Mémoire sur l’écoulement linéaire de diverses substances liquides par des tubes capillaires de verre

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Lu à l’Académie le 12 janvier 1817.





L’action que la surface de la paroi intérieure des tubes capillaires de cuivre exerce sur l’eau qui s’y meut d’un mouvement linéaire, fait adhérer à cette surface une couche fluide plus ou moins épaisse, suivant que la densité de ce fluide augmente ou diminue, c’est-à-dire suivant que sa température s’abaisse ou s’élève. Et c’est par l’effet de cette action que s’expliquent naturellement tous les phénomènes de l’écoulement linéaire de l’eau élevée à différentes températures, comme je l’ai montré dans le Mémoire que j’ai eu l’honneur de lire à l’Académie au mois de mai dernier.

Je me propose aujourd’hui de confirmer cette explication par le compte que je vais rendre d’une nouvelle suite d’expériences faites sur le mouvement linéaire de différens fluides dans des tubes capillaires de verre.

Les liquides que j’ai soumis à l’épreuve se divisent en deux classes. La première comprend ceux qui jouissent de la propriété de mouiller le verre, ou d’adhérer à sa surface ; la seconde ceux qui étant mis en contact avec cette substance, ne sont susceptibles de contracter aucune adhérence avec elle.

Je vais exposer séparément dans deux sections les observations dont ces deux classes de liquides ont été l’objet.


SECTION PREMIÈRE.


Observations faites sur l’écoulement linéaire des liquides susceptibles de mouiller la surface du verre.


En décrivant les divers appareils dont j’ai fait usage pour déterminer l’influence de la température, sur les produits de l’écoulement linéaire de l’eau, j’ai dit que le niveau de ce liquide dans le réservoir alimentaire était entretenu constamment à la même hauteur au-dessus de l’orifice du tube par lequel il s’écoulait : mais le maintien de ce niveau constant exige, comme on l’a vu, des précautions qui compliquent les procédés de l’observation et en rendent le résultat plus difficile à saisir. Il était donc important pour faciliter les nouvelles recherches que je me proposais, de commencer par simplifier ces appareils et de m’affranchir, s’il était possible, de la nécessité d’établir au-dessus du vase qui porte le tube capillaire, un second réservoir destiné à entretenir au même niveau la surface du fluide dans le vase.

Or la formule qui exprime la linéarité de l’écoulement d’un fluide susceptible de mouiller les parois du tube où il se meut, conduit directement à la simplification que je cherchais. Je vais indiquer d’abord comment on y parvient.

Rappelons-nous qu’en faisant :

La gravité terrestre = g,

De diamètre effectif du tube = D,

La hauteur de la charge, au-dessus de l’orifice de sortie, = h,

La longueur du tube = l,

Le coëfficient constant donné par l’expérience = a,

La vîtesse du fluide dans le tube = u,

La formule dont il s’agit est celle-ci :

Laquelle indique que la vitesse d’écoulement est proportionnelle à la hauteur de la charge.

Si donc on suppose que le réservoir, au lieu d’être entretenu plein à une hauteur déterminée, se vide par le tube sans recevoir de nouveau fluide, la surface de celui qu’il contient s’abaissera suivant une certaine loi dépendante de la forme de ce réservoir, et quoique dans cette hypothèse, la vitesse d’écoulement varie à chaque instant, elle restera néanmoins toujours proportionnelle à chaque instant à la hauteur de la charge et le mouvement continuera d’être linéaire dans le tube.

Puisque dans le même instant il s’écoule par ce tube une quantité de liquide égale à celle qui passe par une section transversale quelconque du réservoir, il est aisé de substituer à la vitesse d’écoulement u, la vîtesse V avec laquelle descend pendant le même temps la surface supérieure du fluide, contenu dans le réservoir. Ainsi nommant X² cette surface horizontale lorsqu’elle correspond à une hauteur quelconque Y, on aura évidemment , et par conséquent valeur qui, substituée dans la formule générale, la change en celle-ci :

,

laquelle exprime la relation entre la hauteur de la charge et la vîtesse d’abaissement de la surface du fluide dans le réservoir, puisque la valeur de X² est donnée en Y par la figure de ce réservoir.

