, roi des Saxons ; il fut tué par Diffedell, fils de Dysgyvedawg (Myv. arch., p. 405, 45, 46).
  296. Traeth mawr ou le grand Traeth. Traeth indique proprement une étendue sablonneuse de rivage couverte par les flots à la haute mer seulement (arm. treaz, sable, rivage sablonneux). Le Traethmawr est une sorte d’estuaire sur les confins d’Arvon et de Merioneth. Le Traeth bach ou petit Traeth est un peu plus bas en Merioneth.
  297. Melenryt. Sa situation m’est inconnue ; ryt signifie gué.
  298. Lady Guest a lu Maen Tyryawc, qu’elle identifie avec le Maentwrog actuel, Merionethshire, ce qui est impossible.
  299. Sur le changement de sexe dans les contes celtiques, v. H. Gaidoz (Revue de l’hist. des religions, LVII, p. 317-332).
  300. Hyddwn ; l’auteur le fait dériver de hydd, « cerf, » armoric., heiz.
  301. Hychtwn. Hych en composition, non accentué = hwch, « porc, truie, » arm. houch.
  302. Bleiddwn, dérivé de bleidd, arm. bleiz, « loup. » Le passage en italiques est en vers du genre englyn dans le texte.
  303. Aranrot ou Arianrhod : « Les trois aimables ou heureuses dames de l’île sont Creirwy, fille de Ceritwen ; Arianrhod, fille de Don, et Gwenn, fille de Cywryd ap Crydon » (Myv. arch., 392, 73 ; cf. ibid., 410, col. 21. Taliesin célèbre aussi l’illustration d’Aranrot (Skene, II, p. 159, v. 2. Sur ce nom, v. Rhys, Lectures, p. 374, 426). Il y a aussi une Aryanrot, fille de Beli (Triades Mab., p. 298). Arianrod est le nom de la constellation Corona Borealis, de même que Cassiopée porte le nom de Llys Don, la cour de Don, suivant lady Guest, on ne voit pas sur quelle autorité (cf. Silvan Evans, Welsh Dict.
  304. Dylan, « fils de la vague » : « c’est le bruit des vagues contre le rivage voulant venger Dylan, » dit Taliesin (Skene, 146 – 8). Un autre passage du même poète a trait à cet épisode de notre mabinogi : " Je suis né avec Dylan Eil Mor (fils de la mer), au milieu d’une assemblée ? entre les genoux des princes (Skene, II, 142, v. 30).
  305. Govannon, un des enfants de Don, a donné son nom à Kaer Govannon. Taliesin dit qu’il est resté un an à Kaer Ovannon (Skene II, p. 103, 3). Son nom est associé à celui de Math, fils de Mathonwy, dans un poème de Llywarch Hen (Skene, II, p. 303). Il est question de lui dans le Mab. de Kulhwch et Olwen.
  306. Lleu Llaw Gyffes. Il n’y a pas à hésiter à rétablir Lleu au lieu de Llew. Dans l’englyn de la p. 130 (v. notes critiques à la page 78 I.30 du Livre Rouge), la rime suffirait à le démontrer. On en trouvera d’autres preuves aux notes critiques de la page 71, I. 5. Le scribe du Livre Rouge copiait un manuscrit où eu représentait ew, eu et ev. De même le scribe de Peniarth 4. Ce dernier a été moins logique ; il donne Lleu dans le titre et même dans l’exclamation d’Arianrod : Lleu. Ailleurs il a Llew, mais le caractère qu’il emploie a eu, à une certaine époque, par exemple dans les Privilèges de Llandav, la double valeur u et w. Le sens s’oppose aussi à l’interprétation llew, lion. Il faudrait au moins un qualificatif. Quel est ici le sens de lleu ? Le seul sens connu est brillant, lumière (en composition dans go-leu). Il ne peut être juste ici. On pourrait peut-être songer à l’irlandais moyen , petit (Arch. für celt. Lexic., p. 791 :  : gach mbecc (tout ce qui est petit) ; id. p. 771. Pour l’identité de û final irlandais et eu gallois, cf. cnû, noix, gall. cneu ; crû, sang, gall. creu. C’est un des trois eurgrydd ou cordonniers orfèvres (v. plus haut la note à Gwydyon). C’est aussi un des trois ruddvoawc ou ruddvaawc, ainsi nommés parce que là où ils passaient, pendant une année entière, il ne poussait ni herbe ni plante ; les deux autres étaient Run, fils de Beli, et Morgan Mwynvawr (sur Run Ruddvoawg, cf. Myv. arch., p. 221, col. 1, XIII) ; Arthur l’était encore plus qu’eux : rien ne poussait après lui pendant sept ans (Triades Mab., 303, 5 ; cf. Skene, II, app., p. 458 : ici Llew est supprimé et remplacé par Arthur). Le Livre Noir mentionne sa tombe : « La tombe de Llew Llawgyffes est sous un havre (ou lieu protégé près de la mer), là où a été son intime… (y gywnes." pour cyvnes cf. irl. comnessam) : c’était un homme qui ne donna jamais justice à personne (Skene, II, p. 31, 23).
  307. V. p. 151, note 1.
  308. Dinas Dinllev ou la forteresse ou ville forte de Dinllev, citadelle de Lleu, aujourd’hui Dinas Dinlle, à trois milles environ au sud-ouest de la ville de Caernarvon, sur la côte, dans la paroisse de Llandwrog. Il y a encore des restes très visibles de la forteresse. Dinas est dérivé de din, « citadelle, » irlandais dun, vieux celtique dùnos (cf. les noms gaulois en dunum. Dinastet, dans le dict. vannetais de Cillart de Kerampoul, traduit palais et suppose un singulier dinas ? ; cf. Dinan).
  309. Brynn Aryen ou la colline d’Aryen.
  310. Kevyn Clutno, le promontoire, ou la colline arrondie de Clutno. Cevyn signifie proprement dos (arm. kein)
  311. Pucelle. J’emploie ce mot dans ma traduction avec les sens qu’il avait au moyen âge, de femme non mariée et de suivante.
  312. Blodeuwedd, v. la note à la page 208
  313. Cette phrase parait une glose. introduite dans le texte. Au XIIIe siècle encore, parmi les cantrevs de l’Arvon, on donne le cantrev de Dunodig (pour Dunoding) avec les deux kymmwd d’Eivionydd et d’Ardudwy. Après la conquête définitive du pays de Galles et sa réorganisation par le roi Edouard Ier, il n’est plus question du cantrev de Dunodig ; Evionydd reste au contraire un des cymmwd dépendant du vicomte de Caernarvon, le cymmwd d’Ardudwy est sous la main du vicomte de Meirionydd (V. Statuts de Rothelan, :Ancient laws, II, p. 708 ; les statuts de Rothelan, ou mieux Rhuddlan, ont été promulgués en 1284). J’écris Eivynydd, le w ayant parfois encore la valeur d’un v ; cf. Cynwael = Cynvael. Le ms. a Eiwynyd. L’original portait probablement Eivyonyd ou Eivonyd.
  314. Mur y Castell, « le mur ou rempart du château, » appelé aussi Tomen y Mur, sur les confins d’Ardudwy, est, d’après lady Guest, à deux milles au sud de la Cynvael ou rivière de Festiniog, et à trois milles de Llyn y Morwynion, ou lac des jeunes filles, où les pucelles de Blodeuwedd se noyèrent.
  315. Gronw le Fort, v. p. 208, note 2.
  316. Penllynn était un cantrev de Meirionydd (Myv. arch., p. 735), qui devint, par le statut de Rothelan, un cymmwd sous l’autorité du vicomte de Meirionydd (Ancient laws, II, p. 908).
  317. Brynn Kyvergyr ou la colline de la rencontre, du combat.
  318. Ardudwy touche Penllyn à l’Ouest.
  319. V. notes critiques.
  320. Sur le châtiment ou la réparation en cas d’adultère, cf. J. Loth, Le roman de Tristan et Iseut est-il d’origine celtique ? (Rev. Celt. XXX, p. 280).
  321. Cette tradition fait le sujet d’un poème de Dafydd ab Gwilym, connu sous le titre de Achau y Dylluan, ou la généalogie du hibou. Le poète lui demande son nom ; l’oiseau lui répond qu’on l’a appelée Blodeuwedd, et qu’elle était fille d’un seigneur de Mon. « Qui t’a métamorphosée ? » reprend le poète. « C’est Gwydyon, fils de Don, des abords de Conwy, qui, avec sa baguette magique, – il n’y en a plus eu de son espèce, – m’a fait passer de ma beauté dans le triste état où tu me vois, m’accusant d’avoir aimé, soleil éclatant d’une race brillante, Goronwy, le jeune homme vigoureux (Le texe gallois dit Goronowy fab Pefr Goronhir : Goronowy le fils vigoureux de Goronhir, ;il y a une syllabe de trop, il est vrai qu’on peut lire Gronwy ou Gronow), le seigneur de Penllynn, le beau, le grand. » (2ème éd., p. 158.)
  322. Les trois principales familles ou tribus déloyales de l’île de Bretagne sont : la famille de Gronw Pevyr de Penllynn, dont les hommes refusèrent à leur seigneur de le remplacer en face de la lance empoisonnée de Lleu Llawgyffes ; la tribu de Gwrgi et de Peredur, qui abandonna ses seigneurs à Kaer Greu, lorsqu’ils avaient rendez-vous de combat le lendemain avec Edin Glingawr (ou au genou de géant) : ils furent tués tous deux ; la troisième, la tribu d’Alan Fergan, qui abandonna en secret son seigneur sur la route de Camlan ; le nombre des combattants de chaque famille était de cent vingt hommes (Triades Mab., p. 305, I. 13). Les Triades de Skene (I1, p. 361) mentionnent que Lleu se trouvait à Lechorenwy, ou la pierre de Goronwy, à Blaenn Kynvael, ou au sommet, vers la source de la Cynvael. On y lit aussi Alan Fyrgan ; les Triades de Rhys-Evans ont Ar lan Fergan. faute évidente du scribe pour Alan Fergan. Dans le mabinogi de Kulhwch, il est fait mention d’un Isperyn, fils de Fergan, roi du Llydaw ou Bretagne armoricaine. Alain Fergant ou Fergent est Alain VI, qui régna en Bretagne de 1101 à 1119. Parmi les Alan de Bretagne, les plus célèbres sont Alain le Grand (877-907) et Alain Barbe-Torte, qui revint de Grande-Bretagne pour écraser définitivement les Normands (937-952). Sur le dévouement au chef de clan, v. J. Loth, Le drame moral de Tristan et Iseut. (Revue celt., XXX, p. 280 et suiv.)
  323. Llech Gronw ou « la pierre plate de Gronw. »
  324. Le Maxen de ce récit est un personnage imaginaire ; mais sa physionomie est formée de traits empruntés à des personnages historiques. Ce nom est un souvenir littéraire mais non populaire de Maxentius, l’adversaire de Constantin le Grand, tué en 313. 11 y a peut-être aussi un vague ressouvenir de Magnentius, qui aspira à l’empire et périt en 353 ; il était Breton par son père (Zonaras, XIII, 6, ap. Patrie, Mon. hist. brit.). Le mariage avec Hélène est un trait de la vie de Constance, père de Constantin. L’expédition des troupes bretonnes, leur établissement dans le Llydaw sont le fait du Maxime de Nennius (XXIII) et du Maximianus de Gaufrei de Monmouth (V, 5, 9, 10, 11, 12, 13, 15, 16 ; VI, 2, 4 ; IX, 16 ; XII, 5).
  325. Couche, dans le sens qu’on lui attribuait au moyen âge ; ce mot désigne quelque chose comme un divan ou canapé (Paulin Paris, Les Romans de la Table ronde, IV, app.)
  326. Gwyddbwyll, intelligence de bois ou bois intelligent. C’est un jeu celtique, ressemblant beaucoup à nos échecs avec lesquels on aurait cependant tort de le confondre. Ce jeu est mentionné parmi les vingt-quatre exercices des Cymry (Myv. arch., p. 872). Chez les Irlandais, c’était aussi un jeu national (O’Curry, On the manners, II, 359 ; III, 165, 360, 366). Les échecs ont été connus en France aussi de bonne heure. On a un jeu d’échecs d’ivoire du temps de Charlemagne et qui passe même pour lui avoir appartenu (Viollet-le-Duc, Dict. raisonné du mob. français, II, p. 462). Le jeu d’échecs faisait partie de l’enseignement chez les anciens Irlandais (O’Curry, On the manners, II, p. 79). Sur l’importance de ce jeu cf. J. Loth, Le sort et l’écriture chez les Celtes. (Journal des savants, septembre 1911.)
  327. Gem désigne ici une pierre précieuse blanche, par opposition à rhud em, gemme rouge, rubis. Le ms. Pen. 16 porte rudem a gwen em, gemme rouge et gemme blanche.
  328. Pris dans le sens qu’il avait au moyen-âge de chaise avec bras.
  329. Avant le xiiie siècle, la chemise ou chainse est une tunique de dessous ; celle de dessus s’appelait bliaud ; mais, au xiiie siècle, la chainse devient une véritable chemise. Elle a pour équivalent une première robe appelée cotte ; la robe de dessus s’appelle surcot (Quicherat, Le costume en France, pages 138, 180). Le surcot était aussi un vêtement qu’on passait sur la robe quand on voulait sortir de chez soi. Le surcot ouvert remplaçait, pour le repas, nos serviettes ; on le passait sur la tunique avant de s’asseoir à table et de se laver. Il était ordinairement fourni par le maître de la maison (Paulin Paris, Les Romans de la Table ronde, IV, page 214). Surcot a ici le premier sens, celui de robe de dessus.
  330. C’était, semble-t-il, la façon d’embrasser des Celtes. C’est ainsi que s’embrassent les deux héros irlandais Ferdiaidh et Cuchulain (O’Curry, On the manners, I, p.305).
  331. Eryri, nom que l’on donne aujourd’hui encore à la chaîne de montagnes dont la plus haut sommet est connu sous le nom anglais de Snowdon, en gallois, Y Wyddva, « tumulus funéraire ou endroit en vue. » Ce nom Eryri se trouve, pour la première fois, dans Nennius (In montibus Heriri, id est, Snaudun anglice Hist., XLI).
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  334. Aber Sein, l’embouchure de la Seint, rivière de Caernarvon. V. la note 2 à la page 134.
  335. Comme dans les romans français, dans les Mabinogion, la salle est destinée aux réunions, aux réceptions publiques ; la chambre ou ystavell à la vie intime (V. Paulin Paris, Les Romans de la table ronde, V, 61).
  336. Kynan, armor. Cunan, Conan, v. la note à Maxen. p. 211. Les chroniqueurs gallois n’ont pas manqué de faire d’Eudav, Octavius, ce qui est phonétiquement et de tous points impossible.
  337. Agweddi n’a pas ordinairement ce sens ; il a plutôt le sens de dot (Ancient laws, I, p. 223, 73 ; 254, 1.6 ; dans les Leges wallicae le mot est glosé par dos, Ancient laws, II, p. 791, 41). V. la note 2 à la page 127, et le Mab. de Kulhwch.
  338. D’après Nennius, Hist., II, ce sont Wight, Man et Orc (Orcania insula) ; cf. Triades, Mab., 309, 7). Une Triade nous fournit à ce sujet des explications ; Anglesey (Mon) se serait détachée plus tard du continent ; Orc se serait brisée en plusieurs îles et aurait créé ainsi l’archipel des Orcades (Myv. arch., 407, col. 2).
  339. Caernarvon, signifie le fort ou la citadelle en Arvon.
  340. Caer Llion vient de Castra Legionum ; il s’agit de Caerlleon sur Wysc ou Usk, et non de Caerlleon du Nord ou Chester, appelée encore aujourd’hui par les Gallois Caer (Castra). Sur le séjour des légions sur ces deux points. v. Hübner, Inscript. Brit. lat., XVII, XII, et son travail : Das römische heer in Britannien. Berlin, 1881, paru dans l’Hermes, t. XVI.
  341. Myrddin vient de Maridunum, ville des Demetæ, (Ptolémée, II, 3). Le narrateur le fait dériver du gallois myrdd, myriade.
  342. Brevi vawr, ou le grand Brevi, serait aujourd’hui Llanddewi Brevi, dans le Cardiganshire. Llanddewi Vach, ou le petit Llanddewi, ou Dewstow, est, dans le Monmouthshire, à quatre milles et demi de Chepstow, mais il s’agit ici d’une colline du comté de Pembroke, Vreni Vawr. Le scribe a lu Vrevi (Egerton Philimore, Owen’s Pembrokeshire, p. 103-106, note 3).
  343. Kadeir Vaxen ou la chaire de Maxen. Plusieurs autres lieux élevés portent ce nom de Cadeir ; il y a aussi des collines en Armorique ainsi désignées (Cador ou vannetais Cadoer).
  344. Le sens ordinaire et primitif du cyfranc est rencontre, combat.
  345. Voir la note sur Bran, p. 119, note 2 ; sur Llyr, p. 120, n. 3 ; sur Beli, p. 122, note 1 ; sur Casswallawn, p. 146, note 3. V. aussi la note à Lludd Llaw Ereint, dans le, Mab. de Kulhwch et Olwen, plus bas. Nynnyaw est moins connu. D’après Gaufrei de Monmouth, il a eu une querelle avec son frère Lludd. Un poète du XIIIe siècle, Llywelyn, fait allusion aux relations amicales de Lludd et Llevelys (Myv. arch., p. 247, col. 1). Taliesin mentionne aussi l’Ymarwar de Lludd et Llevelys (Skene II, p.214. v. 9). La légende n’est pas d’accord avec Gaufrei sur le nombre des enfants de Beli ; Taliesin parle de sept fils (Skene, F. a. B. 11, p. 202, v. 9 et 10).
  346. L’historia est ici le Brut Tysilio ou le Brut Gruffydd ab Arthur ; le Brut Tysilio lui donne nettement quatre fils ; le Brut Gr. ab Arthur est moins net ; après avoir nommé Lludd, Caswallawn et Nynnyaw, il ajoute : et, comme le disent certains historiens, il en eut un quatrième, Llevelys. Gaufrei ne lui en donne que trois Lud, Cassivellaunus et Nennius (Hist., 111, 20). Un manuscrit (Shirburn 18) porte Kyvarwydyt, qui a le sens d’histoire ; sur ce ms. v. Introd., p. 34, note 1.
  347. Caer Ludd se trouve pour la première fois chez Gaufrei de Monmouth. Depuis, ce terme a été souvent employé par les écrivains gallois.
  348. Ces trois fléaux sont souvent mentionnés dans les Triades. Parmi les trois bonnes cachettes figurent les dragons cachés par Lludd, fils de Beli, à Dinas Emreis ou Dinas Pharaon dans les monts Eryri (Triades Mab., 300, 9 ; Skene, II, app. 464 ; Myv. arch. , 406, 53. V. la note à Bran, plus haut, p. 119). Parmi les trois gormes ou oppressions d’envahisseurs, figure celle des Corannieit ; contrairement à notre récit, d’après deux triades, ils restent dans l’île (Myv. arch. , p. 391, 41). D’après la deuxième (Myv. arch., p. 401, 7), ils viennent du pays de Pwyl ( ?) et s’établissent sur les bords de l’Humber et de la mer du Nord ; ils se fondent avec les Saxons. La série de Triades à laquelle celle-ci appartient mentionne également trois usurpations ou fléaux étrangers, qui disparaissent, mais les Corannieit sont remplacés par March Malaen ou le fléau du premier de mai ; le second est le dragon de Bretagne ; le troisième, l’homme à la magie ou aux transformations magiques (Myv. arch., p. 401, 11). Pour les dragons, leur combat rappelle celui des dragons de Nennius, dont Gaufrei s’est visiblement inspiré (Nennius, hist., XL-XLV) ; voyez plus bas. Les Iolo mss. font chasser les Coranieid par Greidiawl Gallovydd : une partie s’en serait allée en Alban (Écosse), l’autre en Irlande (p. 263, 13).
  349. La version du Greal ajoute : « et leurs pièces étaient d’argent de fée, mot à mot ’argent de nain’ : cet argent apparaissait de bonne qualité quand on le recevait, mais, quand on le gardait, il se transformait en morceaux de champignons, etc.
  350. voir notes critiques
  351. Dans le récit de Nennius, le dragon rouge représente les Bretons et le dragon blanc les Saxons. Henri VII, prince d’origine galloise, portait l’étendard au dragon rouge à la bataille de Bosworth que les Gallois considèrent comme une victoire nationale pour eux et à laquelle ils ont en tout cas pris une part glorieuse. Par une singulière méprise, Brizeux a pris le dragon rouge pour l’étendard des Saxons. « Voici le dragon rouge annoncé par Merlin, » dit-il, en parlant des chemins de fer, personnifiant l’invasion de la Bretagne par la civilisation étrangère et moderne.
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  353. Dinas Emreïs porte en effet ce nom dans certaines Triades. Voy. p. 233, note. Ici se place une phrase qui semble interpolée Et ce fut le troisième gouverneur dont le coeur se brisa de désespoir : v. notes critiques à la page 98 du texte [qui donne une étude linguistique des mots du Gallois moyen utilisés dans cette phrase]. Si elle a un sens, elle se rapporte à Ffaraon Dandde. Pour les autres, dont le coeur se brise, voyez p. 146 Mab. de Branwen. Le Brut Tysillio et le Brut Gruffydd ab Arthur n’ont pas cette phrase. Dandde pour Tandde, qui a le sens de bûcher et d’enflammé, qui prend feu : v. notes critiques.
  354. Goleuddydd, « jour brillant ; » cf. breton gouloudeiz. Elle a été mise, par les hagiographes gallois, au nombre des saintes, et il y avait une église sous son nom à Llanysgin, en Gwent (Iolo mss., p. 120).
  355. Dans les Achau saint ynys Prydain (Myv., p. 431, col. 2) ou Généalogies des saints de l’île de Bretagne, Amlawdd Wledic est donné comme le père de Tywanwedd ou Dwywanwedd, qui fut mère de plusieurs saints, notamment de Tyvrydoc, honoré à Llandyvrydocen Mon (Anglesey). Tyvrydoc a donné son nom, en Armorique, à Saint-Evarzec, arrondissement de Quimper, au XIIe siècle, Sent-Defridec, au XIVe Saint-Teffredeuc et Saint-Effredeuc. Le Brut Tysilio a fait de Eigr, l’Igerna de Gaufrei de Montmouth, et d’après lui, la mère d’Arthur, une fille d’Amlawd Wledic (Myv. arch., 2ème éd. p, 481, col. 1). Ce détail ne se trouve point dans Gaufrei ; il est reproduit par un manuscrit que la Myv., déclare vieux de cinq cents ans, p. 587, et qui est une version galloise de Gaufrei (Eigyr verch Amlawd wledic ; ce manuscrit donne aussi Gorloes, forme plus correcte et plus cornique que Gwrlais).
  356. Kulhwch. C’est une de ces étymologies fantaisistes, comme on en rencontre de temps en temps dans les Mabinogion, et, en général, au moyen âge. L’auteur, décomposant le mot en kul et en hwch, a vu dans kul le mot cil, « cachette, retraite, coin, ou cul étroit, » et dans hwch le mot hwch, aujourd’hui truie, mais autrefois porc en général (cf. arm., houch, « porc »). Le nom du Kulhwch est conservé dans Tref Culhwch, près de Pencaer en Pembrokeshire (Eg. Phillimore, Owen’s Pembrok., 72. b. 322, note).
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  360. Vieille sorcière dans le sens figuré du mot (cf. vieille fée). Le mot breton groac’h a tous les sens du gallois gwrach.
  361. Tout ce passage se trouve dans la version galloise des Sept Sages de Rome des Selections from Hengwrt mss. II, p. 301, v. J. Loth, Revue Celtique, XXIII, p. 349.
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  726. Le mot propre est llechwaew, qui est répété à trois reprises. Il est difficile de supposer une erreur du scribe pour lluchwaew, « lance de jet, javelot. » Llech signifie pierre plate. Or, tout justement, il existait en Irlande une arme de ce genre, et portant à peu près le même nom : lia laimhe ou pierre plate de main. Elle est décrite dans un poème irlandais avec la plus grande précision : c’était une pierre qui allait en se rétrécissant, plate et très aiguë ; elle se cachait souvent dans le creux du bouclier (O’Curry, On the manners, II, p. 287, 263, 261 ; I, p. 338, §456). Le souvenir de cette arme préhistorique est conservé peut-être dans des noms propres armoricains, en Maen, « pierre » : Maen-uuethen, « qui combat avec la pierre ; Maen-finit, « qui lance la pierre ; » Maen-uuoret, « qui défend avec la pierre » ; Maen-uuolou, « pierre brillante », etc., (Cart. de Redon). Quant aux armes empoisonnées, il en est souvent fait mention dans les poèmes irlandais (O’Curry, On the manners, III, p. 131). Le mot llechwaew se retrouve une seule fois en dehors de Kulhwch et Olwen dans les Mabinogion, dans le roman de Peredur ab Evrawc.
  727. Mot à mot : après avoir fait passer un peigne de valeur dans leurs cheveux. Le peigne, au moyen âge, était un objet noble, souvent une véritable œuvre d’art. Dans Les Romans de la Table Ronde, on voit une dame envoyer à son amant un riche peigne garni de ses cheveux (Paulin Paris, Les Romans de la Table Ronde, IV, notes) ; v. nos notes critiques. [où Loth justifie sa traduction en critiquant celle de Lady Guest].
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  730. Les trois principaux bœufs de l’île étaient : Melyn Gwanwyn (var. Gwaynhwyn), Gwyneu, le bœuf de Gwlwlyd, et le grand bœuf Brych « tacheté » (Myv. arch., p. 394, 10). Le texte ici est altéré. Gwineu, « brun, » est dans le Mab. une épithète à Gwlwlyd, et, dans la Triade, le nom d’un des bœufs.
  731. Compagnons dans le sens étymologique, plus transparent dans le sg. compain. Cyd-preiniawc signifie proprement qui mange avec (preiniawc est dérivé de prein, du latin prandium : v, notes critiques).
  732. Melyn, « jaune, blond ; » gwanwyn, « printemps ; » melyn y gwanwyn est aussi le nom d’une plante : V. la note 2. Le bœuf Brych était sans doute bien connu dans la mythologie galloise d’après ce passage de Taliesin : « ils ne connaissent pas, eux, le bœuf Brych qui a cent vingt nœuds ( ?) dans son collier » (Skene, Four anc. books, 182. vers 13).
  733. Le premier essaim, qui est en effet le plus vigoureux, est tarifé à un plus haut prix dans les Lois (Ancient laws, 1, p. 284). L’expression sans abeilles est très juste ; si on tolère en effet la ponte et le séjour des abeilles dans les rayons, une fois le premier miel fait, le miel perd en qualité.
  734. Bragodi est pris ici dans un sens général. Il ne s’agit probablement pas spécialement de la boisson appelée bragawd, dont les Anglais ont fait bragget, boisson faite de malt, d’eau, de miel et de quelques épices. Les autres boissons des Bretons étaient le cwrv (cwryv et cwrwv avec une voyelle irrationnelle, auj. cwrw = curmen), c’est-à-dire de la bière, et le medd, moyen breton mez « hydromel » (d’où l’armoricain mezo, gall. meddw, « ivre » ). Dans un passage des Lois qui traite de la quantité de liqueur due à certains officiers de la cour, il est dit qu’ils ont droit à une mesure pleine de bière, à une mesure remplie à moitié de bragawd, et à une mesure remplie au tiers de medd (Ancient laws, I, p. 44).
  735. Le penllad, qui a aussi le sens de souverain bien, source de bénédictions, parait avoir ici un sens plus matériel ; d’après Davies. c’est une mesure de deux llad, mesure équivalant à douze boisseaux d’avoine. Le penllad vaudrait donc vingt-quatre boisseaux (v. notes critiques). Le mot Kib (du latin cupa), vase, coupe, a dans les Lois le sens propre de demi-boisseau ou mesure de quatre gallons (le gallon vaut 4 litres 54 ).
  736. D’après un manuscrit déjà cité sur les treize joyaux de l’île de Bretagne, le panier de Gwyddno avait cette propriété que si on y mettait a nourriture d’un homme, lorsqu’on le rouvrait, il présentait la nourriture de cent (lady Guest, Mab.,II, p.354). Gwyddno est un personnage célèbre. Seithynin l’ivrogne, roi de Dyvet, dans un jour d’ivresse, lâcha la mer sur les Etats de Gwyddno Garanhir, c’est-à-dire sur Cantrev y Gwaelod (gwaelod, « le bas, le fond » ) (Myv. arch., p. 409, 37). Le Livre noir donne un curieux dialogue entre lui et le dieu Gwynn ab Nudd (Skene, Four anc. books, II, p. 54, XXXIII ; cf. Myv. arch., p. 299, col. 1, allusions à Gwyddneu ; sur l’inondation de ses Etats, v. Livre noir, p. 59, XXXVIII) ; Cf. J. Loth, La légende de Maes Gwyddneu, Revue celt., XXIV, 349). On met les Etats de Gwyddno sur l’emplacement de la baie actuelle de Cardigan.
  737. D’après une autre tradition, la corne magique serait celle de Bran Galed : elle versait la liqueur que l’on désirait (Lady Guest, Mab., H, p. 351). – Le ms., Yen. 4, L. Rh. 481 a l’intéressante variante : Gododin.
  738. Un poète du milieu du XVe siècle, Davydd ab Edmwnt, fait allusion à cette harpe qu’il appelle la harpe de Teirtud. Suivant lady Guest, à qui j’emprunte cette citation, il existerait sur cette harpe un conte de nourrice gallois : un nain, appelé Dewryn Vyehan, aurait enlevé à un géant sa harpe, mais cette harpe s’étant mise à jouer, le géant se précipita à la poursuite du voleur. Il y a aussi dans l’épopée irlandaise une harpe magique, celle de Dagdé. Le Liber Land., mentionne un Castell Teirtud, en Buellt, dans le Breconshire (p. 374).
  739. On ne parle pas de ses propriétés. Il devait sans doute ressembler au chaudron de Dagdé dont il est question dans le Leabhar Gabala ou Livre des conquêtes, qu’on ne quittait pas sans être rassasié. Le chaudron de Tyrnog était plus intelligent ; si on y mettait de la viande à bouillir pour un lâche, il ne bouillait pas ; pour un brave, c’était fait à l’instant (lady Guest, Mab., II, p. 354). Plus haut, p. 130, il est question d’un autre chaudron merveilleux ; cf. note à Pwyll, p. 81.
  740. Ysgithyr signifie « défense, crocs ; » penbeidd, « chef des sangliers ». Pen. 4 (L. Rh. 482) a ce passage intéressant qui manque dans L. Rouge : si tu l’obtiens, il y a une chose que tu n’obtiendras pas : les oiseaux de Rianhon, qui réveillent les morts et endorment les vivants, je les veux pour me récréer cette nuit-là, Cf. plus haut, p. 145. [Le Mabinogi de Branwen contient une allusion à ces oiseaux. « À Hardlech vous resterez sept ans à table, pendant que les oiseaux de Rhiannon chanteront pour vous. » ]
  741. Cantrev, v. p. 82. [Mab. de Pwyll.] Il y a un jeu de mots sur Kadw, garder et Kado : Pen. 4 (L. RII.482) a même Kadw pour Kado. Prydein indique la Bretagne proprement dite (Prydyn est l’Ecosse) : c’est une forme correctement évoluée de Pretania ou Pritania ; Britannia est une forme refaite d’après Brittones. Prydain, et l’Irlandais Cruithne (plus précisément pays des Pictes) remontent à un vieux celtique Qritonia.
  742. Gorddu, « très noire ; » gorwen, « très blanche. » Pennant signifie le bout du ravin ou du ruisseau (armor. ant pour nant par an nant, la rigole entre deux sillons), patois français, un nant Govud, « affliction. »
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  745. Rin, « secret, vertu mystérieuse. » Pen. 4 (L. Rh. 488) : Rin Barvawt.
  746. La première mention du Twrch Trwyth ou porc Trwyth se trouve dans Nennius LXXIX : en chassant le porc Troit (porcum Terit, var. Troit), le chien d’Arthur, Cabal aurait imprimé la marque de son pied sur une pierre ; Arthur avait fait dresser à cet endroit un carn (amas de pierres) qui porte le nom de CarnCabal ; on peut enlever cette pierre et la transporter à une journée et une nuit de marche, elle retourne toujours au même lieu ; ce carn serait en Buellt, Breconshire. Il n’est pas inutile d’ajou­ter que ce passage n’appartient probablement pas à l’œuvre primitive de Nennius (Cf. A. de La Borderie, Nennius ; Georges. Heeger, Die Trojanersage der Britten, Munich, 1896, p. 21 et suiv.). D’après lady Guest, Carncavall est une montagne du district de Builh, au sud de Rhayader Gwy, Brecon. Il existerait encore sur le sommet de cette montagne une pierre portant une empreinte ressemblant à celle de la patte d’un chien. Elle en donne un dessin (Mab., II, p. 359). Le livre d’Aneurin contient probablement une allusion au Twrch Trwyth (Skene, Four anc. books, II, p. 94). L’histoire du Twrch Trwyth ressemble singulièrement à celle de la truie de Dallweir Dallbenn, Henwen. Henwen était pleine ; or, il était prédit que l’île aurait à souffrir de sa portée. Arthur rassemble ses troupes pour la détruire. Le gardien de la truie, Coll, fils de Collvrewi, a toujours la main dans ses crins partout où elle va. La laie accouche ici d’un grain de froment, là d’un grain d’orge, ailleurs d’un louveteau, et enfin d’un chat que Coll lance dans le détroit de Menei. Les enfants de Paluc recueillirent et élevèrent ce chat qui devint une des trois plaies de Mon (Anglesey) (V. Triades Mab., p. 307, 18 ; Skene, II, p. 458). Twrch est le nom de deux rivières du pays de Galles et d’une commune du Finistère, près Quimper. Tourch, en breton armoricain, a le sens de pourceau mâle. Sur la chasse du Twrch Trwyth, cf. John Rhys, Transactions of the Cymmrod society, 1891-1895, p. 100. Le Twrch Trwyth est l’Orc Treith du Glossaire de Cormac (nom pour un fils de roi, dit Cormac, Triath (nominatif) enim rex vocatur). Pour une chasse semblable, en Irlande, cf. The Rennes Dindshenchas, Revue celtique, XV, p. 474-475. Ferd Lot a rapproché le Twrch Tr. du Blanc Porc de Guingamor et aussi fait remarquer que Henwen signifie Vieille-Blanche (Romania, XXX, p. 14, 590). La forme Trwyth a été influencée par la forme irlandaise ou est due plus probablement à une erreur de scribe. La forme sincère est Trwyt (ou Trwyd) : c’est celle qui se trouve dans Nennius et aussi dans le Livre d’Aneurin (F. a. B., II, p. 94, vers 23). Silvan Evans (ibid., p. 392,393) cite également une forme Trwyd chez Cynddelw, poète de la seconde moitié du XIIe siècle, et une autre chez Llewis Glyn Cothi, poète du XVe siècle.
  747. On remarquera que dans ce roman les Gallois comptent par nuits, ce qui était aussi l’habitude chez les Gaulois d’après César. La semaine s’appelle d’ailleurs, en gallois, wythnos, « huit nuits. » Le cornique et le breton ont emprunté le mot latin septimana.
  748. Gwynn, « blanc ; » mygdwnn pour myngdwnn, « à la crinière sombre ».
  749. V. plus haut, p. 271 note 1.
  750. Cité dans les Englynion y Klyweit, recueil de proverbes ou conseils mis chacun dans la bouche d’un personnage plus ou moins connu ; ce sont des épigrammes de trois vers et commençant toutes par a glywaist ti, « as-tu entendu ? » (Myv. arch., p. 429, col. 2). V. plus haut sur Garselit, p. 277.
  751. Rien ne montre mieux l’évolution des personnages mythologiques que l’histoire de Gwynn. Nudd est la forme galloise régulière, au nominatif, du nom de dieu qu’on trouve au datif dans les inscriptions latines de Bretagne : Nodenti deo (Inscript. Brit. lat. Hübner, p. 42, XIV). On a trouvé des traces d’un temple consacré à ce dieu à Lydney, Gloucestershire. La forme irlandaise de ce nom est, au nominatif, Núada. Núada à la main d’argent est un roi des Túatha Dé Danann. Gwynn a été envoyé par les prêtres chrétiens en enfer. Son nom est synonyme de diable. Dafydd ab Gwilym, au lieu de dire : Que le diable m’emporte ! dit : que Gwynn, fils de Nudd, m’emporte ! (p. 170 ; cf. ibid., p. 260 : le hibou est appelé l’oiseau de Gwynn, fils de Nudd). La légende de saint Collen, qui a donné son nom à Llan-gollen, dans le Denbigshire et à Lan-golen, près Quimper, montre que ce n’est pas sans peine que les prêtres chrétiens ont réussi à noircir cet ancien dieu dans l’esprit des Gallois. Après une vie brillante et vaillante à l’étranger, Collen était devenu abbé de Glastonbury. Il voulut fuir les honneurs et se retira dans une cellule sur une montagne. Un jour, il entendit deux hommes célébrer le pouvoir et les richesses de Gwynn, fils de Nudd, roi d’Annwvn. Collen ne put se contenir, mit la tête hors de la cellule et leur dit : « Gwynn et ses sujets ne sont que des diables ! » ― « Tais-toi, » répondirent-ils, « crains sa colère. » En effet, le lendemain, il recevait de Gwynn une invitation à un rendez-vous sur une montagne. Collen n’y alla pas. Le jour suivant, même invitation. même résultat. La troisième fois, effrayé des menaces de Gwynn, et prudemment muni d’un flacon d’eau bénite, il obéit. Il fut introduit dans un château éblouissant ; Gwynn était assis sur un siège d’or, entouré de jeunes gens et de jeunes filles richement parés. Les habits des gens de Gwynn étaient rouges et bleus. Gwynn reçut parfaitement Collen et mit tout à sa disposition. Après une courte conversation, après avoir dit au roi qui lui demandait son impression sur la livrée de
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  867. Garth Grugyn ; garth, « colline, promontoire ». L’auteur tire, sans doute, ce nom de Grugyn. Le texte porte Gregyn, mais Grugyn est sûr (Celt. Folkl., p. 515, notes 1 et 2). Le nom est rappelé par Hafod Grugyn, près Brechfa (en Carmarthenshire, mais autrefois du Cardiganshire).
  868. Ystrad Yw, « la vallée d’Yw », un ancien district de la partie sud du Breconshire (Hundred de Crickhowel).
  869. Tawy et Euyas. Evyas est le nom d’un ancien canton du Herefordshire, du côté de Long Town. Ce district a laissé son nom à la paroisse d’Ewyas Harold : pour plus de détails, v. Egerton Phillimore, Owen’s Pensbroheshire I, p. 199, note 5. Ivyas est aussi le nom d’une paroisse de notre pays de Léon.
  870. Havren, la Severn, d’une forme vieille-celtique, Sabrina.
  871. Gwynn, blanc ; Mygdwnn, à la crinière brune.
  872. Llynn Lliwan. C’est le lac merveilleux dont parle Nennius LXXIII (Operlin Livan, l’embouchure de l’étang de Liwan) ; ce lac était en communication avec la Severn. Sur les formes de ce nom, v. J. Rhys, Arthur. Legend, p. 360, note 3.
  873. Aber Gwy, l’embouchure de la Gwy. La Gwy, que les Anglais appellent Wye, va se jeter dans le bras de mer de la Severn que les Gallois appellent Mor Havren, la mer de la Severn, à Chepstow.
  874. 1

