L’Encyclopédie/1re édition/FEMME

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FEMME, s. f. (Anthropologie.) fæmina, γυνὴ, ischa en hébreu ; c’est la femelle de l’homme. Voyez Homme, Femelle, & Sexe.

Je ne parlerai point des différences du squelette de l’homme & de la femme : on peut consulter là-dessus M. Daubenton, description du cabinet du Roi, tome III. hist. natur. pag. 29 & 30 ; Monro, appendix de son Ostéologie ; & Ruysch qui a observé quelque chose de particulier sur la comparaison des côtes dans les deux sexes. Voyez Squelette.

Je ne ferai point une description des organes de la génération ; ce sujet appartient plus directement à d’autres articles. Mais il semble qu’il faut rapporter ici un système ingénieux sur la différence de ces organes dans l’homme & dans la femme.

M. Daubenton, tom. III. hist. nat. pag. 200. après avoir remarqué la plus grande analogie entre les deux sexes pour la secrétion & l’émission de la semence, croit que toute la différence que l’on peut trouver dans la grandeur & la position de certaines parties, dépend de la matrice qui est de plus dans les femmes que dans les hommes, & que ce viscere rendroit les organes de la génération dans les hommes absolument semblables à ceux des femmes, s’il en faisoit partie.

M. Daubenton appuie ce système sur la description de quelques fœtus peu avancés, que Ruysch a fait connoître, ou qui sont au cabinet du Roi. Ces fœtus, quoique du sexe féminin, paroissent mâles au premier coup-d’œil, & Ruysch en a fait une regle générale pour les fœtus femelles de quatre mois environ, dans un passage qu’on peut ajoûter à ceux que M. Daubenton a cités, thes. jv. n°. 42. fœtus humanus quatuor præter propter mensium, quamvis primâ fronte visus masculini videatur sexus, tamen sequioris est, id quod in omnibus fœtibus humanis, sexus fæminini ea ætate reperitur.

M. Daubenton s’est rencontré jusqu’à un certain point avec Galien, qui dans le second livre περὶ σπέρματος, chap. v. ne met d’autre différence entre les parties génitales de l’homme & de la femme, que celle de la situation ou du développement. Pour prouver que ces parties, d’abord ébauchées dans le sac du péritoine, y restent renfermées, ou en sortent suivant les forces ou l’imperfection de l’animal ; il a aussi recours aux dissections de femelles pleines, & aux fœtus nés avant terme. On retrouve la même hypothèse dans le traité de Galien, de usu partium, l. XIV. c. vj. & Avicenne l’a entierement adoptée dans le troisieme livre de son canon, fen. 21. tract. I. cap. j.

Mais Galien ne croit pas que les hommes manquent de matrice ; il croit qu’en se renversant, elle forme le scrotum, & renferme les testicules, qui sont extérieurs à la matrice. Il fait naître la verge d’un prolapsus du vagin, au lieu de la chercher dans le clitoris.

Piccolhomini & Paré avoient embrassé l’opinion de Galien ; Dulaurent, Kyper, & plusieurs autres anatomistes, n’y ont trouvé qu’un faux air de vraissemblance. Cette question paroît intimement liée avec celle des hermaphrodites, d’autant plus que nous n’avons que des exemples fabuleux & poétiques d’hommes devenus femmes ; au lieu qu’on trouve plusieurs femmes changées en hommes, dont les métamorphoses sont attestées sérieusement. Cette remarque singuliere, avec les preuves dont elle est susceptible, se trouve dans Frommann, de fascinatione magicâ, pag. 866. Voyez Hermaphrodite.

Hippocrate, aphor. 43. liv. VII. dit positivement qu’une femme ne devient point ambidextre. Galien le confirme, & ajoûte que c’est à cause de la foiblesse qui lui est naturelle ; cependant on voit des dames de charité qui soignent fort bien avec l’une & l’autre main. Je sai que cet aphorisme a été expliqué par Sextus Empiricus, p. m. 380. des fœtus femelles qui ne sont jamais conçus dans le côté droit de la matrice. J. Albert Fabricius a fort bien remarqué que cette interprétation a été indiquée par Galien dans son commentaire ; mais il devoit ajoûter que Galien la desapprouve au même endroit.

Les Anatomistes ne sont pas les seuls qui ayent regardé en quelque maniere la femme comme un homme manqué ; des philosophes platoniciens ont eu une idée semblable. Marsile Ficin dans son commentaire sur le second livre de la troisieme enneade de Plotin (qui est le premier περὶ προνoίας), chap. xj. assûre que la vertu générative dans chaque animal, s’efforce de produire un mâle, comme étant ce qu’il y a de plus parfait dans son genre ; mais que la nature universelle veut quelquefois une femelle, afin que la propagation, dûe au concours des deux sexes, perfectionne l’univers. Voyez tom. II. des œuvres de Marsile Ficin, pag. 1693.

Les divers préjugés sur le rapport d’excellence de l’homme à la femme, ont été produits par les coûtumes des anciens peuples, les systèmes de politique & les religions qu’ils ont modifiés à leur tour. J’en excepte la religion chrétienne, qui a établi, comme je le dirai plus bas, une supériorité réelle dans l’homme, en conservant néanmoins à la femme les droits de l’égalité.

On a si fort négligé l’éducation des femmes chez tous les peuples policés, qu’il est surprenant qu’on en compte un aussi grand nombre d’illustres par leur érudition & leurs ouvrages. M. Chrétien Wolf a donné un catalogue de femmes célebres, à la suite des fragmens des illustres greques, qui ont écrit en prose. Il a publié séparément les fragmens de Sappho, & les éloges qu’elle a reçus. Les Romains, les Juifs, & tous les peuples de l’Europe, qui connoissent les lettres, ont eu des femmes savantes.

A. Marie de Schurman a proposé ce probleme : l’étude des lettres convient-elle à une femme chrétienne ? Elle soûtient l’affirmative ; elle veut même que les dames chrétiennes n’en exceptent aucune, & qu’elles embrassent la science universelle. Son deuxieme argument est fondé sur ce que l’étude des lettres éclaire, & donne une sagesse qu’on n’achete point par les secours dangereux de l’expérience. Mais on pourroit douter si cette prudence précoce ne coûte point un peu d’innocence. Ce qu’on peut dire de plus avantageux, pour porter à l’étude des Sciences & des Lettres, c’est qu’il paroît certain que cette étude cause des distractions qui affoiblissent les penchans vicieux.

Un proverbe hébreu borne presque toute l’habileté des femmes à leur quenouille, & Sophocle a dit que le silence étoit leur plus grand ornement. Par un excès opposé, Platon veut qu’elles ayent les mêmes occupations que les hommes. Voyez le cinquieme dialogue πολιτειῶν.

Ce grand philosophe veut au même endroit que les femmes & les enfans soient en commun dans sa république. Ce réglement paroît absurde ; aussi a-t-il donné lieu aux déclamations de Jean de Serres, qui sont fort vives.

La servitude domestique des femmes, & la polygamie, ont fait mépriser le beau sexe en Orient, & l’y ont enfin rendu méprisable. La répudiation & le divorce ont été interdits au sexe qui en avoit le plus de besoin, & qui en pouvoit le moins abuser. La loi des Bourguignons condamnoit à être étouffée dans la fange, une femme qui auroit renvoyé son légitime époux. On peut voir sur tous ces sujets l’excellent ouvrage de l’Esprit des lois, liv. XVI. Tous les Poëtes grecs depuis Orphée, jusqu’à S. Grégoire de Nazianze, ont dit beaucoup de mal des femmes. Euripide s’est acharné à les insulter, & il ne nous reste presque de Simonide, qu’une violente invective contr’elles. L’on trouvera un grand nombre de citations de poëtes grecs, injurieuses aux femmes, dans le commentaire de Samuel Clarke, sur les vers 426 & 455, liv. XI. de l’Odyssée. Clarke a pris ce recueil de la Gnomologia Homerica de Duport, page 208, qu’il n’a point cité. Le galant Anacréon, en même tems qu’il attribue aux femmes une beauté qui triomphe du fer & de la flamme, dit que la nature leur a refusé la prudence, φρόνημα, qui est le partage des hommes.

Les poetes latins ne sont pas plus favorables au sexe ; & sans parler de la fameuse satyre de Juvénal, sans compiler des passages d’Ovide, & de plusieurs autres, je me contenterai de citer cette sentence de Publius Syrus : mulier qua sola cogitat, male cogitat, qu’un de nos poëtes a ainsi rendue : femme qui pense, à coup sûr pense mal. Platon dans son dialogue, Νόμων, tom. II. pag. 909. E. attribue principalement aux femmes l’origine de la superstition, des vœux, & des sacrifices. Strabon est du même sentiment, liv. VII. de sa géographis ; les Juifs qui ne croyent pas leurs cérémonies superstitieuses, accusent les femmes de magie, & disent que plus il y a de femmes, plus il y a de sorcieres.

Peut-être n’a-t-on attribué aux femmes, des arts d’une vertu occulte, tels que la superstition & la magie, que parce qu’on leur a reconnu plus de ressources dans l’esprit qu’on ne vouloit leur en accorder ; c’est ce qui a fait dire à Tite-Live, que la femme est un animal impuissant & indomptable. Le principe de la foiblesse & de l’infériorité des femmes, leur seroit avantageux, si tout le monde en concluoit avec Aristote, que c’est un plus grand crime de tuer une femme qu’un homme. Voyez les problèmes d’Aristote, sect. 29. 11.

C’est une chose remarquable, qu’on a cru être souillé par le commerce légitime des femmes, & qu’on s’en est abstenu la veille des sacrifices chez les Babyloniens, les Arabes, les Egyptiens, les Grecs, & les Romains. Les Hébreux pensent qu’on perd l’esprit de prophétie par un commerce même légitime ; ce qui me rappelle la maxime orgueilleuse d’un ancien philosophe, qui disoit qu’il ne falloit habiter avec les femmes, que quand on vouloit devenir pire.

Les rabbins ne croyent pas que la femme fût créée à l’image de Dieu ; ils assûrent qu’elle fut moins parfaite que l’homme, parce que Dieu ne l’avoit formée que pour lui être un aide. Un théologien chrétien (Lambert Danaeus, in antiquitatibus, pag. 42.) a enseigné que l’image de Dieu étoit beaucoup plus vive dans l’homme que dans la femme. On trouve un passage curieux dans l’histoire des Juifs de M. Basnage, vol. VII. pag. 301 & 302. « Dieu ne voulut point former la femme de la tête, ni des yeux, ni, &c. (de peur qu’elle n’eût les vices attachés à ces parties) ; mais on a eu beau choisir une partie honnête & dure de l’homme, d’où il semble qu’il ne pouvoit sortir aucun défaut (une côte), la femme n’a pas laissé de les avoir tous ». C’est la description que les auteurs Juifs nous en donnent. On la trouvera peut-être si juste, ajoûte M. Basnage, qu’on ne voudra point la mettre au rang de leurs visions, & on s’imaginera qu’ils ont voulu renfermer une vérité connue sous des termes figurés.

D’autres rabbins ont traduit par côté le mot hébreu stelah, qu’on explique vulgairement côte : ils racontent que le premier homme étoit double & androgyne, & qu’on n’eut besoin que d’un coup de hache pour séparer les deux corps. On lit la même fable dans Platon, de qui les rabbins l’ont empruntée, s’il faut en croire M. le Clerc dans son commentaire sur le pentateuque.

Heidegger a observé, exercitat. 4. de historia patriarcharum, n°. 30. que Moyse ne parle point de l’ame d’Eve, & qu’on doute quelle en est la raison. Il est certain que les femmes étoient à plaindre dans la loi juive, comme M. le Clerc l’a remarqué, lib. cit. pag. 309. col. 2. Jesus-Christ lui-même nous a appris que la répudiation fut permise aux Hébreux, à cause de la dureté de leur cœur ; mais lorsqu’il n’a pas voulu que l’homme pût desunir ce que Dieu avoit joint, ses disciples se sont récriés, & ont trouvé que le mariage devenoit onéreux. Th. Crenius dans ses animadversiones philologicæ, & historicæ, part. XV. pag. 61. x. remarque que personne n’a plus maltraité les femmes, & n’a plus recommandé de s’en garder, que Salomon, qui néanmoins s’y est abandonné ; au lieu que Jesus-Christ a été plus doux à leur égard, & en a converti un grand nombre ; c’est pourquoi, dit-il, il en est qui pensent que Jesus-Christ a eu de la prédilection pour ce sexe. En effet, il a eu une mere sur la terre, & n’a point eu de pere ; la premiere personne à qui il s’est montré après sa résurrection, a été Marie-Madeleine, &c.