Par exemple, ce vase étant supposé un cône renversé, au sommet duquel le tube d’écoulement soit implanté, la section horizontale X² de ce cône, correspondante à la hauteur Y sera proportionnelle au quarré Y² de cette hauteur, et l’on aura, pour ce cas particulier, m étant un rapport constant,

,

c’est-à-dire qu’alors la vîtesse d’abaissement de la surface du fluide dans le réservoir est en raison inverse de la hauteur de la charge.

Si l’on supposait en second lieu que le réservoir fut un paraboloïde renversé, au sommet duquel serait placé le tube capillaire par lequel l’eau s’écoule, on aurait, en appelant p le paramètre de la parabole génératrice , et la formule deviendrait

,

d’où l’on voit que la vitesse d’abaissement de la surface du

liquide serait constante, et toutes choses égales d’ailleurs, en raison inverse du paramètre p.

Enfin, si ce réservoir est supposé cylindrique ou prismatique, et sa section constante = A², l’on a pour le cas particulier

.

La vîtesse d’abaissement de la surface du fluide dans le réservoir est donc, comme la vîtesse d’écoulement linéaire dans le tube, proportionnelle à chaque instant à la hauteur de la charge.

Maintenant que l’on conçoive l’écoulement compris entre deux limites déterminées de telle sorte que la hauteur de la charge qui au commencement de cet écoulement était représenté par h’, se trouve à la fin représenté par h", la quantité de mouvement de chaque tranche superficielle, considérée à une hauteur quelconque y au-dessus de l’orifice, sera exprimée par

,

et l’on aura généralement pour la somme des quantités de mouvement de cette tranche, dans les positions successives qu’elle occupe,
,

La constante C est telle que cette intégrale s’évanouisse à l’origine du mouvement lorsque y = h’, on a, par conséquent,

,
et la somme des quantités de mouvement que l’on vient de trouver est complète lorsque donc enfin elle a pour expression
,

mais il est clair que cette quantité de mouvement est égale à la masse du fluide qui s’est écoulée entre les limites et multipliée par une certaine vîtesse moyenne c’est-à-dire à

;

on a donc l’équation

,

ou bien

,

d’où l’on tire, en substituant à la vîtesse moyenne applicable à la section horizontale du réservoir, la vîtesse moyenne applicable à la section transversale du tube,

,

donc la vîtesse moyenne d’écoulement dans le tube est proportionnelle à la demie somme des hauteurs h’ et h" correspondantes au commencement et à la fin de l’écoulement, c’est-à-dire que l’écoulement a lieu entre ces limites comme si le vase cylindrique, qui sert de réservoir, était entretenu

constamment plein a la hauteur . Appelant la quantité de fluide qui s’écoule par seconde, et le rapport de la circonférence au diamètre, on a, comme on sait, .

Ainsi, substituant à u’ cette valeur dans la formule précédente elle deviendra

,


au moyen de laquelle il sera facile de déterminer le coëfficient a comme si le réservoir était entretenu constamment plein.

On voit par là, que pour parvenir à la détermination dont il s’agit, il suffit de faire écouler le liquide en expérience d’un réservoir cylindrique ou prismatique, sans qu’il soit nécessaire, par une addition continuelle de liquide, d’en maintenir le niveau à une hauteur constante : appareil analogue à celui employé par M. le professeur Gerstner et que nous avons décrit ailleurs.

Voici la description de celui dont nous nous sommes servis.

C’est un vase cylindrique de laiton, ayant 0m245 de hauteur, et 0m076 de diamètre intérieur.

À 5 millimètres de son bord supérieur, sont ménagées deux échancrures servant de déversoirs par lesquels s’écoule le trop plein du liquide dont on le remplit, de sorte que la surface de ce liquide ne peut jamais être élevée que de 24 centimètres au-dessus du fond du vase au commencement de chaque expérience.

Ce réservoir cylindrique est soutenu verticalement sur un trépied de 15 centimètres environ au-dessus de la table qui porte tout l’appareil.