toi, et tu n’as pas besoin de m’en remercier ; remercie Arthur qui te l’a procurée. De mon plein gré, tu ne l’aurais jamais eue. Le moment est venu pour moi de perdre la vie. » Alors Goreu, fils de Kustennin, le saisit par les cheveux, le traîna après lui jusqu’au donjon, lui coupa la tête et la plaça sur un poteau dans la cour. Puis il prit possession du château et de ses domaines. Cette nuit-là, Kulhwch coucha avec Olwen, et il n’eut pas d’autre femme pendant toute sa vie. Les autres se dispersèrent pour rentrer chacun dans son pays. C’est ainsi que Kulhwch eut Olwen, la fille d’Yspaddaden Pennkawr.


Le songe de Ronabwy


――――


Madawc, fils de Maredudd [1], était maître de Powys dans toute son étendue, c’est-à-dire depuis Porfordd jusqu’à Gwauan, au sommet d’Arwystli [2]. Il avait un frère qui n’avait pas une aussi haute situation que lui, Iorwerth, fils de Maredudd. Iorwerth fut pris d’un grand chagrin et d’une grande tristesse en considérant l’élévation et les grands biens de son frère, tandis que lui-même n’ayait rien. Il réunit ses compagnons et ses frères de lait, et délibéra avec eux sur ce qu’il avait à faire dans cette situation. Ils décidèrent d’envoyer quelques-uns (Feutre eux réclamer pour lui des moyens de subsistance. Madawc lui proposa la charge de penteulu [3], les mêmes avantages qu’à lui-même, et chevaux, armes. honneurs. Iorwerth refusa, s’en alla vivre de pillages jusqu’en Lloeger, et se mit à tuer, à brûler, à faire des captifs. Madawc et les hommes de Powys tinrent, conseil et décidèrent de charger cent hommes par trois Kymwt en Powys de se mettre à sa recherche. Ils estimaient autant la plaine de Powys (1), depuis Aber Ceirawc (2) en Allie twnver (3) jusqu’à Hyt Wilvre (4) sur Evyx-nwy(5), que les trois meilleurs Kymwi du pays. Aussi ne voulaient-ils pas que quelqufunqui n’avait pas de biens de famille en Powys, en eût dans cette plaine.

Ces hommes se divisèrent en troupes à Nillystwn Trevan (6), dans cette plaine. Il y avait à faire partie de cette recherche un certain Ronahwy. Il se rendit avec Kynnwric V rychgoch (7), homme de

(1) Il s’agit probablement des environs d’os), vestry. Le poëte Cynddelw (douzième siècle), chantant les exploits de Llywclyn ab Iorwerth (Llywelyn le Grand), mentionne le Rechdyr Croesoswallt (ûswestry) (Myv. arch., p. 315, cel. 1). Bhyrhlir signifie proprement terre arable ; terre à sillon. Cette plaine, qui est ici distincte de Powys proprement dit était peuplée de gens de langue anglaise, semble-t-il, au moins en grande partie.

(2) Aber Geirawc est l’endroit où la Geiriog se jette dans la Dee, au-dessous de la ville de Chîrk.

(3) Allictwn paraît être Allington, non loin de Pulford. Le texte ym Allictwn ferait supposer Mallictwn ou Ballictwn.

(4) Byt y Wilvre peut être, d’nprès lady Guest, Rhyd y Vorle, en anglais Melverley, passage sur la Vyrnwy, non loin de Yendroit où cette rivière se jette dans la Severn.

(5) Aujourd’hui y Vyrnwy, aflluent de la Severn.

(6) Peut-être Haliston Trevan ou Halston, près Whittington.

(7) Kynnwric Vrychgoch ou le rouge-tacheté, est le même personnage probablement que le Kynwric du Brut g Tywysogion, tué par la famille de Madawcab Marerludd (Myu. arch., p. 623, col. 2). Nlawddwy était un cymwd du cantrev de Gedewain en Powys Wenwynwyn (Myv. arch., p. 735) ; c’est aujourd’hui, avec Talyhont, un district du Merionathshíre. Mawddwy, et Kadwgawn Vras (1), homme de Moelvre en Kynlleith (2), chez Heilyn Goch (3), fils de Kadwgawn fils d’Iddon. En arrivant près de la maison, ils virent une vieille salle toute noire, au pignon droit, d’où sortait une épaisse fumée. En entrant, ils aperçurent un sol plein de trous, raboteux. Là où le sol se bombait, c’est à peine si on pouvait tenir debout, tellement il était rendu glissant par la fiente et Purine du bétail. Là où il y avait des trous, on enfonçait, jusque par-dessus le cou de pied, au milieu d’un mélange d’eau et d’urine d’animaux. Sur le sol étaient répandues en abondance des branches de houx dont le bétail avait brouté les extrémités. Dès l’entrée, le sol des appartements s’offrit à eux poussiéreux et nu. D’un côté était une vieille en train de grelotter ; lorsque le froid la saisissait trop, elle jetait plein son tablier de balle sur le feu, d’où une fumée qui vous entrait dans les narines et qu’il eût été difficile à qui que ce fut de suppor-

(1) Gadwgawn Vras ou le Gros, n’est pas autrement connu (vieil armor. Catwocon).

(2) Cynlleith était un cymwd du cantrev de Rhaiadr en Powys Vadog (Myv. arch., p. 736 ; ce district est mentionné par Cyndiielw dans son èlégie sur Madawc, íbid., p. 155). Cyullaith est en Denbighshire, à lfouest d’oswestry en Sln-ophire. Il comprenait les paroisses de Llunsilin et Llunarmon Dylîryn Glwyd. (Egan-ton Philimore, Oweníz Pembrok., p. 204, note 1.) Le Moelvre est une montagne isolée de ce district.

(3) Un des signataires de la paix entre Llywelyn et Édouard Ier, en 127-i, porte le nom de Grono ap fieylin. Iddon est, en vieil armor., Iudon = Iuddon. ter. De l’autre côté était jetée une peau de veau jaune. C’eût été une bonne fortune pour celui d’entre eux qui aurait obtenu de s’étendre sur cette peau (1).

Lorsqu’ils furent assis, ils demandèrent à la vieille où étaient les gens de la maison. Elle ne leur répondit que par des murmures. Sur ces entrefaites entrèrent les gens de la maison : un homme rouge, légèrement chauve, avec un reste de cheveux frisés, portant sur le dos un fagot ; une petite femme, mince et pâle, ayant elle aussi une brassée de branchages. Ils saluèrent froidement leurs hôtes et se mirent à allumer un feu de fagots ; la femme alla cuire et leur apporta leur nourriture : du pain d’orge, du fromage, et un mélange d’eau et de lait. A ce moment s’éleva une telle tempête de vent et de pluie, qu’il n’eût été guère facile de sortir, même pour une affaire de première nécessité. Par suite de la marche pénible qu’ils avaient faite, les voyageurs ne s’en sentir eut pas le courage et allèrent se coucher. Ils jetèrent Les yeux sur la couche : il n’y avait dessus qu’une paille courte, poussiéreuse, pleine de puces, traversée de tous côtés par de gros branchages ; toute la paille, qui dépassait la tête et les pieds (2), avait été

(1) Bonne fortune, traduit blaen-bren, bois du sommet, bois heureux ; sur le sort par des morçeaux de bois, ef. J. Loth ; Le sort chez les Celtes et les Germains, Revue Celt., 1895, p. 313 ; Le sort et l'écriture chez les anciens Celtes. Journal des Savants, 1911.

(2) Suppléez : des gens qui y couchaient (ici, des voyageurs qui allaient y coucher). broutée par des bouvillons. On avait étendu dessus une sorte de couverture de bure, d’un rouge pâle, dure et usée, percée ; par-dessus la bure, un gros drap tout troué ; sur le drap, un oreiller à moitié vide, dont la couverture était passablement sale. Ils se couchèrent. Après avoir été tourmentés par les puces et la dureté de leur couche, les deux compagnons de Ronabwy tombèrent dans un profond sommeil. Quant à lui, voyant qu’il ne pouvait ni dormir ni reposer, il se dit qu’il souffrirait moins s’il allait s’étendre sur la peau de veau jetée sur le sol. Il s’y endormit en effet.

À l’instant même où le sommeil lui ferma les yeux, il se vit en songe, lui et ses compagnons, traversant la plaine d’Argyngroec (1) ; il lui semblait qu’il avait pour but et objectif Rhyd y Groes (2) sur la Havren. Chemin faisant, il entendit un grand bruit ; jamais il n’en avait entendu qui lui parût plus rapide. Il regarda derrière lui, et aperçut un jeune homme aux cheveux blonds frisés, à la barbe fraîchement rasée, monté sur un cheval jaune, mais qui, à la naissance des jambes par derrière et depuis les

(1) Argyngroec, aujourd’hui Gyngrug, est divisé en deux parties : Gyngrog vawr, dans la paroisse de Pool, et Gyngrog vaeh, dans celle de Guilsfleld ; le tout sur les bords de la Severn, près de Welshpool, comté de Montgomergfl

(2) Rhyd y Groes ou le gué de la croix, un peu plus bas que Borrew ou le confluent de la Rbiw avec la Severn. Le nom de Bhyd y Grues est porté, d’après lady Guest, ou plutôt Gwnlter Mechaín, par une ferme à peu de distance de là, dans la paroisse de Fordun, près Montgomery. genoux par devant, était verdâtre. Le cavalier portait une tunique de paile jaune, cousue avec de la soie verte ; il avait, à sa hanche, une épée à poignée d’or dans un fourreau de cordwal neuf, dont les courroies étaient de cuir de daim et la boucle en or. Par-dessus, il portait un manteau de paile jaune cousu de fils de soie verte ; la bordure du manteau était verte. Le vert de ses habits et le vert du cheval était aussi tranché que le vert des feuilles du sapin, et le jaune, que le jaune des fleurs du genêt.

Le chevalier avait Pair si belliqueux, qu’ils prirent peur et s’enfuirent. Il les poursuivit. Chaque fois que son cheval respirait, ils s’éloignaient de lui ; chaque fois qu”il aspirait, ils approchaient jusqu’au poitrail du cheval. Il les atteignit, et ils lui demandèrent grâce. « Je vous l’accorde », répondit il ; « n’ayez pas peur. » — « Seigneur, dit Ronabwy, « puisque tu nous fais grâce, nous diras-tu qui tu es ? » « Je ne vous cacherai pas ma race : je suis Iddawc (1), fils de Mynyo ; mais ce n’est pas

(1) Iddawe (vieil-armor. Iudoc). Dans les Triades, une des trois trahisons secrètes lui est attribuée ; il trahit Arthur. Sa réunion avec Medi-awd a lieuàNanhwynnaín : c’est une des trois réunions pour trahison. Il devient ainsi l’auteur dîme des trois batailles frivoles de l’île, la bataille de Camlan (Myu. arch., p. 403, 20. 22 ; p. 405, 50). Lady Guest l’a confondu avec Eiddilic Gorr, qui est un personnage très différent. Les Triades lui donnent le surnom de Corn. Prydain. Gardd est préférable : il faut le rapprocher de corddi, agiter et mêler, baratter. Il est passé dans le rang des saints, confondu peub-être avec un autre personnage, Iddew (Rees, Welsh par mon nom que je suis le plus connu : c’est par mon surnom. » « Voudrais-tu nous le dire ? » Oui : on m’appelle Iddawc Gordd Prydein. » Seigneur », dit Ronabwy, « pourquoi t’appelle-t-on ainsi 9 » « En voici la raison. À la bataille de Kamlan, j’étais un des intermédiaires entre Arthur et Medrawt son neveu. J’étais jeune, fougueux. Par désir du combat, je mis le trouble entre eux. Voici comment : lorsque l’empereur Arthur m’envoyait à Medrawt pour lui représenter qu’il était son père nourricier et son oncle, et lui demander de faire la paix afin d’épargner le sang des fils de rois et des nobles de l’île de Bretagne, Arthur avait beau prononcer devant moi les paroles les’plins affectueuses qu’il pouvait, je rapportais, moi, à Medrawt les propos les plus blessants. C’est ce qui m’a valu le surnom d’Iddawc Cordd Prydein, et e’est ainsi que se trama la bataille de Kaiman. Cependant trois nuits avant la fin de la bataille, je les quittai et j’allai à Llechlas (1) en Prydeîn pour faire pénitence. J’y restai sept années ainsi et j’obtins mon pardon. »

À ce moment, ils entendirent un bruit beaucoup plus violent qu’auparavant. Ils regardèrent dans la direction du bruit, et aperçurent un jeune homme aux cheveux roux, sans barbe et sans moustache à l’aspect princier, monté sur un grand cheval rouge, mais qui, depuis le garrot d’un côté et depuis les genoux de l’autre jusqu’en bas, était jaune. Lui, il portait un habit de paile rouge, cousu avec de la soie jaune ; la bordure de son manteau était jaune. Le jaune de ses habits et de son cheval était aussi jaune que la fleur du genêt, le rouge, que le sang le plus rouge du monde. Le chevalier les atteignit et demanda à Iddawc s’il aurait sa part de ces petits hommes. « La part qu’il me convient de donner, › répondit Iddawc, « tu Pauras : tu peux être leur compagnon comme je le suis. ». Là-dessus, le chevalier s’éloigna. « Iddawe ›, dit Ronabwy, « quel est ce chevalier ? »- ¢ Ruawn Pebyr, fils du prince Deorthach. »

Ils continuèrent leur marche à travers la plaine d’Argyngroee, dans la direction de Bydy Groes sur la Havren. À un mille du gué, ils aperçurent, des deux côtés de la route, des campements et des tentes et tout le mouvement d’une grande armée. Arrivés au bord du gué, ils virentArthur assis dans une île au sol uni, plus bas que le gué, ayant à un de ses côtés l’évêque Betwin et, de l’autre, Gwarthegyt, fils de Kaw. Un grand jeune homme brun se tenait devant eux, ayant à la main nue épée dans le fourreau. Sa tunique et sa toque étaient toutes noires, son visage aussi blanc que l’ivoire avec des sourcils aussi noirs que le jais. Ce qu’on pouvait apercevoir de son poignet entre ses gants et ses manches était aussi blanc que le lis ; son poignet était plus gros que le con-de-pied d’un guerrier. lddawc et ses compagnons s’avancèrent jusque devant Arthur et le saluèrent. « Dieu vous donne bien, » dit Arthur. « Où as-tu trouvé, Iddawc, ces petits hommes-là ? › — « Plus haut là-bas, seigneur, .› répondit Iddawc, « sur la route. » Arthur eut alors un sourire amer.« Seigneur » dit Iddawc., « pourquoi ris-tu ? » — « lddawc, » répondit-il, « je ne ris pas ; cela me fait pitié de voir des hommes aussi méprisables que ceux-là garder cette île après qu’elle a été défendue par des hommes comme ceux d’autrefois. » Iddawc dit alors à Ronabwy : « Vois-tu à la main de l’empereur, cette bague avec la pierre qui y est enchâssée ? » — « Je la vois. » Une des vertus de cette pierre, c’est qu’elle fera que tu te souviennes de ce que tu as vu cette nuit ; si tu n’avais pas vu cette pierre, jamais le moindre souvenir de cette aventure ne te serait venu à l’esprit. »

Ensuite Bonabwy vit venir une armée du côté du gué. « Iddawc, » dit-il, « à qui appartient cette troupe là-bas ? » — « Ce sont les compagnons de Ruawn Pebyr. Ils peuvent prendre hydromel et bragawt (1) à leur gré, comme marque d’honneur, et faire la cour, sans qu’on y trouve à redire, à toutes les filles des princes de l’île de Bretagne ; et

(1) Voir § plus haut, p. 304, note 2. ils le méritent, car, dans tout danger, on les trouve à l’avant et ensuite à l’arrière. » Chevaux et hommes, dans cette troupe, étaient rouges comme le sang ; chaque fois qu’un cavalier s’en détachait, il faisait l’effet d’une colonne de feu voyageant à travers l’air. Cette troupe alla tendre ses pavillons plus haut que le gué. Aussitôt après ils virent une autre armée s’avancer vers le gué. Depuis les arçons jusqu’en haut, le devant des chevaux était aussi blanc que le lis ; et jusqu’en bas, aussi noir que le jais. Tout à coup un de ces cavaliers se porta en avant, et brochant des éperons poussa son cheval dans le gué, si bien que l’eau jaillit sur Arthur, sur l’évêque et tous ceux qui tenaient conseil avec eux : ils se trouvèrent aussi mouillés que si on les avait tirés de l’eau. Comme il tournait bride, le valet qui se tenait devant Arthur frappa son cheval sur les narines, de l’épée au fourreau qu’il avait à la main ; s’il avait frappé avec l’acier, c’eût été merveille s’il n’avait entamé chair et os. Le chevalier tira à moitié son épée du fourreau en s’écriant : Pourquoi as-tu frappé mon cheval ? est-ce pour n’outrager ou en guise d’avertissement ? » — « Tu avais bien besoin d’avertissement ; quelle folie t’a poussé à chevaucher avec tant de brutalité que l’eau a rejailli sur Arthur, sur l’évêque sacré et leurs conseillers au point qu’ils étaient aussi mouillés que si on les avait tirés de la rivière ? » — Eh bien, je le prends comme avertissement. » Et il tourna bride du côté de ses compagnons. « Iddawc, » dit Ronabwy, « quel est ce chevalier ? » — « Un jeune homme qu’on regarde comme le plus courtois et le sage de cette île, Addaon (1), fils de Teleessin » — « Quel est celui qui a frappé son cheval ? » — « Un jeune homme violent, prompt, Elphin, fils de Gwyddno (2). »

(1) Avaon ou Addaon, fils de Taliesin, est un des trois princes taureaux de bataille (Triades Mah., 303, 18). C’est un des trois aerueddawe ou chefs qui set vengeaient du fond de leurs tombes (Ibid., p. 304, 7). Il est tue par Llawgat Trwmbargawt Eiddin, el. c’esl un des trois meurtres funestes (Myv. av-ch., p. 390, col. 2). Il est fait mention de lui dans les Propos des sages (Iolo mss., p. 254). Il est assez remarquable que Taliesin ne parle pas de lui, excepté peut-être dans un passage (Skene, p.175, v. 25).

