Les Principes de la connaissance humaine/Préface de l’auteur

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Traduction par Charles Renouvier.
Texte établi par André Lalande, Georges BeaulavonArmand Collin (p. 1-2).


TRAITÉ DES PRINCIPES
DE LA CONNAISSANCE HUMAINE
CONTENANT DES RECHERCHES
SUR LES PRINCIPALES CAUSES D’ERREUR ET DE DIFFICULTÉS
DANS LES SCIENCES ET SUR LES FONDEMENTS
DU SCEPTICISME, DE L’ATHÉISME ET DE L’IRRÉLIGION.


PRÉFACE DE L’AUTEUR

L’écrit que je publie m’a paru, après une longue et scrupuleuse recherche, porter les caractères de l’évidence et ne devoir pas être inutile, surtout aux personnes entachées de scepticisme, ou qui ont besoin d’une démonstration de l’existence et de l’immatérialité de Dieu ou de l’immortalité naturelle de l’âme. S’il en est réellement ainsi ou non, je serai bien aise que le lecteur impartial l’examine, car je ne me tiens pour intéressé au succès de mon ouvrage que pour autant qu’il est conforme à la vérité. Mais afin que cet objet même ne soit pas manqué, j’adresse au lecteur une requête : c’est qu’il suspende son jugement jusqu’à ce qu’il ait au moins une fois tout lu jusqu’au bout, avec ce degré d’attention et de réflexion que le sujet semble bien mériter. Il y a quelques passages, en effet, qui, pris en eux-mêmes, sont exposés (et il n’y a pas à cela de remède) à des interprétations grossièrement fausses, et prêtent à l’accusation de conduire à des conséquences absurdes, dont on verra, si on lit tout, qu’ils se trouvent exempts. Et, pareillement, il est très probable qu’une lecture complète mais trop rapide, occasionnera encore des méprises sur le sens. Mais, pour un lecteur qui pense, je me flatte que tout sera clair et facile à saisir.

Quant aux caractères de nouveauté et de singularité que peuvent paraître porter certaines des notions qui suivent, je n’ai, je pense, besoin de fournir aucune apologie. Celui-là ferait certainement preuve d’une grande faiblesse, ou serait bien peu familier avec les sciences, qui rejetterait une vérité susceptible de démonstration, sans autre raison que sa nouveauté et son désaccord avec les préjugés des hommes.

Ces explications préliminaires m’ont semblé utiles pour prévenir, s’il se peut, la censure hâtive de ces sortes de personnes qui sont trop portées à condamner une opinion avant de l’avoir bien comprise.