La paroi de ce cylindre est percée suivant une ligne verticale de cinq orifices. Le plus élevé est à 6 centimètres au-dessous des bords du vase ; le suivant à 5 centimètres plus bas, et ainsi de suite, de 5 centimètres en 5 centimètres, jusqu’au cinquième orifice qui se trouve ainsi à 21 centimètres au-dessous de la surface du liquide lorsque le réservoir en est rempli.

Ces orifices sont fermés de bouchons de cuivre à vis auxquels on peut substituer successivement des viroles de même métal, portant le même pas, et ajustées à l’une des extrémités des tubes qui doivent servir aux expériences. Celles dont nous allons d’abord exposer les résultats ont été faites avec un tube de verre de 0m939 de longueur, et de 0m001767 de diamètre. Il a été implanté sur l’orifice inférieur du réservoir, c’est-à-dire à 21 centimètres au-dessous de la surface du fluide, au commencement de chaque observation, et dressé de manière que ses deux extrémités se trouvassent parfaitement de niveau.

Le produit de l’écoulement a été reçu dans un quart de litre étalonné dont la capacité a été remplie exactement à chaque expérience ; de sorte qu’à l’instant où elle se terminait, la hauteur du liquide, au-dessus du centre de l’orifice du tube, n’était plus dans notre cylindre que de 0m1549. La charge moyenne était donc représentée par 0m1824, hauteur à laquelle on peut supposer que la surface du liquide était constamment entretenue pendant la durée de l’observation.

Il est plus important qu’il ne le paraît peut-être au premier aperçu d’indiquer les dimensions exactes de toutes les parties de l’appareil dont on a fait usage, car les phénomènes observés n’ayant lieu que pour des tubes de certaines dimensions, et lorsque le mouvement est devenu essentiellement linéaire, il faut, si l’on veut obtenir des résultats parfaitement identiques, faire les expériences dans des circonstances qui soient absolument les mêmes.


ARTICLE PREMIER.


Expériences faites avec le tube no 1, de 0m939 de longueur,
et de
0m001767 de diamètre.


Notre dessein étant de comparer entre eux les temps de l’écoulement d’un volume constant de différens liquides par le même tube et sous les mêmes charges, nous avons dressé pour chacun de ces liquides un tableau d’observations divisé en trois colonnes.

La première indique le numéro de l’expérience ;

La deuxième le degré de température du liquide ;

Enfin la troisième le nombre de secondes employé pour remplir le quart de litre qui servait de jauge commune.

Les liquides susceptibles de mouiller le verre, qui ont été mis en expérience sont : l’eau pure, l’alcool, la dissolution de sucre dans l’eau en différentes proportions, l’huile de térébenthine, le vinaigre blanc pur et affaibli d’eau, les dissolutions à différens degrés de concentration de muriate de soude, de sulfate de soude, et de nitrate de potasse. Nous allons présenter dans autant de paragraphes les observations faites sur chacun de ces différens liquides.


§. Ier.


Expériences sur l’écoulement de l’eau pure.


Charge moyenne au-dessus de l’orifice du tube 0m1824 ;
Longueur du tube 0m939 ;
Diamètre du tube 0,001767 ;


TABLEAU N° I.


NUMÉROS
des
expériences
DEGRÉS
du
thermomètre.
DURÉE
en secondes
de chaque expérience.
01. 00. 1036".
02. 01. 999.
03. 02. 975.
04. 04. 911.
05. 06. 855.
06. 09. 802.
07. 11. 752.
08. 17. 647.
09. 28. 502.
10. 30. 486.
11. 0041 ¼. 405.
12. 0051 ¼. 346.
13. 60. 306.
14. 70. 275.
15. 75. 260.
16. 80. 252.
17. 90. 246.