(2) Elphin ab Gwyddno. Sa généalogie est donnée dans la noblesse des hommes du Nord, c’est-à-dire des Bretons de Strat-Clut : Elflln, mah Gwyddno, mah Gawrdav, mah Garmonyawm mah Dyvymval Heu (Skene, II, p. 454). D’après une tradition qui paraît avoir été fort répandue, Elífih ab Gwyddno aurait. été délivré de la prison où le tenait Maelgwn de Gwynedd, par le pouvoir de la poésie de Taliesin son barde (Iolo mss., p. 71, 72, 18) : È Je saluerai mon roi… À la façon de Taliesin voulant délivrer Elfin, › : lit Llywareh ab Llywelyn, poëte de la fin du xixe siècle, s’adressant à Llywelyn ab Iorwerth (Myv. arohl, p. 214, col. 2). Taliesin le dit en propres termes : ¢ Je suis venu à Deganhwy pour discuter avec Maelgwn…, j’ai délivré mon maître en présence des nobles. Elphin le prince 1 (Skene, II, p. ii-l, 19). Dans un autre passage, il supplie Dieu de délivrer Elphîn de l’exîl, l’homme qui lui donnait vin, bière, hydromel et grands et beaux chevaux (Ibîd., P. 164% 39 ; 165, l-6 ; voir d’autres mentions d’Elphin, p. 137, 15 ; 131, 16 ; 216, IG). Le poëte Phylip Prydydd (1200-1250), dans un poème contre les hardes de bas étage, dit qu’ils ont toujours été en lutte avec les vrais barslesμlepuís la disputed’Elilln avec Maelgwn (llyu. amb., p. 258, col. 2). Cette querelle est exposée dans 8 Ham : Taliesin donnée par lady Guest à la fin des Mabinogion.

À ce moment un homme fier, accompli, au parler harmonieux, hardi, s’écria que c’était merveille qu’une aussi grande armée pût tenir en un endroit si resserré, mais qu’il était encore plus surpris de voir là, à cette heure, des gens qui avaient promis de se trouver à la bataille de Baddon[4] vers midi, pour combattre Osla Gyllellvawr. « Décide-toi, » dit-il en finissant, « à te mettre en marche ou non ; pour moi, je pars. » — « Tu as raison, » répondit Arthur ; « partons tous ensemble. » « Iddawc, » dit Ronabwy, « quel est l’homme qui vient de parler à Arthur avec une liberté si surprenante ? » — « Un homme qui a le droit de lui parler aussi hardiment qu’il le désire : Karadawc Vreichvras, fils de Llyr Marini (1), le chef de ses conseillers et son cousin germain. » Iddawc prit alors Ronabwy en croupe, et toute cette grande armée, chaque division dans son ordre de bataille, se dirigea vers Kevyn Digoll (2).

(1) Garadawc Vreichvras ou Caradawc aux gros bras, un des trois princes chevaliers de combat (Cadvarchawg), de la cour d’Arthur ; les deux autres étaient Llyr Lluyddawg et Mael ab Menwaed d’Arllechwedd. Arthur chanta à leur honneur cet englyn : Voici mes trois chevaliers de combat : Mael le Long, Llyr Lluyddawg (le chef d’armées) et la colonne de Cymru. Caradawg (Myv. Arch., p. 403, 29). Son cheval s’appelait Lluagor (Livre Noir, Skene 10, 14, Taliesin, ibid., p. 176, 5). Sa femme, Tegai Eurvronn, est une des trois femmes chastes de l’île, et une des trois principales dames de la cour d’Arthur (Myv. arch.g p. 410, 103, 108). Caradawc Vreichvras est devenu, dans les Romans de la Table Ronde, Karadoc Brief-bras ou aux bras courts, à la suite d’une mauvaise lecture (Paulin Paris, Les Romans de la Table Ronde, V, p. 209). Dans un acte concernant les reliques de la cathédrale de Vannes (xve siècle bibl. nat., fonds latin 9093), il est question des relations de saint Patern avec le roi Karaduc, cognomento Brech-bras. Caradawc, lui aussi, est la tige d’une famille de saints : Cawrdav, Cadvarch, Maethlu, Tangwn sont ses enfants (Iolo mss., p. 123). Llyr-Merini a pour femme Dywanwedd, fille d’Amlawdd Wledig, et devient père de Gwynn ab Nudd (un démon : v. Kulhwch), Caradawc Vreichvras, Gwallawc ab Lleenawc (Iolo mss., p. 123). Sur ce nom curieux de Llyr Marini. v. Rhys, Lectures p. 398.

(2) Cevn. Digoll, appelé aussi, d’après lady Guest, Hir. Vynydd ou la longue montagne, est situé à la frontière est du Montgomeryshire. À Cevn Digoll eut lieu une bataille entre Katwallawn et Etwin, chef-des Saxons ; la Severn en fut empestée depuis la source jusqu’à l’embouchure, d’où vint à Katwallawn le nom d’un Quand ils furent au milieu du gué sur la Havren, Iddawc fit faire volte-face à son cheval et Ronabwy jeta les yeux sur la vallée du fleuve. Il aperçut deux armées se dirigeant lentement vers le gué. L’une avait l’aspect d’un blanc éclatant ; chacun des hommes portait un manteau de paile blanc avec une bordure toute noire ; l’extrémité des genoux et le sommet des jambes des chevaux étaient tout noirs, tout le reste était d’un blanc pâle ; les étendards étaient tout blancs mais le sommet en était noir. « Iddawc, » dit Ronabwy, « quelle est cette armée d’un blanc éclatant là-bas ? » — « : Ce sont les hommes de Llychlyn (Scandinavie), et leur chef est March, fils de Meirchiawn (1) ; c’est un cousin

(1) Il y a trois chefs de flotte de l’île de Bretagne : Gereint, fils d’Erbin, March, fils de Meirchion, et Gwsnwynwyn, fils de Nav (Triades Mab., p. 303, l. 11). Sa tombe est mentionnée parmi celles des guerriers de l’île, avec celle de Gwythur et de Gwgawn Cleddyvrudd (Livre Noir, p. 32, v. 19), Sa femme est Essyllt, la maîtresse de son neveu Trystan ab Tallwch (Myv. arch., p. 410), 103, 105). C’est le roi Marc de Cornouailles du roman français de Tristan et Iseult. Les noms de March et de Merchion sont aussi germain d’Arthur. » L’autre armée qui venait après portait des vêtements tout noirs, mais la bordure des manteaux était toute blanche ; à la naissance des jambes d’un côté et aux genoux, de l’autre, les chevaux étaient blancs, tout le reste était noir ; les étendards étaient tout noirs mais Ie sommet en était tout blanc. « Iddawc, » dit Ronabwy, « quelle est cette armée toute noire là-bas ? » — « Ce sont les hommes de Denmarc (1) ; c’est : Edern, fils de Nudd qui est leur chef. » Quand ils rejoignirent l’armée, Arthur et ses guerriers de l’île des Forts étaient descendus plus bas que Kaer Vaddon. Il semblait à Ronabwy qu’il suivait, lui) et Iddawc, le même chemin qu’Arthur. Quand ils eurent mis pied à terrre, il entendit un gïrand bruit tumultueux dans les rangs de l’armée.

Les soldats qui se trouvaient sur les flancs passaient au milieu, et ceux du milieu sur les flancs. Aussitôt il vit venir un chevalier recouvert d’une cotte de mailles, lui et son cheval ; les anneaux en étaient aussi blancs que le plus blanc des lis, et les clous aussi rouges que le sang le plus rouge.

(1) Les Danois étaient appelés par les Brittons, la nation noire : 853. Mon vastata est a gentilibus nigris ; 866. Urbs Ebrauc vastata est, id est Cat Dub gint (le combat des nations noires), Annales Cambriae, ap. Petrie, Mon. hist. brit., p. 835 ; cf. Dubgall. les étrangers noirs, Annales Ult., à l’année 866. Les étrangers blancs (Finngal) étaient les Norvégiens.

Il chevauchait au milieu de l’armée. « Iddawc, » dit Ronabwy, « est-ce que l’armée que j’ai là, devant moi fuit ? » — « L’empereur Arthur n’a jamais fui ; si on avait entendu tes paroles, tu serais un homme mort. Ce chevalier que tu vois là-bas, c’est Kei ; c’est le plus beau cavalier de toute l’armée d’Arthur. Les hommes des ailes se précipitent vers le centre pour voir Kei, et ceux du milieu fuient vers les ailes pour ne pas être blessés par le cheval : voilà la cause de tout ce tumulte dans l’armée. »

À ce moment, ils entendirent appeler Kadwr (1), comte de Kernyw ; il se dressa, tenant en main l’épée d’Arthur sur laquelle étaient gravés deux serpents d’or. Lorsqu’on tirait l’épée du l’ouvreau, on voyait comme deux langues de feu sortir de la bouche des serpents ; c’était si saisissant, qu’il était difficile à qui que ce fût de regarder l’épée. Alors l’armée commença à se calmer et le tumulte s’apaisa. Le comte retourna à son pavillon. « Iddawc, » dit Ronabwy, « quel est l’homme qui portait l’épée d’Arthur ? » — « Kadwr, comte de Kernyw, l’homme qui a le privilège de revêtir au roi son armure les jours de combat et de bataille. »

Aussitôt après, ils entendirent appeler Eirinwych Amheibyn, serviteur d’Arthur, homme aux cheveux rouges, rude, à l’aspect désagréable, à la

(1) Kadwr avait élevé Gwenhwyvar, femme d’Arthur (Brut Tysilio, Myv. arch., p. 464, col. 1). Il prend part aux expéditions d’Arthur (vieil armor. Cat-wr). moustache rouge et aux poils hérissés. Il arriva monté sur un grand cheval rouge, dont la crinière retombait également des deux côtés du cou, et portant un grand et beau bât. Ce grand valet rouge descendit devant Arthur et tira des bagages une chaire en or, un manteau de paile quadrillée ; il étendit devant Arthur le manteau qui portait une pomme d’or (1) rouge à chaque angle et dressa la chaire dessus : elle était assez grande pour que trois chevaliers revêtus de leur armure pussent s’y asseoir. Gwenn (Blanche) était le nom du manteau ; une de ses vertus, c’était que l’homme qui en était enveloppé pouvait voir tout le monde sans être vu de personne ; il ne gardait aucune couleur que la sienne propre. Arthur s’assit sur le manteau ; devant lui se tenait Owein, fils d’Uryen. « Owein, » dit Arthur, « veux-tu jouer aux échecs ? — « Volontiers, seigneur », répondit Owein. Le valet rouge leur apporta les échecs : cavaliers d’or, échiquier d’argent. Ils commencèrent la partie.

Au moment où ils s’y intéressaient le plus, penchés sur l’échiquier, on vit sortir d’un pavillon blanc, au sommet rouge, surmonté d’une image de serpent tout noir, aux yeux rouges empoisonnée, à la langue rouge-flamme, un jeune écuyer aux cheveux blonds frisés, aux yeux bleus, la barbe naissante, tunique et surcot de paile jaune, bas de drap

(1) V. plus haut, page 250. jaune-vert et, par-dessus ; brodequins de cordwal tacheté, fermés au cou-de-pied par des agrafes d’or. Il portait une épée à poignée d’or à lame triangulaire ; le fourreau était de cordwal noir, et il avait, à son extrémité, une bouterolle de fin or rouge. Il se rendit à l’endroit où l’empereur Arthur et Uwein étaient en train de jouer aux échecs, et adressa ses salutations à Owein. Celui-ci fut étonné que le page le saluât, lui, et ne saluât pas l’empereur Arthur. Arthur devina la pensée d’Owein et lui dit : « Ne t’étonne pas que ce soit toi que le page salue en ce moment ; il m’a salué déjà, et d’ailleurs c’est à toi qu’il a affaire. » Le page dit alors à Owein : « Seigneur, est-ce avec ta permission que les petits serviteurs et les pages de l’empereur Arthur s’amusent à agacer, harceler et harasser tes corbeaux ? Si ce n’est pas avec ta permission, fais à l’empereur Arthur les en empêcher. » — « Seigneur, » dit Owein, « tu entends ce que dit le page ; s’il te plaît, empêche-les de toucher à mes corbeaux ». — « Joue ton jeu », répondit Arthur. Le jeune homme retourna à son pavillon. Ils terminèrent la partie et en commencèrent une seconde.

Ils en étaient environ à la moitié, quand un jeune homme rouge aux cheveux bruns, frisant légèrement, aux grands yeux, de taille élancée, à la barbe rasée, sortit d’une tente toute jaune, surmontée d’une image de lion tout rouge. Il portait une tunique de paile jaune descendant au cou-de-pied et cousue de fils de soie rouge ; ses deux bas étaient de fin bougran blanc et ses brodequins de cordwal noir, avec des fermoirs dorés. Il tenait à la main une grande et lourde épée à lame triangulaire ; la gaine était de peau de daim rouge, avec une bouterolle d’or à l’extrémité. Il se rendit à l’endroit où Arthur et Owein étaient en train de jouer aux échecs, et salua Owein. Owein fut fâché que le salut s’adressât à lui seul ; mais Arthur ne s’en montra pas plus contrarié que la première fois. Le page dit à Owein ; « Est-ce malgré toi que les pages de l’exnpereur Arthur sont en train de piquer les corbeaux et même d’en tuer ? Si c’est malgré toi, prie-le de les arrêter. » — « Seigneur », dit Owein à Arthur, « s’il te plaît, arrête tes gens. » « Joue ton jeu », répondit l’empereur. Le page s’en retourna au pavillon. Ils finirent cette partie et en commencèrent une autre.

Comme ils commençaient à mettre les pièces en mouvement, on aperçut à quelque distance d’eux un pavillon jaune tacheté, le plus grand qu’on eût jamais vu, surmonté d’une image d’aigle en or, dont la tête était ornée d’une pierre précieuse ; on vit en sortir un page à la forte chevelure blonde et frisée, belle et bien ordonnée, au manteau de paile vert, rattaché à l’épaule droite par une agrafe d’or, aussi épaisse que le doigt du milieu d’un guerrier, aux bas de fin Totness, aux souliers de cordwal tacheté, avec des boucles d’or. Il avait l’aspect : noble, le visage blanc, les joues rouges, de grands yeux de faucon. Il tenait à la main une lance à la forte hampe jaune tachetée, au fer nouvellement aiguisé, surmontée d’un étendard bien en vue. Il se dirigea d’un air irrité, furieux, d’un pas précipité, vers l’endroit où Arthur et Owein jouaient, penchés sur leurs échecs. On voyait bien qu’il était irrité. Il salua cependant Owein et lui dit que les principaux de ses corbeaux avaient été tués, et que les autres avaient été si blessés et si maltraités, que pas un seul ne pouvait soulever ses ailes de terre de plus d’une brasse. « Seigneur, » dit Owein, « arrête tes gens. » — « Joue, si tu veux », répondit Arthur. Alors Owein dit au page : « Va vite, élève l’étendard au plus fort de la mêlée, et advienne ce que Dieu voudra. »

Le jeune homme se rendit aussitôt à l’endroit où les corbeaux subissaient l’attaque la plus rude et dressa en l’air l’étendard. Dès que l’étendard fut dressé, ils s’élevèrent en l’air irrités, pleins d’ardeur et d’enthousiasme, pour laisser le vent déployer leurs ailes et se remettre de leurs fatigues. Quand ils eurent retrouvé leur valeur naturelle et leur supériorité, ils s’abattirent d’un même élan furieux sur les hommes qui venaient de leur causer colère, douleur et pertes. Aux uns ils arrachaient la tête, aux autres les yeux, à d’autre les oreilles, à certains les bras, et les enlevaient avec eux en l’air. L’air était tout bouleversé et par le battement d’ailes, les croassements des corbeaux exultant, et d’un autre côté par les cris de douleur des hommes qu’ils mordaient, estropiaient ou tuaient. Le tumulte était si effrayant qu’Arthur et Owein, penchés sur l’échiquier, l’entendirent. En levant les yeux, ils virent venir un chevalier monté sur un cheval d’un gris sombre ; le cheval était d’une couleur extraordinaire : il était gris sombre, mais il avait l’épaule droite toute rouge ; depuis la naissance des jambes jusqu’au milieu du sabot, il était tout jaune. Le cavalier et sa monture étaient couverts d’armes pesantes, étrangères. La couverture de son cheval, depuis l’arçon de devant jusqu’en haut, était de cendal tout rouge, et, à partir de l’arçon de derrière jusqu’en bas, de cendal tout jaune. Le jeune homme avait à la hanche une épée à poignée d’or, à un seul tranchant, dans un fourreau tout bleu, ayant à l’extrémité une bouterolle en laiton d’Espagne. Le ceinturon de l’épée était en cuir d’Irlande noir, avec des plaques dorées ; la boucle en était d’ivoire et la languette de la boucle toute noire. Son beaume d’or était rehaussé d’une pierre précieuse possédant une grande vertu, et surmonté d’une figure de léopard jaune-rouge, dont les yeux étaient deux pierres rouges : même un soldat, si ferme que fût son cœur, aurait eu peur de fixer ce léopard, et, à plus forte raison, ce guerrier. Il avait à la main le fût d’une longue et lourde lance à la hampe verte, mais à partir de la poignée jusqu’à la pointe, rouge du sang des corbeaux avec leur plumage. Le chevalier se rendit à l’endroit où Arthur et Owein étaient en train de jouer, penchés sur les échecs. Ils reconnurent qu’il arrivait épuisé, hors de lui par la colère.

Il salua Arthur et lui dit que les corbeaux d’Owein étaient en train de tuer ses petits serviteurs et ses pages. Arthur tourna les yeux vers Owein et lui dit : « Arrête tes corbeaux. » — « Seigneur » répondit Owein, « joue ton jeu. » Et ils jouèrent. Le chevalier s’en retourna sur le théâtre de la lutte, sans qu’on tentât d’arrêter les corbeaux. Arthur et Owein jouaient déjà depuis quelque temps, lorsqu’ils entendirent un grand tumulte : c’étaient les cris de détresse des hommes et les croassements des corbeaux enlevant sans peine les hommes en Pair, les écrasant et déchirant à coups de bec, et les laissant tomber en morceaux sur le sol. En même temps, ils virent venir un chevalier monté sur un cheval blanc pâle, mais, à partir de l’épaule gauche, tout noir jusqu’au milieu du sabot. Cheval et cavalier étaient couverts d’une lourde et forte armure bleuâtre. La cotte d’armes était de paile jaune damassé, avec une bordure verte, tandis que la cotte de son cheval était toute noire, avec des bords tout jaunes. À sa hanche était fixée une longue et lourde épée à trois tranchants, dont le fourreau était de cuir rouge artistement découpé ; le ceinturon était de peau de cerf d’un rouge tout frais ; la boucle, d’os de cétacé, avec une languette toute noire. Sa tête était couverte d’un beaume doré, dans lequel était enchâssé un saphir aux propriétés merveilleuses ; il était surmonté d’une figure de lion jaune rouge, dont la langue rouge flamme sortait d’un pied hors de la bouche, dont les yeux étaient tout rouges et empoisonnés. Le chevalier s’avança, tenant à la main une grosse lance à la hampe de frêne, au fer tout fraîchement ensanglanté, dont les chevilles étaient d’argent, et salua l’empereur. « Seigneur, » lui dit-il, « c’en est fait : tes pages et tes petits serviteurs, les fils des nobles de l’île de Bretagne sont tués ; c’est au point qu’il ne sera plus facile désormais de défendre cette île. » — « Owein, » dit Arthur, « arrête tes corbeaux (1). » — « Joue, seigneur, » répondit-il, « ce jeu-ci. » Ils terminèrent la partie et en commencèrent une autre.

Vers la fin de la partie, tout à coup ils entendirent un grand tumulte, les cris de détresse des gens armés, les croassements et les battements d’ailes des corbeaux en l’air, et le bruit qu’ils faisaient en laissant retomber sur le sol les armures entières et les hommes et les chevaux en morceaux. Aussitôt ils virent accourir un chevalier monté sur un cheval

(1) Une allusion est faite aux corbeaux d’Owein à la fin du roman d’Owein et Lunet. Les corbeaux d’Owein sont souvent mentionnés par les poëtes, notamment par Bleddyu, poëte du nn’siècle (Myu. arch., p. 252, col. 1). Kynddelw, au xiie siècle (Myv. arch., 174.2) y fait aussi allusion. Branhes ou la troupe des corbeaux est souvent associée à Bryneich (Bernicie) ; c’est peut-être un rapprochement amené par l’allitération (Myv. arch.. p. 237, col. 1 ; 246, col. 2 ; 252, col. 2 ; 281, col. 2 ; 291, col. 1). Llewis Glyn Cothi en parle en termes très clairs : « Owein ab Urien a frappé les trois tours dans le vieux Cattraeth ; Arthur a craint, comme la flamme, Owein, ses corbeaux et sa lance aux couleurs variées » (p. 140, v. 49). Sur les corbeaux dans la mythologie celtique, voir Revue Celtique, I, p. 32-57. pie-noir, à la tête haute, dont le pied gauche était tout rouge, et le pied droit, depuis le garrot jusqu’au milieu-du sabot, tout blanc. Cheval et cavalier étaient couverts d’une armure jaune tachetée, bigarrée de laiton d’Espagne. La cotte d’armes qui le couvrait, lui et son cheval, était mi-partie blanche et noire, avec une bordure de pourpre dorée. Par-dessus la cotte se voyait une épée à poignée d’or, brillante, à trois tranchants ; le ceinturon, formé d’un tissu d’or jaune, avait une boucle toute noire en sourcils de morse, avec une languette d’or jaune. Son beaume étincelant, de laiton jaune, portait, enchâssée, une pierre de cristal transparent, et était surmonté d’une figure de griffon dont la tête était ornée d’une pierre aux propriétés merveilleuses. Il tenait à la main une lance à la hampe de frêne ronde, teinte en azur, au fer fraîchement ensanglanté, fixè par des goupilles d’argent. Il se rendit, tout irrité, auprès d’Arthur, et lui dit que les corbeaux avaient massacré les gens de sa maison et les fils des nobles de l’île ; il lui demanda de faire à Owein arrêter ses corbeaux. Arthur pria Owein de les arrêter, et pressa dans sa main les cavaliers d’or de l’échiquier au point de les réduire tous en poudre. Owein ordonna à Gwers, fils de Beget, d’abaisser la bannière. Elle fut abaissée et aussitôt la paix fut rétablie partout.

Alors Ronadwy demanda à Iddawc quels étaient les trois hommes qui étaient venus les premiers dire à Owein qu’on tuait ses corbeaux. « Ce sont, » répondit Iddawc, « des hommes qui étaient peines des pertes d’Uwein, des chefs comme lui, et ses compagnons : Selyv (1), fils de Kynan Garwyn (2) de Powys, Gwgawn Gleddyvrud (3) ; Gwres, fils de Reget, est celui qui porte la bannière les jours de combat et de bataille. « Quels sont les trois

(1) Selyv, fils de Kynan Garwyn est un des trois aerveddawc ou ceux qui se vengent du fond de leur bombe (Tnlzdes Mal :, 304, 6). C’est probablement le même personnage que le Selim filius Cinan. tué à la bataille de Chester, en 613 (Annales Cambriae, Pet :-ie, Mon. hist. brit., p. 832).Selim, Selyu vient de Salomü. Son cheval, Duhir Tervenhydd, est un des trois tom eddyslr ou chevaux de travail de l’île de Bretagne (Livre Noir, Skene, Il, p. 172). Dans les trimles du Livre Bouge annexées aux Mab., son cheval Duhir Tynedie est un des trois premiers chevaux (Mah, 306. 24).

(2) Kynan Garwyu paraît être le fils de Broehvael Yagithrog, qu’on identifie avec le Brocmail de Bède, défait en 613 par Ælfrid, roi des Angles, près de Chester (Bède, Hist. eccl., II, 2). Un poème de Taliesin lui est consacré (Skene, II, p. 172). Pour la généalogie de Selyv et Kynan, v. tome II.

(3) Gwgawn Gleddyvrudd, ou Gwgawn à l’épée rouge, est un des trois esgemydd aereu ou bancs de bataille (v, la note à Morvran Eîl Tegit, plus haut, dans le Mab. de Kulhvch). C’est un des trois portiers de la bataille des Vergers de Bangor (Gweith Perllan Bangor) avec Madawe ab Run et Gwiwawn, fils de Gyndyrwynn (Triades Mah., 304, 25-30 ; Skene, app. II, p. 458). Son cheval Bucheslom Seri est un des trois anreilhvarch ou chevaux de butin de Yíle ; les deux autres sont Carnavlawc, cheval d’owein ah Uryen, et Tavantir Breichir, le cheval de Katwallawn ab Kutvan (Livre Noir, Skene, II, 1-i ; Triades Mab., 306, 30). Woeon, plus tard Gwogon et Gwgon, est un nom très commun en Armorique. La tombe de Gwgawn Gleddyvrudd est sišnalèe parmi celles des guerriers de l’île (Livre Noir, Skene, p. 32, v. 20). C’est du même Gwgawn qu’il est probablement question dans le Goäodin (Skene II, p. 72, v. 26.) qui sont venus en dernier lieu dire à Arthur que les corbeaux tuaîent ses gens ? » — « Les hommes les meilleurs et les plus braves, ceux qu’une perte quelconque d’Arthur indigne le plus : Blathaon, fils de Mwrheth, Ruvawn Pebyr, fils de Deorthach Wledic, et Hyveidd Unllenn. »

À ce moment vinrent vingt-quatre chevaliers de la part d’Osla Gyllellvawr demander à Arthur une trêve d’un mois et quinze jours. Arthur se leva et s’en alla tenir conseil. Il se rendit à peu de distance de là, à l’endroit où se tenait un grand homme brun aug : cheveux frisés, et fit venir auprès de lui ses conseillers : Beiwin l’évêque ; Gwarlhegylnfils de Kàw ; March, fils de Meirchawn ; Kradawc Vreichvras ; Gwalehmei, fils de Gwyar ; Eclyrn, fils de Nndd ; Ruva : vn Pebyr, fils de Deorláhach Wledic ; Riog-an, fils du roi d’Iwerddon ; Gwenwynnwyn, fils de Nav ; Howel, fils d’Emyr Llydaw ; Gwillim, fils du roi de France ; Danet, fils d’OLh ; Goreu, fils de Gustennin ; Mahon, fils de Modron ; Peredur Paladyr Hir ; Heneidwn Llen (Hyveidd unllen ?) ; Twrch, fils de Perif ; Nerth, fils de Kadarn ; Gobrwy, fils d’Eehe1 Vorddwyt-Twll ; Gwen-, fils de Gwestel(1) ; Adwy, fils de Gereint ; Dryslan, fils de Tallwch (2) ; Moryen Manawc (3) ; Granwen, fils de

(1) Ce personnage paraît connu au xiie-xiiie siècle. Prydydd y Moch dans le marwnad (chant funèbre) gie Hywelab Grufludd mort en 1312, parle de Gweir vab Gwestyl (Myv. Arch. 208, 2).

