Les Pères de l’Église/Tome 1/Dédicace

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À MONSEIGNEUR


L’ARCHEVÊQUE DE PARIS.

Monseigneur,


Sous quels auspices plus favorables pourrais-je placer cet ouvrage que sous ceux de l’illustre et digne Prélat dont les travaux honorent à la fois la religion, l’Église, le sacerdoce et la patrie !

Dans ces temps de troubles, de discordes et d’affliction, il vous a été donné de montrer au monde ce que peut cette courageuse résignation qui accepte les tribulations comme une grâce, et les plus dures épreuves comme une loi de la Providence.

Souffrir et compâtir, tel a été le grand exemple de foi et de charité que vous nous avez donné. Et cependant, en fléchissant sous cette croix que les hommes vous ont imposée, avec quel zèle et quelle ardeur n’avez-vous pas maintenu les droits de la vérité, les saintes lois de l’Église et l’autorité qui vous était confiée ! Plein d’abnégation pour ce qui vous était personnel, gémissant et pleurant en silence sur les maux qui affligeaient la religion, également éloigné d’une résistance orgueilleuse et d’une soumission servile, vous avez été inébranlable au milieu des tempêtes publiques, et vous n’êtes sorti de cet état de calme et de mansuétude que lorsque vous y avez été contraint par des agressions injustes, par les invasions sur le dépôt divin commis à votre vigilance.

Ainsi, lorsque de nouveaux ariens ont entrepris d’usurper nos temples, vous avez dit comme le saint évêque de Milan : Tradere basilicam non possum, sed pugnare non debeo ; habeo arma, sed in Christi nomine ; habeo offerendi mei corporis potestatem, habemus tyrannidem, nostra tyrannia sacerdotis infirmitas est.

Lorsque le pouvoir a entrepris sur les droits de l’Église, vous vous êtes présenté et vous avez dit au pouvoir, à l’exemple de saint Ambroise : Ad imperatorem palatia pertinent, ad sacerdotem ecclesiæ. Publicorum tibi jus mænium commissum est, non sacrorum. Rogamus, Auguste, non pugnamus ; non timemus, sed rogamus.

Voilà les armes d’un Chrétien et d’un évêque ! voilà ses soldats ! Les malades que vous avez secourus, les orphelins que vous avez recueillis, les pauvres que vous avez soulagés, les infirmes et les vieillards auxquels vous avez donné asile, les jeunes lévites instruits par vos leçons et vos exemples. C’est avec cette armée que vous avez combattu pour la cause de Dieu et de son Église. « Je suis fort quand je suis faible, » disait saint Paul ; et c’est dans ce qu’il y a de plus humble, de plus faible et de plus infirme que vous avez trouvé votre force.

Combien cette résignation, cette confiance calme ont été justifiées par les événements ! La vérité s’est fait jour à travers tous les obstacles, les erreurs se sont dissipées, les préjugés se sont évanouis, les mensonges ont été confondus, la calomnie a été réduite au silence. Tout a marché autour de vous vers la réparation ; le lieu saint purifié a été rendu aux vœux des fidèles, la foule des Chrétiens a rempli les temples du Seigneur, les œuvres de charité que vous avez inspirées ont trouvé un noble et fervent concours. Vous avez opposé au mal de puissants remèdes. À côté des enseignements d’une philosophie menteuse vous avez élevé au sein de cette capitale, et en face des chaires publiques, une chaire où des orateurs chrétiens ont répandu la vérité au milieu de la jeunesse française, attirée en foule par la beauté de la doctrine sainte dont ils ont été les dignes interprètes. Rien n’a manqué, Monseigneur, au triomphe de la divine religion dans laquelle vous aviez mis votre confiance, le mal n’a servi qu’à manifester la gloire de cette toute-puissance qui punit Aman au sein de ses prospérités, qui élève le faible au moment où il semble n’avoir plus rien à espérer.

Pour moi, Monseigneur, je ne puis oublier avec quelle tendre et affectueuse bienveillance vous avez encouragé mes efforts pour la défense de la vérité, les travaux que j’ai entrepris pour pénétrer les intelligences de la lumière du Christianisme.

C’est aussi sous vos auspices, guidé par les conseils de votre sagesse, que j’ai fait les premiers pas dans cette sainte carrière du sacerdoce, devenue pour moi une source abondante de consolation, je pourrais dire de bonheur sur la terre. C’est une seconde existence que je vous dois, existence heureuse et non sans honneur, puisqu’elle m’associe aux triomphes de l’illustre corps dont vous êtes la lumière et le modèle.

Vous dédier cette traduction française des Pères de l’Église, Monseigneur, c’est rendre le plus juste hommage au pontife qui a le mieux suivi les préceptes transmis à tous les siècles par ces admirables propagateurs et confesseurs de la foi catholique.

Ces grands génies ont établi, dans leurs immortels travaux, l’unité de la vérité, principe de l’unité de l’Église. Ils ont vu que l’univers est tout d’une pièce comme l’Océan, selon la belle expression de Leibnitz, que toutes les parties du monde moral, comme du monde spirituel, sont tellement liées entre elles, qu’il est impossible de rien abandonner à l’erreur ou au doute, sans compromettre l’ordre tout entier, et avec l’ordre la foi, le salut et le bonheur des peuples. Ils ont pensé que l’Église universelle devait surveiller tout ce qui est du domaine de l’esprit et de la conscience, de la morale et de la raison.

J’ose, Monseigneur, appeler votre paternelle protection sur une entreprise qui, je l’espère, portera de bons fruits ; nouvelle occasion de manifester votre ardente sollicitude pour propager les trésors de la foi, de la grâce et de la charité.


J’ai l’honneur d’être, avec les sentiments d’une profonde vénération,


Votre très-humble et très-obéissant serviteur,


E. DE GENOUDE.