Le tableau no 1 présente les résultats des observations qui ont été faites sur l’écoulement de l’eau pure ; elles sont au nombre de dix-sept et comprises entre 0 et 90 degrés de température du thermomètre centigrade ; à zéro de température le quart de litre a été rempli en 1036 secondes. Cette durée diminue rapidement à mesure que la température s’élève. Elle n’est plus que de 502 secondes à 28 degrés du thermomètre. Enfin à 90 degrés, il ne faut plus que 246 secondes pour l’écoulement du même volume. Ainsi, soit que l’on emploie des tubes de verre, soit que l’on emploie des tubes de cuivre semblables à ceux avec lesquels nos premières observations ont été faites, le temps nécessaire pour remplir d’eau une capacité donnée, la température de ce liquide étant à zéro, est plus que quadruple de celui pendant lequel l’écoulement doit avoir lieu pour remplir la même capacité lorsque la température est à 90 degrés ou très-voisine du terme de l’ébullition.

Nous avons dit ailleurs que l’influence de la température ne se manifestait que dans les circonstances où le mouvement du liquide mis à l’épreuve était parvenu à la linéarité dans un tube d’une longueur convenable : il est à propos de rappeler ici les observations qui le prouvent.

J’ai substitué au tube de verre employé pour les expériences du tableau précédent, un orifice du même diamètre, pratiqué dans une mince paroi de cuivre. Le réservoir cylindrique ayant ensuite été rempli d’eau à 4 degrés de température, j’ai reçu dans un quart de litre le produit de l’écoulement par cet orifice.

Ce vase a été exactement rempli en 60 secondes ainsi que je m’en suis assuré par cinq expériences consécutives qui n’ont présenté aucune différence entre elles.

Ne changeant rien aux dispositions de l’appareil, il a été rempli d’eau échauffée à 76 degrés, et l’écoulement d’un quart de litre a eu lieu en 59 secondes.

On a laissé descendre la température à 60 degrés, et la durée de l’écoulement du quart de litre est restée la même. D’où l’on voit que la durée de l’écoulement d’un même volume d’eau par un orifice capillaire en mince paroi, est sensiblement indépendante de la température de ce liquide, tandis que lorsqu’il s’écoule sous la même charge par un tube capillaire du même diamètre, et d’une longueur telle que la linéarité du mouvement y soit établie, les durées de l’écoulement d’un volume déterminé d’eau à 1 degré et à 76 degrés du thermomètre varient dans le rapport de 100 à 26, ou de 4 à 1 environ.

Ces faits suffiraient pour établir d’une manière bien tranchée les caractères qui distinguent l’écoulement d’un liquide par des orifices en mince paroi de celui qui a lieu par des tubes capillaires de même ouverture, quand d’ailleurs on ne saurait pas depuis long-temps que les produits du premier, correction faite de la contraction, se calculent rigoureusement d’après les théories de Toricelli et de Newton ; tandis que les produits du second ne peuvent se calculer que d’après les lois du mouvement linéaire dont Euler a donné le premier les formules.

On s’exposerait donc à de grandes méprises, si en s’occupant de cette matière, qui paraît avoir fixé depuis quelque temps l’attention des physiciens, on perdait de vue les deux espèces d’écoulement, et si l’on concluait des phénomènes observés dans l’un, ceux qui doivent se manifester dans l’autre.


§. II.


Expériences sur l’écoulement de l’alcool, et de l’alcool mélangé d’eau.


Il paraît d’abord si naturel d’expliquer l’influence de la température sur les produits de l’écoulement linéaire, par l’augmentation de fluidité que le liquide acquiert à mesure qu’il s’échauffe, que ma première idée fut de soumettre aux mêmes épreuves pour vérifier cette conjecture, un liquide que les physiciens se sont accordés jusqu’à-présent à regarder comme doué d’une liquidité beaucoup plus parfaite que celle de l’eau. Je remplis en conséquence d’alcool le réservoir cylindrique de mon appareil, et l’ayant laissé armé du même orifice en mince paroi que celui dont il vient d’être question, je reçus dans un quart de litre le produit de l’écoulement.

La température de cet alcool était à 5 degrés au-dessus de zéro et il marquait 28 degrés à l’aréomètre.

Je trouvai par cinq observations consécutives entre lesquelles la plus grande différence ne fut que d’une seconde, qu’il fallait 54 secondes pour emplir le quart de litre ; ainsi on conclurait de ces expériences que l’écoulement de l’alcool par un orifice capillaire serait plus rapide que celui de l’eau par le même orifice.