Les personnes qui renoncent au mariage, sont censées approcher davantage de la perfection, depuis l’établissement de la religion chrétienne ; les Juifs au contraire, regardent le célibat comme un état de malédiction. Voyez Pirke Aboth, chap. j. n°. 5.

S. Pierre dans sa premiere épitre, chap. iij. vers. 7. ordonne aux maris de traiter leurs femmes avec honneur, parce qu’elles sont des vases plus fragiles. Les Juifs disent que la femme est un vase imparfait ; que l’époux, achevé l’hébreu, a encore plus de force ; car il peut signifier que la femme, sans le secours du mari, n’est qu’un embryon. Voyez Gemare sur le titre sanhedrin du talmud, chap. ij. segm. 15.

Petrus Calanna, dans un livre rare intitulé, philosophia seniorum sacerdotia & platonica, pag. 173, ose dire que Dieu est mâle & femelle en même tems. Godofredus Arnoldus, dans son livre de sophiâ, 2 soûtenu cette opinion monstrueuse, dérivée du platonisme, qui a aussi donné le jour aux éons, ou divinités hermaphrodites des Valentiniens. M. de Beausobre, histoire du Manichéisme, tom. II. pag. 584. veut que ces éons fussent allégoriques ; & il se fonde sur ce que Synesius évêque chrétien, attribue à Dieu les deux sexes, quoiqu’il n’ignorât pas que Dieu n’a point d’organes corporels, bien loin d’avoir ceux de la génération. Mais on lit seulement dans Synesius, pag. 140. édition du P. Petau, que le corps de la Divinité n’est point formé de la lie de la matiere ; ce qui n’est pas dire que Dieu n’ait aucun organe corporel. D’ailleurs on peut prouver aisément, & Nicephore Grégoras dans son commentaire sur Synesius, nous avertit en plusieurs endroits, que Synesius étoit imitateur & sectateur de Platon.

Les Manichéens pensoient que lorsque Dieu créa l’homme, il ne le forma ni mâle ni femelle, mais que la distinction des sexes est l’ouvrage du diable.

On dit assez communément que Mahomet a exclu les femmes du paradis ; le verset 30. de la sura 33. de son alcoran, insinue le contraire. C’est pourtant une tradition sur laquelle deux auteurs musulmans ont écrit, comme on peut voir dans la bibliotheque orientale de M. d’Herbelot.

Mahomet condamne à quatre-vingts coups de foüet ceux qui accuseront les femmes, sans pouvoir produire quatre témoins contr’elles ; & il charge les calomniateurs de malédictions en ce monde & en l’autre. Le mari peut, sans avoir des témoins, accuser sa femme, pourvû qu’il jure quatre fois qu’il dit vrai, & qu’il joigne l’imprécation au serment à la cinquieme fois. La femme peut se disculper de la même maniere. Sura 24. vers. 4. & 6. Mahomet recommande la chasteté aux femmes en des termes très peu chastes (ib. vers. 32.) ; mais il n’est pas bien clair qu’il promette la miséricorde divine aux femmes qui sont forcées de se prostituer, comme l’a prétendu le savant Loüis Maracci dans sa réfutation de l’alcoran.

Le prophete arabe, dans le sura 4. veut qu’un mâle ait une part d’héritage double de celle de la femelle. Il décide formellement (vers. 33.) la supériorité des hommes, auxquels il veut que les femmes obéissent. Si elles sont indociles, il conseille aux maris de les faire coucher à part, & même de les battre. Il a établi de grandes peines contre les femmes coupables de fornication ou d’adultere ; mais quoique Maracci l’accuse de ne pas punir les hommes coupables de ces crimes, il est certain qu’il les condamne à cent coups de foüet, comme Selden l’a remarqué, uxor ebraica, pag. 392. On verra aussi avec plaisir dans ce livre de Selden (p. 467 & suiv.), l’origine des Hullas parmi les Mahométans.

Tout le monde a entendu parler d’une dissertation anonyme, où l’on prétend que les femmes ne font point partie du genre humain, mulieres homines non esse. Dans cet ouvrage, Acidalius explique tous les textes qui parlent du salut des femmes, de leur bien-être temporel. Il s’appuie sur cinquante témoignages tirés de l’Ecriture ; finit par demander aux femmes leur ancienne bienveillance pour lui ; quod si noluerint, dit-il, pereant bestiæ in sæcula sæculorum. Il en veut à la maniere d’expliquer l’Ecriture des Anabaptistes & des autres hérétiques ; mais son badinage est indécent.

Simon Gediccus, après l’avoir réfuté aussi maussadement qu’il soit possible de le faire, après l’avoir chargé d’injures théologiques, lui reproche enfin qu’il est un être bâtard, formé de l’accouplement monstrueux de satan avec l’espece humaine, & lui souhaite la perdition éternelle. (g)

Femme, (Droit nat.) en latin uxor, femelle de l’homme, considérée en tant qu’elle lui est unie par les liens du mariage. Voyez donc Mariage & Mari.

L’Etre suprème ayant jugé qu’il n’étoit pas bon que l’homme fût seul, lui a inspiré le desir de se joindre en société très-étroite avec une compagne, & cette société se forme par un accord volontaire entre les parties. Comme cette société a pour but principal la procréation & la conservation des enfans qui naîtront, elle exige que le pere & la mere consacrent tous leurs soins à nourrir & à bien élever ces gages de leur amour, jusqu’à ce qu’ils soient en état de s’entretenir & de se conduire eux-mêmes.

Mais quoique le mari & la femme ayent au fond les mêmes intérêts dans leur société, il est pourtant essentiel que l’autorité du gouvernement appartienne à l’un ou à l’autre : or le droit positif des nations policées, les lois & les coûtumes de l’Europe donnent cette autorité unanimement & définitivement au mâle, comme à celui qui étant doüé d’une plus grande force d’esprit & de corps, contribue davantage au bien commun, en matiere de choses humaines & sacrées ; ensorte que la femme doit nécessairement être subordonnée à son mari & obéir à ses ordres dans toutes les affaires domestiques. C’est-là le sentiment des jurisconsultes anciens & modernes, & la décision formelle des législateurs.

Aussi le code Frédéric qui a paru en 1750, & qui semble avoir tenté d’introduire un droit certain & universel, déclare que le mari est par la nature même le maître de la maison, le chef de la famille ; & que dès que la femme y entre de son bon gré, elle est en quelque sorte sous la puissance du mari, d’où découlent diverses prérogatives qui le regardent personnellement. Enfin l’Ecriture-sainte prescrit à la femme de lui être soûmise comme à son maître.

Cependant les raisons qu’on vient d’alléguer pour le pouvoir marital, ne sont pas sans replique, humainement parlant ; & le caractere de cet ouvrage nous permet de le dire hardiment.

Il paroît d’abord 1°. qu’il seroit difficile de démontrer que l’autorité du mari vienne de la nature ; parce que ce principe est contraire à l’égalité naturelle des hommes ; & de cela seul que l’on est propre à commander, il ne s’ensuit pas qu’on en ait actuellement le droit : 2°. l’homme n’a pas toûjours plus de force de corps, de sagesse, d’esprit, & de conduite, que la femme : 3°. le précepte de l’Ecriture étant établi en forme de peine, indique assez qu’il n’est que de droit positif. On peut donc soûtenir qu’il n’y a point d’autre subordination dans la société conjugale, que celle de la loi civile, & par conséquent rien n’empêche que des conventions particulieres ne puissent changer la loi civile, dès que la loi naturelle & la religion ne déterminent rien au contraire.

Nous ne nions pas que dans une société composée de deux personnes, il ne faille nécessairement que la loi délibérative de l’une ou de l’autre l’emporte ; & puisque ordinairement les hommes sont plus capables que les femmes de bien gouverner les affaires particulieres, il est très-judicieux d’établir pour regle générale, que la voix de l’homme l’emportera tant que les parties n’auront point fait ensemble d’accord contraire, parce que la loi générale découle de l’institution humaine, & non pas du droit naturel. De cette maniere, une femme qui sait quel est le précepte de la loi civile, & qui a contracté son mariage purement & simplement, s’est par-là soûmise tacitement à cette loi civile.

Mais si quelque femme, persuadée qu’elle a plus de jugement & de conduite, ou sachant qu’elle est d’une fortune ou d’une condition plus relevée que celle de l’homme qui se présente pour son époux, stipule le contraire de ce que porte la loi, & cela du consentement de cet époux, ne doit-elle pas avoir, en vertu de la loi naturelle, le même pouvoir qu’a le mari en vertu de la loi du prince ? Le cas d’une reine qui, étant souveraine de son chef, épouse un prince au-dessous de son rang, ou, si l’on veut, un de ses sujets, suffit pour montrer que l’autorité d’une femme sur son mari, en matiere même de choses qui concernent le gouvernement de la famille, n’a rien d’incompatible avec la nature de la société conjugale.

En effet on a vû chez les nations les plus civilisées, des mariages qui soûmettent le mari à l’empire de la femme ; on a vû une princesse, héritiere d’un royaume, conserver elle seule, en se mariant, la puissance souveraine dans l’état. Personne n’ignore les conventions de mariage qui se firent entre Philippe II. & Marie reine d’Angleterre ; celles de Marie reine d’Ecosse, & celles de Ferdinand & d’Isabelle, pour gouverner en commun le royaume de Castille. Le lecteur en peut lire les détails dans M. de Thou, liv. XIII. ann. 1553, 1554. liv. XX. an.1558. Mariana, hist. d’Espagne, liv. XXIV. ch. v. Guicciardin, liv. VI. pag. 346. Et pour citer quelque chose de plus fort, nous le renvoyons à la curieuse dissertation de Palthénius, de Marito Reginæ, imprimée à Gripswald en 1707, in-4°.

L’exemple de l’Angleterre & de la Moscovie fait bien voir que les femmes peuvent réussir également, & dans le gouvernement modéré, & dans le gouvernement despotique ; & s’il n’est pas contre la raison & contre la nature qu’elles régissent un empire, il semble qu’il n’est pas plus contradictoire qu’elles soient maîtresses dans une famille.

Lorsque le mariage des Lacédémoniens étoit prêt à se consommer, la femme prenoit l’habit d’un homme ; & c’étoit-là le symbole du pouvoir égal qu’elle alloit partager avec son mari. On sait à ce sujet ce que dit Gorgone, femme de Léonidas roi de Sparte, à une femme étrangere qui étoit fort surprise de cette égalité : Ignorez-vous, répondit la reine, que nous mettons des hommes au monde ? Autrefois même en Egypte, les contrats de mariage entre particuliers, aussi-bien que ceux du roi & de la reine, donnoient à la femme l’autorité sur le mari. Diodore de Sicile, liv. I. ch. xxvij.

Rien n’empêche au moins (car il ne s’agit pas ici de se prévaloir d’exemples uniques & qui prouvent trop) ; rien n’empêche, dis-je, que l’autorité d’une femme dans le mariage ne puisse avoir lieu en vertu des conventions, entre des personnes d’une condition égale, à moins que le législateur ne défende toute exception à la loi, malgré le libre consentement des parties.

Le mariage est de sa nature un contrat ; & par conséquent dans tout ce qui n’est point défendu par la loi naturelle, les engagemens contractés entre le mari & la femme en déterminent les droits réciproques.

Enfin, pourquoi l’ancienne maxime, provisio hominis tollit provisionem legis, ne pourroit-elle pas être reçûe dans cette occasion, ainsi qu’on l’autorise dans les doüaires, dans le partage des biens, & en plusieurs autres choses, où la loi ne regne que quand les parties n’ont pas cru devoir stipuler différemment de ce que la loi prescrit ? Article de M. le Chevalier de Jaucourt.

Femme, (Morale.) ce nom seul touche l’ame, mais il ne l’éleve pas toûjours ; il ne fait naître que des idées agréables, qui deviennent un moment après des sensations inquietes, ou des sentimens tendres ; & le philosophe qui croit contempler, n’est bien-tôt qu’un homme qui desire, ou qu’un amant qui rêve.