(2) Drystan, fils de Tallwch : c’est un des trois taleithawc de l’île, avec Gweir nb Gwystyl et Kei, fils de Kynyr (Triades Mab., Llyr ; Llâcheu (1), fils d’Arthur ; Llawvrodedd Varyvawc ; Kadwr comte de Kernyw ; Morvran, fils de Tegit ; Ryawd, fils de Morgant ; Dyvyr, fils d’Alun


(1) « Il y a trois deiuniawc (inventeurs ?) de l’île de Bretagne : Riwallnwn Wallt Banhadlen (aux cheveux de genéf), Gwalebmei, fils de Gwyar, et Llâcheu, fils d’Arthur (Triades Mah., 302, 28). Il est présenté avec Kei comme un vaillant guerrier dans le Livre Noir (Skene, II, p. 52, 28). Dans le Livre Noù’ (F. a. B., II, p. ã2, v.’l), ou sait où Llâcheu acte tue, Llâcheu étonnant comme art1kte(|Îbiä.,55 16). Un poëte du xm’siècle Bleddynt nous dit ql1’il a été tué si Llechysgar (Myu. arch., 252. 1). Il semble que dans Perlesvaus, on trouve l’écho d’une tradition gallois ; concernant un fils d’Arthur Dyvet ; Gwrhyr Gwalstot Ieithoedd ; Addaon, fils de Telyessin ; Llara, fils de Kasnar Wledic ; Ffleuddur Fflam ; Greidyawl Galldovydd ; Gilbert, fils de Katgyfro (1) ; Menw, fils de Teirgwaedd ; Gyrthmwl Wledic ; Kawrda (2), fils de Karadawc Vreiehvras ; Gildas, fils de Kaw ; Kadyrieith, fils de Seidi. Beau-


(1) Katgyfro signifie qui suscite, met en branle le combat. Il y a plusieurs Gilbert mêlés aux alîaires du puyg de Galles, au xiie siècle. Le nôtre est vraisemblablement Gilbert de Clare, comte de Pembroke (il en eut le titre en 1138). Il était fils de Gilbert Fitz-Richard, gumm fameuš et :same me B1-rm, pl 280) ; qui s’empara notamment du pays de Cardigan et mourut vers 1114 (The Bruts, p. 303). Notre Gilbert fut le père du célèbre Richard de Clare. plus connu sous le nom de Stronghow, qui mourut en 1116. Il me paraît probable que le texte primitif portail :Gilbert mab Gilbert Kalgyfro ; son cheval, dans le Livre Noir de Carmnrthen (F. a. B. 11, p, 10, 11), est Ruther ehon Tuth Bleit :Élan sans peur, galop de loup.

(2) Les Triades du Livre Bouge le donnent comme un des truie Kynweíssyeit ou premiers serviteurs, ou ministres de Bretagne, avec Gwalchmei et Llâcheu (Mah, p. 302, I. 26) ; mais celles de Skene nomment avec Cawrdav, Caradawc, fils de Bran, et Owein flls de Maxen Vvledic (Skene, app. Il. p. —158).Gawrdav, lui aussi, a été le père de plusieurs saints (Iolo mss., p. 123). Il est cité dans les Propos des Sages (Iolo mss., p. 253). coup de guerriers de Llychlyn et de Denmarc, beaucoup d’hommes de Grèce, bon nombre de gens de l’armée prirent part aussi à ce conseil.

« Iddawc, » dit Bonabwy, « quel est l’homme brun auprès duquel on est allé tout à l’heure ? » — « C’est Run (1), fils de Maelgwn de Gwynedd, dont le privilège est que chacun vienne tenir conseil avec lui. ›

« Comment se fait-il qu’on ait admis un homme aussi jeune que Kadyrieith, fils de Saidi dans un conseil d’hommes d’aussi haut rang que ceux-là là-bas ? » — « Parce qu’il n’y a pas en Bretagne un homme dont l’avis ait plus de valeur que le sien. » Juste à ce moment des bai-des vinrent chanter pour Arthur. Il n’y eut personne, à l’exception de Kadyrieith, à y rien comprendre, sinon que c’était un chant à la louange d’Arthur. Sur ces entrefaites arrivèrent vingt-quatre ânes avec leurs charges d’or et d’argent, conduils chacun par un homme fatigué, apportant à Arthur le tribut des îles de la Grèce. Kadyrieith, fils de Saidi fut d’avis

(1) Ruu est un des trois gwyndeyrn, ou rois heureux ou bénie, avec Owein ab Uryen et Ruawn Pebyr (Mab., p. 300, 7). Les Lois font de lui l’auteur des quatorze priviléges des hommes d’Ax-von. Il aurait marché à leur tête contre les envahisseurs bretons du nord de l’Angleterre, commandés par Clydno Eiddin, Nudd, fils de Senyllt, Mordav Hael, fils de Servuví, Rhydderch Hael, fils de Tudwal Tudglyd, venus Pour venger la mort d’Elidyr. Cet Elidyr aurait épousé Eurgain, fille de Maelgwn, et aurait péri en revendiquant le trône de Gwynedd, d’après Aueurín Owen, contre Ruu'. enfant illégitime de Maelgwn (Ancient laws, I, p. 104). Le Livre Rouge vante en lui le successeur de qu’on accordât à Osla Gyllellvawr une trêve de un mois et quinze jours et qu’on donnât les ânes qui apportaient le tribut aux bardes, avec leur charge, comme payement de leur séjour ; à la fin de la trêve, on leur payerait leurs chants. C’est à ce parti qu’on s’arrêta.

« Ronabwy, » dit Iddawc, « : n’aurait-il pas été fâcheux d’empêcher un jeune homme qui a donné un avis si généreux d’aller au conseil de son seigneur ? » À ce moment Kei se leva et dit : « Que tous ceux qui veulent suivre Arthur soient avec lui ce soir en Kernyw ; que les autres soient contre lui, même pendant la trêve. » Il s’ensuivit un tel tumulte que Ronabwy s’éveilla. Il se trouva sur la peau de veau jaune, après avoir dormi trois nuits et trois jours. — Cette histoire s’appelle Le Songe de Ronabwy.

Voici pourquoi personne, barde ou conteur, ne sait le Songe sans livre : c’est à cause du nombre et de la variété des couleurs remarquables des chevaux, des armes et des objets d’équipements, des manteaux précieux et des pierres à propriété merveilleuse.

Maelgwn et un guerrier redoutable (Skene, p. 220, v. 10). Mailcun, le Maglocunus de Gildas, meurt, d’après les Annales Cambriae, en 547.

NOTES CRITIQUES

Notes critiques à Pwyll, prince de Dyvet

Page 1, ligne 2 trad. p. 83 : Arberth ; lady Guest : Narberth ; v. note explicative à la page 1 de la traduction. — L.’7 : Llwyn Díarwya ; lady Guest : Llwyn Diarwyd. f’L. 11 : dygyvor yr hela ; lady Guest : il commença. la chasse ; dygyvor a le sens propre de réunir en hâte et avec bruit, rassemblement — cf. Texte ma11., p. 17, 1. 23 ; 60, 13 etc. — L. 20, trad. p. 84 : hanbwyllaw edrych ; lady Guest : sans : farréler à regarder ; hanbi wyllaw ou ambwyllaw a le sens de songer à, ré/léchir ådélibérer ; cf. Owen et Lunet, p. 173, l. 15 ; Myv. arch., p. 470, col. 1 : ac nit ambwyllwys Arthur yna. y ber, aladu iwyr. Pen.4 (L. Rh., 485), hyt na Imnbwyllei nep pei dygwydeí y nef ar y dagjar.

Page 2, l. 11, trad. p. 84 : Ac nys fuarcha/ : leg. ac nys Icy/uarchaf ; l’écriture fu pour v h’est pas rare dans les Mab., par ex. p. 3, 1. 15 : pa gyfuarwyd : cf. Peu. 4, (L. Rh., 6) : ac ay *chyuarchaf i well it. — L. 15 : annwybol ; lady Guegt : ignorance ; c’est un des sega de ce mot ; mais, dans les Mab., il a le sens opposé à gwybot, qui signifie proprement courtoisie, politesse (enseignement en fr. au moyen âge) ; cf. Pwyll, p. 7, I. 25 : Owen et Lunet, p. 166, l. 11 ; Pereclur ab Evrawc. p. 202, 1. 1 ; Gex-aiut ab Erbin, p. 259, l. 26, p. 283, l. Il. — L. 25, trad. p. 85 : Yd henwyfo honeí ; lady Guest. : d’oà je viens. Hanfod ale sens de sortir de ou de faire partie de ; v. Anvienl laws, I, p. 318, 388, —HO ; Mqv. arc/t., p. 629, col. 1 ; Ystoria do Carole magna, y Gymrnrodor, éd. Powel, p. 19. — L. 28, au lieu do : dy gederennyd leg. dy gerennyd (Peu. 4, L. BI. 3, uI.).

Page 3, 1. 8 et 9, trad. p. 86 : y gyscu y gyt a. thy beunoelb (pour coucher avec toi ehaque nuit) ; lady Guest, pour te tenir compagnie. — L. 21 : Beth a wna/ ym kyvoeth leg.am vyg gyvoeth (gm layuoeth sign fierait dans mes États) ou a’m Icyvoeth (avec mes états) — L. 29 : Nyt oes yndi neb nyth. adnappo ; lady Guest inexactement : il n’y at là personne qui.te reconnaisse ; pour la tournure neb nyth adnappo, cf. p. 24, l. 1.

Page 4, 1. 5, trad. p. 87 ; diarchenu répond à expression désarmer de nos romans de chevalerie ;’assez souvent dans les Mab. ce mot n’a que le sens d’enlever les vêtements de voyage ; le sens propre de diarchen., en gallois et en breton, c’est déchaussé, pieds nus. — Depuis la ligne 22 jusqu’à la ligne 30 de cette page, le texte gallois n’a pas été traduit par lady Guest (v. notre traduction, page 87-88, depuis : lorsque le moment du sommeil, jusqu’à : le lendemain., il n’y eut entre cum).

Page 5, l. 4. trad. p. 88 : yr cet paraît de trop. — L. 17, trad. p. 88 : hyt y vreich ; lady Guest : de la lon.gueur d’un bras ; il s’agit du braset. de la lance de Pwyll, comme ficela ressort d’autres passages. C’est une expression fréquente dans nos romans français de chevalerie. — L. 23, au lieu de a wneuthan, leg. a wneuthwn (gwnaelhwn) ; Pen. 4, L. Bl. 8 : a wneuthum : wneulhnzn est préférable. — L. 25 ; nent lervynedic aghen y roi : mot à mot ; ma mort est fixée : tervynedic a le sens de fixé et convenu : Myv. arch., 530. 1 (Brut Gr. ab Arthur) erbyn e dyd lervynedíc ; ibid, 557 note 402 yr arwyd tervenedic, le signal convenu.

Page 6, l. 17, trad. p. 90 : Kanys, je lis Kan. nya (Pen.4, L. Rh. 8 : canyt oes, qui a aussi le sens négatif et vaut mieux). — Depuis la ligne 23 de la page 6 jusqu’à la ligne 20 de la page 7, le texte gallois n’a pas été traduit par lady Guest (voir notre traduction depuis : le roi se mit au lit, p. 90, jusqu’à : Pwyll, prince de Dyvel, p. 91).

Page 7, l. 4, trad. p. 91 : gs glul ; pour le sens de ce mot cf. Pwyll, Mab., p. 22, 1. 12 ; cf. Myv. arch., p. 60, col. 1 : Aa hyrnlít yn fut.1 wnaeth Gru/]’ndd(Davies, glut : lerfaœ, patierw). L. 6 : yu yblic : leg. yn. [n.]yl›lic pour yn. dyblic : Pen. 4, L. Hh. 10 : yn nyblyc. L. 10 : Kadarn hungwr 2 leg. Iwrlarn a ungwr.

Page 8, l. 3, trad. p. 92 : Je rattache ot gwnn ã ce qui suit ; lady Guest ne l’a pas traduit. 3 L. 10 : Pen. 4, L. Bla. 12 : dyd manque. —L. 29, tr. p. 93 I Ac yn dyvot… ; lady Guest le fait dépendre de se gwelei, ce qui est grammaticalement impossible.

Page 9, l. 2, trad. p. 93 : ynnud, leg. yn uuud : gn zwyd ; expression très fréquente pour marquer l’obéissance et l’empressement : y deuil » gn uuyd lawen (Bown 0 Hamtwn, 161, XLIV ; ctlíbíd., 182, LXV, 186, LXIX, 165, XLVIlI).Peu. 4, L.Rh. : un a gyvodes yvynyd, se leva.-L. 10 :.zwelych : Pen. 4, L. Bb.. 14 : a wypych, que tu connaisses.

Page 10, l. 12, trad. p. 95 : No clayn bei ar y gem ; lady Guest inexactement : que quand il était au pas ; pour le sens de Iiymconjonctîon, dans les Mob., cf. p. 65, p. 214, p. 207, p. 78, p. 169,11 10, p. so, p. 220, p. 235, p.2as, e¢¢. — L. 20 : pei gallei wrthpwyll ídi y dywedut ; j’ai lu wrlh pwyll’en deux mots : Pen. 4, L. Rh. 16, a wrthp’uîylhi ídi y dywedut ; wrthpwylh se l.rouve :Bx-ut Grutî. abArthur (Myv.arck., 528.l), ac.es1wg er vrthpwith pobyl /zanno a oruc wrth y gyghor, et il soumit suivant ses désirs ce peuple rebelle là. Il est difficile de se prononcer sur les deux versions ; th et ll ont été pris quelque foiš Pun pour l’aul : re 2 Pen. 6, part. 1 (L. Rh. 279) 1 em-.zzozwch pour Maikolwoh.

Page 11, 1. 3, trad.96 2 Ac yn vn vn gerdet, leg. ac yn yr vn gerdet, ou : yn un gerdet. C’eu. 4, L. Bla. 17 : ac un gerdet). Pen. 4, (L. Bb. 17) a, en plus : yslcynnu a oruc Pwyll ar y march. Pwyll monta sur son chevμl.

Page 12, l. 15, trad. 98 : Ary ganuet ; lady Guest traduit nent chevaliers, ce qui ferait cent un chevaliers avec Pwyll ; le texte dit qu’ils sont cent en le comptant ; o’est une tournure fréquente dans nos romans français de la Table Ronde. Cependant, peut-être ici peut-on traduire avec cent hommes (cf. Revue Celtique, XXVIII, p. 206). 4 L. 17 T’A llawen uuwyt wrthaw, mot à mot : et on fut joyeuaz vis-à-vis de lui 4 ; l’expressíoix llewenyd n’a guère dans les Mab., en pareille circonstance, que le sens de réception courtoise ; cf. Math vab Mathonwy, p. 74, L25. — L. 19 : A hall uaranned, ce mot a été confondu avec baran qui signifie troupe (diffèrent de baron, £ureur) : cf. Baran-res. Ici, on a affaire à un mot tout différent : treulwyt seul suffirait à le prouver ; treul signifie dépenses, frais (parfois somptuosité) et aussi usure, action de consommer, user au propre et au figurá (parfois détruire). Maraned (et maranhed) rappelle goranhed, prêt, dans Pen. 4, L.Rh.458, é¢fuîvalent de parawt du L. Rouge, p. 104. Pour ce mot, d'. L.Taliesin, F.a.B. of wales, ll, p. 123-22 ; 185-22 ; 192-21 ; L. Bouge,278.1 : mar aurait un sens augmentatif ; ce serait un doublet de mor, en syllabe pré tonique ?

l’âge 13, l. 7, trad. p. 99 : lsanyîbu atteb a rodasseí ; lady Guest a traduit à contresens : à cause de la réponse qu’il avait donnée ; kariy il le sens négatif. -'L. 8 : muscrellach ; le mot n’est pas traduit en réalité par lady Guest. Davies le traduit avec raison par tardus, ignavus ; il a aussi le sens de négligé, v. Peredur, p. 197, l. 19.

Page 15, l. 16, trad. p. 102 : À geimat n’est pas traduit par lady Guest ; ceimad ou ceimiad a, dans les díct., le sens de voyageur, pèlerin ; il a aussi le sens de compagnon, champion ; Kat keimyat, Myv. arch., p.284, col.1 ; ceimieíd cammawn, ibid., p. 277, col. 2 ; cf. Êbid., p.214, col. 2 ; 293, col. 1. Compagnon.. en vieux français, a aussi le sens de cha.mpion.'Ceimiat est pour campiat ; le doublet est camhwr, v.-bret camp-gar, dérivé de camp exploit ; camhawn a le sens de combat : même origine que le français champion. L. 23 : yn y garchar e hun. Dans Pesprit duirèdacteur du L. Rouge, ca ;-char indique peut-être ici le.sac 3 carchar est, en effet, masculin et 3/, par conséquent, marque le possesaí/, ce que confirme encore e hun.

Page 16, l. 5, trad.p. 103 : dihenyd ; lady Guest traduit par mort ; le mot a, en effet, ce sens, mais il en a’un plus général, celui de traitement cruel.'ojnsiSeinl Great, p. 316, 183, dihenydd se dit d’un homme qui a eu le bras coupé. L. 27, trad. p. 104 : y bawb or ath ovynno di ; lady Guest inexactement : pour tout ce que tu demanderais, ce qui supposerait or a ovynní di.

Page 17, l. 11, trad. p. 104 : dodi goslec ; lady Guest : faire silence ; c’est bien le sens étymologique, mais, dans l’usage, ce mot signifie plus souvent faire sílence et proclamer, et, en réalité, faire une proclamation ; cf. lolo mss., p. 50 ; Ancient laws, I, p. 36 ; Camper : Charlymaen, p.3 : À goslec daly dywat y Izrenhín wrthunt… — L. 12 : dangos, je lis ymdangos ; lady Guest a trad uit cette phrase d’une façon vague et peu conforme au texte : il fit inviter les solliciteurs et les ménestrels ámontrer et indiquer duels dans leur agréaient. '

Page 18, l. 3, p. 105 : Ni a. wdam na bydy gyvoel ; lady Guest : nous savons gue tu :Vespa : au.ssijeuneque… ; na bydy ne peut guère avoir ce sens non plus que kyvoet, qui signifie du même âge que… ; le texte semble altéré ; je lis :.2 nywdam ni na bydy gyvoet ; cf. Branwen, p.31, l. 22 : ny wnn na Im yno y ka/fo ; Math, p. 62, l. 1 : ny wydyat na.beynt eur ; Boum o Hamlwn, p. 187, LXX : ni wydwn i na, bei dic ef wrthyfi. L. 29. trad. p. 107 : ac ny byd an taeret ni an. chwcch wrtkihî e hunan. La traduction que je donne s’appuie sur un passage de Peredur. Pen. 7, L. Rh., 612 : Phomine a cheveux gris cornplimente Peredur sur sa force et ajoute que quand il aura toute sa vigueur : ny bydy wrlh nep ; c’est-à-dire, tu n’anras á Firwliner devant personne (cf. bad wrth gynghor), c’est-à-dire : tul’emporte1-as sur tous.

Page 19, l. 3 et 4, trad. p. 107 : Nyt ses ohonam ni… ; lady Guest : nous nfavons que ; ohonam ne peut avoir ce sens ; pour l’expression, cf. plus haut, 18, l. 20, 21 : nyt oed dim ohonaw yno. L. 10 : Dnw -1 wyr pop path, au wyr bot yu, en hynny ; lady Guest traduit : Dieu sait tout ; elle ne traduit que la moitié de la phrase ; elle semble n’avoír pas eompris yn. en (geu). L. 15 : yn, druan, lady Guest inexactement I rude, sévère. l’âge 20, I. 13, trad. p. 109 : ilíbin : lady Guest, simple : ce mot indique plutôt la nonchalance ; cf. p. 270, l. 26.

Page 2 l, l. 9, trad.p. 1101 os mynny yr hwnn ny bu ill eiryoet : lady Guest : puisque tu n’en as jamais eu.-L. IS : or bedyd a wneít yna ; lady Guest : et la cgfrémonie fut accomplie là ; elle a traduit comme s’il y avait eu a’r bedyd, ce qui fausse le sens.

Page 22, l. 7, trad. p. III : achwedyl wrllmw : est peut-être de trop, amené par chwedyl à la ligne plus bas. Si marchogaeth avait le sens qu’on lui trouve dans le Mabinogion de source française, c’est-à-dire de chevalerie, ou pourrait le traduire par : et à faire parler de lui. — L. 12 et 13, tr. p. 112 ; lady Guest, en dépit de la construction, rapporte kwynaw à Teírnon.

Page 23, l. 11, trad.p.1 12-1 13 : bellach kynny leg. bellach a hynny. -AL. li ei. 15 2 se ! se mynno a été passé par lady Guest. L. 18 et 19 : 3/n. dyvot o gylchaw D3/vet ; lady Guest : parce qu’il venait des confins de Dyvet : inexact. Voir la note explicative dans la traduction.

P. 24, l. 16, 17, trad. p.,115 : y wreic se magwys : lady Guest 2 c’est ma femme qui Pa nourri, ce qui ne serait exact que s’il y avait : vyg gwreic ; la construction est très régulière et : ne demande aucun changement.

Notes critiques à Branwen, fille de Llyr

Page 26, l. 2, trad. p. 120 : arderchawc e goron*Londons : cf. Brut Gr. ab Arthur (Myv. Arch., 512-2 ; ac a *want ardercímwc a caron enys Prydeizz. Le sens propre d'ar¢1dercÎ1awc est : qui se díxtíngue, remarquable : 1111¢1., 536.1 : à propos de Kaer Llion, il est dit : ac ygyt a. heny arderchawc oed o dwy eglwys arbennic. L. 5, trad. p. 121 : y am hynny ; lady Guest : aussi 4 y am plusieurs sens ; il a celui de en outre (Ancient laws, I, p. 70 ; Mab., p. 112, 1. 22, trad. p. 2813), et souvent celui de Z en face, delïautre côté de (Ancient laws, I, p. 10).

L. 6 : Penardim ; lady Guest : Pena ;-dun.. L. 10 : gwas de oed, lady Guest, q'élait un bon jeune homme, de nature dance ; ces derniersmûts ne sont pas dans le texte. L, 17 : ac yn en nessau ; lady Guest : et ils approchaient ; c'est le vent qui les rapprocherait.

Page 27, l. 30 : rieni, leg. riein.

Page 28, l. 15, lrad. p. 125 : ar nos honno y kyscwys, lady Guest ; et cette nuit Branwen devint sa femme ; lady Guest a partout remplacé : il couche avec elle par ils.se marièrent où elle devint sa femme. L. 17 : ar awydwyr a dechreuassant ymaruar am rannyat 3/ meirch ar gweisson ; lady Guest : ef les 0/'ficiers commençaient à. équiper et á ranger le.s'chevaua : et les valets ; ymaruar, qui est pour ymarwar (L. Tal. ap. Skene, F. a. B. of Wales, II, p, 213, 28-29), semble devoir porter sur a’r gneísson : s’entendre avec les valets. - L. 19 : ympob kgueü- hyt y mor ; lady Guest : il : les rangèrent en ordre jusqu’à.la mer ; kyueir qignifie direction, endroil. Cf.. Peredur, p. 230, L 29 ; 231, 1. 4. - L. 29, trad. p. 125, gnuan dm y meírch ; gwan a le sens propre de percer, mais, .au figuré, il signifie introduire, fourrer dana, s’introduÎre dans ou sous : Mah., p. 54, *g’u}an den y gro/’l ; ibi¢L, p. 39 ; cf. lolo msà., p. 155, roi a wanaf dan... ; Ancient Laws, I, p. 401.

Page 29, l. 1 : ar ny chaei grafl’ar [yr.zmramœu ; lady Charlotte Guest, à contresens : là où il pouvait saisir ; ar ny a le sens relatif et négatif à la fois ; v. Zeuss, Gr. cell., 2° ód., p. 392 ; J. Luth, Question. : de gramm. et de líng. l›rit., I, p. 151. -L.29, trad. p. 127 : yr neb a vedeíy Ilya... na neb ce gygkor ; lady Guest 2 Ce n’était pas la volonté de ceum qui sont à la cour ni dïzucun du conseil ; lady Guest n’a pas comp1-is a uedei du verbe meddu, 1 : passé* der ›, et l’a traduit comme vl/dei, < qui étaient ›.

Page 30, l. 7, trad. p. 127 : ac nys gadwn ; lady Guestt re que nous ne voulons pas accepter ; gadwn ne peut être ici pour cadwn ; de plus, ac ne peut être pour le relatif ; ac a ici le sens de q1101que, quand même ; cf. Kulhwfch et Olwen, P. mè, 1. 27 ; Gereînt ab Erbin, P. 283, 1. 11. Il.. 28, trad. p. 128 : ar vreint ; lady Guest : d’aprês, suivant ; ar 1-reint a le sens propre de : en guise de, comme ; cf. Mab., 162, 1. 8.

P. 3l, l.2, trad. p. 1292 gan Valholwclggan est de trop. - L. 22, 23, trad. p. 130 : se ny wnn na bo yno ylcajfo ; lady Guest : et je ne la donnerais à personne qu’å quelqu’1m de là-bas ; son texte a pu l’induire en erreur : ac ny mm ; elle semble avoir lu ac.ny un, ce qui, d’aild’ailleurs, ne serait pas plus correct Kafio pour caffod, peut s’expliquer en proposition dépendante. L. 25 : IL chymideu keymeinvoll y wreic. Je suppose que c’est un nom propre ? cymmid signifie combat : mid (mit), seul a aussi ce sens. L1 12 : Pen. 4, après kymereis ynneu, ajoute cystec (peine, traverses).

Page 32, l. 4, trad. p. 131 : auorles ? Pen. 4, L. Rh., 45 : anorles.

Page 33, l. 24, trad. p. 132 : cadwedic ; lady Guest : à garder ; ce suffixe n’a pas cette valeur ; pour ces participes prétérits passifs, v. Zeuss, Gr. cell., p. 532.

Page 34, l. 3, trad. p. 133 : ar som ; lady Guest : pour le payement ; som : le gallois moderne siom, et signifie déception. L. 139, trad. p. 134 : a dwÿn llythyf ; lady Guest inexactement : elle écrivit une lettre. —› ll. 23 : yn. dadleu ídaw,’lady Guest 2 conférant là,’dadleu a sou’èént le sens de cam* de justice, notamment en maint endroit au Lois (V. Leges Wan. Wallon). T L. so : pedeír gwlal a seïlhngeint ; Pen. 4, L. Rh., 49 : Pedeir’dec gwlat a seílhugeint. Pedeirdec est assure par un pas.sage suivant du L. Rouge, 16 : deg wlat a. seíthugeint.

Page 35, l. 6, trad. p. 1362 ac o achawa hyrmy y dodet seîlh marchawc ar y dref ; lady Guest : et peur cette raison il y eut sept chevaliers placés dans la ville ; traduction inacceptable : 0 achaws ne s’explique pas ; de plus, dodi ar ne peut avoir ce sens ; comme Lhwyd l’a remarqué, c’est une expression usuelle dans le sens de nommer, donner un nom à ; ef. plus haut, p. 31, l. 19 : y dodet ar y kymwt hwnmv… Talebolyon. L. 17, trad. p136 2 a gwedy hynny yd amylhawya y weílgí y teyrnassoed ; lady Guest : el les nations couvraient la mer ; gwédy hynny n’eslz pas traduit ; de plus, amylhawys est au parfait et n’a pas ce sens. Pen. 4, L. Rh., 50 : yd amlawys y weilgi pan oreskynwys y weilgi y tyrnassoed. Ce texte est altéré ; y weilgi après pan… est de trop : « L’océan augmente quand il couvrit la face des royaumes » ; amlawys est pour amylhawys, actif et aussi neutre. — L. 19, trad. p. 137 : Ac a oed o gerd arwest ar y gevyn ; lady Guest : et tout ce qu’il y avait de provisions sur son dos ; cerdd arwest ne peut avoir que le sens de musique vocale ou de cordes, v. Silvan Evans, Welsh dict. ; v. la note explicative.

Page 37, l. 9,.t.rad. p. 139:ony allafi… acatvyd; lady Guest : ne pourrai-je moi-même avoir le royaume ? Ony n’a pas le sens iuterrogatifetest en ralation avec ac atzîyd, auj. agadfydd, peut-être.

Page 39, l. 19, trad. p. 143 : gwern. gwngwch uiwch Vordwyt Lyllyon ; lady Guest : les laons de Morddwyt Tyllyon ? La tradubtîon de Gwen. Evans (White Book, XXI) est encore moins acceptable.’

Page 40, l. 7, trad. p.144 : Glivieri ; lady Guest ; Glrmell. — L. 26, trad. p. 146 : a’welei ohonunt, lady Guest : pour essayer de les découvrir ; ce qui grammaticalement est peu vraisemblable ; d’autre part, elle est dans l’île des Forts. *

Page 41, l. 15, trad. p. 147 : o niwygel ; il faut lire avec Pen. 4, page 58, aniwyget ; Silvan Evans (Welsh Diet.) 2 anniwyget. Diwyg (cf. vieil irl. do-fichim) signifie réparer, etfz ; anniwyget indique l’impuissance réparer ou à venger ; anniwyg a pris le sens de : mauvaise habitude ou tenue, désordre.

