Émile Nelligan et son œuvre/Virgiliennes/Les Petits Oiseaux

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Émile Nelligan et son œuvre, Texte établi par Préface par Louis Dantin (p. 72-73).



LES PETITS OISEAUX




Puisque Rusbrock m’enseigne
À moi, dont le cœur saigne
Sur tout ce qui se baigne
       Dans le malheur,
À vous aimer, j’élève
Ma pensée à ce rêve ;
De nous faire une grève
       Avec mon cœur.

Là donc, oiseaux sauvages,
Contre tous les ravages,
Vous aurez vos rivages
       Et vos abris :
Colombes, hirondelles,
Entre mes mains fidèles,
Oiseaux aux clairs coups d’ailes
       Ô colibris !


Sûrs vous pourrez y vivre
Sans peur des soirs de givre,
Où sous l’astre de cuivre,
       Morne flambeau !
Souventes fois, cortège
Qu’un vent trop dur assiège,
Vous trouvez sous la neige
       Votre tombeau.

Protégés sans relâche,
Ainsi contre un plomb lâche,
Quand je clorai ma tâche,
       Membres raidis ;
Vous, par l’immense voûte
Me guiderez sans doute,
Connaissant mieux la route
       Du Paradis !