Ayant ensuite élevé à 44 degrés la température de l’alcool, il marquait 32 degrés à l’aréomètre et l’on trouva de 58 secondes la durée de l’écoulement d’un quart de litre ; six observations consécutives faites dans l’intervalle de 44° à 31° de l’échelle thermométrique donnèrent précisément le même temps pour la durée de cet écoulement.

Ces expériences semblent prouver que l’élévation de température de l’alcool augmente la durée de son écoulement lorsqu’il a lieu par un orifice en mince paroi ; singularité remarquable qu’il convient néanmoins de constater par de nouvelles observations.

Quoi qu’il en soit, on voit que l’influence de la température de l’alcool sur la durée de son écoulement par de tels orifices est toujours très-peu sensible. On voit de plus que les produits de l’écoulement de cette liqueur et de l’eau pure, lorsque l’une et l’autre sont échauffées de 40 à 60 degrés, sont sensiblement les mêmes.

Recherchons maintenant ce qui arrive lorsque l’écoulement de l’alcool devient linéaire dans un tube.

L’orifice en mince paroi qui avait servi aux expériences précédentes fut remplacé par le tube capillaire de verre que nous avions déjà employé ; le réservoir cylindrique fut rempli d’alcool et ayant fait varier la température de ce liquide, on obtint sur la durée de l’écoulement d’un quart de litre les observations que présente le tableau suivant :


TABLEAU N° II.


Alcool.


NUMÉROS
des
expériences
DEGRÉS
du
thermomètre.
DURÉE
en secondes
de chaque expérience.
01. 00- 3 ¼. 3099".
02. 00- 2 ½. 3044.
03. - 2. 2980.
04. 00. 2750.
05. 03. 2489.
06. 07. 2170.
07. 10. 1920.
08. 0017 ½. 1508.
09. 0027 ½. 1170.
10. 45. 0910.
11. 59. 0763.
12. 69. 0643.


L’alcool dont je me suis servi n’avait point été rectifié. Il indiquait à zéro de température 30 degrés de l’aréomètre.

Je fis ces expériences le 25 janvier 1815 ; la température de la liqueur étant à 3 degrés ¼ au-dessous de zéro, le quart de litre ne fut rempli que dans l’espace de 3099 secondes.

Il fallut 2750 secondes pour remplir le même vase, l’alcool étant à zéro de température ; enfin il fut rempli en 643 secondes lorsque cette liqueur eut été élevée à 69 degrés, terme auquel nos observations s’arrêtèrent.

Le tableau qui en présente les résultats indique la loi que suivent douze expériences comprises entre - 3 degrés ¼ et 69 degrés. On y reconnaît que le temps de l’écoulement d’un même volume d’alcool diminue avec beaucoup plus de rapidité dans les degrés inférieurs de l’échelle thermométrique que dans les degrés supérieurs : cette loi est analogue à celle de la variabilité de l’écoulement de l’eau déjà observée. Mais, contre notre attente, le temps employé à remplir d’alcool un quart de litre a été beaucoup plus long que celui employé sous la même charge et à la même température à remplir d’eau la même capacité. Ainsi à zéro de température, par exemple, il a fallu 2750 secondes pour l’écoulement d’un quart de litre d’alcool tandis que tout égal d’ailleurs, l’écoulement du même volume d’eau n’a exigé que 1036 secondes.

De même à 70 degrés du thermomètre les mêmes volumes d’alcool et d’eau s’écoulent, le premier en 643", et le second en 246" seulement. Or le verre est, comme on sait, susceptible d’être parfaitement mouillé par l’alcool, de sorte qu’un filet de cette liqueur en mouvement dans le tube glisse sur une couche du même fluide qui adhère aux parois de ce tube. Si donc, admettant l’opinion commune, on suppose la fluidité de l’alcool plus grande que celle de l’eau, c’est-à-dire ses molécules moins adhérentes entre elles, il faut que le filet d’alcool qui se meut, se détache plus facilement de la couche qui est immobile, ainsi il doit éprouver moins de résistance à se mouvoir, et par conséquent le produit de son écoulement en un temps donné doit être plus considérable que le produit de l’écoulement de l’eau. Mais c’est précisément le contraire qui arrive : la différence de fluidité spécifique des deux liquides dont nous comparons ici le mouvement linéaire ne peut donc servir à rendre raison des phénomènes que ces mouvemens présentent, et il faut nécessairement en chercher l’explication dans une autre cause.