Une femme se faisoit peindre ; ce qui lui manquoit pour être belle, étoit précisément ce qui la rendoit jolie. Elle vouloit qu’on ajoûtât à sa beauté, sans rien ôter à ses graces ; elle vouloit tout-à-la-fois, & que le peintre fût infidele, & que le portrait fût ressemblant : voilà ce qu’elles seront toutes pour l’écrivain qui doit parler d’elles.

Cette moitié du genre humain, comparée physiquement à l’autre, lui est supérieure en agrémens, inférieure en force. La rondeur des formes, la finesse des traits, l’éclat du teint, voilà ses attributs distinctifs.

Les femmes ne different pas moins des hommes par le cœur & par l’esprit, que par la taille & par la figure ; mais l’éducation a modifié leurs dispositions naturelles en tant de manieres, la dissimulation qui semble être pour elles un devoir d’état, a rendu leur ame si secrete, les exceptions sont en si grand nombre, si confondues avec les généralités, que plus on fait d’observations, moins on trouve de résultats.

Il en est de l’ame des femmes comme de leur beauté ; il semble qu’elles ne fassent appercevoir que pour laisser imaginer. Il en est des caracteres en général, comme des couleurs ; il y en a de primitives, il y en a de changeantes ; il y a des nuances à l’infini, pour passer de l’une à l’autre. Les femmes n’ont guere que des caracteres mixtes, intermédiaires ou variables ; soit que l’éducation altere plus leur naturel que le nôtre ; soit que la délicatesse de leur organisation fasse de leur ame une glace qui reçoit tous les objets, les rend vivement, & n’en conserve aucun.

Qui peut définir les femmes ? Tout à la vérité parle en elles, mais un langage équivoque. Celle qui paroît la plus indifférente, est quelquefois la plus sensible ; la plus indiscrete passe souvent pour la plus fausse : toûjours prévenus, l’amour ou le dépit dicte les jugemens que nous en portons ; & l’esprit le plus libre, celui qui les a le mieux étudiées, en croyant resoudre des problèmes, ne fait qu’en proposer de nouveaux. Il y a trois choses, disoit un bel esprit, que j’ai toûjours beaucoup aimées sans jamais y rien comprendre, la peinture, la musique, & les femmes.

S’il est vrai que de la foiblesse naît la timidité, de la timidité la finesse, & de la finesse la fausseté, il faut conclure que la vérité est une vertu bien estimable dans les femmes.

Si cette même délicatesse d’organes qui rend l’imagination des femmes plus vive, rend leur esprit moins capable d’attention, on peut dire qu’elles apperçoivent plus vîte, peuvent voir aussi bien, regardent moins long-tems.

Que j’admire les femmes vertueuses, si elles sont aussi fermes dans la vertu, que les femmes vicieuses me paroissent intrépides dans le vice !

La jeunesse des femmes est plus courte & plus brillante que celle des hommes ; leur vieillesse est plus fâcheuse & plus longue.

Les femmes sont vindicatives. La vengeance qui est l’acte d’une puissance momentanée, est une preuve de foiblesse. Les plus foibles & les plus timides doivent être cruelles : c’est la loi générale de la nature, qui dans tous les êtres sensibles proportionne le ressentiment au danger.

Comment seroient-elles discretes ? elles sont curieuses ; & comment ne seroient elles pas curieuses ? on leur fait mystere de tout : elles ne sont appellées ni au conseil, ni à l’exécution.

Il y a moins d’union entre les femmes qu’entre les hommes, parce qu’elles n’ont qu’un objet.

Distingués par des inégalités, les deux sexes ont des avantages presque égaux. La nature a mis d’un côté la force & la majesté, le courage & la raison ; de l’autre, les graces & la beauté, la finesse & le sentiment. Ces avantages ne sont pas toûjours incompatibles ; ce sont quelquefois des attributs différens qui se servent de contre-poids, ce sont quelquefois les mêmes qualités, mais dans un degré différent. Ce qui est agrément ou vertu dans un sexe, est défaut ou difformité dans l’autre. Les différences de la nature devoient en mettre dans l’éducation ; c’est la main du statuaire qui pouvoit donner tant de prix à un morceau d’argile.

Pour les hommes qui partagent entre eux les emplois de la vie civile, l’état auquel ils sont destinés décide l’éducation & la différencie. Pour les femmes, l’éducation est d’autant plus mauvaise qu’elle est plus générale, & d’autant plus négligée qu’elle est plus utile. On doit être surpris que des ames si incultes puissent produire tant de vertus, & qu’il n’y germe pas plus de vices.

Des femmes qui ont renoncé au monde avant que de le connoître, sont chargées de donner des principes à celles qui doivent y vivre. C’est de-là que souvent une fille est menée devant un autel, pour s’imposer par serment des devoirs qu’elle ne connoît point, & s’unir pour toûjours à un homme qu’elle n’a jamais vû. Plus souvent elle est rappellée dans sa famille, pour y recevoir une seconde éducation qui renverse toutes les idées de la premiere, & qui portant plus sur les manieres que sur les mœurs, échange continuellement des diamans mal-taillés ou mal assortis, contre des pierres de composition.

C’est alors, c’est après avoir passé les trois quarts du jour devant un miroir & devant un clavecin, que Chloé entre avec sa mere dans le labyrinthe du monde : là son esprit errant s’égare dans mille détours, dont on ne peut sortir qu’avec le fil de l’expérience : là toûjours droite & silentieuse, sans aucune connoissance de ce qui est digne d’estime ou de mépris, elle ne sait que penser, elle craint de sentir, elle n’ose ni voir ni entendre ; ou plûtôt observant tout avec autant de curiosité que d’ignorance, voit souvent plus qu’il n’y en a, entend plus qu’on ne dit, rougit indécemment, soûrit à contre-sens, & sûre d’être également reprise de ce qu’elle a paru savoir & de ce qu’elle ignore, attend avec impatience dans la contrainte & dans l’ennui, qu’un changement de nom la mene à l’indépendance & au plaisir.

On ne l’entretient que de sa beauté, qui est un moyen simple & naturel de plaire, quand on n’en est point occupé ; & de la parure, qui est un système de moyens artificiels pour augmenter l’effet du premier, ou pour en tenir lieu, & qui le plus souvent ne fait ni l’un ni l’autre. L’éloge du caractere ou de l’esprit d’une femme est presque toûjours une preuve de laideur ; il semble que le sentiment & la raison ne soient que le supplément de la beauté. Après avoir formé Chloé pour l’amour, on a soin de lui en défendre l’usage.

La nature semble avoir conféré aux hommes le droit de gouverner. Les femmes ont eu recours à l’art pour s’affranchir. Les deux sexes ont abusé réciproquement de leurs avantages, de la force & de la beauté, ces deux moyens de faire des malheureux. Les hommes ont augmenté leur puissance naturelle par les lois qu’ils ont dictées ; les femmes ont augmenté le prix de leur possession par la difficulté de l’obtenir. Il ne seroit pas difficile de dire de quel côté est aujourd’hui la servitude. Quoi qu’il en soit, l’autorité est le but où tendent les femmes : l’amour qu’elles donnent les y conduit ; celui qu’elles prennent les en éloigne ; tâcher d’en inspirer, s’efforcer de n’en point sentir, ou de cacher du moins celui qu’elles sentent : voilà toute leur politique & toute leur morale.

Cet art de plaire, ce desir de plaire à tous, cette envie de plaire plus qu’une autre, ce silence du cœur, ce déréglement de l’esprit, ce mensonge continuel appellé coquetterie, semble être dans les femmes un caractere primitif, qui né de leur condition naturellement subordonnée, injustement servile, étendu, & fortifié par l’éducation, ne peut être affoibli que par un effort de raison, & détruit que par une grande chaleur de sentiment : on a même comparé ce caractere au feu sacré qui ne s’éteint jamais.

Voyez entrer Chloé sur la scene du monde ; celui qui vient de lui donner le droit d’aller seule, trop aimable pour aimer sa femme, ou trop disgracié de la nature, trop désigné par le devoir pour en être aimé, semble lui donner encore le droit d’en aimer un autre. Vaine & legere, moins empressée de voir que de se montrer, Chloé vole à tous les spectacles, à toutes les fêtes : à peine y paroît-elle, qu’elle est entourée de ces hommes, qui confians & dédaigneux, sans vertus & sans talens, séduisent les femmes par des travers, mettent leur gloire à les deshonorer, se font un plaisir de leur desespoir, & qui par les indiscrétions, les infidélités & les ruptures, semblent augmenter chaque jour le nombre de leurs bonnes fortunes ; espece d’oiseleurs qui font crier les oiseaux qu’ils ont pris pour en appeller d’autres.

Suivez Chloé au milieu de cette foule empressée ; c’est la coquette venue de l’île de Crete au temple de Gnide ; elle soûrit à l’un, parle à l’oreille à l’autre, soutient son bras sur un troisieme, fait signe à deux autres de la suivre : l’un d’eux lui par le-t-il de son amour ? c’est Armide, elle le quitte en ce moment, elle le rejoint un moment après, & puis le quitte encore : sont-ils jaloux les uns des autres ? c’est la Célimene du Misantrope, elle les rassûre tour-à-tour par le mal qu’elle dit à chacun d’eux de ses rivaux ; ainsi mêlant artificieusement les dédains & les préférences, elle reprime la témérité par un regard sévere, elle ranime l’espérance avec un soûris tendre : c’est la femme trompeuse d’Archiloque, qui tient l’eau d’une main & le feu de l’autre.

Mais plus les femmes ont perfectionné l’art de faire desirer, espérer, poursuivre ce qu’elles ont résolu de ne point accorder ; plus les hommes ont multiplié les moyens d’en obtenir la possession : l’art d’inspirer des desirs qu’on ne veut point satisfaire, a tout-au-plus produit l’art de feindre des sentimens qu’on n’a pas. Chloé ne veut se cacher qu’après avoir été vûe ; Damis sait l’arrêter en feignant de ne la point voir : l’un & l’autre, après avoir parcouru tous les détours de l’art, se retrouvent enfin où la nature les avoit placés.

Il y a dans tous les cœurs un principe secret d’union. Il y a un feu qui, caché plus ou moins longtems, s’allume à notre insû, s’étend d’autant plus qu’on fait plus d’efforts pour l’éteindre, & qui ensuite s’éteint malgré nous. Il y a un germe où sont renfermés la crainte & l’espérance, la peine & le plaisir, le mystere & l’indiscrétion ; qui contient les querelles & les raccommodemens, les plaintes & les ris, les larmes douces & ameres : répandu partout, il est plus ou moins prompt à se développer, selon les secours qu’on lui prête, & les obstacles qu’on lui oppose.

Comme un foible enfant qu’elle protege, Chloé prend l’Amour sur ses genoux, badine avec son arc, se joue avec ses traits, coupe l’extrémité de ses ailes, lui lie les mains avec des fleurs ; & déjà prise elle-même dans des liens qu’elle ne voit pas, se croit encore en liberté. Tandis qu’elle l’approche de son sein, qu’elle l’écoute, qu’elle lui sourit, qu’elle s’amuse également & de ceux qui s’en plaignent & de celles qui en ont peur, un charme involontaire la fait tout-à-coup le presser dans ses bras, & déjà l’amour est dans son cœur : elle n’ose encore s’avoüer qu’elle aime, elle commence à penser qu’il est doux d’aimer. Tous ces amans qu’elle traîne en triomphe à sa suite, elle sent plus d’envie de les écarter qu’elle n’eut de plaisir à les attirer. Il en est un sur qui ses yeux se portent sans cesse, dont ils se détournent toûjours. On diroit quelquefois qu’elle s’apperçoit à peine de sa présence, mais il n’a rien fait qu’elle n’ait vû. S’il parle, elle ne paroît point l’écouter ; mais il n’a rien dit qu’elle n’ait entendu : lui parle-t-elle au contraire ? sa voix devient plus timide, ses expressions sont plus animées. Va-t-elle au spectacle, est-il moins en vûe ? il est pourtant le premier qu’elle y voit, son nom est toûjours le dernier qu’elle prononce. Si le sentiment de son cœur est encore ignoré, ce n’est plus que d’elle seule ; il a été dévoilé par tout ce qu’elle a fait pour le cacher ; il s’est irrité par tout ce qu’elle a fait pour l’éteindre : elle est triste, mais sa tristesse est un des charmes de l’amour. Elle cesse enfin d’être coquette à mesure qu’elle devient sensible, & semble n’avoir tendu perpétuellement des piéges que pour y tomber elle-même.

