Lettre de Fontanes - Londres - 27 février 1798

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Vous oubliez un peu ceux qui vous aiment, mon cher ami. J’espère pourtant que je ne suis point tout à fait effacé de votre souvenir. Les cinq malles de votre ville qu’on attend ici m’apporteront peut-être un mot de vous. Je sens plus que jamais la vérité de ce vers de Virgile :

Et penitus toto divisos orbe Britannos.

On ne sait presque rien à Londres de ce qui se passe dans le continent depuis trois semaines. Vingt révolutions auraient pu se faire sans qu’on en fût instruit. Cet inconvénient est terrible. Je suis impatient de renouer mes correspondances trop interrompues, et si Léonard n’est pas trop méchant, j’irai retrouver les maisons de votre ville dans quelques semaines. Il me sera bien doux de vous y revoir et de vous dire combien je vous estime et vous aime.

PS. Au reste on rit ici du projet de descente . L’état de prospérité où se trouve l’Angleterre, en dépit des déclamations, m’a prodigieusement surpris. On paye beaucoup, mais quelle opulence dans toutes les classes ! Quelle proie pour les républicains, s’ils peuvent débarquer ! En vérité je doute que Bonaparte soit assez fou pour tenter une pareille expédition. Cependant tout ce qui était fou a paru si facile depuis huit ans que je ne veux jurer de rien.

Je vous prie de remettre ces deux lettres à votre poste.