Page 42, l. 3, trad. p. 148 : au yr a glywys, leg. a glywyssynl ; (Pen. 4, L. Bh., 59 : a gewssynt) ; o vwyt est å corriger en : o ovil (o ovut) : Pen. 4, L. Rh., 59 : o ouut.Page:Loth - Mabinogion, tome 1.djvu/390 Page:Loth - Mabinogion, tome 1.djvu/391 Page:Loth - Mabinogion, tome 1.djvu/392 Page:Loth - Mabinogion, tome 1.djvu/393 Page:Loth - Mabinogion, tome 1.djvu/394 Page:Loth - Mabinogion, tome 1.djvu/395 Page:Loth - Mabinogion, tome 1.djvu/396 Page:Loth - Mabinogion, tome 1.djvu/397 Page:Loth - Mabinogion, tome 1.djvu/398 Page:Loth - Mabinogion, tome 1.djvu/399 Page:Loth - Mabinogion, tome 1.djvu/400 Page:Loth - Mabinogion, tome 1.djvu/401 Page:Loth - Mabinogion, tome 1.djvu/402 Page:Loth - Mabinogion, tome 1.djvu/403 Page:Loth - Mabinogion, tome 1.djvu/404 Page:Loth - Mabinogion, tome 1.djvu/405 Page:Loth - Mabinogion, tome 1.djvu/406 Page:Loth - Mabinogion, tome 1.djvu/407 Page:Loth - Mabinogion, tome 1.djvu/408 Page:Loth - Mabinogion, tome 1.djvu/409 Page:Loth - Mabinogion, tome 1.djvu/410 Page:Loth - Mabinogion, tome 1.djvu/411 Page:Loth - Mabinogion, tome 1.djvu/412 Page:Loth - Mabinogion, tome 1.djvu/413 Page:Loth - Mabinogion, tome 1.djvu/414 Page:Loth - Mabinogion, tome 1.djvu/415 Page:Loth - Mabinogion, tome 1.djvu/416 Page:Loth - Mabinogion, tome 1.djvu/417 Page:Loth - Mabinogion, tome 1.djvu/418 Page:Loth - Mabinogion, tome 1.djvu/419 Page:Loth - Mabinogion, tome 1.djvu/420 Page:Loth - Mabinogion, tome 1.djvu/421 Page:Loth - Mabinogion, tome 1.djvu/422 Page:Loth - Mabinogion, tome 1.djvu/423 Page:Loth - Mabinogion, tome 1.djvu/424 Page:Loth - Mabinogion, tome 1.djvu/425 Page:Loth - Mabinogion, tome 1.djvu/426 Page:Loth - Mabinogion, tome 1.djvu/427 Page:Loth - Mabinogion, tome 1.djvu/428 Page:Loth - Mabinogion, tome 1.djvu/429 Page:Loth - Mabinogion, tome 1.djvu/431 Page:Loth - Mabinogion, tome 1.djvu/432 Page:Loth - Mabinogion, tome 1.djvu/433 Page:Loth - Mabinogion, tome 1.djvu/434 Page:Loth - Mabinogion, tome 1.djvu/435 Page:Loth - Mabinogion, tome 1.djvu/436
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LES


Mabinogion


du


Livre Rouge de Hergest


avec les variantes du Livre Blanc de Rhydderch


Traduits du gallois avec une introduction,


un commentaire explicatif et des notes critiques


PAR


J. LOTH


professeur au collège de france


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édition entièrement revue, corrigée et augmentée


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tome ii



PARIS


FONTEMOING ET Cie, ÉDITEURS


4, rue le goff, 4


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1913



OWEIN[5] ET LUNET[6] ou la Dame de la Fontaine

L’empereur Arthur se trouvait à Kaer Llion[7] sur Wysc. Or un jour il était assis dans sa chambre en compagnie d’Owen, fils d’Uryen, de Kynon[8], fils de Klydno et de Kei, fils de Kynyr. Gwenhwyvar et ses suivantes cousaient près de la fenêtre. On disait qu’il y avait un portier à la cour d’Arthur, mais, en réalité, il n’y en avait point[9] : c’était Glewlwyt Gavaelvawr qui en remplissait les fonctions ; il recevait les hôtes et les gens venant de loin ; il leur rendait les premiers honneurs, leur faisait connaître les manières et les usages de la cour ; il indiquait à ceux qui avaient droit d’y entrer la salle et la chambre ; à ceux qui avaient droit au logement, leur hôtel. Au milieu de la chambre était assis l’empereur Arthur sur un siège de joncs verts[10] recouvert d’un manteau de paile jaune-rouge ; sous son coude, un coussin recouvert de paile rouge. « Hommes », dit Arthur, « si vous ne vous moquiez pas de moi, je dormirais volontiers en attendant mon repas. Pour vous, vous pouvez causer, prendre des pois d’hydromel. et des tranches de viande de la inain de Kei. » Et l’empereur s’endormit.

Kygon, fils de Klydno, réclama à Kei ce que l’empereur leur avait promis. « Je veux d’abord, » dit Kei, « le récit qui m’a été promis. » - « Homme, » dit Kynon, « ce que tu as de mieux à faire, c’est de réaliser la promesse d’Arthur, ensuite nous te dirons le meilleur récit que nous pouvons savoir. » Kei s’en alla à la cuisine et au cellier ; il en revint avec des cruchons d’hydromel, un gobelet d’or, et plein le poing de broches portant des tranches de viande. Ils prirent les tranches et se mirent à boire l'hydromel. « Maintenant », dit Kei, « c'est à vous de me payer (1) mon récit. » — « Kynon, » dit Owein, « paie son récit à Kei. » — « En vérité », dit Kynon, « tu es plus vieux que moi, meilleur conteur, et tu as vu plus de choses extraordinaires : paye son récit à Kei. » — « Commence, toi, par ce que tu sais de plus remarquable. » — « Je commence », dit Kynon.

J’étais fils unique de père et de mère ; j’étais fougueux, d’une grande présomption ; je ne croyais pas qu’il y eût au monde personne capable de me surpasser en n'importe quelle prouesse. Après être venu à bout de toutes celles que présentait mon pays, je fis mes préparatifs et me mis en marche vers les extrémités du monde et les déserts ; à la fin je tombai sur un vallon le plus beau du monde, couvert d’arbres d’égale taille (2), traversé dans toute sa longueur par une rivière aux eaux rapides. Un chemin longeait la rivière ; je le suivis jusqu’au milieu du jour et je continuai de l’autre côté de la rivière jusqu’à nones. J'arrivai à une vaste plaine, à l’extrémité de laquelle était un château fort étincelant, baigné par les flots. Je me dirigeai vers le château : alors se présentèrent à ma vue deux jeunes gens aux cheveux blonds frisés

(1) V. les notes critiques sur cette expression.

(2) Ce trait se retrouve dans d’autres descriptions ; lady Guest en Gllû un exemple tiré d’un récit de Gruffydd ab Adda, tué en 1370 à Dolgellau. Chrétien envoit son héros en Brocéliande qui se trouverait être ainsi en Galles. portant chacun un diadème d’or ; leur robe était de paile jaune ; des fermoirs d’or serraient leurs cous-de-pied ; ils avaient à la main un arc d’ivoire ; les cordes en étaient de nerfs de cerf ; leurs flèches dont les hampes étaient d’os de cétacés (1) avaient des barbes de plumes de paon (2) ; la tête des hampes était en or ; la lame de leurs couteaux était aussi en or et le manche d’os de cétacé (voir notes critiques). Ils étaient en train de lancer leurs couteaux. À peu de distance d’eux, j’aperçus un homme aux cheveux blonds frisés, dans toute sa force, la barbe fraîchement rasée. Il était vêtu d’une robe et d’un manteau de paile jaune ; un liséré de fil d’or bordait le manteau. Il avait aux pieds deux hauts souliers de cordwal bigarré, fermés chacun par un bouton d’or. Aussitôt que je l’aperçus, je m’approchai de lui dans l’intention de le saluer, mais c’était un homme si courtois que son salut précéda le mien. Il alla avec moi au château.

Il n’y avait d’autres habitants que ceux qui se trouvaient dans la salle. Là se tenaient

(1) Il s’agit non de la baleine, mais probablement de la licorne de mer, du narval. Nous voyons, en effet, que ces os de cétacés sont donnés comme blancs dans plusieurs poëmes anglais du moyen âge (v. lady Guest, Mab., I, p. 105).

(2) C’était un ornement recherché pour les flèches, comme le montre le prologue aux Canterbury Tales de Chaucer (ligne 104, 8, d’après lady Guest). L’habileté des Gallois à tirer de l’arc était célèbre au moyen âge. Les trois armes de guerre légales du Gallois sont l’épée avec le poignard, la lance avec le bouclier, l’arc et les flèches ; leur valeur est fixée par la loi (Ancient laws, II, p. 585, 9). vingt-quatre pucelles en train de coudre de la soie auprès de la fenêtre, et je te dirai, Kei, que je ne crois pas me tromper en affirmant que la plus laide d’entre elles était plus belle que la jeune fille la plus belle que tu aies jamais vue dans l’île de Bretagne ; la moins belle était plus charmante que Gwenhwyvar, femme d’Arthur, quand elle est la plus belle, le jour de Noël ou le jour de Pâques, pour la messe. Elles se levèrent à mon arrivée. Six d’entre elles s’emparèrent de mon cheval et me désarmèrent (1) ; six autres prirent mes armes et les lavèrent dans un bassin au point qu’on ne pouvait rien voir de plus blanc. Un troisième groupe de six mit les nappes sur les tables et prépara le repas. Le quatrième groupe de six me débarrassa de mes habits de voyage et m’en donna d’autres : chemise, chausses de bliant (2), robe, surcot : et manteau de paile jaune ; il y avait au manteau une large bande d’orfrois (galon). Ils étendirent sous nous et autour de nous de nombreux coussins recouverts de fine toile rouge. Nous nous assîmes. Les six qui s’étaient emparées de mon cheval le débarrassèrent de tout son

(1) « Les jeunes demoiselles prévenaient de civilité les chevaliers qui arrivaient dans les châteaux ; suivant nos romanciers, elles les désarmaient au retour des tournois et des expéditions de guerre, leur donnaient de nouveaux habits et les servaient à table ». (Sainte-Palaye, I, 10, d’après lady Guest).

(2) Vieil anglais blihant, blehand ; v. français blizmt, bliaut. Blialt, en Angleterre, bliant, en France, désignait une tunique ou un vêtement de dessus, ou un riche tissu destiné à cet usage, équipement d’une façon irréprochable, aussi bien que les meilleurs écuyers de l’île de Bretagne. On nous apporta aussitôt des aiguières d’argent pour nous laver et des serviettes de fine toile, les unes vertes, les autres blanches. Quand nous fmnes 1avés, l’homme dont j’ai parlé se mit à table ; je m’assis à côté de lui et toutes les pucelles à ma suite au-dessous de moi, à l’exception de celles qui faisaient le service. La table était d’argent, et les linges de table, de toile fine ; quant aux vases qui servaient à table, pas un qui ne fût d’or, d’argent ou de corne de bœuf sauvage. Gn nous apporta notre nourriture. Tu peux m’en eroire, Kei, il n’y avait pas de boisson ou de mets à moi connu qui ne fût représenté là, avec cette différence que mets et boisson étaient beaucoup mieux apprêtés que partout ailleurs.

Nous arrivâmes à la moitié du repas sans que lfhomme ou les pucelles m’eussent dit un mot. Lorsqu’il sembla à mon hôte que j’étais plus disposé à causer qu’à manger, il me demanda qui fétais (1). Je lui dis que j’étais heureux de trouver avec qui causer et que le seul défaut que je voyais dans sa cour, c”était qu’ils fussent si mauvais causeurs. « Seigneur », dit-il, « nous aurions causé avec toi déjà, sans la crainte de te troubler dans ton repas, nous allons le faire maintenant. » Je lui

1. Pen. 4. (L. Rh. 227) a en plus : quel était le but de mon voyage, ce qui paraît justifié par ce qui suit. fis connaître qui j’étais et quel étit le but de mon voyage : je voulais quelqu’un qui pût me vaincre, ou moi-même triompher de tous. » Il me regarda et sourit : « Si je ne croyais », dit-il, « qu’il dut tien arriver trop de mal, je Findíquerais ce que tu cherches. » J’en conçus grand chagrin et grande douleur. Il le reconnut à mon visage et me dit : Puisque tu aimes mieux que je t’indique chose désavantageuse pour toi plutôt qu’avantageuse, je le ferai : couche ici cette nuit. Lève-toi demain de bonne heure, suis le chemin sur lequel tu te trouvés tout le long de cette vallée là-bas jusqu’à ce que tu arrives au bois que tu as traversé. Un peu avant dans le bois, ’tu rencontreras un chemin bifurquant à droite ; suis-le jusqu’à une grande clairière unie ; au milieu s”élève un tertre sur le haut duquel tu verras un grand homme noir, aussi grand au moins que deux hommes de ce monde-ci ; il n’a qu’un pied et un seul œil au milieu du front ;à la main il porte une massue de fer, et je te réponds qu’il n’y a pas deux hommes au monde qui n’y trouvassent leur faix. Ce n’est pas que ce soit un homme méchant, mais il est laid. C’est lui qui est le garde de la forêt, et tu verras mille anîmaux sauvages paissant autour de lui. Demande-lui la route qui conduit hors de la clairière. Il se montrera bourru à ton égard, mais il Findiquera un chemin qui te permette de trouver ce que tu cherches »

Je trouvai cette nuit longue. Le lendemain matin je me levai, m*habillai, montai à cheval et j’allai devant moi le long de la vallée de la rivière jusqu’au bois, puis je suivis le chemin bifurquait que m’avait indiqué l’homme, jusqu’à la clairière. En y arrivant, il me sembla bien voir là au moins trois fois plus d’animaux sauvages que ne m’avait dit mon hôte. L’homme noir était assis au sommet du tertre ; mon hôte m’avait dit qu’il était grand : il était bien plus grand que cela. La massue de fer qui, d’après lui, aurait chargé deux hommes, je suis bien sûr, Kei, que quatre hommes de guerre y eussent trouvé leur faix : l’l¿omme noir la tenait à la main. Je saluai l’homme noir qui ne me répondit que d’une façon bourrue. Je lui demandai quel pouvoir il avait sur ces animaux. ¢ Je te le montrerai, petit homme », dit-il. Et de prendre son bâton et d’en décharger un bon coup sur un cerf. Celui-ei tit entendre un grand bramement, et aussitôt, à sa voix accoururent des animaux en aussi grand nombre que les étoiles dans Fair, au point que j’avais grand-peine à me tenir debout au milieu d’eux dans la clairière ; ajoutez qu’il y avait des serpents, des vipères, toute sorte d’animaux. Il jeta les yeux sur eux et leur ordonna d’aller paître. Ils baissèrent la tête et lui témoignèrent le même respect que des hommes soumis à leur seigneur. « Vois-tu, petit homme », me dit alors l’hornme noir, « le pouvoir que j’ai sur ces animaux. »

Je lui demandai la route. Il se montra rude, mais il me demanda néanmoins où je voulais aller. Je lui dis qui j’étais et ce que je voulais. Il me renseigna : « Prends le chemin au bout de la clairière et marche dans la direction de cette colline rocheuse là-haut. Arrivé au sommet, tu apercevras une plaine, une sorte de grande vallée arrosée. Au milieu tu verras un grand arbre ; l’extrémité de ses branches est plus verte qiíe le plus vert des sapins ; sous Parbre est ime fontaine (1) et sur le bord de la fontaine une dalle de marbre, et sur la dalle un bassin d’argent attaché à une chaîne d’argent de façon qu’on ne puisse les séparer (2). Prends le bassin et jettes-en plein d’eau sur la dalle. Aussitôt tu

(1) D’après Wace, la fontaine de Barenton en Brecheliant (Brocilisn) en Armorique, forêt située en partie dans l’ancien évêché de Saint-Malo, avait å peu près les mêmes privilèges (Roman de Bou, éd. Pluquet. II, 143, 4, d’après lady Guest). Guillaume le Breton rapporte au sujet de cette fontaine la même tradition (Guillelmus Brita, Philipp., VI, 415). Barenton ou Belenton était dans la seigneurie de Gaël, d’après les Ordonnances manuscrites du comte de Lavat connues sous le titre d’Usements et coustumzs de la forest de Brecilien. M. de la Villemarquè en cite un extrait qui prouve qu’au xv siècle la tradition n’êtait pas encore éteinte (Les Romans de la Table Ronde, p. 234). Huon de Méry, trouvère du xnr’siècle, fit le pèlerinage de Brecoliande et, plus heureux que Wace, trouva non seulement la fontaine, mais le bassin et renunvela avec plein succès l’expérience de Kynon et d’Owoin (Tournoiement Antécrist, Bibi. roy., n" 541. S. F.fol. 72. col. 2, v. 5, d’après lady Guest, Mah., I, 223). Dans le Chevalier au Lion, de Chrétien de Troyes, l’aventure se passe aussi dans la forêt de Brocéliande (Hîst. lítt. de la France, XV, p. 235).

(2) Une fontaine enchantée avec une coupe existe aussi dans le Mabinogi de Manawyddan (v. tome I. p. 160). Dans Chrétien, le bacin d’or est suspendu à Parbre par une chaîne qui va jusqu’à la fontaine, à côté est une petite chapelle (Ed. Förster, p. 1547). entendras un si grand coup de tonnerre qu’il te semblera que la terre et le ciel tremblent ; au bruit succédera une ondée très froide ; c’est à peine si tu pourras la supporter la vie sauve ; ce sera une ondée de grêle. Après Fondée, il fera beau. Il n’y a pas sur l’arbre une Feuille que Fondée n”aura enlevée ; après Fondée viendra une volée d’oiseaux qui descendront sur Parbre ; jamais tu n’as entendu dans ton pays une musique comparable à leur chant (v. page 13). Au moment où tu y prendras le plus de plaisir, tu entendras venir vers toi le long de la vallée gémissements et plaintes, et aussitôt Papparaîtra un chevalier monté sur un cheval tout noir, vêtu de paile tout noir, la lance ornée d’un gonfanon (1) de toile fine tout noir. Il f fat taquera le plus vite possible. Si tu fuis devant lui il t’atteindra ; si tu l’attends, de cavalier que tu es, il te laissera piéton. Si cette fois tu ne trouvés pas souffrance, il est inutile que tu en cherches tant que tu seras en vie. »

Je suivis le chemin jusqu’au sommet du tertre, d’où j’aperçus ce que m’avait annoncé- l’homme noir ; j’allai à l’arbre et dessous je vis la fontaine, avec la dalle de marbre et le bassin d’argent attaché à la chaîne. Je pris le bassin et je le remplis

(1) Gonfanon, étendard ou enseigne quadrangulaire terminé en pointe, enroulé quand en ne combattait pas, flottant en cas de combat. Il s’attachait à la hampe de la lance. Les simples chevaliers portaient le pennon, flamme triangulaire au bout de la lance (Viollet-le-Duc, Diction. rais. du mob., V). d’eau que je jetai sur la dalle. Voilà aussitôt le tonnerre et beaucoup plus fort que ne m’avait dit l’homme noir, et après le bruit, Fondée : j’étais bien convaincu, Kei, que ni homme, ni animal, surpris dehors par l’ondée, n’en échapperait. la vie sauve. Pas un. grèlon n’était arrêté par la peau ni par la chair : il pénétrait jusqu’à l’os. Je tourne la croupe de mon cheval contre Fondée, je place le son de mon bouclier sur la tète de mon cheval et sur sa crinière, la housse sur ma tête, et je supporte ainsi Fondée. Je jette les yeux sur Parbre : il n’y avait plus une feuille. Alors le temps devient serein ; aussitôt les oiseaux descendent sur Parhre et se mettent à chanter ; et je suis sûr, Kei, de n’avoir jamais entendu, ni avant, ni après, de xnusique comparable à celle-là (1). Au moment où je

(1) Le passage correspondant dans Chrétien est d’un grand intèrêt (éd. Förster, vers 460 et suiv.).

Vi sor le pin tant amassez
Oisiaus (s’esl. qui croire m’an vueille).
Que n’i paroit branche ne fueille.
Que toz ne fut cúverz d’oisiaus
S’an estoil. li arbres plus biaus ;
Et trestuít li oisel ehantoient
Si que trestuit s’antracordoíent,
Mes divers chanz chantoit chascuns ;
Quhnques ce que chantait li uns
À l’autre chanter n’i oï. »


E. Philipot m’a fait remarquer la frappante ressemblance de ce passage avec ce que dit Giraldus Cambronsis du chant chez les Gallois. (Cambrien Descr. c. 12) : in musica moclulamine non uniformiser ut alibí, sed multipliciler multzlsque modís et medulis prenais le plus de plaisir à les entendre, voilà. les plaintes venant vers moi le long de la vallée, et une voix me dit : « Chevalier, que me voulais-tu ? Quel mal t’ai-je fait pour que tu me fisses à moi et à mes sujets ce que tu* m’as fait aujourd’hui ? Ne sais-tu pas que Fondée n’a laissé en vie ni créature humaine, ni bête qu’elle ait surprise dehors ? › Aussitôt se présente le chevalier sur un cheval tout hoir, vêtu de paile tout noir, avec un gonfanon de toile fine tout noir. Nous nous attaquons. Le choc fut rude, mais je fus bientôt culbuté. Le chevalier passa le fût de sa lance à travers les rênes de mon cheval, et s’en alla avec les deux chevaux en me laissant là. Il ne me fit même pas l’honneur de me faire prisonnier ; il ne me dépouilla pas non plus.

Je revins par le chemin que j’avais déjà suivi. Je trouvai l’homme noir à la clairière, et je lfavoue, Kei, que c’est merveille que je ne sois pas fondu de honte, en entendant les moqueries de l’homme noir. J’arrivai cette nuit au château où j’avais passé la nuit précédente. On s’y montra encore plus courtois que la nuit d’avant, on me fit faire bonne chère, et je pus causer à mon gré avec les hommes et les femmes. Personne ne fit la moindre allusion à mon expédition à la fontaine. Je n’en soufflai mot non plus à personne. J’y passai la nuit. En me levant, le lendemain matin, je trouvai un palefroi brun foncé, à la crinière toute rouge, aussi rouge que la pourpre (1), complètement équipé. Après avoir revêtu mon armure, je leur laissai ma bénédiction et je revins à ma cour. Le cheval, je l’ai toujours ; il est à l’étable là-bas, et par Dieu et moi, Kei, je ne le donnerais pas encore pour le meilleur palefroi de l’île de Bretagne. Dieu sait que personne n’a jamais avoué pour son compte une aventure moins heureuse que celle-là. Et cependant, ce qui me semble le plus extraordinaire, C’est que je n’ai jamais ouï parler de personne ni avant ni après qui sût la moindre chose au sujet de cette aventure, en dehors de ce que je viens de raconter ; et aussi que l’objet de cette aventure se trouve dans les États de l’empereur Arthur sans que personne arrive dessus. — « Hommes, » dit Owein, ne serait-il pas bien de chercher à tomber sur cet endroit-là ? » — « Par la main de mon ami, » dit Kei, « ce n’est pas la première fois que ta langue propose ce que ton bras ne ferait pas. » — « En vérité, » s’écria Gwenhwyvar, « mieux

1. D’après Richards, Welsh dict., le cenn est une sorte de mousse en usage pour colorer en rouge. Je traduis par pourpre d’après les gloses d’Oxford : O ceen gl. murice. vaudrait te voir pendre, Kei, que tenir des propos aussi outrageants envers un homme comme Gwein. » - « Par la main de mon ami, ›i répondit-il, « princesse, tu n’en as pas plus dit à la louange d’Owein que je ne l’ai fait moi-même. › A ce moment Arthur s’éveilla et demanda s’il avait dormi quelque temps. T « Pas mal de temps, seigneur », dit Owein. - ¢ Est-il temps de se mettre à table’Z » - « Il est temps, seigneur >›, dilûwein. Le cor donna le signal d’aller se laver (1), et l’empereur, avec toute sa maison, se mit à table. Le repas terminé, Owein disparut. Il alla à son logis et prépara son cheval et ses armes.

Le lendemain, dès qu’il voit le jour poindre, il revêt son armure, monte à cheval, et marche devant lui au bout du monde et vers les déserts des montagnes. A la fin, il tombe sur le vallon boisé que lui avait indiqué Kÿnon, de façon à ne pouvoir douter que ce ne soit lui. Il chemine par le vallon en suivant la rivière, puis il passe de l’autre côté et marche jusqu’à la plaine ; il suit la plaine jusqu’en vue du château. Il se dirige vers le château, voit les jeunes gens en train de lancer leurs couteaux à Pendroil ; où les avait vus Kynon, et l’homme blond, le maître du château, debout à côté d’eux. Au moment où Owein va pour le saluer, l’homme blond lui adresse son salut et le précède au château. Il aperçoit une chambre, et en entrant

1. C’est ce que nos romans français expriment par corner l’eau. dans la chambre, des pucelles en train de coudre de la paile jaune, assises dans des chaires dorées. Owein les trouva beaucoup plus belles et plus gracieuses encore que ne Pavait dit Kynon. Elles se levèrent pour servir Owein comme elles l’avaient fait pour Kynon. La chère parut encore meilleure à Owein qu”à Kynon. Au milieu du repas, l’homme blond demanda à Owein quel voyage il faisait. Owein ne lui cacha rien : Je voudrais, ’>› dit-il, me rencontrer avec le chevalier qui garde la fontaine. » L’homme blond sourit ; malgré l’embarras qu’il éprouvait à donner à Owein des indications à ce sujet comme auparavant à Kynon, il le renseigna cependant complètement ; Ils allèrent se coucher.

Le lendemain matin ; Owein trouva son cheval tenu prêt par les pucelles. Il chexnina jusqu’à la clairière de l’homme noir, qui lui parut encore plus grand qu’à Kynon. Il lui demanda la route. L’homme noir la lui indiqua. Comme Kynon, Owein suivit la route jusqu’à l’arbre vert. Il aperçut la fontaine et au bord la dalle avec le bassin. Owein prit le bassin, et en jeta plein d’eau sur la dalle. Aussitôt voilà un coup de tonnerre, puis après le tonnerre, fondée, et les deux bien plus forts que ne l’avait dit Kynon. Après Fondée, le ciel s’éclaircit. Lorsque Owein leva les yeux vers Parbre, il n’y avait plus une feuille. A ce moment les oiseaux descendirent sur Parbre et se mirent à chanter. Au moment où il prenait le plus de plaisir à leur chant, il vit un chevalier venir le long de la vallée. Owein alla à sa rencontre et ils se battirent rudement. Ils brisèrent leurs deux lances, tirèrent leurs épées et s’escrimèrent. Owein bientôt donna au chevalier un tel coup qu’il traversa le beaume, la cervelière et la ventaille (1) et atteignit à travers la peau, la chair et les os jusqu’à la cervelle. Le chevalier noir sentit qu’il était mortellement blessé, tourna bride et s’enfuit. Owein le poursuivit et, s’il ne pouvait le frapper de son épée, il le serrait de près. Un grand château brillant apparut. Ils arrivèrent à Pentrée. On laissa pénétrer le chevalier noir] mais on fit retomber sur Owein la herse. La herse atteignit l’extrémité de la selle derrière lui, coupa le cheval en deux, enleva les molettes des éperons du talon d’Owein et ne s’arrêta qu’au sol. Les molettes des éperons et un tronçon du cheval restèrent dehors, et Owein, avec l’autre tronçon, entre les

(1) Voir notes critiques. La cervelière ou coiffe était une coiffure de mailles ou de plaques de fer enveloppant la partie supérieure du crâne. Ou elle était sous-jacente au camail, partie du vêtement de l’homme de guerre qui couvrait la tète et les épaules, et alors elle était de toile ou de peau, et n’était qu’un serre-tête (pernnffestin), où elle faisait partie du camail, et, dans ce cas, était faite de maillons ; ou encore elle était posée par-dessus ; alors elle était de fer battu (Viollet-le-Duc, Dictionnaire raisonné du mobilier français, V). La ventaille était une petite pièce dépendant du haubert, et que l’on attachait à la coiffe pour protéger le visage. Elle ne remontait pas jusqu’aux yeux. Elle fut remplacée par la visière qui dépendait du casque (Paulin Paris, Les Romans de la Table Ronde, IV). deux portes. La porte intérieure fut fermée, de sorte qu’Oweín ne pouvait s’échapper.

