Les principaux monuments funéraires/Gros

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LE BARON GROS.




Le baron Gros (Antoine-Jean), peintre d’histoire, membre de l’Institut et de la Légion-d’Honneur, élève de David, et l’un des maîtres les plus distingués de l’école française, naquit en 1771.

Un portrait du premier consul Bonaparte à cheval, qu’il peignit pour la ville de Milan, en 1802, le fit remarquer, et il fut chargé de différens ouvrages qui développèrent ses talens, et qui ont marqué sa place à côté des Gérard, des Guérin, des Girodet.

Ses conceptions décelaient un génie fécond, flexible et varié, et son talent d’exécution unissait la vigueur à une extrême facilité. Rien de plus riche que sa couleur ; nul peintre ne posséda mieux que lui le secret des effets puissans.

Le jeune Gros ayant obtenu le plus brillant succès par son esquisse du Combat de Nazareth, fut choisi pour retracer la Peste de Jaffa ; dans ce tableau, qui a fondé sa réputation, les connaisseurs ont justement admiré l’expression de la figure du personnage principal et celle du pestiféré. Ce tableau fut mis par le jury des prix décennaux, immédiatement après celui du Sacre, auquel le grand prix devait être décerné.

La Bataille d’Aboukir, l’Empereur visitant le champ de bataille d’Eylau, la Reddition de Madrid, l’Entrevue des deux Empereurs, la Bataille des Pyramides, productions du même artiste, se distinguent par des beautés originales, et par une puissance d’effet qui pénètre le spectateur d’une vive émotion. A l’exposition de 1814, les amateurs ont admiré son tableau représentant François Ier et Charles-Quint visitant les tombeaux de Saint-Denis, destiné à décorer la sacristie de cette église.

Le 3 août 1816, le Roi ayant établi près du ministère de sa maison un conseil honoraire, composé d’artistes et d’amateurs, Gros y fut appelé, et le 19 octobre suivant, il fut nommé professeur à l’école de peinture et de sculpture.

Le Départ du Roi dans la nuit du 20 mars fait le sujet principal du tableau qu’il exposa au salon en 1817 ; le groupe des gardes nationaux y est d’une expression pleine de vérité : il y a sur le second plan un effet de lumière et la figure d’un vieux serviteur qui offrent un aspect admirable.

Nous ne pouvons mieux faire connaître les regrets que la perte de ce peintre a causés qu’en citant quelques passages du discours que M. Delestre, son élève, a prononcé près de sa tombe.

« Les travaux exécutés par Gros ont montré toutes les ressources de cette palette si riche et si vigoureuse. La coupole de Sainte-Geneviève, livrée à l’examen public, émut la capitale entière par le grandiose de cette œuvre gigantesque. De beaux portraits soutinrent la renommée de l’auteur des figures historiques du général Lassale et de Joséphine. Enfin, j’en atteste vos souvenirs, les productions récentes du maître ne sont-elles pas encore un brillant reflet du magnifique talent que l’on admira sous l’empire.

« Certes, il y avait là de quoi désarmer l’envie et commander au moins quelques égards envers le créateur de ces conceptions, qui feront à jamais honneur à notre école. Pourquoi faut-il que les dernières années du grand peintre aient été troublées par une critique d’autant plus odieuse, que les fauteurs de ces diatribes pouvaient savoir que ce n’était pas l’œuvre, mais l’homme que leur injustice atteignait cruellement ? Et dans quel temps encore ! lorsque l’objet de leurs incessantes poursuites marchait courbé sous le poids de ses nombreux triomphes ! Était-il équitable de ne s’attacher qu’à signaler le peu de poussière empreinte au pied du géant vers la fin de sa course, sans tenir compte de la longueur de la carrière et de la trace profonde qu’il y avait laissée.

« Détracteurs, si votre regard avait pu mesurer sa stature, vous n’auriez point osé vous attaquer à celui dont le front vous dépassait de toute la hauteur de sa triple couronne d’Eylau, d’Aboukir et de Jaffa. »

Le baron Gros, abreuvé de dégoûts, rassasié d’outrages, s’est retiré de la vie quand de longs jours de gloire lui devaient être réservés ; il est décédé le 25 juin 1835, et a été inhumé au cimetière du Père Lachaise, dans une sépulture de famille. Le monument dans lequel il repose est d’une grande simplicité : il se compose d’un massif de pierre de forme quadrangulaire, surmonté d’un fronton au milieu duquel est une croix en relief, entourée d’étoiles. Sur la façade, sont huit compartimens qui désignent autant de sépultures, et sur l’un desquels on lit cette inscription :


LE BARON GROS.