Lettres (Spinoza)/XXV Leibniz à Spinoza

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Traduction par Émile Saisset.
Œuvres de Spinoza, tome 3CharpentierIII (p. 429-431).

Lettre XXV.

À MONSIEUR B. DE SPINOZA,

GODEFROY LEIBNIZ.



MONSIEUR,


J’ai appris par la renommée, qui publie de vous tant d’autres choses flatteuses, votre profonde habileté en optique ; c’est ce qui me détermine à vous soumettre, si faible qu’il soit, un travail que j’ai fait sur cette matière, assuré que je suis de ne pouvoir trouver un meilleur juge. Je vous envoie donc un petit mémoire qui a pour titre : Notice de haute optique, et que j’ai publié dans le dessein de communiquer mes idées plus commodément à mes amis et aux personnes curieuses de cette sorte de problèmes 1. J’apprends que M. *** y est très-habile, et je ne doute pas qu’il ne soit très-connu de vous 2. Si vous voulez bien obtenir de lui qu’il accueille favorablement ce mémoire et m’en dise son sentiment, je vous serai infiniment reconnaissant de ce service.

Je pense que vous avez déjà reçu le Prodromus 3, écrit en italien, de François Lana, de la Compagnie de Jésus. Il y propose sur la dioptrique plusieurs belles choses. Un jeune Suisse fort versé aussi dans ces matières, J. Oltius, a publié des Études physico-mécaniques sur la vision, où il promet un appareil très-simple et d’une application très-générale pour polir des verres de toute espèce ; il annonce encore qu’il a trouvé un moyen de réunir tous les rayons qui viennent de tous les points d’un objet, de façon à obtenir un nombre égal de points correspondants, mais seulement dans le cas d’une certaine distance et d’une figure déterminée de l’objet.

Pour moi, ce que je propose n’a pas pour but de réunir les rayons qui partent de tous les points de l’objet, la chose ne pouvant pas absolument avoir lieu à une distance et pour des figures quelconques, au moins dans l’état présent de nos connaissances ; le résultat que j’ai voulu atteindre, c’est de réunir également les points placés hors de l’axe optique et ceux qui sont sur cet axe, de telle sorte que les ouvertures des verres puissent être de la grandeur qu’on voudra, sans que la vision cesse d’être parfaitement distincte. Mais tout cela n’aura quelque valeur que par le jugement que vous en porterez.

Agréez, Monsieur, les salutations de votre zélé serviteur,


GODEFROY LEIBNIZ,

J. U. D., conseiller de l’électeur de Mayence.


Francfort, 5 octobre 1671 (nouveau style).