Il était dans le plus grand embarras, lorsqu’il aperçut, à travers la jointure de la porte une rue en face de lui, avec une rangée de maisons des deux côtés, et une jeune fille aux cheveux blonds frisés, la tête ornée d’un bandeau d’or, vêtue de paile jaune, les pieds chaussés de deux brodequins de cordwal tacheté, se dirigeant vers l’entrée. Elle demanda qu’on ouvrit : « En vérité », dit Owein, dame, il n’est pas plus possible de l’ouvrir d’ici que tu ne peux toi-même de là me délivrer ». - « C’est vraiment grande pitié, » dit la pucelle, « qu’on ne puisse te délivrer. Ce serait le devoir d’une femme de te rendre service. Je n’ai jamais vu assurément jeune homme meilleur que toi pour une femme (1). Si tu avais une amie, tu serais bien le meilleur des amis pour elle ; si tu avais une maîtresse, il n’y aurait pas meilleur amant que toi ; aussi ferai-je tout ce que je pourrai pour te tirer d’affaire. Tiens cet anneau et mets-le à ton doigt. Tourne le chaton à l’intérieur de ta main et ferme la main dessus. Tant que tu le cacheras, il te cachera toi-même (2).

(1) L’empressement de Lunet à obliger Owein, et ce compliment qu’elle lui adresse sont justifiés dans le Chevalier au Lion, de Chrestien de Troyes. Envoyée par sa dame à la cour d’Arthur, elle n’avait trouvé d’appui qu’nupràs d’Owein. Elle l’a reconnu et veut lui témoigner sa reconnaissance en le tirant du mauvais pas où il se trouve. »

(2) Il est question, dans des récits de tous pays, d’anneaux de ce genre. L’anneau de Gygès est un des plus fameux. Celui-ci est Lorsqu’ils seront revenus à eux, ils accourront ici de nouveau pour te livrer au supplice à cause du chevalier. Ils seront fort irrités quand ils ne te trouveront pas. Moi je serai sur le montoir de pierre (1) là-bas à t’attendre. Tu me verras sans que je te voie. Accours et mets ta main sur mon épaule ; je saurai ainsi que tu es là. Suis-moi alors où j’irai. » Sur ce, elle quitta Owein.

Il fit tout ce que la pucelle lui avait commandé. Les hommes de la cour vinrent en effet chercher Owein pour le mettre à mort, mais ils ne trouvèrent que la moitié du cheval, ce qui les mit en grande fureur. Owein s’échappa du milieu d’eux, alla à la pucelle et lui mit la main sur l’épaule. Elle se mit en marche suivie par Owein et ils arrivèrent à la porte d’une chambre grande et belle. Elle ouvrit, ils entrèrent et fermèrent la porte. Owein


(1) Lady Guest, d’après Ellis (note 8, Way’s Fablîaux). fait remarquer que ces montoirs étaient placés sur les routes, dans les forêts, et aussi en grand nombre dans les vi1les. Il y en avait beaucoup à Paris, où ils servaient aux magistrats å monter sur leurs mules pour se rendre aux cours de justice. Sur ces montoirs ou sur les arbres å côté, les chevaliers plaçaient leurs boucliers comme signe de défi pour tout venant. promena ses regards sur tout l’appartement : il n’y avait pas un clou qui ne fût peint de riche couleur, pas un panneau qui ne fût décoré de diverses figures dorées (1). La pucelle alluma un feu de charbon, prit un bassin d’argent avec de l’eau, et, une serviette de fine toile blanche sur l’épaule, elle offrit l’eau à Owein pour qu’il se lavât. Ensuite, elle plaça devant lui une table d’argent doré, couverte d’une nappe de fine toile jaune et lui apporta à souper. Il n’y avait pas de mets connu d’Owein dont il ne vit là abondance, avec cette différence que les mets qu’il voyait étaient beaucoup mieux préparés qu’ailleurs. Nulle part il n’avait vu offrir autant de mets ou de boissons excellentes que là. Pas un vase de service gui ne fût d’or ou d’argent. Owein mangea et but jusqu’à une heure avancée du temps de nones. À ce moment, ils entendirent de grands cris dans le château. Owein demanda à la pucelle quels étaient ces cris : « On donne l’extrême onction au maître du château, » dit-elle. Owein alla se coucher. Il eût été digne d’Arthur, tellement il était bon, le lit que lui fit la pucelle, de tissus d’écarlate, de paile, de cendal (2) et de toile fine.

Vers minuit, ils entendirent des cris perçants.

(1) L’usage de peindre les panneaux des appartements était assurément 1-panclu au moyen âge. Lady Guest cite à l’appui plusieurs passages de Chaucer, notamment du Knightes Tale, 1917.

(2) Le cendal est une espèce de soie, probablement une sorte de taffetas, en usage dès le xie siècle (Quicherat, Le costume, p. 153). « Que signifient ces cris maintenant ? » dit Owein, — « Le seigneur, maître du château, vient de mourir, » répondit la pucelle. Un peu après le jour retentirent des cris et des lamentations d’une violence inexprimable. Owein demanda à la jeune fille ce que signifiaient ces cris. « On porte, » dit-elle, « le corps du seigneur, maître du château, au cimetière. » Owein se leva, s’habilla, ouvrit la fenêtre, et regarda du côté du château. Il ne vit ni commencement ni fin aux troupes qui remplissait les rues, toutes complètement armées ; il y avait aussi beaucoup de femmes à pied et à cheval, et tous les gens d’église de la cité étaient là chantant. Il semblait à Owein que le ciel résonnait sous la violence des cris, du son des trompettes, et des chants des hommes d’église. Au milieu de la foule était la bière, recouverte d’un drap de toile blanche, portée par des hommes dont le moindre était un baron puissant (1). Owein n’avait jamais vu assurément une

(1) Il y a dans l’Yvain de Chrestien (éd Förster, p. 47-48) un trait saisissant qui manque dans notre récit. La foule s’assemble dans la salle autour de la bière : le sang jaillit des plaies du mort, clair et vermeil, ce qui prouvait, d’après l’auteur, que le meurtrier était présent. Cette croyance ce manifeste encore dans le poème néerlandais de Morien intercalé dans le Lancelot Hollandais publié par Jouckbloet. Morien arrive au château du père du chevalier qu’il vient de tuer. Le cadavre est dans la salle : dès qu’il paraît, le sang coule des plaies et annonce sa présence. Comme l’a fait remarquer Gaston Paris qui a fait ce rapprochement (Histoire littéraire de la France. xxx, p. 249), c’était une croyance fort répandue en France et ailleurs au moyen âge. Il est à noter suite aussi brillante que celle-là avec ses habits de paile, de soie et de cendal.

Après cette troupe venait une femme aux cheveux blonds, flottant sur les deux épaules, souillés à leur extrémité de sang provenant de meurtrissures, vêtue d’habits de paile jaune en lambeaux, les pieds chaussée de brodequins de cordwal bigarré. C’était merveille que le bout de ses doigts ne fût écorché, tant elle frappait avec violence ses deux mains l’une contre l’autre. Il était impossible de voir une aussi belle femme, Owein en était bien persuadé, si elle avait eu son aspect habituel. Ses cris dominaient ceux des gens et le son des trompettes de la troupe. En la voyant Owein s’enflamma de son amour au point qu’il en était entièrement pénétré. Il demanda à la pucelle qui elle était : « On peut en vérité te dire, » répondit-elle, « que c’est la plus belle des femmes, la plus généreuse, la plus sage et la plus noble ; c’est ma dame ; on l’appelle la Dame de la Fontaine, c’est la femme de l’homme que tu as tué hier. » — « Dieu sait, » dit Owein, que c’est la femme que j’aime le plus. » — « Dieu sait qu’elle ne t’aime ni peu ni point. » La pucelle se leva et alluma un feu de charbon, remplit une marmite d*eau et la fit chauffer. Puis elle prit une serviette de toile blanche et la mit autour du cou d’Owein. Elle prit un gobelet d’os d’éléphant, un bassin d’argent, le remplit d’eau chaude et lava la tête d’Owein. Puis elle ouvrit un coffret de bois, en tira un rasoir au manche d’ivoire, dont la lame avait deux rainures dorées, le rasa et lui essuya la tête et le cou avec la serviette. Ensuite elle dressa la table devant Owein et lui apporta son souper. Owein n’en avait jamais eu de comparable à celui-là, ni d’un service plus irréprochable. Le repas terminé, la pucelle lui prépara son lit. « Viens ici te coucher, » dit-elle, « et j’irai faire la cour pour toi. »

Elle ferma la porte et s’en alla au château. Elle n’y trouva que tristesse et soucis. La comtesse était dans sa chambre, ne pouvant, dans sa tristesse, supporter la vue de personne. Lunet s’avança vers elle et la salua. Elle ne répondit pas. La pucelle se fâcha et lui dit : « Que t’est-il arrivé, que tu ne répondes à personne aujourd’hui ? » — « Lunet, » dit la comtesse, « quel honneur est le tien, que tu ne sois pas venue te rendre compte de ma douleur. C’est moi qui t’ai faite riche. C’était bien mal à toi de ne pas venir, oui, c’était bien, mal. » — « En vérité, » dit Lunet, « je n’aurais jamais pensé que tu eusses si peu de sens. Il vaudrait mieux pour toi chercher à réparer la perte de ce seigneur que de l’occuper d’une chose irréparable. » - « Par moi et Dieu, je ne pourrai jamais remplacer mon seigneur par un autre homme au monde. » — « Tu pourrais épouser qui le vaudrait bien et peut-être mieux. » — « Par moi et Dieu, s’il ne me répugnait de faire périr une personne que j’ai élevée, je te ferais mettre à mort, pour faire en ma présence des comparaisons aussi injustes. Je t’exilerai en tout cas. » — « Je suis heureuse que tu n’aies pas à cela d’autre motif que mon désir de t’indiquer ton bien, lorsque tu ne le voyais pas toi-même. Honte à la première d’entre nous qui enverra vers l’autre, moi pour solliciter une invitation, toi pour la faire. » Et Lunet sortit. La dame se leva et alla jusqu’à la porte de la chambre à la suite de Lunet ; là elle toussa fortement. Lunet se retourna. La comtesse lui fit signe et elle revint auprès d’elle. « Par moi et Dieu, dit la dame, tu as mauvais caractère, mais puisque c’est mon intérêt que tu veux n’enseigner, dis-moi comment cela se pourrait. » — « Voici, » dit-elle. « Tu sais qu’on ne peut maintenir ta domination que par vaillance et armes. Cherche donc au plus tôt quelqu’un qui la conserve. » — « Comment puis-je le faire ? » — Voici : si tu ne peux conserver la fontaine, tu ne peux conserver tes États ; il ne peut y avoir d’autre homme à défendre la fontaine que quelqu’un de la cour d’Arthur. J’irai donc à la cour, et honte à moi si je n’en reviens avec un guerrier qui gardera la fontaine aussi bien ou mieux que celui qui l’a fait avant. » - « C’est difficile ; enfin, essaie ce que tu dis. »

Lunet partit comme si elle allait à la cour d’Arthur, mais elle se rendit à sa chambre auprès d’Owein. Elle y resta avec lui jusqu’au moment où il eût été temps pour elle d’être de retour de la cour d’Arthur. Alors elle s’habilla et se rendit auprès de la comtesse, qui la reçut avec joie : « Tu apportes des nouvelles de la cour d’Arthur ? » dit-elle. Les meilleures du monde, princesse ; j’ai trouvé ce que je suis allée chercher. Et quand veux-tu que je te présente le seigneur qui est venu avec moi ? » — « Viens avec lui demain vers midi pour me voir. Je ferai débarrasser la maison en vue d’un entretien particulier. » Lunet rentra.

Le lendemain, à midi, Owein revêtit une robe, un surcol ; et un manteau de paile jaune, rehaussé d’un large orfrei de fil d’or ; ses pieds étaient chaussés de brodequins de cordwal bigarré, fermés par une figure de lion en or. Ils se rendirent à la chambre de la dame qui les accueillit d’aimable façon. Elle considéra Owein avec attention : Lunet », dit-elle, « ce seigneur n’a pas l’air de quelqu’un qui a voyagé ». — « Quel mal y a-t-il à cela, princesse, » dit Lunet ? — « Par Dieu et moi, ce n’est pas un autre que lui qui a fait sortir l’âme du corps de mon seigneur. » — « Tant mieux pour toi, princesse ; s’il n’avait pas été plus fort que lui, il ne lui eût pas enlevé l’âme du corps ; on n’y peut plus rien, c’est une chose faite. » — « Retournez chez vous, » dit la dame, « et je prendrai conseil. » Elle fit convoquer tous ses vassaux pour le lendemain et leur signifia que le comté était vacant, en faisant remarquer qu’on ne pouvait le maintenir que par chevalerie, armes et vaillance. « Je vous donne à choisir : ou l’un de vous me prendra, ou vous me permettrez de choisir un mari d’ailleurs qui puisse défendre l’État. » Ils décidèrent de lui permettre de choisir un mari en dehors du pays. Alors elle appela les évêques et les archevêques à la cour pour célébrer son mariage avec Owein (1). Les hommes du comté prêtèrent hommage à Owein. Owein garda la fontaine avec lance et épée, voici comme : tout chevalier qui y venait, il le renversait et le vendait pour toute sa valeur. Le produit, il le partageait entre ses barons et ses chevaliers

(1) C’est là un trait qui n’est pas gallois. Les lois galloises ne font jamais mention de la bénédiction religieuse pour le mariage. D’ailleurs, comme le fait remarquer le savant jurisconsulte allemand Ferd. Walter, d’après le droit canonique, même au moyen âge, la bénédiction n’était pas nécessaire à la validité du mariage. C’est dans les lois concernant le mariage que le droit gallois a le plus échappé à l’influence romaine et à l’influence de l’Église (Ferd. Walter, Das alte Wales, p. 409). Quant au mariage de la Dame de la Fontaine avec le meurtrier de son mari, comme le fait remarquer lady Guest, il n’a rien de bien extraordinaire à cette époque. C’était, d’après Sainte-Palaye, un moyen très facile et fort ordinaire de faire fortune pour un chevalier que d’épouser une dame dans cette situation (I, 267, 326). aussi n’y avait-il personne au monde plus aimé de ses sujets que lui. Il fut ainsi pendant trois années.

Un jour que Gwalchmei se promenait avec l’empereur Arthur, il jeta les yeux sur lui et le vit triste et soucieux. Gwalçhmei fut très peiné de le voir dans cet état, et lui demanda : « Seigneur, que t’est-il arrivé ? » — « Par moi et Dieu, Gwalchmei, j’ai regret après Owein qui a disparu d’auprès de moi depuis trois longues années ; si je suis encore une quatrième sans le voir, mon âme ne restera pas dans mon corps. Je suis bien sûr que c’est à la suite du récit de Kynon, fils de Klydno, qu’il a disparu du milieu de nous. » — « Il n’est pas nécessaire, » dit Gwalchmei, « que tu rassembles les troupes de tes États pour cela ; avec tes gens seulement, tu peux venger Owein s’il est tué, le délivrer s’il est prisonnier, et l’emmener avec toi s’il est en vie. » On s’arrêta à ce qu’avait dit Gwalchmei. Arthur et les hommes de sa maison firent leurs préparatifs pour aller à la recherche d’Owein. Ils étaient au nombre de trois mille sans compter les subordonnés. Kynon, fils de Klydno, leur servait de guide. Ils arrivèrent au château fort où avait été Kynon : les jeunes gens étaient en train de lancer leurs couteaux à la même place, et l’homme blond était debout près d’eux. Dès qu’il aperçut Arthur, il le salua et l’invita : Arthur accepta l’invitation. Ils allèrent au château. Malgré leur grand nombre, on ne s’apercevait pas de leur présence dans le château. Les pucelles se levèrent pour les servir. Ils n’avaient jamais vu auparavant de service irréprochable en comparaison de celui des femmes. Le service pour les valets des chevaux, cette nuit-là, ne se fit pas plus mal que pour Arthur lui-même dans sa propre cour.

Le lendemain matin Arthur se mit en marche, avec Kynon pour guide. Ils arrivèrent auprès de l’homme noir ; sa stature parut encore beaucoup plus forte à Arthur qu’on ne le lui avait dit. Ils gravirent le sommet de la colline, et suivirent la vallée jusqu’auprès de l’arbre vert, jusqu’à ce qu’ils aperçurent la fontaine et le bassin sur la-dalle. Alors Kei va trouver Arthur, et lui dit : « Seigneur, je connais parfaitement le motif de cette expédition, et j’ai une prière à te faire : c’est de me laisser jeter de l’eau sur la dalle, et recevoir la première peine qui viendra. » Arthur le lui permet. Kei jette de l’eau sur la pierre, et aussitôt éclate le tonnerre ; après le tonnerre, l’ondée : jamais ils n’avaient entendu bruit ni ondée pareille. Beaucoup d’hommes de rang inférieur de la suite d’Arthur furent tués par l’ondée. Aussitôt l’ondée cessée, le ciel s’éclaircit. Lorsqu’ils levèrent les yeux vers l’arbre, ils n’y aperçurent plus une feuille. Les oiseaux descendirent sur l’arbre ; jamais, assurément, ils n’avaient entendu musique comparable à leur chant. Puis ils virent un chevalier monté sur un cheval tout noir, vêtu de paile tout noir, venant d’une allure ardente. Kei alla à sa rencontre et se battit avec lui. Le combat ne fut pas long : Kei fut jeté à terre. Le chevalier tendit son pavillon ; Arthur et ses gens en firent autant pour la nuit.

En se levant, le lendemain matin, ils aperçurent l’enseigne de combat flottant sur la lance du chevalier. Kei alla trouver Arthur : « Seigneur, » dit-il, j’ai été renversé hier dans de mauvaises conditions ; te plairait-il que j’allasse aujourd’hui me battre avec le chevalier ? » — « Je le permets, » dit. Arthur. Kei se dirigea sur le chevalier, qui le jeta à terre aussitôt. Puis il jeta un coup d’œil sur lui ; et, lui donnant du pied de sa lance sur le front, il entama heaume, coiffe, peau et même chair jusqu’à l’os, de toute la largeur du bout de la hampe. Kei revint auprès de ses compagnons. Alors les gens de la maison d’Arthur allèrent tour à tour se battre avec le chevalier, jusqu’à ce qu’il ne resta plus debout qu’Arthur et Gwalchmei. Arthur revêtait ses armes pour aller lutter contre le chelier, lorsque Gwalchmei lui dit : « Oh ! seigneur, laisse-moi aller le premier contre le chevalier. » Et Arthur y consentit. Il alla donc contre le chevalier ; comme il était revêtu d’une couverture (1) de paile que lui avait envoyée la fille du comte d’Anjou, lui et son

(1) Il ne s’agit probablement. pas d’une cotte d’armes. La cotte d’armes était une sorte de tunique d’étoffe ou de peau qu’on mettait, dès la fin du xiie siècle, sur le haubert. de mailles, sur le gambison et la broigne. Les cottes du xiie et du xiiie siècle étaient habituellement de cendal, talfetas ou étofle de soie assez forte (Viollet-le-Duc, Dict. du mob., V). La couverture ou surcot, qui était de laine ou de soie, se portait par-dessus la cotte d’armes et le haubert. C’est ainsi que, dans les romans français de la Table cheval, personne de l’armée ne le reconnaissait. Ils s’attaquèrent et se battirent, ce jour-là, jusqu’au soir, et cependant aucun d'eux ne fut près de jeter l’autre à terre. Le lendemain ils allèrent se battre avec des lances épaisses, mais aucun d’eux ne put triompher de l’autre. Le jour suivant, ils allèrent au combat avec des lances solides, grosses et épaisses. Enflammés de colère, ils se chargèrent jusqu’au milieu du jour, et enfin ils se donnèrent un choc si violent que les sangles de leurs chevaux se rompirent, et que chacun d’eux roula par-dessus la croupe de son cheval à terre. Ils se levèrent vivement, tirèrent leurs épées, et se battirent. Jamais, de l’avis des spectateurs, on n’avait vu deux hommes aussi vaillants, ni si forts. S’il y avait eu nuit noire, elle eût été éclairée par le feu qui jaillissait de leurs armes. Enfin le chevalier donna à Gwalchmei un tel coup, que son heaume tourna de dessus son visage[11], de sorte que le chevalier vit que c’était Gwalchmei. « Sire Gwalchmei, » dit alors Owein, « je ne te reconnaissais pas à cause de ta couverture ; tu es mon cousin germain. Tiens mon épée et mes armes. » — « C'est toi qui es le maître, Uwein, » répondit Gwalchmei, « c’est toi qui as vaincu ; prends donc mon épée. » Arthur les remarqua dans cette situation, et vint à eux. « Seigneur Arthur, » dit Gwalchmei, « voici Owein qui m’a vaincu, et il ne veut pas recevoir de moi mon épée. » — « Seigneur, » dit Uwein, « c’est lui qui est le vainqueur, et il ne veut pas de mon épée. » — « Donnez-moi vos épées, » dit Arthur, « et ainsi aucun de vous n’aura vaincu l’autre. » Owein jeta les bras autour du cou d’Arthur, et ils se baisèrent. L’armée accourut vers eux. Il y eut tant de presse et de hâte pour voir Owein et l’embrasser, que peu s’en fallut qu’il n’y eût des morts. Ils passèrent la nuit dans leurs pavillons.

Le lendemain, Arthur manifesta l’intention de se mettre en route. « Seigneur, » dit Owein, « ce n’est pas ainsi que tu dois agir. Il y a aujourd’hui trois ans que je t’ai quitté, et que cette terre m’appartient. Depuis ce temps jusqu’aujourd’hui, je prépare un banquet pour toi. Je savais que tu irais à ma recherche. Tu viendras donc avec moi pour te débarrasser de ta fatigue, toi et tes hommes. Vous aurez des bains. » Ils se rendirent au château de la Dame de la Fontaine tous ensemble, et le festin qu’on avait mis trois ans à préparer, ils en vinrent à bout en trois mois de suite. Jamais banquet ne leur parut plus confortable ni meilleur. Arthur songea alors au départ, et envoya des messagers à la dame pour lui demander de laisser Owein venir avec lui, afin de le montrer aux gentilshommes et aux dames de l’île de Bretagne pendant trois mois. La dame le permit malgré la peine qu’elle en éprouvait. Owein alla avec Arthur dans l’île de Bretagne. Une fois arrivé au milieu de ses compatriotes et de ses compagnons de festins, il resta trois années au lieu de trois mois.

Owein se trouvait, un jour, à table à Kaer Llion sur Wysc, lorsqu’une jeune fille se présenta (1), montée sur un cheval brun, à la crinière frisée ; elle le tenait par la crinière. Elle était vêtue de paile jaune. La bride et tout ce qu’on apercevait de la selle était d’or. Elle s’avança en face d’0vein, et lui enleva la bague qu’il avait au doigt (2). C'est ainsi qu’on traite, » dit-elle, « un trompeur, un traître sans parole ; honte sur la barbe (3) ! » Elle tourna bride et sortit. Le souvenir de son expédition revint à Owein, et il fut pris de tristesse. Le repas terminé, il se rendit à son logis, et y passa la nuit dans les soucis.

(1) Il y a de nombreux exemples de gens entrant à cheval dans la salle pendant que le seigneur et ses hôtes sont à table ; Lady Guest cite à l’appui un passage intéressant de Chaucer tiré du conte de Cambuscan (10, 390 ; 10, 401).

(2) Cet anneau dans le Chevalier au Lion de Chrestien, est celui que la femme d’Yvain (Owein) lui a donné en partant : il rend invulnérable tant qu’on aime sa dame.

(3) Cette expression constituait un outrage si grave chez les Gallois qu’elle entraînait le divorce si une femme l’adressait à son mari : c’était un des trois cas de rupture ipso facto.

Le lendemain il se leva, mais ce ne fut pas pour se rendre à la cour ; il alla aux extrémités du monde et aux montagnes désertes. Et il continua ainsi jusqu’à ce que ses habits furent usés, et son corps pour ainsi dire aussi ; de longs poils lui poussèrent par tout le corps. Il fit sa compagnie des animaux sauvages, il se nourrit avec eux, si bien qu’ils devinrent familiers avec lui. Mais il finit par s’affaiblir au point de ne pouvoir les suivre. Il descendit de la montagne à la vallée, et se dirigea vers un parc, le plus beau du monde, qui appartenait à une comtesse veuve. Un jour, la comtesse et ses suivantes allèrent se promener au bord de l’étang qui était dans le parc, jusqu’à la hauteur du milieu de l’eau. Là elles aperçurent comme une forme et une figure d’homme. Elles en connurent quelque crainte, mais, néanmoins, elles approchèrent de lui, le tâtèrent et l’examinèrent. Elles virent qu’il était tout couvert de teignes, et qu’il se desséchait au soleil. La comtesse retourna au château. Elle prit plein une fiole d’un onguent précieux (1), et le mit dans la main d’une de ses suivantes en disant :

(1) Dans le Chevalier au Lion, les dames ont reconnu Yvain. La dame du château tient son onguent de la fée Morgain. Le grand médecin, dans le roman de Gereint et Enid, c’est Morgan Tut ou Morgan le fé. Tut est identique à l’irlandais tûath : ban-tûath, sorcière (femme-sorcière) : The Rennes Dindshenchas 18, Revue Celt., 1895 ; ibid., 30 tuattach id. Sur Morgain la fée, v. miss Paton, Studies in the fairy myth. of Arthur. Romances, 1903. Sur Morgan Tut, v. J. Loth, Contributions à l’étude des romans de la Table Ronde, Paris, 1912. p. 51. « Va avec cet onguent, emmène ce cheval-là, et emporte des vêtements que tu mettras à la portée de l’homme de tout à l’heure. Frotte-le avec cet onguent dans la direction de son cœur. S’il y a encore de la vie en lui, cet onguent le fera lever. Épie ce qu’il fera. » La pucelle partit. Elle répandit sur lui tout l’onguent, laissa le cheval et les habits à portée de sa main, s’éloigna un peu de lui, se cacha et l’épia. Au bout de peu de temps, elle le vit se gratter les bras, se relever et regarder sa peau. Il eut grande honte, tellement son aspect était repoussant. Apercevant le cheval et les habits il se traîna jusqu’à ce qu’il pût tirer les habits à lui de la selle, et les revêtir. Il put à grand-peine monter sur le cheval. Alors la pucelle parut et le salua. Il se montra joyeux vis-à-vis d’elle, et lui demanda quels étaient ces domaines et ces lieux. « C’est à une comtesse veuve, » dit-elle, « qu’appartient ce château fort là-bas. Son mari, en mourant, lui avait laissé deux comtés, et aujourd’hui, elle n’a plus d’autre bien que cette demeure : tout le reste lui a été enlevé par un jeune comte, son voisin (1), parce qu’elle n’a pas voulu devenir sa femme. » — « C’est triste, » dit Owein. Et la jeune fille et lui se rendirent au château.

Owein descendit ; la jeune fille le mena à une chambre confortable, alluma du feu, et le laissa. Puis elle se rendit auprès de la comtesse, et lui

(1) Ce comte s’appelle Aliers dans le Chevalier au Lion. remit la fiole. « Hé, pucelle, » dit la dame, « où est tout l’onguent ? » — « Il est tout entier perdu, » dit-elle. — « Il m’est difficile de te faire des reproches à ce sujet. Cependant il était inutile pour moi de dépenser en onguent précieux la valeur de cent vingt livres pour je ne sais qui. Sers-le tout de même, » ajouta-t-elle ; « de façon qu’il ne lui manque rien. » C’est ce que fit la pucelle ; elle le pourvut de nourriture, boisson, feu, lit, bains, jusqu’à ce qu’il fût rétabli. Les poils s’en allèrent de dessus son corps par touffes écailleuses. Cela dura trois mois, et sa peau devint plus blanche qu’elle ne l’avait été.