J’ai lû que de toutes les passions, l’amour est celle qui sied le mieux aux femmes ; il est du moins vrai qu’elles portent ce sentiment, qui est le plus tendre caractere de l’humanité, à un degré de délicatesse & de vivacité où il y a bien peu d’hommes qui puissent atteindre. Leur ame semble n’avoir été faite que pour sentir, elles semblent n’avoir été formées que pour le doux emploi d’aimer. A cette passion qui leur est si naturelle, on donne pour antagoniste une privation qu’on appelle l’honneur ; mais on a dit, & il n’est que trop vrai, que l’honneur semble n’avoir été imaginé que pour être sacrifié.

A peine Chloé a-t-elle prononcé le mot fatal à sa liberté, qu’elle fait de son amant l’objet de toutes ses vûes, le but de toutes ses actions, l’arbitre de sa vie. Elle ne connoissoit que l’amusement & l’ennui, elle ignoroit la peine & le plaisir. Tous ses jours sont pleins, toutes ses heures sont vivantes, plus d’intervalles languissans ; le tems, toûjours trop lent ou trop rapide pour elle, coule cependant à son insû ; tous ces noms si vains, si chers, ce doux commerce de regards & de soûrires, ce silence plus éloquent que la parole, mille souvenirs, mille projets, mille idées, mille sentimens, viennent à tous les instans renouveller son ame & étendre son existence ; mais la derniere preuve de sa sensibilité est la premiere époque de l’inconstance de son amant. Les nœuds de l’amour ne peuvent-ils donc jamais se resserrer d’un côté, qu’ils ne se relâchent de l’autre ?

S’il est parmi les hommes quelques ames privilégiées en qui l’amour, loin d’être affoibli par les plaisirs, semble emprunter d’eux de nouvelles forces, pour la plûpart c’est une fausse jouissance qui, précédée d’un desir incertain, est immédiatement suivie d’un dégoût marqué, qu’accompagne encore trop souvent la haine ou le mépris. On dit qu’il croît sur le rivage d’une mer, des fruits d’une beauté rare, qui, dès qu’on y touche, tombent en poussiere : c’est l’image de cet amour éphémere, vaine saillie de l’imagination, fragile ouvrage des sens, foible tribut qu’on paye à la beauté. Quand la source des plaisirs est dans le cœur, elle ne tarit point ; l’amour fondé sur l’estime est inaltérable, il est le charme de la vie & le prix de la vertu.

Uniquement occupée de son amant, Chloé s’apperçoit d’abord qu’il est moins tendre, elle soupçonne bientôt qu’il est infidele ; elle se plaint, il la rassûre ; il continue d’avoir des torts, elle recommence à se plaindre ; les infidélités se succedent d’un côté, les reproches se multiplient de l’autre : les querelles sont vives & fréquentes, les broüilleries longues, les raccommodemens froids ; les rendez-vous s’éloignent, les têtes-à-têtes s’abregent, toutes les larmes sont ameres. Chloé demande justice à l’Amour. Qu’est devenue, dit-elle, la foi des sermens....? Mais c’en est fait, Chloé est quittée ; elle est quittée pour une autre, elle est quittée avec éclat.

Livrée à la honte & à la douleur, elle fait autant de sermens de n’aimer jamais, qu’elle en avoit fait d’aimer toûjours ; mais quand une fois on a vécu pour l’amour, on ne peut plus vivre que pour lui. Quand il s’établit dans une ame, il y répand je ne sai quel charme qui altere la source de tous les autres plaisirs ; quand il s’envole, il y laisse toute l’horreur du desert & de la solitude : c’est sans doute ce qui a fait dire qu’il est plus facile de trouver une femme qui n’ait point eu d’engagement, que d’en trouver qui n’en ait eu qu’un.

Le desespoir de Chloé se change insensiblement en une langueur qui fait de tous ses jours un tissu d’ennuis ; accablée du poids de son existence, elle ne sait plus que faire de la vie, c’est un rocher aride auquel elle est attachée. Mais d’anciens amans rentrent chez elle avec l’espérance, de nouveaux se déclarent, des femmes arrangent des soupers ; elle consent à se distraire, elle finit par se consoler. Elle a fait un nouveau choix qui ne sera guere plus heureux que le premier, quoique plus volontaire, & qui bientôt sera suivi d’un autre. Elle appartenoit à l’amour, la voilà qui appartient au plaisir ; ses sens étoient à l’usage de son cœur, son esprit est à l’usage de ses sens : l’art, si facile à distinguer par-tout ailleurs de la nature, n’en est ici séparé que par une nuance imperceptible : Chloé s’y méprend quelquefois elle-même ; eh qu’importe que son amant y soit trompé, s’il est heureux ! Il en est des mensonges de la galanterie comme des fictions de théatre, où la vraissemblance a souvent plus d’attraits que la vérité.

Horace fait ainsi la peinture des mœurs de son tems, od. vj. l. III. « A peine une fille est-elle sortie des jeux innocens de la tendre enfance, qu’elle se plaît à étudier des danses voluptueuses, & tous les arts & tous les mysteres de l’amour. A peine une femme est-elle assise à la table de son mari, que d’un regard inquiet elle y cherche un amant ; bientôt elle ne choisit plus, elle croit que dans l’obscurité tous les plaisirs sont légitimes ». Bientôt aussi Chloé arrivera à ce dernier période de la galanterie. Déjà elle fait donner à la volupté toutes les apparences du sentiment, à la complaisance tous les charmes de la volupté. Elle sait également & dissimuler des desirs & feindre des sentimens, & composer des ris & verser des larmes. Elle a rarement dans l’ame ce qu’elle a dans les yeux ; elle n’a presque jamais sur les levres, ni ce qu’elle a dans les yeux, ni ce qu’elle a dans l’ame : ce qu’elle a fait en secret, elle se persuade ne l’avoir point fait ; ce qu’on lui a vû faire, elle sait persuader qu’on ne l’a point vû ; & ce que l’artifice des paroles ne peut justifier, ses larmes le font excuser, ses caresses le font oublier.

Les femmes galantes ont aussi leur morale. Chloé s’est fait un code où elle a dit qu’il est malhonnête à une femme, quelque goût qu’on ait pour elle, quelque passion qu’on lui témoigne, de prendre l’amant d’une femme de sa société. Il y est dit encore qu’il n’y a point d’amours éternels ; mais qu’on ne doit jamais former un engagement, quand on en prévoit la fin. Elle a ajoûté qu’entre une rupture & un nouveau nœud, il faut un intervalle de six mois ; & tout de suite elle a établi qu’il ne faut jamais quitter un amant sans lui avoir désigné un successeur.

Chloé vient enfin à penser qu’il n’y a qu’un engagement solide, ou ce qu’elle appelle une affaire suivie, qui perde une femme. Elle se conduit en conséquence ; elle n’a plus que de ces goûts passagers qu’elle appelle fantaisies, qui peuvent bien laisser former un soupçon, mais qui ne lui donnent jamais le tems de se changer en certitude. Le public porte à peine la vûe sur un objet, qu’il lui échappe, déjà remplacé par un autre ; je n’ose dire que souvent il s’en présente plusieurs tout-à-la-fois. Dans les fantaisies de Chloé, l’esprit est d’abord subordonné à la figure, bientôt la figure est subordonnée à la fortune ; elle néglige à la cour ceux qu’elle a recherchés à la ville, méconnoît à la ville ceux qu’elle a prévenus à la campagne ; & oublie si parfaitement le soir la fantaisie du matin, qu’elle en fait presque douter celui qui en a été l’objet. Dans son dépit il se croit dispensé de taire ce qu’on l’a dispensé de mériter, oubliant à son tour qu’une femme a toûjours le droit de nier ce qu’un homme n’a jamais le droit de dire. Il est bien plus sûr de montrer des desirs à Chloé, que de lui déclarer des sentimens : quelquefois elle permet encore des sermens de constance & de fidélité ; mais qui la persuade est mal-adroit, qui lui tient parole est perfide. Le seul moyen qu’il y auroit de la rendre constante, seroit peut-être de lui pardonner d’être infidelle ; elle craint plus la jalousie que le parjure, l’importunité que l’abandon. Elle pardonne tout à ses amans, & se permet tout à elle-même, excepté l’amour.

Plus que galante, elle croit cependant n’être que coquette. C’est dans cette persuasion qu’à une table de jeu, alternativement attentive & distraite, elle répond du genou à l’un, serre la main à l’autre en loüant ses dentelles, & jette en même tems quelques mots convenus à un troisieme. Elle se dit sans préjugés, parce qu’elle est sans principes ; elle s’arroge le titre d’honnête homme, parce qu’elle a renoncé à celui d’honnête femme ; & ce qui pourra vous surprendre, c’est que dans toute la variété de ses fantaisies le plaisir lui serviroit rarement d’excuse.

Elle a un grand nom, & un mari facile : tant qu’elle aura de la beauté ou des graces, ou du moins les agrémens de la jeunesse, les desirs des hommes, la jalousie des femmes, lui tiendront lieu de considération. Ses travers ne l’exileront de la société, que lorsqu’ils seront confirmés par le ridicule. Il arrive enfin ce ridicule, plus cruel que le deshonneur. Chloé cesse de plaire, & ne veut point cesser d’aimer ; elle veut toûjours paroître, & personne ne veut se montrer avec elle. Dans cette position, sa vie est un sommeil inquiet & pénible, un accablement profond, mêlé d’agitations ; elle n’a guere que l’alternative du bel-esprit ou de la dévotion. La véritable dévotion est l’asyle le plus honnête pour les femmes galantes ; mais il en est peu qui puissent passer de l’amour des hommes à l’amour de Dieu : il en est peu qui pleurant de regret, sachent se persuader que c’est de repentir ; il en est peu même qui, après avoir affiché le vice, puissent se déterminer à feindre du moins la vertu.

Il en est beaucoup moins qui puissent passer du temple de l’amour dans le sanctuaire des muses, & qui gagnent à se faire entendre, ce qu’elles perdent à se laisser voir. Quoi qu’il en soit, Chloé qui s’est tant de fois égarée, courant toûjours après de vains plaisirs, & s’éloignant toûjours du bonheur, s’égare encore en prenant une nouvelle route. Après avoir perdu quinze ou vingt ans à lorgner, à persiffler, à minauder, à faire des nœuds & des tracasseries ; après avoir rendu quelque honnête-homme malheureux, s’être livrée à un fat, s’être prêtée à une foule de sots, cette folle change de rôle, passe d’un théatre sur un autre ; & ne pouvant plus être Phryné, croit pouvoir être Aspasie.

Je suis sûr qu’aucune femme ne se reconnoîtra dans le portrait de Chloé ; en effet il y en a peu dont la vie ait eu ses périodes aussi marqués.

Il est une femme qui a de l’esprit pour se faire aimer, non pour se faire craindre, de la vertu pour se faire estimer, non pour mépriser les autres ; assez de beauté pour donner du prix à sa vertu. Egalement éloignée de la honte d’aimer sans retenue, du tourment de n’oser aimer, & de l’ennui de vivre sans amour, elle a tant d’indulgence pour les foiblesses de son sexe, que la femme la plus galante lui pardonne d’être fidele ; elle a tant de respect pour les bienséances, que la plus prude lui pardonne d’être tendre. Laissant aux folles dont elle est entourée, la coquetterie, la frivolité, les caprices, les jalousies, toutes ces petites passions, toutes ces bagatelles qui rendent leur vie nulle ou contentieuse ; au milieu de ces commerces contagieux, elle consulte toûjours son cœur qui est pur, & sa raison qui est saine, préférablement à l’opinion, cette reine du monde, qui gouverne si despotiquement les insensés & les sots. Heureuse la femme qui possede ces avantages, plus heureux celui qui possede le cœur d’une telle femme !

