Les Poliorcétiques — Chapitre 1

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Avant-propos Les Poliorcétiques
Apollodore de Damas
Chapitre premier
De la manière de se préserver des projectiles lancés des remparts[1]
Chapitre 2



§ 1 - Des projectiles lancés de la place.[modifier]

Si les villes et les remparts sont situés sur des pentes escarpées, il faut se préserver des projectiles qui peuvent être roulés d’en haut sur les machines, c’est-à-dire des troncs d’arbres, ou des pierres rondes, ou des chariots chargés de poids, ou des vases ronds remplis de cailloux ou de terre. Il faut s’en garantir, en choisissant dans les moyens suivants celui qu’on a le plus sous la main.

§ 2. — Des fossés palissadés.[modifier]

Il est bon de creuser des fossés obliques, d’une profondeur de cinq pieds, avec un mur droit fait avec les déblais, sur lequel viennent buter les poids roulants, établi de manière leur résister, en sorte qu’un homme qui remonte le fossé soit abrité par lui comme par un bouclier.

Les sapeurs se servent, pour se protéger, du fossé même qu’ils viennent de creuser, enfonçant des pieux obliquement dans le talus, les recouvrant de planches, et entrelaçant tout autour des fagots de branchages, de manière à former un avant-mur, par l’accumulation des projectiles qui l’atteignent d’en haut.[2]

§ 3. — De la tortue en forme de coin.[modifier]

La tortue en forme de coin, amenée par des soldats, est supportée par des poutres quadrangulaires, d’un pied d’équarrissage ; elle doit être de bois bien dressé,[3] et être armée, au lieu de roues, de pointes en fer, de sorte que, quand on la met en place, elle se fiche en terre, et ne peut être arrachée pendant le combat.

La face postérieure de cette tortue aura de plus une poutre en travers qui la contrebutera, pour éviter le recul.

Il arrivera que les projectiles pesants tombant dans le fossé en écharpe seront rejetés de côté, ou, fondant sur les pieux obliques posés transversalement, seront également repoussés ; ou enfin, frappant sur le coin, ils se briseront de part et d’autre, et l’espace qui est au milieu sera à l’abri de leurs atteintes.

Ces tortues-coins doivent être nombreuses, pour être petites et faciles à transporter ; elles seront utiles jusqu’au moment de donner l’assaut ; la troupe des hommes qui travaillent au siège suivra, ayant ainsi une couverture[4] de largeur des coins.

§ 4. — De la tortue-berceau.[modifier]

On doit protéger ces hommes au moyen de tortues légères, de celles qu’on appelle berceaux,[5] contre le tir des archers et des frondeurs : elles sont faites comme il suit :

Les soldats sont munis de perches verticales, distantes les unes des autres de cinq pieds environ,[6] reliées les unes aux autres de manière à conserver cet intervalle de cinq pieds, et armées d’un embout aigu, pour pouvoir se ficher en terre et ne pas fatiguer inutilement les hommes qui les portent.

A ces perches on suspend des peaux sur les fronts et à la partie extérieure.[7] Au-dessus, sur les perches droites, on dispose des peaux brutes, non tendues, doubles, et ayant du lâche, afin d’amortir les projectiles.

Les perches sont de hauteurs inégales et alternées, afin que le dessus ait la forme d’une tortue.[8] Les plus élevées d’entre elles doivent avoir une hauteur de plus d’une fois et demie celle d’un homme, et il faut faire en sorte que les plus courtes soient encore plus hautes qu’un homme.[9]

Et voici la figure du fossé, des palissades, de la tortue-coin, du berceau, de la tortue et de la colline.[10]

  1. Nous avons reporté à sa place naturelle le titre placé plus bas (avant les fossés palissadés) par les manuscrits grecs.
  2. Ce procédé est analogue aux barrages en clayonnages construits par l’administration forestière pour l’extinction des torrents des Alpes.
  3. Pour ce passage, un peu obscur chez Apollodore, j’ai traduit en me basant sur la description de cette machine donnée par Héron de Constantinople (Chapitre 1er).
  4. Le grec dit une tunique ; nous dirions encore aujourd’hui dans le même sens, que les hommes sont couverts par la largeur des tortues, ou mieux, dans tout l’angle formé par le coin.
  5. Nous avons cru pouvoir rendre par le mot berceau le grec ampeloz en latin Vinea qui signifie berceau de vigne, tonnelle, gloriette ; il paraît naturel de rendre par le mot français correspondant l’idée qui a présidé en grec au nom de la machine. Pour ces tortues, voir César, B. C. II, 2 ; Tite-Live, XXXVII, 6 ; Végèce, R. M., IV, 5, et la figure ci-contre extraite de Héron de Constantinople.
  6. Le texte grec présente ici une lacune, pour laquelle M. Wescher propose une restitution que nous avons suivie ; cette lacune ne semble d’ailleurs être que de trois ou quatre mots. Le manuscrit de Bologne indique en outre l’épaisseur des perches, qui devait être de douze doigts (0,23 m).
  7. C’est-à-dire sur la grande face tournée vers la place et sur les deux petites faces latérales.
  8. C’est-à-dire la double pente destinée à écarter les projectiles.
  9. Le Dictionnaire des Antiquités romaines et grecques d’Anthony Rich, au mot Vinea, donne une hauteur de 2,45 m et une longueur de 4,90 m.
  10. La figure n’indique en réalité qu’une seule tortue sur les trois qui sont annoncées.