Un jour, Owein entendit du tumulte dans le château, et un bruit d’armes à l’intérieur. Il demanda à la pucelle ce que signifiait ce tumulte. C’est le comte dont je t’ai parlé, » dit-elle, « qui vient contre le château, à la tête d’une grande armée, dans l’intention d’achever la perte de la dame. » Owein demanda si la comtesse avait cheval et armes. « Oui, » dit-elle, « les meilleures du monde. » — « Irais-tu bien lui demander en prêt, pour moi, un cheval et des armes de façon que je puisse aller voir de près l’armée ? » — « J'y vais. » Et elle se rendit auprès de la comtesse, à laquelle elle exposa toute leur conversation. La comtesse se mit à rire. « Par moi et Dieu, » s’écria-t-elle, « je lui donne le cheval et l’armure pour toujours. Et il n’en a, sûrement, jamais eu en sa possession de pareils. J’aime mieux qu’il les prenne que de les voir devenir la proie de mes ennemis, demain, malgré moi, et cependant je ne sais ce qu’il veut en faire. »

On lui amena un gascon noir, parfait, portant une selle de hêtre, et une armure complète pour cheval et cavalier. Owein revêtit son armure, monta à cheval, et sortit avec deux écuyers complètement armés et montés. En arrivant devant l’armée du comte, ils ne lui virent ni commencement ni fin. Owein demanda aux écuyers dans quelle bataille était le comte. « Dans la bataille, là-bas, où tu aperçois quatre étendars jaunes, deux devant lui, et deux derrière. » — « Bien, » dit Owein, « retournez sur vos pas et attendez-moi auprès de l’entrée du château. » Ils s’en retournèrent, et lui poussa en avant jusqu’à ce qu’il rencontra le comte. Il l’enleva de sa selle, le plaça entre lui et son arçon de devant, et tourna bride vers le château. En dépit de toutes les difficultés, il arriva avec le comte au portail, auprès des écuyers. Ils entrèrent, et Owein donna le comte en présent à la comtesse, en lui disant : « Tiens, voici l’équivalent de ton onguent béni. » L’armée tendit ses pavillons autour du château. Pour avoir la vie sauve, le comte rendit à la dame ses deux comtés ; pour avoir la liberté, il lui donna la moitié de ses domaines à lui, et tout son or, son argent, ses joyaux et des otages en outre ainsi que tous ses vassaux. Owein partit. La comtesse l’invita bien à rester, mais il ne le voulut pas, et se dirigea vers les extrémités du monde et la solitude.

Pendant qu’il cheminait, il entendit un cri de douleur dans un bois, puis un second, puis un troisième. Il se dirigea de ce côté, et aperçut une éminence rocailleuse au milieu du bois, et un rocher grisâtre sur le penchant de la colline. Dans une fente du rocher se tenait un serpent, et, à côté du rocher, était un lion tout noir. Chaque fois qu’il essayait de s’échapper, le serpent s’élançait sur lui et le mordait. Owein dégaina son épée, et s’avança vers le rocher. Au moment où le serpent sortait du rocher, il le frappa de son épée et le coupa en deux. Il essuya son épée et reprit sa route. Tout à coup, il vit le lion le suivre et jouer autour de lui comme un lévrier qu’il aurait élevé lui-même. Ils marchèrent tout le jour jusqu’au soir. Quand Owein trouva qu’il était temps de se reposer, il descendit, lâcha son cheval au milieu d’un pré uni et ombragé, et se mit à allumer du feu. Le feu était à peine prêt, que le lion avait apporté assez de bois pour trois nuits. Puis il disparut. En un instant, il revint apportant un fort et superbe chevreuil qu’il jeta devant Owein. Il se plaça de l’autre côté du feu, en face d’Owein. Owein prit le chevreuil, l’écorcha, et en mit des tranches à rôtir sur des broches autour du feu. Tout le reste du chevreuil, il le donna à manger au lion (1).

(1) Sur cet épisode et l’Ivain, v. Arthur Brown, The Knight of the Lion (Publ. of the mod. Lang. Assoc. America), 1906, v. Mab. I, Introd.

Pendant qu’il était ainsi occupé, il entendit un grand gémissement, puis un second, puis un troisième, tout près de lui. Il demanda s’il y avait là une créature humaine. « Oui, assurément, » fut-il répondu. — « Qui es-tu ? » dit Owein. — « Je suis Lunet, la suivante de la dame de la fontaine. » — « Que fais-tu ici ? » — « On m’a emprisonnée à cause d’un chevalier qui vint de la cour d’Arthur, pour épouser ma dame ; il resta quelque temps avec elle, puis il alla faire un tour à la cour d’Arthur, et jamais plus il ne revint. C’était pour moi un ami, celui que j’aimais le plus au monde. Un jour, deux valets de la chambre de la comtesse dirent du mal de lui et l’appelèrent traître. Je leur dis que leurs deux corps ne valaient pas le sien seul. C’est pour ce motif qu’on m’a emprisonnée dans ce vaisseau (1) de pierre, en me disant que je perdrais la vie s’il ne venait lui-même me défendre à jour fixé. Je n’ai plus que jusqu’après demain, et je n’ai personne pour aller le chercher : c’est Owein, fils d’Uryen. » — « Es-tu sûre que si ce chevalier le savait, il viendrait te défendre ? » — « J’en suis sûre par moi et Dieu. » Quand les tranches de viande furent suffisamment cuites, Owein les partagea par moitié entre lui et la pucelle. Ils mangèrent et s’entretinrent jusqu’au lendemain.

Le lendemain, Owein lui demanda s’il y avait un lieu où il pourrait trouver nourriture et bon

(1) Pour vaisseau traduisant llestyr, v. notes critiques, p. 181. accueil pour la nuit. « Oui, seigneur, » dit-elle, « va là, à la traverse ; suis le chemin le long de la rivière, et, au bout de peu de temps, tu verras un grand château surmonté de nombreuses tours. Le comte à qui appartient le château est le meilleur homme du monde pour ce qui est du manger. Tu pourras y passer la nuit. » Jamais guetteur ne veilla aussi bien son seigneur que ne fit le lion pour Owein, cette nuit-là. Owein équipa son cheval, et marcha, après avoir traversé le gué, jusqu’à ce qu’il aperçut le château. Il entra. On le reçut avec honneur. On soigna parfaitement son cheval, et on mit de la nourriture en abondance devant lui. Le lion alla se coucher à l’écurie du cheval ; aussi personne de la cour n’osa approcher de celui-ci. Nulle part, assurément, Owein n’avait vu un service aussi bien fait que là. Mais chacun des habitants était aussi triste que la mort. Ils se mirent à table. Le comte s’assit d’un côté d’Owein, et sa fille unique de l’autre. Jamais Owein n’avait vu une personne plus accomplie qu’elle. Le lion alla se placer sous la table entre les pieds d’Owein, qui lui donna de tous les mets qu’on lui servait à lui-même. Le seul défaut qu’Owein trouva là, ce fut la tristesse des habitants. Au milieu du repas, le comte souhaita la bienvenue à Owein : « Il est temps pour toi, » dit Owein, « d’être joyeux. » Dieu nous est témoin, » dit-il, « que ce n’est pas envers toi que nous sommes sombres, mais il nous est venu grand sujet de tristesse et de souci. Mes deux fils étaient allés, hier, chasser à la montagne. Il y a là un monstre qui tue les hommes et les mange. Il s’est emparé de mes fils. Demain est le jour convenu entre lui et moi où il me faudra lui livrer cette jeune fille, ou bien il tuera mes fils en ma présence. Il a figure d’homme, mais pour la taille, c’est un géant. » — « C’est, assurément, triste, » dit Owein, « et quel parti prendras-tu ? » — « Je trouve, en vérité, plus digne de lui laisser détruire mes fils, qu’il a eus malgré moi, que de lui livrer, de ma main, ma fille pour la souiller et la tuer. » Et ils s’entretinrent d’autres sujets. Owein passa la nuit au château.

Le lendemain, ils entendirent un bruit incroyable : c’était le géant qui venait avec les deux jeunes gens. Le comte voulait défendre le château contre lui, et, en même temps, voir ses deux fils en sûreté. Owein s’arma, sortit, et alla se mesurer avec le géant, suivi du lion. Aussitôt qu’il aperçut Owein en armes, le géant l’assaillit et se battit avec lui. Le lion se battait avec lui avec plus de succès qu’Owein. « Par moi et Dieu, » dit-il à Owein, « je ne serais guère embarrassé de me battre avec toi, si tu n’étais aidé par cet animal. » Owein poussa le lion dans le château, « ferma la porte sur lui, et vint reprendre la lutte contre le grand homme. Le lion se mit à rugir en s’apercevant qu’Owein était en danger, grimpa jusque sur la salle du comte, et de là sur les remparts. Des remparts, il sauta jusqu’aux côtés d’Owein, et donna, sur l’épaule du grand homme, un tel coup de griffe, qu’il le déchira jusqu’à la jointure des deux hanches, et qu’on voyait les entrailles lui sortir du corps. L’homme tomba mort. Owein rendit ses deux fils au comte. Le comte invita Owein, mais il refusa, et se rendit au vallon où était Lunet.

Il vit qu’on y allumait un grand feu ; deux beaux valets bruns, aux cheveux frisés, amenaient la pucelle pour l'y jeter. Owein leur demanda ce qu’ils lui voulaient. Ils racontèrent leur différend comme l’avait raconté la pucelle, la nuit d’avant. « Owein lui a fait défaut », ajoutèrent-ils, « et c’est pourquoi nous allons la brûler ». — « En vérité », dit Owein, « c’était cependant un bon chevalier, et je serais bien étonné, s’il savait la pucelle en cet embarras, qu’il ne vînt pas la défendre. Si vous vouliez m’accepter à sa place, j’irais me battre avec vous ». — « Nous le voulons bien, par celui qui nous a créés. » Et ils allèrent se battre contre Owein. Celui-ci trouva fort à faire avec les deux valets. Le lion vint l’aider et ils prirent le dessus sur les deux valets. « Seigneur », lui dirent-ils « nous n’étions convenus de nous battre qu’avec toi seul ; or, nous avons plus de mal à nous battre avec cet animal, qu’avec toi. » Owein mit le lion où la pucelle avait été emprisonnée, plaça des pierres contre la porte, et revint se battre avec eux. Mais sa force ne lui était pas encore revenue, et les deux valets avaient le dessus sur lui. Le lion ne cessait de rugir à cause du danger où était Owein ; il finit par faire brèche dans les pierres, et sortir. En un clin d’œil, il tua un des valets, et, aussitôt après, l’autre. C’est ainsi qu’ils sauvèrent Lunet du feu. Owein et Lunet allèrent ensemble aux domaines de la Dame de la Fontaine ; et, quand Owein en sortit, il emmena la dame avec lui à la cour d’Arthur, et elle resta sa femme tant qu’elle vécut (1).

Alors il prit le chemin de la cour du Du Traws (le Noir Oppresseur), et se battit avec lui. Le lion ne quitta pas Owein avant qu’il ne l’eût vaincu. Aussitôt arrivé à la cour du Noir Oppresseur, il se dirigea vers la salle. Il y aperçut vingt-quatre femmes, les plus accomplies qu’il eût jamais vues. Elles n’avaient pas, sur elles toutes, pour vingt-quatre sous (2) d’argent, et elles étaient aussi tristes que la mort. Owein leur demanda la cause de leur tristesse. Elles lui dirent qu’elles étaient filles de comtes, qu’elles étaient venues en ce lieu, chacune avec l’homme qu’elles aimaient le plus. « En arrivant ici », ajoutèrent-elles, « nous trouvâmes accueil courtois et respect. On nous enivra, et, quand nous fûmes ivres,

(1) La réconciliation d’Yvain avec la Dame de la Fontaine, dans le Chevalier au Lion, est beaucoup plus romanesque. Après plusieurs aventures qui suivent la délivrance de Lunet, il retourne à la fontaine où il renouvelle l’expérience de la coupe. Personne ne se présente. Lunet conseille à sa dame de prendre comme défenseur le Chevalier au lion. Elle y consent. Lunel va à sa recherche et est heureuse de reconnaître Yvain dans le héros. Il la suit au château, et, après quelques difficultés, les deux époux se réconcilient. (Hist. litt. de la France, XV).

(2) Sou au sens actuel du mot. le démon à qui appartient cette cour vint, tua tous nos maris, et enleva nos chevaux, nos habits, notre or et notre argent. Les corps de nos maris sont ici, ainsi que beaucoup d’autres cadavres. Voilà, seigneur, la cause de notre tristesse. Nous regrettons bien que tu sois venu ici, de peur qu’il ne t’arrive malheur ». Owein prit pitié d’elles et sortit. Il vit venir à lui un chevalier qui l’accueillit avec autant de courtoisie et d’affection qu’un frère : c’était le Noir Oppresseur. « Dieu sait », dit Owein, « que ce n’est pas pour chercher bon accueil de toi que je suis venu ici ». — « Dieu sait que tu ne l’obtiendras pas non plus ». Et, sur-le-champ, ils fondirent l’un sur l’autre, et se maltraitèrent rudement. Owein se rendit maître de lui et lui attacha les deux mains derrière le dos. Le Noir Oppresseur lui demanda merci en disant : « Seigneur Owein, il était prédit que tu viendrais ici pour me soumettre. Tu es venu, et tu l’as fait. J’ai été en ces lieux un spoliateur, et ma maison a été une maison de dépouilles ; donne-moi la vie, et je deviendrai hospitalier, et ma maison sera un hospice (1) pour faible et fort, tant que je vivrai, pour le salut de ton âme. » Owein accepta. Il y passa la nuit, et, le lendemain, il emmena avec lui les vingt-quatre femmes avec leurs

(1) Plusieurs lieux en Galles portent le nom de Spytty ou Ispytty, dont le premier terme vient de hospitium : ces hospices étaient des espèces d’hôtels tenus en général par des moines, et placés dans des lieux écartés des villes à l’intention des voyageurs. chevaux, leurs habits, et tout ce qu’elles avaient apporté de biens et de joyaux.

Il se rendit avec elles à la cour d’Arthur. Si Arthur s’était montré joyeux vis-à-vis de lui auparavant, après sa première disparition, il le fut encore plus cette fois. Parmi les femmes, celles qui voulurent rester à la cour en eurent toute liberté, les autres purent s’en aller. Owein resta, à partir de là, à la cour d’Arthur, comme Penteulu, très aimé d’Arthur, jusqu’à ce qu’il retourna vers ses vassaux, c’est-à-dire les trois cents épées de la tribu de Kynvarch (1) et la troupe des corbeaux. Partout où il allait avec eux, il était vainqueur.

Cette histoire s’appelle l’histoire de la Dame de la Fontaine.

(1) Ce passage n’a pas été compris par lady Guest : v. notes critiques. — Il devient très clair si on le rapproche du passage suivant de la Noblesse des hommes du Nord, édité avec traduction par Skene (Four ancient books, II, p. 455) : « Les trois cents épées de Kynvarch, les trois cents boucliers de Kyunwydyon, les trois cents lances de Coel, à quelque entreprise qu’ils allassent sérieusement, ils n'échouaient jamais ». Owein était fils d’Uryen ab Cynvarch ab Meirchawn ab Gorwst Ledlwm ab Keneu ab Coel. Pour les corbeaux d’Owein, v. t. I, Songe de Ronabwy, p. 370.

Peredur[12] ab Evrawc


Le comte Evrawc possédait le comté du Nord. Il avait sept fils. Ce n’était pas par ses domaines que s’entretenait Evrawc, mais par les tournois, les guerres et les combats, et, comme il arrive souvent à qui les recherche, il fut tué, ainsi que six de ses fils. Le septième s’appelait Peredur ; c’était le plus jeune. Il n’avait pas l’âge d’aller aux combats ni à la guerre ; autrement il eût été tué comme son père et ses frères. Sa mère était une femme avisée et intelligente. Elle réfléchit beaucoup au sujet de son seul fils et de ses domaines. Elle finit par prendre le parti de fuir dans le désert en un endroit solitaire et écarté et d’abandonner les lieux habités. Elle ne garda dans sa compagnie que des femmes, des enfants et des hommes paisibles, auxquels il n’était ni possible, ni convenable de se battre et de faire la guerre. Personne n’eût osé réunir armes et chevaux là où l’enfant eût pu s’en apercevoir, de peur qu’il n’y prît goût.

L’enfant allait tous les jours dans la forêt pour jouer et lancer baguettes et bâtons[13]. Un jour, il aperçut le troupeau de chèvres de sa mère et deux chevreaux près des chèvres. L’enfant s’étonna grandement qu’ils fussent sans cornes, tandis que tous les autres en portaient, et il pensa qu’ils étaient depuis longtemps égarés et qu’ils avaient ainsi perdu leurs cornes. Il y avait, au bout de la forêt, une maison pour les chèvres : à force de vaillance et d’agilité, il y poussa les chevreaux et les chèvres. Puis il retourna à la maison auprès de sa mère : « Mère, » dit-il, « je viens de voir ici près, une chose étonnante : deux de tes chèvres devenues sauvages, et ayant perdu leurs cornes, si longtemps elles ont été égarées sous bois ! Il est impossible d’avoir plus de peine que je n’en ai eu à les faire rentrer. » Aussitôt chacun de se lever et d’aller voir : grand fut leur étonnement quand ils aperçurent les chevreaux.

Un jour, ils virent venir trois chevaliers suivant une voie chevalière, sur la lisière de la forêt : c’étaient Gwalchmei, fils de Gwyar ; Gweir, fils de Gwystyl et Owein, fils d’Uryen[14]. Owein suivait les traces d’un chevalier qu’il poursuivait et qui avait partagé les pommes[15] à la cour d’Arthur. « Ma mère, » dit Peredur, « qu’est-ce que ces gens là-bas ? » — « Ce sont des anges, mon fils, » dit-elle. — « J’en donne ma foi, » dit Peredur. « je m’en vais comme ange avec eux. » Et Peredur alla sur la route à leur rencontre. « Dis, mon âme, » dit Owein, « as-tu vu un chevalier passer par ici aujourd’hui ou hier ? » « Je ne sais ce que c’est qu’un chevalier. » — « Ce que je suis, » dit Owein. « Si tu voulais me dire ce que je vais te demander, je te dirais ce que tu me demandes. » « Volontiers. » « Qu’est-ce que cela ? » dit Peredur en désignant la selle. « Une selle, » répondit Owein. Peredur (1) l’interrogea sur toutes pièces d’équipement et d’armement des hommes et des chevaux, sur ce qu’ils prétendaient et pouvaient en faire. Owein lui en expliqua complètement l’usage. « Va devant toi, » dit Peredur ; j’ai vu l’espèce d’homme que tu demandes. Moi aussi, je veux te suivre. »

Et il retourna vers sa mère et ses gens. « Mère, » dit-il, « < ce ne sont pas des anges les gens de tout à l’heure, mais des chevaliers ordonnés (2). » La mère tomba évanouie. Peredur alla à l’endroit où se trouvaient des chevaux qui portaient le bois de chaulage, et leur apportaient nourriture et boisson des lieux habités. Il prit un cheval gris pommelé, osseux, le plus vigoureux, à son avis ; il lui serra un bât autour du corps en guise de selle, et, avec du bois l1exible, il réussit à imiter les objets d’équipement qu’il avait vus sur les destriers et tout le reste. Puis il retourna auprès de sa mère. À ce moment, la comtesse revint de son évanouissement. Eh bien I mon fils, » dit-elle, « tu veux donc par-

(I) Sur le Peredur (Lez Breir.) breton de la Villemarquè ; v. J. Loth, Benne Celt., 19116, p. 343, et 1907, p. 122.

(2) Cet épisode est plus long et plus pittoresque dans Chrestien. Les demandes de Perceval provoquent de la part des compagnons de son interlocuteur, des remarques désobligeantes pour les Galpartir ? » — « Oui, » répondit-il, « avec la permission. » — « Attends d'avoir reçu mes conseils avant de t'en aller. » — « Volontiers ; dis vite. » — « Va tout droit à la cour d'Arthur, là où sont les hommes les meilleurs, les plus généreux et les plus vaillants. Où tu verras me église, récite ton Pater auprès d'elle. Quelque part que tu voies nourriture et boisson, si tu en as besoin et qu'on n'ait pas assez de courtoisie ni de bonté pour lien faire part, prends toi-même. Si tu entends des cris, va de ce côté ; il n'y a pas de cri plus caractéristique que celui d'une femme. Si tu vois de beaux joyaux, prends et donne à autrui, et tu acquerras ainsi réputation (1). Si tu vois une belle femme, fais-lui la

(1) Lady Guest cite fort à propos, pour montrer quelle idée on cour ; quand même elle ne voudrait pas de toi, elle t’en estimera meilleur et plus puissant qu’auparavant (1). » Cet entretien terminé, Peredur monta à cheval, tenant une poignée de javelots à pointe aiguë, et il s’éloigna.

Il fut deux jours et deux nuits à cheminer dans la solitude des forêts et divers lieux déserts ; sans nourriture ni boisson. Enfin il arriva dans un grand bois solitaire, et au loin, dans le bois, il aperçut une belle clairière unie. Apereevant dans la clairière un pavillon, il récita son Pater devant comme si c’était une église, puis il y alla. La porte était ouverte ; près de la porte était une chaire dorée, dans laquelle était assise une jeune fille brune, d’une beauté parfaite, portant autour du front un diadème d’or, enrichi de pierres brillantes, et, aux mains, des bagues d’or épaisses. Peredur descendit de cheval et entrattout droit. La pucelle lui fit un accueil amical et lui sonhaita la bienvenue (2).


(1) Dans Chrestien (p. 64), Perceval exécute à la lettre la recommandation faite à Peredur. Il embrasse de force la pucelle du pavillon (v. plus bas, p. 53-54). Il paraît probable que dans la recommandation de la mère, Chrestien (ou sa source immédiate) n’a pas compris l’archétype.

(2) Dans Chrestien (Potvin, p. 64), la pucelle a peur de Perceval, Ki fos (fon) li semble ; à comparer plus haut, p. 51 :

Et cius lai petit fut senes ;

Psg. 67 : Mais.í. uallet gallois i ot
Auíeus et vilain et sot.

À l’entrée du pavillon, Peredur aperçut de la nourriture, deux flacons pleins de vin, deux tourtes de pain blanc et des tranches de cochon de lait. « Ma mère, » dit Peredur, « m’a recommandé, en quelque lieu que je visse nourriture et boisson, d’en prendre. » — « Volontiers, seigneur, » dit-elle, va à la table, « et grand bien te fasse. » Alors Peredur alla à la table et prit la moitié de la nourriture et de la boisson pour lui, et laissa l’autre à la pucelle. Lorsqu’il eut mangé, il plia un genou devant la jeune fille et dit : « Ma mère m’a recommandé, là où je verrais un beau joyau, de le prendre[16]. » — Prends, mon âme,[17] » dit-elle. Peredur prit la bague, emmena son cheval et partit[18].

Ensuite arriva le chevalier à qui appartenait le pavillon, le seigneur de la clairière. Il aperçut les traces des pieds du cheval. « Dis-moi, » dit-il à la jeune fille, « qui a été ici après moi ? » — « Un homme à l’aspect étrange, seigneur, » répondit-elle. Et elle lui exposa en détail l’état de Peredur et l’objet de son voyage. « Dis, » s’écria-t-il, « a-t-il eu des rapports avec toi ? t’a-t-il violentée ? » — Non, par ma foi ; et il ne m’a fait aucun mal. » — « Par ma foi, je ne le crois pas, et, si je ne me rencontre avec lui pour venger mon déshonneur et ma colère, tu ne resteras pas deux nuits sous le même toit que moi. » Le chevalier sortit pour chercher à se rencontrer avec Peredur.

Peredur, de son côté, se dirigeait vers la cour d’Arthur. Avant qu’il n’y parvînt, un autre chevalier y arriva. Il fixa[19] un grand anneau d’or épais contre la porte de l’entrée pour attacher son cheval, et se rendit à la chambre où se trouvaient Arthur et tous ses gens, ainsi que Gwenhwyvar et ses dames. Un page de la chambre servait à boire à. Gwenhwyvar d’une coupe d’or. Le chevalier en jeta le contenu sur le visage et le sein de la reine, et lui donna un grand soufflet, en disant : S’il y a quelqu’un d’assez intrépide pour me disputer cette coupe et venger Voutrage de Gwenhwyvar, qu’il vienne à ma suite dans le pré, et je l’y attendrai. » Le chevalier prit son cheval et se rendit au pré..

Tous les gens de la cour baissèrent la tête, de peur qu’on ne demandât à l’un d’eux d’aller venger l’outrage de Gwenhwyvar : il leur semblait que jamais homme n’aurait fait un coup aussi audacieux, s’il n’avait possédé telle vaillance et force ou pouvoir magiques[20] qui le missent à l’abri de toute vengeance. À ce moment arriva Peredur à la cour, sur son cheval gris pommelé, osseux, à l’équipement négligé et bien piètre pour une cour aussi noble. Kei était debout au milieu de la salle. « Hé ! l’homme long, là-bas, » dit Peredur, « où est Arthur ? » « Que veux-tu d’Arthur ? » dit Kei. « Ma mère m’a recommandé de venir vers lui pour me faire’sacrer chevalier. › « Par ma foi, tu es par trop mal monté en cheval et en armes. » Toute la cour porta les yeux de son côte et se mit à lui lancer des baguettes[21]. À ce moment entra un nain qui était venu avec une naine, il y avait déjà un an, pour demander refuge à Arthur, et il l’avait obtenu. De toute l’année, aucun d’eux n’avait dit un mot à personne. « Ha ! ha ! » s’écria le nain en apercevant Peredur, « Dieu te bénisse, Peredur » beau fils d’Evrawc, chef des guerriers, fleur des chevaliers ! » « En vérité, » dit Kei, « il faut être bien mal avisé pour rester une année muet à la cour d’Arthur, ayant la liberté de choisir avec qui s’entretenir, et aller appeler et déclarer, en face d’Arthur et de sa cour, un homme de cette espèce chef des guerriers et fleur des chevaliers ! » Et il lui donna un tel soufflet qu’il le jeta à terre évanoui.[22] « Ha ! ha ! » s’écria aussitôt la naine, Dieu te bénisse, Peredur, beau fils d’Evrawc, fleur des guerriers et lumière des chevaliers ! » En vérité, » dit Kei, « femme, c’est être bien mal avisée que de rester une année sans parler à la cour d’Arthur et d’appeler ainsi un pareil homme. » Et Kei lui donna un tel coup de pied qu’elle tomba à terre évanouie. « L’homme long, » lui dit Peredur, indique-moi où est Arthur. » « Donne-nous la paix, » dit Kei ; « va après le chevalier qui est allé d’ici au pré, enlève-lui la coupe, renverse-le, prends son cheval et ses armes, et après tu obtiendras de te faire sacrer chevalier. » — « Je vais le faire, l’homme long. »

Et Peredur de tourner bride, et au pré. Il y trouva le chevalier en train de chevaucher, l’air tout fier de sa force et de la vaillance qu’il se croyait. — Dis-moi, « dit le chevalier, as-tu vu quelqu’un de la cour d’Arthur venant après moi ? » — « [23] Un homme long qui se trouvait là m’a commandé de te renverser, d’enlever la coupe et de prendre ton cheval et tes armes pour moi. » — « Tais-toi, retourne à la cour et commande à Arthur, de ma part, de venir lui ou un autre se battre avec moi ; s’il ne vient pas immédiatement, je ne l’attendrai pas. » — « Par ma foi, » dit Peredur, « choisis : de gré ou de force, il me faut le cheval, les armes et la coupe. » Le chevalier[24] le chargea avec fureur et lui donna du pied de sa lance un grand coup douloureux entre les épaules et le cou. — « Ha ! ha ! homme, » dit Peredur, « les gens de ma mère ne jouaient pas ainsi avec moi ; je m’en vais jouer à mon tour avec toi ainsi. » Il lui lança un javelot à pointe aiguë, qui l’atteignit à l’œil, lui sortit par la nuque et le renversa mort à l’instant.