Enfin il en est une autre plus solidement heureuse encore ; son bonheur est d’ignorer ce que le monde appelle les plaisirs, sa gloire est de vivre ignorée. Renfermée dans les devoirs de femme & de mere, elle consacre ses jours à la pratique des vertus obscures : occupée du gouvernement de sa famille, elle regne sur son mari par la complaisance, sur ses enfans par la douceur, sur ses domestiques par la bonté : sa maison est la demeure des sentimens religieux, de la piété filiale, de l’amour conjugal, de la tendresse maternelle, de l’ordre, de la paix intérieure, du doux sommeil, & de la santé : économe & sédentaire, elle en écarte les passions & les besoins ; l’indigent qui se présente à sa porte, n’en est jamais repoussé ; l’homme licentieux ne s’y présente point. Elle a un caractere de reserve & de dignité qui la fait respecter, d’indulgence & de sensibilité qui la fait aimer, de prudence & de fermeté qui la fait craindre ; elle répand autour d’elle une douce chaleur, une lumiere pure qui éclaire & vivifie tout ce qui l’environne. Est-ce la nature qui l’a placée, ou la raison qui l’a conduite au rang suprème où je la vois ? Cet article est de M. Desmahis.

Femme, (Jurisp.) on comprend en général sous ce terme, toutes les personnes du sexe féminin, soit filles, femmes mariées ou veuves ; mais à certains égards les femmes sont distinguées des filles, & les veuves des femmes mariées.

Toutes les femmes & filles sont quelquefois comprises sous le terme d’hommes. L. 1. & 152. ff. de verb. signif.

La condition des femmes en général est néanmoins différente en plusieurs choses de celle des hommes proprement dits.

Les femmes sont plûtôt nubiles que les hommes, l’âge de puberté est fixé pour elles à douze ans ; leur esprit est communément formé plûtôt que celui des hommes, elles sont aussi plûtôt hors d’état d’avoir des enfans : citiùs pubescunt, citiùs senescunt.

Les hommes, par la prérogative de leur sexe & par la force de leur tempérament, sont naturellement capables de toutes sortes d’emplois & d’engagemens ; au lieu que les femmes, soit à cause de la fragilité de leur sexe & de leur délicatesse naturelle, sont excluses de plusieurs fonctions, & incapables de certains engagemens.

D’abord, pour ce qui regarde l’état ecclésiastique, les femmes peuvent être chanoinesses, religieuses, abbesses d’une abbaye de filles ; mais elles ne peuvent posséder d’évêché ni d’autres bénéfices, ni être admises aux ordres ecclésiastiques, soit majeurs ou mineurs. Il y avoit néanmoins des diaconesses dans la primitive Eglise, mais cet usage ne subsiste plus.

Dans certains états monarchiques, comme en France, les femmes, soit filles, mariées ou veuves, ne succedent point à la couronne.

Les femmes ne sont pas non plus admises aux emplois militaires ni aux ordres de chevalerie, si ce n’est quelques-unes, par des considérations particulieres.

Suivant le droit romain, qui est en ce point suivi dans tout le royaume, les femmes ne sont point admises aux charges publiques ; ainsi elles ne peuvent faire l’office de juge, ni exercer aucune magistrature, ni faire la fonction d’avocat ou de procureur. L. 2. ff. de regul. jur.

Elles faisoient autrefois l’office de pair, &, en cette qualité, siégeoient au parlement. Présentement elles peuvent bien posséder un duché-fémelle & en prendre le titre, mais elles ne font plus l’office de pair. Voyez Pair & Pairie.

Autrefois en France les femmes pouvoient être arbitres, elles rendoient même en personne la justice dans leurs terres ; mais depuis que les seigneurs ne sont plus admis à rendre la justice en personne, les femmes ne peuvent plus être juges ni arbitres.

Elles peuvent néanmoins faire la fonction d’experts, en ce qui est de leur connoissance, dans quelqu’art ou profession qui est propre à leur sexe.

On voit dans les anciennes ordonnances, que c’étoit autrefois une femme qui faisoit la fonction de bourreau pour les femmes, comme lorsqu’il s’agit d’en fustiger quelqu’une Voyez ci-dev. au mot Exécuteur de la Haute-Justice.

On ne les peut nommer tutrices ou curatrices que de leurs propres enfans ou petits-enfans ; il y a néanmoins des exemples qu’une femme a été nommée curatrice de son mari prodigue, furieux & interdit.

Les femmes sont exemptes de la collecte des tailles & autres impositions.

Mais elles ne sont point exemptes des impositions, ni des corvées ou autres charges, soit réelles ou personnelles. La corvée d’une femme est évaluée à 6 deniers par la coûtume de Troyes, article 192. & celle d’un homme à 12 deniers.

Quelques femmes & filles ont été admises dans les académies littéraires ; il y en a même eu plusieurs qui ont reçû le bonnet de docteur dans les universités. Hélene-Lucrece Piscopia Cornara demanda le doctorat en Théologie dans l’université de Padoue ; le cardinal Barbarigo, évêque de Padoue, s’y opposa : elle fut réduite à se contenter du doctorat en Philosophie, qui lui fut conféré avec l’applaudissement de tout le monde, le 25 Juin 1678. Bayle, œuvres, tome I. p. 361. La demoiselle Patin y reçut aussi le même grade ; & le 10 Mai 1732, Laure Bassi, bourgeoise de la ville de Boulogne, y reçut le doctorat en Medecine en présence du sénat, du cardinal de Polignac, de deux évêques, de la principale noblesse, & du corps des docteurs de l’université. Enfin en 1750, la signora Maria-Gaetana Agnesi fut nommée pour remplir publiquement les fonctions de professeur de Mathématique à Boulogne en Italie.

On ne peut prendre des femmes pour témoins dans des testamens, ni dans des actes devant notaires ; mais on les peut entendre en déposition, tant en matiere civile que criminelle. Voyez l’édit du 15 Novembre 1394 ; Joly, aux addit. t. II. p. 20. Fontanon, xxxjx. tome I. page 618. le Prêtre, cant. III. ch.

On dit vulgairement qu’il faut deux femmes pour faire un témoin : ce n’est pas néanmoins que les dépositions des femmes se comptent dans cette proportion arithmétique, relativement aux dépositions des hommes, cela est seulement fondé sur ce que le témoignage des femmes en général est leger & sujet à variation ; c’est pourquoi l’on y a moins d’égard qu’aux dépositions des hommes : il dépend de la prudence du juge d’ajoûter plus ou moins de foi aux dépositions des femmes, selon la qualité de celles qui déposent, & les autres circonstances.

Il y a des maisons religieuses, communautés & hôpitaux pour les femmes & filles, dont le gouvernement est confié à des femmes.

On ne reçoit point de femmes dans les corps & communautés d’hommes, tels que les communautés de marchands & artisans ; car les femmes qui se mêlent du commerce & métier de leur mari, ne sont pas pour cela réputées marchandes publiques : mais dans plusieurs de ces communautés, les filles de maîtres ont le privilége de communiquer la maîtrise à celui qu’elles épousent ; & les veuves de maître ont le droit de continuer le commerce & métier de leur mari, tant qu’elles restent en viduité ; ou si c’est un art qu’une femme ne puisse exercer, elles peuvent loüer leur privilége, comme font les veuves de chirurgien.

Il y a certains commerces & métiers affectés aux femmes & filles, lesquelles forment entr’elles des corps & communautés qui leur sont propres, comme les Matrones ou Sages femmes, les marchandes Lingeres, les marchandes de Marée, les marchandes Grainieres, les Couturieres, Bouquetieres, &c.

Les femmes ne sont point contraignables par corps pour dettes civiles, si ce n’est qu’elles soient marchandes publiques, ou pour stellionat procédant de leur fait. Voyez Contrainte par corps.

On a fait en divers tems des lois pour réprimer le luxe des femmes, dont la plus ancienne est la loi Oppia. Voyez Loi Oppia & Luxe.

Il y a aussi quelques reglemens particuliers pour la sépulture des femmes ; dans l’abbaye de S. Bertin on n’en inhumoit aucune. Voyez la chronologie des souverains d’Artois, dans le commentaire de Maillart, article des propriétaires, n. 3. de l’édit. de 1704. (A)

Femme Amoureuse, est le nom que l’on donnoit anciennement aux femmes publiques, comme on le voit dans deux comptes du receveur du domaine de Paris, des années 1428 & 1446, rapportés dans les antiquités de Sauval : on trouve aussi dans un ancien style du châtelet, imprimé en gothique, une ordonnance de l’an 1483, laquelle défend, art. 3. au prevôt de Paris de prendre pour lui les ceintures, joyaux, habits, ou autres paremens défendus aux fillettes & femmes amoureuses ou dissolues. (A)

Femme authentiquée, est celle qui pour cause d’adultere, a été condamnée aux peines portées par l’authentique sed hodie, au code ad legem Juliam, de adulteriis.

Ces peines sont, que la femme après avoir été foüettée, doit être enfermée dans un monastere pendant deux ans. Dans cet espace de tems il est permis au mari de la reprendre ; ce tems écoulé, ou le mari étant décedé sans avoir repris sa femme, elle doit être rasée & voilée, & demeurer cloîtrée sa vie durant. Si elle a des enfans, on leur accorde les deux tiers du bien de la mere, & l’autre tiers au monastere. S’il n’y a point d’enfans, en ce cas les pere & mere ont un tiers de la dot, & le monastere les deux autres tiers ; s’il n’y a ni enfans, ni pere & mere, toute la dot est appliquée au profit du monastere ; mais dans tous les cas on réserve au mari les droits qu’il avoit sur la dot. (A)

Femme autorisée, est celle à laquelle l’autorisation ou habilitation nécessaire, soit pour contracter ou pour ester en jugement, a été accordée, soit par son mari, soit par justice au-refus de son mari. Une femme qui plaide en séparation, se fait autoriser par justice à la poursuite de ses droits. Voyez Autorisation, Femme séparée, Séparation. (A)

Femme commune en Biens ou commune simplement, est celle qui, soit en vertu de son contrat de mariage ou en vertu de la coûtume, est en communauté de biens avec son mari.

Femme non commune, est celle qui a été mariée suivant une coûtume ou loi qui n’admet point la communauté de biens entre conjoints, ou par le contrat de mariage, de laquelle la communauté a été excluse.

Il y a différence entre une femme séparée de biens & une femme non commune ; la premiere joüit de son bien à part & divis de son mari, au lieu que le mari joüit du bien de la femme non commune ; mais il n’y a point de communauté entr’eux. Voyez Communauté de biens, Rénonciation à la communauté, Séparation de biens. (A)

Femme convolant en secondes Noces, est celle qui se remarie. Voyez Mariage & secondes Noces. (A)

Femme de corps, est celle qui est de condition serve. Voyez la coûtume de Meaux, art. 31. celle de Bar, art. 72. & au mot Gens de corps. (A)

Femme cottiere ou coûtumiere, c’est une femme de condition roturiere. Voyez la coûtume d’Artois, art. 1.

Femme coûtumiere. Voyez ci-devant Femme cottiere.

Femme Délaissée, se dit en quelques provinces pour femme veuve ; femme délaissée d’un tel ; en d’autres pays on dit relicte, quasi derelicta. (A)

Femme divorcée, dans la coûtume de Hainaut signifie femme séparée d’avec son mari, ce qui est conforme au droit canon où le mot divortium est souvent employé pour exprimer la séparation, soit de corps & de biens, soit de biens seulement. (A)

Femme douairiere, est celle qui joüit d’un doüaire. Voyez Douaire & l’article suivant. (A)

Femme douairée, comme il est dit dans quelques coûtumes, est celle à laquelle la coûtume ou le contrat de mariage accorde un doüaire, soit coûtumier ou préfix, au lieu que la femme doüairiere est celle qui joüit actuellement de son doüaire. (A)

Femme Franche, signifie ordinairement une femme qui est de condition libre & non serve ; mais dans la coûtume de Cambray, tit. j. art. 6. une femme franche est celle qui possede un fief qu’elle a acquis avant son mariage, ou qu’elle a eu par succession héréditaire depuis qu’elle est mariée, & qui par le moyen de la franchise de ce fief, succede en tous biens meubles à son mari prédécédé sans enfans. (A)

Femme jouissante de ses Droits, est celle qui est séparée de biens d’avec son mari, soit par contrat de mariage soit par justice, de maniere qu’elle est maîtresse de ses droits, & qu’elle en peut disposer sans le consentement & l’autorisation de son mari. (A)

Femme Lige, est celle qui possede un fief qui est chargé du service militaire. Voyez ci-après Fief lige, Homme lige, & Lige. (A)

Femme Mariée, est celle qui est unie avec un homme par les liens sacrés du mariage.

