Livre pour l’enseignement de ses filles du Chevalier de La Tour Landry/Chapitre 32

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Chappitre XXXIIe
De celle qui ouoit voulentiers la messe


Or vous diray sur ceste matière un exemple d’une bonne dame et de sa sainte vie, qui amoit moult Dieu et son service, et la journée qu’elle ne ouist messe, elle ne mengast jà de chair ne de poisson et fust à grant malaise de corps. Sy advint une foiz que son chapellain fust tellement malade qu’il ne povoit chanter ; la bonne dame ala et vint moult à malayse de quoy elle perdoit la messe. Sy ala au dehors en disant : « Biaux sire Dieux, ne nous oubliez pas, et vueilliez nous pourveoir de vostre saint service ouir. » Et en celles paroles elle regarde et voit deux frères qui venoient ; lors elle ot grant joye et leur demanda se ilz chanteroient messe, et ilz distrent : « Oil, dame, se Dieux plaist », et la bonne dame mercya Dieu ; si chanta le plus jeune des frères, et à l’eure qu’il fist les trois parties du saint sacrement, le viel frère regarda et vit saillir l’une des parties en la bouche de la bonne dame en manière d’une petite clarté. Le jeune frère regardoit partout qu’estoit devenue l’une des parties et trembloit de paour ; et le vieil frère s’en apperceust moult bien de la tristeur de son compaignon ; sy vint à lui et lui dist qu’il ne s’esmayast, et que ce que il queroit estoit sailli en la bouche de la dame pour certain. Et lors il feust assuré et il mercya Dieu de ses grans miracles, et ainsi en advint à la bonne dame qui tant amoit le saint service de Dieu. Car, pour certain, cy a bon exemple ; car, selon la sainte escripture, ceulx qui ayment Dieu et son service, Dieu les ayme, si comme il monstra appertement à celle bonne dame qui tel desir avoit de le veoir et de l’ouir, comme ouy avez.