En vérité, dit Owein[25], fils d’Uryen, à Kei, tu as été mal inspiré au sujet de ce fou que tu as envoyé après le chevalier. De deux choses l’une : ou il est tué, où il a été culbuté. Si le chevalier l’a renversé, il le comptera parmi les gentilshommes de la cour, et il en résultera honte éternelle pour Arthur et ses guerriers. S’il l’a tué, il en va de même pour le déshonneur, avec péché en plus sur nous-même[26]. Par ma foi, je m’en vais là-bas pour savoir quelle aventure est la sienne. » Et Owein alla au pré. Il aperçut Peredur traînant le chevalier le long du pré. « Que fais-tu là, ainsi ? » dit-il. — « Jamais, » dit Peredur, « cette robe de fer ne le quittera, je crois qu’elle fait partie de lui-même[27]. » Page:Loth - Mabinogion, tome 2.djvu/60 Page:Loth - Mabinogion, tome 2.djvu/61 Page:Loth - Mabinogion, tome 2.djvu/62 Page:Loth - Mabinogion, tome 2.djvu/63 Page:Loth - Mabinogion, tome 2.djvu/64 Page:Loth - Mabinogion, tome 2.djvu/65 Page:Loth - Mabinogion, tome 2.djvu/66 Page:Loth - Mabinogion, tome 2.djvu/67 Page:Loth - Mabinogion, tome 2.djvu/68 Page:Loth - Mabinogion, tome 2.djvu/69 Page:Loth - Mabinogion, tome 2.djvu/70 Page:Loth - Mabinogion, tome 2.djvu/71 Page:Loth - Mabinogion, tome 2.djvu/72 Page:Loth - Mabinogion, tome 2.djvu/73 Page:Loth - Mabinogion, tome 2.djvu/74 Page:Loth - Mabinogion, tome 2.djvu/75 Page:Loth - Mabinogion, tome 2.djvu/76 Page:Loth - Mabinogion, tome 2.djvu/77 Page:Loth - Mabinogion, tome 2.djvu/78 Page:Loth - Mabinogion, tome 2.djvu/79 Page:Loth - Mabinogion, tome 2.djvu/80 Page:Loth - Mabinogion, tome 2.djvu/81 Page:Loth - Mabinogion, tome 2.djvu/82 Page:Loth - Mabinogion, tome 2.djvu/83 Page:Loth - Mabinogion, tome 2.djvu/84 Page:Loth - Mabinogion, tome 2.djvu/85 Page:Loth - Mabinogion, tome 2.djvu/86 Page:Loth - Mabinogion, tome 2.djvu/87 Page:Loth - Mabinogion, tome 2.djvu/88 Page:Loth - Mabinogion, tome 2.djvu/89 Page:Loth - Mabinogion, tome 2.djvu/90 Page:Loth - Mabinogion, tome 2.djvu/91 Page:Loth - Mabinogion, tome 2.djvu/92 Page:Loth - Mabinogion, tome 2.djvu/93 Page:Loth - Mabinogion, tome 2.djvu/94 Page:Loth - Mabinogion, tome 2.djvu/95 Page:Loth - Mabinogion, tome 2.djvu/96 Page:Loth - Mabinogion, tome 2.djvu/97 Page:Loth - Mabinogion, tome 2.djvu/98 Page:Loth - Mabinogion, tome 2.djvu/99 Page:Loth - Mabinogion, tome 2.djvu/100 Page:Loth - Mabinogion, tome 2.djvu/101 Page:Loth - Mabinogion, tome 2.djvu/102 Page:Loth - Mabinogion, tome 2.djvu/103 Page:Loth - Mabinogion, tome 2.djvu/104 Page:Loth - Mabinogion, tome 2.djvu/105 Page:Loth - Mabinogion, tome 2.djvu/106 Page:Loth - Mabinogion, tome 2.djvu/107 Page:Loth - Mabinogion, tome 2.djvu/108 Page:Loth - Mabinogion, tome 2.djvu/109 Page:Loth - Mabinogion, tome 2.djvu/110 Page:Loth - Mabinogion, tome 2.djvu/111 Page:Loth - Mabinogion, tome 2.djvu/112 Page:Loth - Mabinogion, tome 2.djvu/113 Page:Loth - Mabinogion, tome 2.djvu/114 Page:Loth - Mabinogion, tome 2.djvu/115 Page:Loth - Mabinogion, tome 2.djvu/116 Page:Loth - Mabinogion, tome 2.djvu/117 Page:Loth - Mabinogion, tome 2.djvu/118 Page:Loth - Mabinogion, tome 2.djvu/119 Page:Loth - Mabinogion, tome 2.djvu/120 sorcières. Toutes les sorcières de Kaerloyw furent tuées.

Voilà ce qu’on raconte au sujet du château des Merveilles. 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    se faisait de la libéralité au moyen âge, une amusante anecdote, tirée des mémoires de Joinville, dont Henri, comte de Champagne, est le héros (V. Natalia de Wailly, Histoire de saint Louis, p. 63).

    cantilenas emitlunt adeo ut in tar-ba canenlíum, sícut huíc genli mos est, quat videas capita, tot audias carnuïna díscriminaque vocnm,1› : u*ia in : mam denùyne sub B mallis dulcedíne blzznda consunantiam. et arganicam eo’/wenientza melodiam. Comme je Fai fait remarquer (BCDUB Calt., XUI, p. 698), ce passage n’a pu être inspiré que par Fétonnement causé à un étranger par le chant en chœur å plusieurs parties chez les Gallois.

    Ronde. un chevalier porte écu noir, cotte d’armes noire, et couverture noire (Paulin Paris, Les Romans de la Table Ronde, III, p. 231).

    saints, p. 280). Les généalogies de saints de la lllylv l’appellent Iddew Corn Prydain àb Gowrda ap Kradog freiehfras np Llyr Meriuifllyv. arch., P. 426, col. 2), mais dans certaines généulogics il est appelé lddawe Corn Pryduin up Guradnwc Vreichvras (Iolo mssfi, pl 123). (1) Llechlas ou la pierre platmpùle ou verdâtre, peut-être Glasgow, dit lady Guest, je ne sais pour quelle raison.

    qu’elle ne se manifeste dans les romans Arthuriens que dans l’Yvain de Chrestien et le Morien néerlandais. Parmi les trois choses -qui excitent å la vengeance, dit une triade gelloíse (Vaughan, Welsh Proverbs, London 1889, n’ 2523-2524), l’une est la vue de la bière d’un parent (sur la bibliographie de la croyance au sang dénonciateur, v. Piquet, Étude sur Hartmann d’Aue, p. 160 : dans les Niebelungen, c’est à cet indice que Kriemhild reconnaît le meurtrier de Siegfried (v. plus haut, I, p. 44, note 2). C’est surtout en Angleterre et en Écosse que la croyance à la cruentation du cadavre devant le meurtrier était répandue (v. Carew Haglitt, Dictionary of Faiths and Myth, I, Blood-Portents).

    Maelgwn tenant cour à Deganhwy, les bardes se mirent à accabler le roi de louanges, à dire que personne ne le surpassait en grandeur, en beauté, et, en particulier, que se femme était la plus sage et la plus belle des femmes. Elphin, présent, soutint que sa femme à lui était aussi vertueuse que n’importe quelle femme du royaume et son barde plus habile que tous ceux du roi. Le roi ; furieux, le fait jeter en prison. Il envoie son fils Run pour séduire la femme d’Elphin, qui se joue de lui en se déguisant en servante, et en donnant une servante pour elle. Taliesin va à Degauhwy, et, par sa magie et ses vers, fait tomber les chaînes de son maître (Mab., III, p. 329 et suiv.). La vie de Taliesin a été reproduite sur des manuscrits du siècle dernier, mais elle paraît avoir été compilée aux xiiie siècle ou xive siècle ; v. Iolo mss., 71, 72. Elfin est la forme galloise d’Alpin, nom gaëlique d’Écosse bien connu, prob. d’origine picte.

    des trois salisseurs de la Severn (Triades Myv. arch., p. 308, l. 2l). Ce Catwallawa est le fils de Cadvan, célébré dans un poème du Livre Rouge. « L’armée de Katwallawn le Glorjeux campe sur les hauteurs de la montagne de Digoll : en sept mois, sept combats par jour » (Skeue, Four anc. books, p. 277, v. 19). Ce Catwallawn paraît bien être l’allié du roi de Mercie Penda, le vainqueur d’Acdwin de Northumbríe, qui mit en péril la domination des Angles (v. Bède, Hist. eccl., II, 20). C’est encore à Gevn Digoll, dit lady Guest, que Madawc nb Llewelyn livra aux troupes d’Edward Ier la dernière bataille pour l’indépendance galloise. Henri VII y campa dans sa marche sur Bosworth.

    des noms bretons-armoricains (Annales de Bret., II, no 3, p. 405 ; 406).

    p. 303, 5). C’est un des trois grands porchers de l’île : il garde les porcs de March ab Meirchiawn (le roi Marc de nos romans, son oncle) pendant que le porcher se rend avec un message de lui près d’Essyllt (ibíd., p. 307, 15). C’est encore un des trois gallorydd, maître ès-mécaniques : les deux autres sont : Greiúiawl et Gwgon Gwron (ibid., p. 501, 24). Les trois amoureux de l’ile sont : Caswallawn ab Beli, amoureux de Pflur, fille de Mugnaeh Gorr ; Trystan ab Tallwch. amoureux d’EssylIt, femme de Max-eh ab Meirchîawn son oncle, et Kynon ab Klydno Eiddun, amoureux de Morvydcj, fille d’Uryen. Il est à chaque instant question de lui chez les poëtes gallois (Myu. arch., p. 251, col. 1. ; 255, col. 1 (1250-1290 ; p. 306, col. 1 ; 329, col. 3 ; 339, eol. 2 (x1v’siècle) ; ef. Daf. ab Gwil, p, 216, 29-1).Sur le Tristan de nos romans français, v. Hist. litt., XIX, 687-70~1 ;Gaston Paris, Hist. litt., XXX, 19-“22) ; v. J. Luth, Revue Cell.. XXX, 270 ; XXXII ; Contributions à PéInde des Romans de la Table Ronde, Paris, 1912).

    (3 de la page précédente). IlIoryen Man.awo. La tombe d’un Moryen est signalée parmi celles de guerriers de l’île (Livre Noir, Skene, II, p. 28, v. 22). Le Gododin célèbre un Mm-yen, fils de Caradawc Skene, II, p.’13, 29 ; ef, Livre Rouge ; îbid., p. 232). Moryen Varvawc ou le Barbu est un des trois Estronf Deym, ou rois fils d’étrangers de l’île (Myu. arbh.. p. -105, col. 1) (le nom de Mo :-yen, connu en vieil-arm., se retrouve en Morgen munuc. ce qui donnerait en gallois, au xie siècle, Morgan-mynawc).

    (Potvin, I. p. 170, 221). Ce fils Lohoz, tue un géant, Logrui, en suivant son habitude reste endormi sur le cadavre de sa victime. Kei (lfezl passant par là (la forêt de Logres), coupe la tête de Luluóz et la metavec le corps dans un cercueil de pierre. Il va alrgeant. lui coupe la tête, la pend à Parçon de sa selle et la présente à Arthur, comme preuve de sa vaillance. À l’appui de cette hypothèse, on peut citer l’épisode de Dillus dans Kalbwch et Olwen (trad. I, p. 209). Après une épigramme moquense d’Arthur, il est dit que les guerriers de Bretagne eurent grand’peine à mettre la paix entre eux et que dans la sulle Keine vint jamais à son aide.

    compté, dans un texte gallois que je cite d’après lady Guest, parmi les treize raretés de l’île, gardées primitivement. À Gaerlleon sur Wyse. Ces curiosités avaient été emportóes par Myrddin, fils de Morvran, dans la maison de verre à Enlli ou Bardsey Island. D’autres en font la propriété de Taliesin. « La pierre de l’anneau d’Eluned qui tira Owein ah Urien : feutre la herse et le mur ; quiconque la cachait était caché par elle. »

    lois qu’on ne trouve pas naturellement dans le roman de Peredur (v. t. II, p.49).

    Sire, or saciès bien entresait
    Que Galois sont tuít par nature
    Plus fol que Irestes en posture.

    Cf. plus loin p. 57. Sa mère équipe Peredur :

    Et si Paparelle et : zíourne
    De lamevas grosse cemise
    Et braies faites à la guise
    De Gales ù l’en fet ensemble
    Braies et sauces, ce me semble.

    Page 61, équipement de Perceval en quittant sa mère.)

    Et sa sièle li fu jà mise ;
    A la manière et à la guise
    De Galois fu appareilléz…
    .III. gauerlots porter soloit
    Ses gaverlos an not por ter ;
    Mais .II. l’en fist sa mère oster.
    Por ce que trop sanlast Galois.

  1. Maredudd ou Meredydd, fils de Bloddyn ab Cynvyn, était un prince cruel et brave. Il lutta avec vaillance et suceès contre les Anglo-Normands ; il obligea même à la retraite le roi Henri Ier. qui avait envahi ses États. Il mourut en 1124 ou 1129, dans un âge avancé, ce qui était rare, dit le Brut y Tywyxogion ou Chronique des princes, dans la famille de Bleddyn, et, pourrait-on ajouter, dans toutes familles de chefs gallois (Brut y Tywysogion, p. 647 et suiv ; 707, col. 1 el. 2). Le nom de Meredydd est, en vieux gallois, Marget-ind (cf. J. Loth, Chrestomathie bretonne, à Margit-hoiarn). Ses États furent partagés entre ses fils Madawc et Gruffydd. Celui-ci étant venu à mourir laissa ses États à son fils Owen Gyfeiliog, barde de grand renom. En 1167, Owen Cyfeiliog et son cousin, le fils de Mudawc, Owen ap Madoc ap Maredudd, chassent leur oncle, Iorwerth Goch, ou le Rouge, qui avait épousé une Normande, Maude, fille de Roger de Manley, du comté de Chester, et paraît avoir été soutenu par les Anglo-Normands, et se partagent ses terres  ; Owen Cyfeiliog prend Mochnant. Uch Rhaiadr et Owen ap Madoc, Mochnant Is Rhaiadr (Myv. arch., p. 712, col. 2 ; cf. History of the lordship of Cyfeiliog, par Th. Morgan, Arch. Cambr., XIII, 3° série, p. 125). Le fils d’Owen Cyfeiliog, Gwenwynwyn, a donné son nom xl la partie sud de Powys, et Madawc, son oncle à la partie nord. Sur la division de Powys en Powys Vadog et Powys Wenwynwyn, voir Myv. arch., p. 735-736. Madawc est souvent célébré par les poètes de son temps (Myv. arch., p. 147, 155, 155, 156 ; L. noir, ap. Skene, poèmes XXXVI. XXXVII). Sur les privilèges des hommes de Powys, v. Ancient laws, II, p 742, 743.
  2. Le royaume de Madawc s’étendait duyiiísiuage de Chester aux hautes terres d’Ax-wystli, c’est-å-dire å la chaîne du Pumlummon (cf. Gwalchmai dans l’Elégie de Madawc, ’Myv. arch., 147 ; Lady Guest, Mab, II, p. 420, dïprès le Rev. Walter Davies (Gwaÿ ter Mechain). Porfordd est évidemment : Pulford.
  3. Penteuln, chef de famille. C’estle personnage le plus important. après le roi. Il est dans les Lois quelque chose comme le Major domus, et e’esl ; en même temps un véritable chef de clan. Il aen petit, dnnsle clan, les mêmes privilèšes que le roi (Ancient Laws, I, p. 12, 190, 858, 636, etc., etc.).
  4. La bataille du mont Badon fut livrée, d’après Bède, en 493. Ce fut pour les Brittons une victoire importante qui arrête, pour quelques temps, les progrès des Saxons, et semble même leur avoir porté un coup terrible. Gildas met le Badonicus mons aux bouches de la Severn (De Excid., XXVI). Suivant les Annales Cambriæ elle aurait eu lieu en 516, et Arthur y aurait porté, pendant trois jours et trois nuits, la croix sur ses épaules (Petrie, Mon. Hist. brit., p. 830). On n’est pas d’accord sur l’emplacement de Badon.
  5. Owen ab Uryen est un des trois gwyndeyrn. (rois bénis) de l’île (Triades Mab., p. 300, 7). Son barde, Degynelw, est un des trois gwaewrudd ou hommes à la lance rouge (Ibid., p, 366, 8) ; d’autres triades appellent ce barde Tristvardd (Skene. II, p. 458). Son cheval, Carnavlawc, est un des trois anreithvarch ou chevaux de butin (Livre Noir, Skene, II, p. 10, 2). Sa tombe est à Llan Morvael (Ibid., p. 29, 25 ; cf. ibid., p. 26, 6 ; 49, 29, 23). Suivant Taliesin, Owein aurait tué Ida Flamddwyn ou lda Porte-brandon, qui paraît être le roi de Northumbrie, dont la chronique anglo-saxonne fixe la mort à l'année 560 (Petrie, Mon. hist. brit., Taliesin, Skene, II, p. 190, XLIV). Son père, Uryen, est encore plus célèbre. C’est le héros favori de Taliesin (Skene, II, Taliesin, XXXIV, XXXV, XXXVI, XXXVII, XXXIX). Il était roi de Beged, district que l'on place le plus souvent dans le Nord ; mais on appelait aussi ainsi la région comprenant Gwyr, Cedweli, Camwyllion, Gantrev-Bychan et Is Genneu. (Iolo mss., p. 120). D’après un passage de la généalogie de Nennius, Urbgen (= Uryen) avec ses alliés Riderch, Guallauc et Moreant, aurait lutté contre Deodric, fils d’Ida, qui régna vers 591.’Il aurait réussi à enfermer Deodric et ses fils dans l’île de Metcawt (Lindisfarne ?), mais il aurait péri par suite de la défection de Morcant qui était jaloux de lui (Petrie, Mon. hist. brit., p.75). Suivant les Triades, son meurtrier serait Llovan Llawdivro (Triades, Mab., p. 303, 28) Il aurait été tué, d’après Llywarch Heu, à Aberlleu (v. Livre Rouge, ap. Skene, II, p. 267, XII, Élegie sur Uryen). D’après les généalogies des saints, Uryen serait venu au sud du pays de Galles et aurait contribué, avec les enfants de Ceredic ah Cunedda, à expulser les Gaëls, et serait naturellement devenu un saint (Iolo mss., p. 127). Uryen était fils de Kynvareh, dont une des grandes tribus des Bretons du nord portait le nom (Skene, II, p. 455). Le nom d’Urhgen, Urÿen, se retrouve chez les Bretons armoricains (Cart. de Bedon). Llywarch Heu célèbre souvent Uryen et Owein (Skene, II, p. 219, 220, 262, 267, 269, 270, 271, 272, 291, 292, 295). Le Brut Gruffudd ab Arthur (version galloise de l’Historia de Gaufrei) mentionne un endroit près de Winchoster, portant le nom de Maes Uryen ou champ ou plaine d’Uryen (Myo. arch., 509-1) Sur Uryen et le royaume de Reged, v. J. Loth, Remarques aux vieux poèmes Gallois, Revue celt., XXI, 28.
  6. Lunet. Les poètes font souvent mention d’elle (Gruffudd ab Maredudd, poète du xive siècle, dans la Myv. arch., p. 303, col. 1 ; cf. Davydd ab Gwilym, p. 45, et surtout p. 287). Lunet paraît dérivé de llun, image, effigie (cf. les noms Lunen, Lun-monoc dans le Cart. de Redon).
  7. Chrétien met la cour à Carduel en Gales. Sur le sans de ces mots, v. J. Loth, Revue celtique. XIII, p. 499 ; sur l’infériorité du poète français dans tout le début de l’aventure de Kynon, voir Introduction p. 80 note 1.
  8. Kynon est un des trois chevaliers au sage conseil de la cour d’Arthur ; les deu : autres sont Arawn, fils de Cynvarch et Lly’Warch Heu, fils d’Elidyr Lydanwen (Myv. arch., p. 411, 116). C’est aussi un des trois amoureux de Bretagne : il fime Moi-vudd, fille d’Uryen de Reged (Ibid., 410. 102 ; cf. p. 805. col. 2). Le Kynon légendaire était célèbre au milieu du xiie siècle. Dans le poème en l’honneur du clan de Madawc ab Maredudd roi ile Powys, mort en 1159 et composé de son vivant (Livre Noir de cgfffl. ap. Skene F. a. B. ofi Wales I[, p. 57-29), il est question du fracas des batailles de Kynon. Sa tombe est à Llanbadarn (ibid. 29-12). Cynddelw (Myv. arch., 170-171) à peu près à la même époque, vante l’impétuosité de Cynon, qu’il fait [ils fle Kilvauawyd, tandis que dans ce roman, il est fils de Klydno. Or Kynon, fils de Klydno, est un des principaux guerriers qui figurent. dans le célèbre poème du Gododin, dont la rédaction que nous possédons peut être de la fin du ixe ou du xe siècle. Il est au pays d’Aeron en Cardigan. C’est un des trois guerriers qui s’échappèrent de la bataille de Kattraeth. C’est le vengeur d’Arvon (F. u. B. II, p. 80-18 ; 68-21 ; 73-23 ; 74-8 ; 69-27 ; 83-5 ; 103-15. Il est mentionné dans le Gorchan Maelderw (ibid., p. 106. 28) comme dans le Gododin et dans les mêmes termes (83. 5) ; or ce morceau date sûrement au plus tard du xie siècle ; le scribe copiait un ms. en vieux-gallois. C’est bien donc le héros du Gododin devenu plus ou moins légendaire qui parait dans le roman. Le seul personnage historique un peu ancien du nom de Kynon, est un roi d’Anglesey, mort en 510. Il semble qu’il soit fait une allusion à ce personnage dans le Gnrchzm Tntuwlch (F. a. B. Il, p. 91-27) Pour la date du Godadin, v. Loth, Remarques aux vieux poèmes Gallois, Rev. Celt., XXI, 28, 328.
  9. Lady Guest fait remarquer qu’à en juger par un passage de Rhys Brychan, poète de la fin du xve siècle, l’absence de portier était une marque d’hospitalité. Un poète de la même époque constate qu’Owein ab Gruffudd ab Nicholas a dans sa maison tous les officiers moins le portier (Llew. Glyn Cathi. p. 139, v. 30).
  10. Les cochers des héros irlandais Ferdiaidh et Cuchulain leur préparent, pour se reposer, après une lutte épique, un lit de joncs verts (O’Curry, On the manners II, p. 304). Dans les romans français de la Table Ronde, il est souvent question de la jonchée : ce sont des joncs, ou des fleurs ou des herbes odoriférantes recouvrant le sol. Les salles n'étaient pas pavées (Paulin Paris, Les Romans de la Table Ronde, III, p. 320). La même habitude a existé, d’après (lady Guest, en Angleterre et en Galles, au moyen âge. Elle en cite un exemple tiré d’un récit du xive siècle.
  11. L’ancien heaume des xiie et xiiie siècles se posait sur la tête au moment du combat ; il garantissait bien la tête, mais la gorge assez mal. Sa partie inférieure était libre, aussi les coups portés sur cette partie le faisaient dévier. Vers 1350 le heaume fut remplacé par le bacinet, le chapel de fer. Une plaque d'acier fut adaptée à la cervelière de peau, de mailles ou de fer qui était posée sur le chapel de fer, pour protéger la gorge (Viollet-le-Duc, Dict. du mobilier français, V).
  12. Un Peredur Arveu-dur, ou Peredur aux armes d’acier, périt à la bataille de Cattraeth (Gododin ap. Skene, II. p. 72, v. 29). Le nom de Peredur est souvent associé à celui de Gwrgi ; tous deux sont fils d’Eliffer Gosgorddvawr, ou à la grande suite. La charge du cheval qui les porte, Corvann, est un des trois marchlwyth ou charges de cheval (Triades Mab., p. 301, 5). La tribu de Gwrgi et de Peredur est une des trois tribus déloyales ; elle abandonne ses seigneurs à Kaer Greu lorsqu’ils devaient se battre le lendemain avec Eda Glingawr, et causa ainsi leur mort (ibid., p. 305, 16). D’après les Annales Cambriae, ils seraient morts en 580 (Petrie, Mon. hist. brit., p. 831). Il est bien difficile de dire si ce Peredur est le même que le héros très francisé de notre récit. Evrawc est le nom gallois de la ville d’York (Eboracum). On peut se demander si la légende ancienne ne faisait pas simplement de lui le fils d’un chef, seigneur d’Evrawc ou York. Le Livre Noir signale parmi les tombes célèbres celle d’un fils de Peredur (Skene, II, p. 30). Chez les poëtes, c’est surtout sa vaillance qui est mentionnée (Myv. arch., p. 253, col. 2 (xiiie siècle) ; p. 290, col. 1 (xiiie-xive siècles). Ni Taliesin, ni Llywarch Hen, dans les poèmes imprimés par Skene ne parlent de lui. D’après une triade évidemment inspirée du Seint Greal, les trois chevaliers qui gardèrent le Greal furent : Cadawc, (fils de Gwynlliw Illdud chevalier et saint, et Peredur ab Evrawc Myv. arch., p. 411, 121). Plus bas, p. 77, en note, je renvoie à un intéressant passage de Dafydd ab Gwilym sur Peredur. Gwrgi et Peredur ont été mis au nombre des saints (Iolo mss., p. 528). D’après des généalogies, de la fin du xe siècle, Guurci et Peretur fils d’Eleuther Cascord Mawr (Ellifer Gosgvrddvawr) descendent de Coyl Hen (Y Cymmrodor, IX, p. 175). Coyl était un chef des Bretons du Nord.
  13. Dans le Perceval de Chrestien ce sont des javelots, Perceval a un cheval de chasse (Polvin, Perceval le Gallois, II, p. 45.) Il a d’ailleurs quatorze ans. Dans Pen. 4, il lance des javelots de houx.
  14. Dans le Perceval de Halliwell, ce sont Ivain (Owein), Gauvain (Gwalchmei) et Keu.
  15. Cf. tome I, p. 250 et note 2.
  16. Notre roman et le Perceval de Chrétien de Troyes omettent ici un détail important. Dans le poème anglais publié par Ritson et analysé par Halliwell, la mère de Perceval, Acheflour, sœur d’Arthur, dont le mari a été tué par le Chevalier rouge, a remis à son fils un anneau qui lui servira plus tard à le reconnaître. Perceval rencontre une salle, y pénètre, et aperçoit, étendue sur un lit et dormant, une jeune dame. Il lui enlève sa bague et la remplace par son anneau, ce qui a des conséquences fâcheuses à la fois pour elle et Perceval. Son mari, le Chevalier noir, la maltraite ; un jour, Perceval, attiré par ses cris, accourt (v. cet épisode, plus bas). Il renverse le Chevalier noir et réclame son anneau. Il a été donné à un géant. Celui-ci l’a présenté à la mère de Perceval, à qui il fait la cour. Elle croit que son fils est mort, devient folle et erre dans la forêt. Perceval tue le géant, ramène sa mère dans ses États, où ils vivent heureux. Il finit par se rendre en terre sainte où il trouve la mort (Gaston Paris, Hist. littér. de la France, XXX. p. 254 et suiv.).
  17. Dans Chrestien, Perceval prend de force, malgré la pucelle. Elle ne lui répond pas quand il demande à boire et à manger. Ils se séparent en très mauvais termes.
  18. Pen. 4 (L. Rh. 287) à une addition intéressante : Peredur prit la bague, plia le genou devant elle, lui donna un baiser et sortit (v. plus haut p. 51, note 1).
  19. La version de Pen. 4 (L ; Rh. 288) s’écarte ici de celle du Livre Rouge et n’est pas sans importance pour la recherche des sources du Peredur : « Un autre chevalier était venu avant lui à la cour. Il avait donné une bague d’or épaisse à un homme à la porte pour tenir son cheval pendant qu’il entrait là où se trouvaient Arthur, Gwenhwyvar et leur suite. Le chevalier prit le gobelet de la main de Gwenhwyvar et lui lança le liquide sur le visage et le sein. »
  20. C’était une idée si bien répandue au moyen âge que, suivant la remarque de lady Guest, les chevaliers, avant de se battre, devaient jurer qu’ils ne portaient sur eux aucun charme et qu’ils n’étaient protégés par aucune magie ou enchantement.
  21. Pen. 115 (L. Rh. 288) ajoute que les gens de la cour se mirent à se moquer de lui et qu’ils furent bien aises de trouver une excuse pour se taire au sujet du chevalier. Pen. 7 (L. Rh. p. 606) dit que Kei invita la cour à se moquer de lui, etc., si bien que l’autre affaire (jeu) fut oubliée. Pen. 4 (L. Rh. 122) prête le même sentiment aux gens de la cour.
  22. Pen. 4 (L. Rh. 123), Pen. 14. (L. Rh. 288), Pen. 7 (L. Rh. col. 607) font entrer la naine à ce moment.
  23. Pen. 7 (L. Rh. 607) : « Je n’ai vu personne ».
  24. Dans le Perceval de Ritson ce chevalier est le Chevalier Rouge, le meurtrier du père de Perceval, qui, lui aussi, s’appelait Perceval.
  25. Dans Pen. 14, et 7, c’est Gwalchmai qui joue ce rôle. Dans Chrestien, c’est Yonès qui paraît être un dérivé plus ou moins exact (peut-être breton-armoricain) d’Yvain ; chez Wolfram, de même, Iwanet.
  26. Le texte du L. Rouge a : arnaw ynteu, sur lui-même ; Pen. 4 (L. Rh. 125) : arnat titheu, sur toi-même ; Pen. 14 : arnam nin heu oll : sur nous tous ; ces deux versions sont toutes les deux acceptables. Le texte de Pen. 7 (L. Rh., 608) semble gloser celui du Livre Rouge : ha ffechawt y dyn fol hwnnw yn angwanec, et le péché de ce fou en plus. Il est probable qu’arnam ou arnan ninheu est plus près de l’ancien texte ; le scribe aura lu arnau ninheu au lieu de arnanninheu.
  27. Cf. Chrestíen (Potvin, II, p. 79) : Perceval dit en parlant de l’armure :

    Qu’eles se tienent si au cors
    Que çou dedans et çou defors
    Est trestout. I. si com moi samble
    Qu’eles se tienent si ensamble.

    À rapprocher de la remarque de Perceval au chevalier qu’il a