Pour connoître de quelle maniere la femme doit être considérée dans l’état du mariage, nous n’aurons point recours à ce que certains critiques ont écrit contre les femmes ; nous consulterons une source plus pure, qui est l’Ecriture même.

Le Créateur ayant déclaré qu’il n’étoit pas bon à l’homme d’être seul, résolut de lui donner une compagne & une aide, adjutorium simile sibi. Adam ayant vû Eve, dit que c’étoit l’os de ses os & la chair de sa chair ; & l’Ecriture ajoûte que l’homme quittera son pere & sa mere pour demeurer avec sa femme, & qu’ils ne seront plus qu’une même chair.

Adam interrogé par le Créateur, qualifioit Eve de sa compagne, mulier quam dedisti mihi sociam. Dieu dit à Eve, que pour peine de son péché elle seroit sous la puissance de son mari, qui domineroit sur elle : & sub viri potestate eris, & ipse dominabitur tui.

Les autres textes de l’ancien Testament ont tous sur ce point le même esprit.

S. Paul s’explique aussi à-peu-près de même dans son épître aux Ephésiens, ch. v. il veut que les femmes soient soûmises à leur mari comme à leur seigneur & maître, parce que, dit-il, le mari est le chef de la femme, de même que J. C. est le chef de l’Eglise ; & que comme l’Eglise est soûmise à J. C. de même les femmes doivent l’être en toutes choses à leurs maris : il ordonne aux maris d’aimer leurs femmes, & aux femmes de craindre leurs maris.

Ainsi, suivant les lois anciennes & nouvelles, la femme mariée est soûmise à son mari ; elle est in sacris mariti, c’est-à-dire en sa puissance, de sorte qu’elle doit lui obéir ; & si elle manque aux devoirs de son état, il peut la corriger modérément.

Ce droit de correction étoit déjà bien restreint par les lois du code, qui ne veulent pas qu’un mari puisse frapper sa femme.

Les anciennes lois des Francs rendoient les maris beaucoup plus absolus ; mais les femmes obtinrent des priviléges pour n’être point battues : c’est ainsi que les ducs de Bourgogne en ordonnerent dans leur pays ; les statuts de Ville-Franche en Beaujolois font la même défense de battre les femmes.

Présentement en France un mari ne peut guere impunément châtier sa femme, vû que les sévices & les mauvais traitemens forment pour la femme un moyen de séparation.

Le principal effet de la puissance que le mari a sur sa femme, est qu’elle ne peut s’obliger, elle ni ses biens, sans le consentement & l’autorisation de son mari, si ce n’est pour ses biens paraphernaux dont elle est maîtresse.

Elle ne peut aussi ester en jugement en matiere civile, sans être autorisée de son mari, ou par justice à son refus.

Mais elle peut tester sans autorisation, parce que le testament ne doit avoir son effet que dans un tems où la femme cesse d’être en la puissance de son mari.

La femme doit garder fidélité à son mari ; celle qui commet adultere, encourt les peines de l’authentique sed hodie. Voyez Adultere, Authentique, & .

Chez les Romains, une femme mariée qui se livroit à un esclave, devenoit elle-même esclave, & leurs enfans étoient réputés affranchis, suivant un édit de l’empereur Claude ; cette loi fut renouvellée par Vespasien, & subsista long-tems dans les Gaules.

Une femme dont le mari est absent, ne doit pas se remarier qu’il n’y ait nouvelle certaine de la mort de son mari. Il y a cependant une bulle d’un pape, pour la Pologne, qui permet aux femmes de ce royaume de se remarier en cas de longue absence de leur mari, quoiqu’on n’ait point de certitude de leur mort, ce qui est regardé comme un privilége particulier à la Pologne.

Un homme ne peut avoir à la fois qu’une seule femme légitime, le mariage ayant été ainsi reglé d’institution divine, masculum & fæminam creavit eos, à quoi les lois de l’Eglise sont conformes.

La pluralité des femmes qui étoit autrefois tolérée chez les Juifs, n’avoit pas lieu de la même maniere chez les Romains & dans les Gaules. Un homme pouvoit avoir à la fois plusieurs concubines, mais il ne pouvoit avoir qu’une femme ; ces concubines étoient cependant différentes des maîtresses, c’étoient des femmes épousées moins solennellement.

Quant à la communauté des femmes, qui avoit lieu à Rome, cette coûtume barbare commença long-tems après Numa : elle n’étoit pas générale. Caton d’Utique prêta sa femme Martia à Hortensius pour en avoir des enfans ; il en eut en effet d’elle plusieurs ; & après sa mort, Martia, qu’il avoit fait son héritiere, retourna avec Caton qui la reprit pour femme : ce qui donna occasion à César de reprocher à Caton qu’il l’avoit donnée pauvre, avec dessein de la reprendre quand elle seroit devenue riche.

Parmi nous les femmes mariées portent le nom de leurs maris ; elles ne perdent pourtant pas absolument le leur, il sert toûjours à les désigner dans tous les actes qu’elles passent, en y ajoûtant leur qualité de femme d’un tel ; & elles signent leurs noms de bapteme & de famille auxquels elles ajoûtent ordinairement celui de leur mari.

La femme suit la condition de son mari, tant pour la qualité que pour le rang & les honneurs & priviléges ; c’est ce que la loi 21. au code de donat. inter vir. & ux. exprime par ces mots, uxor radiis maritalibus coruscat.

Celle qui étant roturiere épouse un noble, participe au titre & aux priviléges de noblesse, non-seulement tant que le mariage subsiste, mais même après la mort de son mari tant qu’elle reste en viduité.

Les titres de dignité du mari se communiquent à la femme : on appelle duchesse, marquise, comtesse, la femme d’un duc, d’un marquis, d’un comte ; la femme d’un maréchal de France prend le titre de maréchale ; la femme de chancelier, premier président, présidens, avocats, & procureurs généraux, & autres principaux officiers de judicature, prennent de même les titres de chanceliere, première présidente, &c.

Au contraire celle qui étant noble épouse un roturier, est déchue des priviléges de noblesse tant que ce mariage subsiste ; mais si elle devient veuve, elle rentre dans ses priviléges, pourvû qu’elle vive noblement.

La femme du patron & du seigneur haut-justicier participe aux droits honorifiques dont ils joüissent ; elle est recommandée aux prieres nominales, & reçoit après eux l’encens, l’eau-benite, le pain-beni ; elle suit son mari à la procession, elle a droit d’être inhumée au chœur.

Le mari étant le chef de sa femme, & le maître de toutes les affaires, c’est à lui à choisir le domicile : on dit néanmoins communément que le domicile de la femme est celui du mari ; ce qui ne signifie pas que la femme soit la maîtresse de choisir son domicile, mais que le lieu où la femme demeure du consentement de son mari est réputé le domicile de l’un & de l’autre ; ce qui a lieu principalement lorsque le mari, par son état, n’a pas de résidence fixe.

Au reste la femme est obligée de suivre son mari partout où il juge à-propos d’aller. On trouve dans le code Frédéric, part. I. liv. I. tit. viij. §. 3. trois exceptions à cette regle : la premiere est pour le cas où l’on auroit stipulé par contrat de mariage, que la femme ne seroit pas tenue de suivre son mari s’il vouloit s’établir ailleurs ; mais cette exception n’est pas de notre usage : les deux autres sont, si c’étoit pour crime que le mari fût obligé de changer de domicile, ou qu’il fût banni du pays.

Chez les Romains, les femmes mariées avoient trois sortes de biens ; savoir, les biens dotaux, les paraphernaux, & un troisieme genre de bien que l’on appelloit res receptitias ; c’étoient les choses que la femme avoit apportées dans la maison de son mari pour son usage particulier, la femme en tenoit un petit registre sur lequel le mari reconnoissoit que sa femme, outre sa dot, lui avoit apporté tous les effets couchés sur ce registre, afin que la femme, après la dissolution du mariage, pût les reprendre.

La femme avoit droit de reprendre sur les biens de son mari prédécédé, une donation à cause de nôces égale à sa dot.

L’ancienne façon des Francs étoit d’acheter leurs femmes, tant veuves que filles ; le prix étoit pour les parens, & à leur défaut au roi, suivant le tit. lxvj. de la loi salique. La même chose avoit été ordonnée par Licurgue à Lacédemone, & par Frothon roi de Danemark.

Sous la premiere & la seconde race de nos rois, les maris ne recevoient point de dot de leurs femmes, elles leur donnoient seulement quelques armes, mais ils ne recevoient d’elles ni terres ni argent. Voyez ce qui a été dit au mot Dot.

Présentement on distingue suivant quelle loi la femme a été mariée.

Si c’est suivant la loi des pays de droit écrit, la femme se constitue ordinairement en dot ses biens en tout ou partie, & quelquefois elle se les reserve en paraphernal aussi en tout ou partie.

En pays coûtumier tous les biens d’une femme mariée sont réputés dotaux ; mais elle ne les met pas toûjours tous en communauté, elle en stipule une partie propre à elle & aux siens de son côté & ligne.

On dit qu’une femme est mariée suivant la coûtume de Paris, ou suivant quelqu’autre coûtume, lorsque par le contrat de mariage les contractans ont adopté les dispositions de cette coûtume, par rapport aux droits appartenans à gens mariés, ou qu’ils sont convenus de s’en rapporter à cette coûtume ; ou s’il n’y a point de contrat ou qu’on ne s’y soit pas expliqué sur ce point, c’est la loi du domicile que les conjoints avoient au tems du mariage, suivant laquelle ils sont censés mariés.

Les lois & les coûtumes de chaque pays sont différentes sur les droits qu’elles accordent aux femmes mariées ; mais elles s’accordent en ce que la plûpart accordent à la femme quelque avantage pour la faire subsister après le décès de son mari.

En pays de droit écrit, la femme, outre sa dot & ses paraphernaux qu’elle retire, prend sur les biens de son mari un gain de survie qu’on appelle augment de dot ; on lui accorde aussi un droit de bagues & joyaux, & même en certaines provinces il a lieu sans stipulation.

Le mari de sa part prend sur la dot de sa femme, en cas de prédécès, un droit de contre-augment ; mais dans la plûpart des pays de droit écrit ce droit dépend du contrat.

Dans d’autres provinces au lieu d’augment & de contre-augment, les futurs conjoints se font l’un à l’autre une donation de survie.

En pays coûtumier la femme, outre ses propres, sa part de la communauté de biens, & son préciput, a un doüaire, soit coûtumier ou préfix : on stipule encore quelquefois pour elle d’autres avantages. V. Conventions matrimoniales, Communauté, Dot, Douaire, Préciput.

Lorsqu’il s’agit de savoir si la prescription a couru contre une femme mariée & en puissance de mari, on distingue si l’action a dû être dirigée contre le mari & sur ses biens, ou si c’est contre un tiers ; au premier cas la prescription n’a pas lieu ; au second cas elle court nonobstant le mariage subsistant, & la crainte maritale n’est pas un moyen valable pour se défendre de la prescription.

Il en est de même des dix ans accordés par l’ordonnance de 1510, pour se pourvoir contre les actes faits en majorité ; ces dix ans courent contre la femme mariée, de même que contre toute autre personne, l’ordonnance ne distingue point. Voyez Prescription. (A)

Femme en Puissance de Mari, est toute femme mariée qui n’est point séparée d’avec son mari, soit de corps & de biens, ou de biens seulement, pour savoir quel est l’effet plus ou moins étendu de ces diverses sortes de séparations. Voyez Puissance maritale & Séparation. (A)

Femme relicte, se dit en quelques provinces pour veuve d’un tel. (A)

Femme remariée, est celle qui a passé à de secondes, troisiemes, ou autres nôces. Les femmes remariées n’ont pas communément les mêmes droits que celles qui se marient pour la premiere fois, & elles sont sujettes à certaines lois qu’on appelle peine des secondes noces. Voyez Edit des secondes Noces, Peine des secondes Noces, & Secondes Noces. (A)

Femme répudiée, est celle avec qui son mari a fait divorce. Voyez Divorce. (A)

Femme Séparée, est celle qui ne demeure pas avec son mari, ou qui est maîtresse de ses biens. Une femme peut être séparée de son mari en cinq manieres différentes ; savoir, de fait, c’est-à-dire lorsqu’elle a une demeure à part de son mari sans y être autorisée par justice ; séparée volontairement, lorsque son mari y a consenti ; séparée par contrat de mariage, ce qui ne s’entend que de la séparation de biens ; séparée de corps ou d’habitation & de biens, ce qui doit être ordonné par justice en cas de sévices & mauvais traitemens, & enfin elle peut être séparée de biens seulement, ce qui a lieu en cas de dissipation de son mari, & lorsque la dot est en péril. V. Dot & Séparation. (A)

Femme en Viduité, est celle qui ayant survécu à son premier, second, ou autre mari, n’a point passé depuis à d’autres nôces. Voyez Année de viduité, Deuil, Viduité, & Secondes Noces. (A)

Femme usante & jouissante de ses Droits, est celle qui n’est point en la puissance de son mari pour l’administration de ses biens, telles que sont les femmes en pays de droit écrit pour les paraphernaux, & les femmes séparées de biens en pays coûtumier. (A)

Femme adultere, (la) Théol. critiq. mots consacrés pour désigner celle que Jesus-Christ renvoya sans la condamner.

L’histoire de la femme adultere (j’ai presque dit comme les Latins, les Anglois, & comme Bayle, de l’adultéresse) que S. Jean rapporte dans le chapitre viij. de son évangile, est reconnue pour authentique par l’Eglise : cependant son authenticité a été combattue par plusieurs critiques qui ont travaillé sur l’Ecriture-sainte ; elle fait même le sujet d’un grand partage dans les avis.

Plusieurs de ceux qui doutent de l’authenticité de cette histoire, soupçonnent que c’est une interpolation du texte faite par Papias ; soit qu’il l’ait prise de l’évangile des Nasaréens, dans le quel seul on la trouvoit du tems d’Eusebe ; soit tout-au-plus qu’il l’ait tirée d’une tradition apostolique. Les raisons de ce soupçon sont 1° que cette histoire n’étoit point dans le texte sacré du tems d’Eusebe ; 2° qu’elle manque encore dans plusieurs anciens manuscrits grecs, particulierement dans celui d’Alexandrie & dans les versions syriaque & copthe, quoiqu’on la trouve dans les versions latine & arabe ; 3°. qu’elle étoit inconnue à l’ancienne église greque, quoiqu’elle fût avoüée par la latine, & qu’on la lise dans S. Irenée ; 4°. qu’elle est obmise par les PP. grecs dans leurs commentaires sur S. Jean, comme par S. Chrysostome, S. Cyrille, &c. quoique les PP. latins, comme S. Jérôme, S. Augustin, en parlent comme étant authentique ; 5°. qu’Euthymius est le seul grec qui en fasse mention, & même avec cette remarque importante, que l’histoire dont il s’agit n’existoit point dans les meilleures copies.

Beze semble la rejetter ; Calvin l’adopte ; M. Simon en doute ; Grotius la rebute ; le P. Saint-Honoré & autres la défendent & la soûtiennent ; M. Leclerc insinue qu’elle pourroit bien avoir été empruntée de l’avanture obscene de Menedemus, rapportée dans Diogene de Laërce : insinuation qui a suscité à notre critique moderne des reproches très vifs & trop séveres. Enfin quelques-uns prétendent que c’est Origene qui a rayé l’histoire de la femme adultere de plusieurs manuscrits ; mais ils le disent sans preuves.

Quoi qu’il en soit, nous renvoyons le lecteur à un savant traité, publié sur cette matiere par Schertzer (Jean Adam), théologien de Leipsic du xvij. siecle, dont Bayle a fait l’article sans avoir connu l’ouvrage dont je veux parler ; il est intitulé, Historia adulteræ ; Lipsiæ, 1671, in-4°. Mais comme le sujet est très-intéressant, il faut que les curieux joignent à la lecture du livre de Schertzer, celle des ouvrages qui suivent, & qui leur apprendront mille choses sur la route.

Ouvrages des Sav. Sept. ann. 1706, p. 404. & seq. Nouv. de la répub. des Lett. tom. XV. p. 245. Idem, tom. XXIII. p. 176. Id. tom. XLIV. pag. 56. Bibl. anc. & mod. tom. VII. p. 202. Journ. des Sav. tom. XXII. p. 580. Bibl. chois. tom. XVI. p. 294. Honoré de Sainte-Marie, Réflex. sur les régl. de critiq. diss. ij. p. 119. Mackenz Scot. Writ. tom. II. p. 313. Mem. de Trév. ann. 1710, p. 802. Bibl. univ. tom. XII. p. 436. Dupin, Bibl. ecclés. tom. XXIX. pag. 318. Id. Disc. prélim. liv. II. chap. ij. §. 6. Simon, Notes sur le nouv. Test. tom. II. pag 54. Acta erud. Lips. ann. 1704, p. 82. Id. ann. 1708, p. 5. Leclerc, Not. ad Hammond, in Loc. La Croze, Diss. histor. p. 56. Hist. critiq. de la républ. des Lett. tom. IX. p. 342. Journ. littér. tom. XII. p. 136. Grotius, in evang. Joh. cap. viij. Calmet, Dict. de la Bible, tom. I. p. 54.

Je tire cet article de l’Encyclopédie angloise (supplément) ; il est court, précis, & met en état de connoître les raisons des uns & des autres, en indiquant les sources où l’on peut s’en instruire à fond. Article de M. le Chevalier de Jaucourt.

Femme en couche, (Med.) état de la femme qui vient d’être délivrée de son fruit. Cet état mérite toute notre attention par humanité, par devoir, & par sentiment. Les meres de nos enfans nous font revivre dans ces précieux gages de leur amour ; négligerions-nous de soulager avec zele les propagatrices du genre humain dans le tems critique où elles ont le plus de besoin des secours éclairés de la Medecine ? Non sans doute.

Ainsi d’abord que la femme sera délivrée de son enfant & de son arriere-faix, il faut commencer par lui mettre au-devant de l’entrée de la vulve un linge assez épais, doux, maniable, & un peu chaud, pour éviter l’air froid du dehors, & prévenir la suppression des vuidanges.

Après cela si la femme n’a pas été accouchée dans son lit ordinaire, on ne manquera pas de l’y porter incessamment ; bien entendu qu’il se trouvera tout fait, tout prêt, chauffé attentivement, & garni de linges nécessaires pour l’écoulement des vuidanges. Mais si la femme a été accouchée dans son propre lit, pratique qui semble être la meilleure & la plus sûre pour parer l’inconvénient du transport, on ôtera de ce lit les linges & garnitures qu’on y avoit mises pour recevoir les eaux, le sang, & les autres humeurs qui proviennent de l’accouchement. Ensuite on placera l’accouchée dans la situation propre à lui procurer le repos & le rétablissement dont elle a besoin. Cette situation demande une position égale & horisontale sur le milieu du dos, la tête & le corps néanmoins un peu élevés, les cuisses abaissées, les jambes jointes l’une contre l’autre, & par-dessous les jarrets un petit oreiller, sur lequel elles puissent être appuyées.

Notre femme étant ainsi couchée, & un peu remise de l’émotion de son travail précédent, on entourera lâchement son ventre d’une large bande de maillot, ou d’une longue serviette pliée en deux ou trois doubles, de la largeur de dix à douze pouces ; on garantira son sein du froid, & on pansera ses parties externes qui ont souffert dans la délivrance. Alors il est à-propos de lui donner quelque restaurant, comme peut être un bon bouillon, & finalement de la laisser dormir, les rideaux de son lit, les portes, & les fenêtres de sa chambre fermées, afin que ne voyant aucune clarté, elle s’assoupisse plus aisément.

On garantira soigneusement les nouvelles accouchées du froid extérieur ; parce que les sueurs qui naissent de leur foiblesse, & l’écoulement des vuidanges, les rendent extrèmement sensibles à cette impression, qui pourroit produire de fâcheux accidens ; mais il ne faut pas non plus tomber dans l’autre extrémité. La chaleur de la chambre doit être toûjours aussi égale qu’il est possible, & on y réussira sans peine par le moyen des thermometres.

Pour prévenir l’inflammation des parties qui ont souffert une violente distension dans l’enfantement, il faut, après les avoir nettoyé des grumeaux de sang qui peuvent y être restés, appliquer à l’entrée de ces parties un cataplasme mollet, anodyn, & médiocrement chaud ; on renouvellera ce cataplasme de trois en trois heures. On se servira d’une décoction d’orge, de graine de lin, & de cerfeuil, ou autre semblable, pour laver, nettoyer, & étuver deux fois dans la journée les levres de la vulve pendant les six premiers jours de la couche. Au bout d’une quinzaine on usera d’une décoction un peu plus astringente, & bien-tôt après d’une lotion encore plus propre à fortifier, à raffermir, & à resserrer les parties relâchées.

A l’égard du bandage dont j’ai parlé ci-dessus, on le sera très-lâche le premier jour, & simplement contentif, pendant que les vuidanges coulent. Il n’est pas mal de joindre au bandage une bonne grande compresse quarrée sur tout le ventre ; & si cette partie est douloureuse, on l’oindra de tems en tems avec une huile adoucissante.

Je pense qu’au bout des douze premiers jours de la couche, on doit serrer plus fortement & insensiblement le bandage, pour ramener peu-à-peu, rassembler, & soûtenir les diverses parties qui ont été étrangement distendues durant le cours de la grossesse.

Si l’accouchée ne peut ou, ce qui n’est que trop ordinaire, ne veut pas être nourrice, il faudra bien mettre sur son sein & contre l’intention de la nature, des remedes propres à faire évader le lait ; mais si l’accouchée est assez sage pour vouloir nourrir son fruit, on se contentera de lui tenir la gorge couverte avec des linges doux & mollets : alors la mere nourrice observera seulement d’attendre quatre ou cinq jours, avant que de donner le teton à son enfant. Voyez Nourrice.

Ajoûtons un mot sur le régime de vie de la femme en couche. Sa boisson doit être toûjours chaude dans le commencement ; & sa nourriture composée de pannades, de creme de ris, d’orge, de gruau, de bouillons legers de veau & de volaille, ou autres alimens semblables. Au bout du quatrieme jour, & quand la fievre de lait sera passée, on lui permettra un régime moins sévere ; mais ici, comme dans plusieurs autres cas, il faut se prêter au tems, au pays, à l’âge, à la coûtume, à la délicatesse, ou à la force de la constitution de l’accouchée.

Pour ce qui regarde la conduite qu’elle doit avoit dans son lit, c’est de s’y tenir en repos, d’éviter les passions tumultueuses, le trop grand jour, le bruit, la conversation, le babillage, en un mot tout ce qui pourroit l’émouvoir, l’agiter, ou lui causer du trouble.

Ces préceptes me paroissent suffisans pour le cours ordinaire des choses ; mais il faut réunir des vûes plus savantes pour la cure d’un grand nombre d’accidens, d’indispositions, & de maladies qui n’arrivent que trop souvent aux femmes en couche.

1°. Une des principales maladies dont le traitement s’offre communément aux observations cliniques, est la suppression ou le flux immodéré des vuidanges ; sur quoi je renvoye le lecteur au mot Vuidanges, me contentant ici d’observer seulement qu’il ne faut ni trop augmenter leur écoulement par des remedes chauds, ni les supprimer par un régime froid.

2°. L’hémorrhagie considérable qui survient à l’accouchée, soit parce que le délivre a été détaché avec trop de hâte & de violence, soit parce qu’il en est resté quelque portion dans l’utérus, soit par quelque espece de faux-germe, conduit la malade au tombeau, si on n’a pas le tems d’y porter du secours. On fera donc de prompts efforts pour arrêter la perte de sang ; & pour la détourner, on procurera par quelque moyen l’expulsion du faux-germe, de la portion de l’arriere-faix, ou des caillots de sang restés dans la matrice. La saignée du bras sera pratiquée & répétée, selon les forces de la malade. Après avoir relâché ses bandages, on la couchera plus également, plus fraîchement, & même sur de la paille sans matelas, si la perte de sang continue ; on lui mettra le long des lombes, des serviettes trempées dans de l’oxicrat froid : en même tems on ranimera la région du cœur avec des linges chauds aromatisés, & on soûtiendra ses forces par des restaurans.

3°. On voit les nouvelles accouchées tomber en syncope, 1° par la perte de leur sang, 2° lorsque leur corps demeure trop long-tems élevé, 3° lorsque les hypochondres sont trop serrés : rétablissez alors les esprits par la nourriture ; mettez le corps dans une position horisontale ; relâchez les hypochondres, & soûtenez le bas-ventre.

4°. Les fievres inflammatoires des femmes en couche peuvent être produites par la retenue d’une partie du délivre, par le froid, par de violentes passions, lorsque les vuidanges n’en sont pas la cause : de telles fievres deviennent souvent fatales, si on ignore la maniere de les traiter. Il me semble que la méthode consiste dans l’usage de doux alexipharmaques & d’absorbans, joints aux acides & aux poudres tempérées de nitre ; dans de legers suppositoires, des lavemens émolliens, & de simples eccoprotiques. Ces remedes seront précédés de la saignée dans les femmes sanguines & pléthoriques : à la fin de la cure on employera quelques legeres doses de rhubarbe.

5°. La diarrhée succede ici quelquefois à la suppression des vuidanges, & fait un symptome très dangereux quand elle accompagne une fievre aiguë pendant quelques jours ; il faut la traiter avec beaucoup de précaution par les adoucissans, les poudres testacées, les extraits stomachiques & corroborans, tels que ceux de gentiane donnés de tems à autre ; un peu de rhubarbe, & même s’il est besoin des anodyns administrés prudemment : mais il est toûjours nécessaire d’ordonner à la malade des diluans nitrés & acidulés. On tempérera l’acrimonie des matieres qui sont dans les gros boyaux, par des lavemens.

6°. En échange la constipation ne doit pas effrayer durant les deux ou trois premiers jours de la couche ; parce que le principe vital est alors tellement engagé dans la secrétion des vuidanges & du lait, qu’il est naturel que les entrailles ne soient pas stimulées : mais on pourra dans la suite employer des clysteres & des alimens propres à oindre les intestins, & à les dégager.

7°. Les vents & les flatuosités sont très-ordinaines aux femmes en couche. On y portera remede extérieurement par les bandages & l’application de sachets carminatifs sur le bas-ventre ; on employera intérieurement les absorbans mêlés avec de la chaux d’antimoine, l’huile d’amandes douces fraîchement exprimée, de l’esprit anisé de sel ammoniac, des gouttes de l’essence d’écorce de citron, &c. Pour les personnes d’un tempérament chaud, on mêlera de l’esprit de nitre dulcifié dans leurs boissons carminatives.

8°. Les tranchées sont les plaintes les plus ordinaires des nouvelles accouchées. Ce nom vulgaire & général de tranchées, désigne des douleurs qu’elles ressentent quelquefois vers les reins, aux lombes & aux aînes, quelquefois dans la matrice seulement, quelquefois vers le nombril & par-tout le ventre, soit continuellement, soit par intervalle, soit en un lieu fixe, soit vaguement, tantôt d’un côté, tantôt de l’autre. Ces tranchées, ou douleurs de ventre, procedent de différentes causes ; 1°. de l’évacuation desordonnée des vuidanges, ou de leur suppression subite ; 2°. de quelque partie de l’arriere-faix, de sang coagulé, ou de quelque autre corps étranger resté dans la matrice ; 3°. du froid, de l’omission du bandage après la couche ; 4°. de la grande extension des ligamens de la matrice, arrivée par un rude & fâcheux travail ; 5°. enfin de la constriction spasmodique, ou de la sympathie des nerfs de l’utérus. On opposera les remedes aux causes connues.

Ce mal finira en modérant ou rétablissant l’évacuation des vuidanges, par les moyens qu’on indiquera au mot Vuidanges. La deuxieme cause des douleurs de ventre ne se dissipera que lorsque les corps étrangers auront été expulsés de la matrice. On diminuera les tranchées par un bandage, si on l’avoit obmis ; on tiendra le ventre chaudement, on y fera des oignemens aromatiques, des frictions nervines, & des fomentations de décoctions de romarin, de menthe, de fleurs de camomille, & autres semblables. Dans la distension des ligamens de la matrice, le repos, le tems, & la bonne situation du corps, suffiront pour les raffermir. La derniere cause des tranchées requiert les remedes nervins, les balsamiques, les anti-hystériques, & les calmans.

9°. L’enflûre du ventre dans la femme en couche naît fréquemment de l’omission des bandages nécessaires après la délivrance : on doit donc recourir à ces bandages, auxquels on peut joindre les frictions, l’usage interne des plantes aromatiques, conjointement avec les pilules de Stahl & de Becker, mais seulement pendant quelque tems.

10°. L’inflammation de la matrice survient quelquefois par la suppression des vuidanges, par la corruption d’un corps étranger, par quelque contusion, blessure, chûte, ou violente compression qu’a souffert ce viscere, soit dans le travail, soit après le travail, par des gens mal-habiles. Il en résulte l’enflûre, la douleur de cette partie, une pesanteur au bas-ventre, une grande tension, la difficulté de respirer, d’uriner, d’aller à la selle, la fievre, le hoquet, le vomissement, les convulsions, le délire, la mort ; il faut y porter de prompts remedes, tirer les corps étrangers, détourner & évacuer les humeurs par la saignée du bras, & ensuite du pié, faire des embrocations sur le ventre, prescrire à la malade un grand repos, une diete humectante, adoucissante, & legere, de simples lavemens anodyns, & s’abstenir de tout purgatif. Si par malheur l’inflammation se convertit en apostème, en ulcere, en skirrhe, il n’est plus d’autres remedes que des palliatifs pour ces tristes maladies.

11°. Quand le relâchement, la descente, la chûte de la matrice, & du fondement, sont des suites de la couche ; la cure de ces accidens demande deux choses, 1°. de réduire les parties dans leur lieu naturel : 2°. de les y contenir & fortifier par des pessaires, ou autres moyens analogues. Voyez Matrice, Pessaire, &c.

12°. Les hémorrhoïdes, dont les femmes sont ordinairement incommodées dans leurs couches, requierent la vapeur de l’eau chaude, les fomentations de lait tiede, l’onguent populeum, basilicum, ou autres pareils, qui ne peuvent irriter le mal ; mais sur toutes choses, il s’agit de procurer l’évacuation des vuidanges ; car par ce moyen salutaire, la douleur des hémorrhoïdes ne manquera pas de cesser.

13°. La tuméfaction des parties a toûjours lieu dans les personnes qui ont souffert un accouchement laborieux. Les remedes propres au mal, seront de simples oignemens de fleurs de sureau, de mauve, de guimauve, de miel rosat, & autres semblables. Les coussinets de fleurs de camomille, de graine de lin, jointe à du camfre bouilli dans du lait, & doucement exprimé, pourront encore être utiles.

14°. Loiqu’il y a déchirement, écorchure, ou contusion aux parties naturelles, ce qui arrive presque toûjours dans le premier accouchement : on ne négligera pas ces contusions & dilacérations, de peur qu’elles ne se convertissent en ulceres ; c’est pourquoi nous avons déjà recommandé, en commençant cet article, un cataplasme mollet étendu sur du linger, & chaudement appliqué sur tout l’extérieur de la vulve, pour y rester cinq ou six heures après l’accouchement. Ensuite on ôtera ce cataplasme pour mettre sur les grandes levres de petits linges trempés dans l’huile d’hypéricum ; en renouvellant ces linges deux ou trois fois par jour, on étuvera les parties avec de l’eau d’orge miellée pour les nettoyer. Si les écorchures sont douloureuses, on oindra les endroits écorchés d’huile de myrrhe par défaillance : si la contusion & l’inflammation des levres ont produit un abcès, il faut donner une issue déclive à la matiere, déterger l’ulcere, & le panser suivant les regles.

15°. On a des observations d’un accident bien plus déplorable, causé par la sortie de l’enfant dans un travail pénible, je veux dire d’une dilacération de la partie inférieure de la fente que les Accoucheurs nomment la fourchette ; dilacération étendue jusqu’au fondement. Ce triste état demande qu’on pratique deux choses ; l’une, que le chirurgien procure habilement la réunion nécessaire de la plaie ; l’autre, que la femme ne fasse plus d’enfans. Si même pour avoir négligé ce déchirement, les grandes levres étoient cicatrisées, il faudroit renouveller la cicatrice comme au bec de lievre, & former la réunion de la vulve, comme si elle avoit été nouvellement déchirée. Ce n’est point pour la beauté d’une partie qu’on doit cacher, & qu’on cache en effet soigneusement à la vûe, que je conseille à aucune femme cette opération douloureuse, j’ai des motifs plus sensés qui me déterminent. Voyez Fourchette, Levres, Vulve.

16°. S’il est arrivé malheureusement que le col de la vessie ait été comprimé pendant quelques jours par la tête de l’enfant, restée au passage, au point qu’il en résulte après l’inflammation dudit col de la vessie, une fistule avec un écoulement d’urine involontaire, le mal devient incurable quand la fistule est grande ; cependant quand elle est petite, il se guérit au bout de quelques mois avec quelques secours chirurgicaux. Si la compression du col de la vessie n’a produit que la dysurie, on la traite par la méthode ordinaire. Voyez Dysurie, Strangurie, Ischurie.

17°. L’enflure des jambes & des cuisses n’est pas un phénomene rare aux femmes en couche, & même après des accouchemens assez heureux. On voit des femmes dans cet état qui ont des enflures depuis l’aîne jusqu’au bout du pié, quelquefois d’un seul côté, & d’autres fois de tous les deux. Ces accidens procedent communément de la suppression des eaux, des vuidanges, de l’urine, ou du reflux de lait, &c. On procurera l’écoulement naturel de toutes les humeurs retenues ; on ouvrira les voies de l’urine & du ventre par des tisannes apéritives & par les laxatifs : ensuite on fortifiera les parties œdémateuses par des frictions, des fumigations seches, & des bandages. On tâchera d’attirer le lait sur les mammelles, pour l’évacuer par le teton.

18°. La douleur du sein, sa tumeur & sa dureté, sont encore des maux ordinaires aux nouvelles accouchées, quand leurs mammelles commencent à se remplir de lait. On y remédiera par de legeres frictions, par de douces fomentations, par la suction du teton repétée, par la résolution, la dissipation, l’évacuation du lait. De quelque cause que procede son caillement qui survient ici quelquefois, il faut qu’indépendamment des embrocations résolutives, la femme en couche se fasse teter jusqu’à tarir les mammelles, & qu’elle ne souffre point de froid au sein.

19°. Il seroit superflu de parler de la passion hystérique, parce que cette maladie est également commune aux femmes en couche, & à celles qui ne le sont pas. Les remedes sont les mêmes. Voyez Passion hystérique.

Finissons par une remarque générale. Quand l’accouchée a eu d’heureuses couches sans accidens, mais qu’elle est néanmoins d’un tempérament foible & délicat, il est de la prudence de ne lui pas permettre de sortir du lit avant les huit ou dix premiers jours, ni de son appartement, avant le mois écoulé.

Nous venons de parcourir méthodiquement les principales maladies des femmes en couche ; mais elles en éprouvent quelquefois d’autres, dont la singularité ou la complication demandent les talens des gens les plus consommés dans la pratique & la théorie. Voyez à ce sujet les beaux ouvrages des auteurs indiqués au mot Enfantement.

On dit que dans quelques pays les Accoucheurs se sont emparés du traitement des maladies des femmes en couche ; je crois qu’on a tort de le souffrir ; ce traitement appartient de droit aux Medecins ; les Accoucheurs n’y doivent paroître qu’en sous-ordre, & toujours proportionnellement à l’étendue de leurs lumieres en Medecine ; si elles sont supérieures en ce genre, tout parle en leur faveur, tout conspire à leur rendre hommage dans cette conjoncture. Article de M. le Chevalier de Jaucourt.

Femme, (Sage) accoucheuse (Medecine.) obstetrix. On appelle de ces différens noms toute femme qui exerce la profession des Accoucheurs ; la partie de la science & de l’art de Chirurgie, qui concerne les secours nécessaires aux femmes en travail d’enfant : on se servoit aussi autrefois du nom de matrone, pour designer une sage-femme. Voyez Accoucheuse, Accouchement, Douleurs, Enfantement, &c. (d)