Cette cause est la différence d’action que la surface des parois intérieures du tube de verre exerce à températures égales sur l’alcool et sur l’eau. Cette action s’étendant à une plus grande distance sur la première de ces liqueurs que sur la seconde, il arrive, lorsque le mouvement a acquis sa linéarité que la couche d’alcool qui tapisse le tube intérieurement est plus épaisse que la couche d’eau qui lui reste adhérente dans les mêmes circonstances, d’où il suit que l’alcool se meut en effet dans un tube d’une ouverture plus petite que celui par lequel l’eau s’écoule, ce qui rend nécessairement dans le premier cas le produit de l’écoulement moindre que dans le second.

Après avoir reconnu par les observations dont je viens de rendre compte la différence d’action de la surface du verre sur l’eau et sur l’alcool, j’ai voulu voir comment, en mélangeant ces deux liquides dans certaines proportions, on faisait varier cette action.


TABLEAU N° III.


Mélange de ⅓ d’alcool à 30 degrés, et de ⅔ d’eau.


NUMÉROS
des
expériences
DEGRÉS
du
thermomètre.
DURÉE
en secondes
de chaque expérience.
01. 0008 ¼. 1647".
02. 0020 ½. 1055.
03. 30. 0800.
04. 40. 0633.
05. 50. 0510.
06. 60. 0433.


Le tableau n°III présente les résultats de dix observations faites sur un mélange de ⅔ d’eau et d’un tiers d’alcool en volume. Ces observations sont comprises entre 8 degrés ¼ et 60 degrés de l’échelle thermométrique.

Si on les compare aux observations faites sur l’alcool pur, on voit que les temps de l’écoulement d’un quart de litre aux mêmes degrés de température sont beaucoup moindres.

Ainsi à 20 degrés et à 60 degrés, par exemple, il a fallu 1055 et 433 secondes pour l’écoulement d’un quart de litre de ce mélange, tandis que le même volume d’alcool ne s’est écoulé, aux mêmes degrés de température, qu’en 1400 secondes et en 750 secondes environ.

Comparant de même les durées d’écoulement de ce mélange avec les durées de l’écoulement de l’eau pure, on voit qu’à 30 et à 60 degrés du thermomètre un quart de litre du premier liquide s’écoule en 800 et en 433 secondes, tandis que l’écoulement du même volume d’eau s’opère en 486 et en 306 secondes.

On voit, par la comparaison de ces expériences, que la surface du verre exerce sur un mélange d’eau et d’alcool une action moindre que celle qu’elle exerce sur cette dernière liqueur, et plus grande que celle qu’elle exerce sur l’eau.

J’ai mélangé ensuite ¾ d’eau en volume avec ¼ d’alcool, et, ayant fait varier la température de ce mélange depuis 6 degrés jusqu’à 70, j’ai obtenu les résultats qui sont exposés dans le quatrième tableau.


TABLEAU N° IV.


Mélange de ¼ d’alcool à 30 degrés et de ¾ d’eau.


NUMÉROS
des
expériences
DEGRÉS
du
thermomètre.
DURÉE
en secondes
de chaque expérience.
1. 06. 1647.
2. 20. 0918.
3. 30. 0692.
4. 40. 0545.
5. 50. 0447.
6. 60. 0372.
7. 70. 0332.


On voit qu’à 20 et à 60 degrés, il n’a fallu que 918 et 375 secondes pour l’écoulement d’un quart de litre tandis que la même dépense du mélange précédent n’a été faite qu’en 1055 et 433 secondes.

Il reste ainsi prouvé que l’action de la surface du verre sur des mélanges d’alcool et d’eau, diminue à mesure que l’eau entre dans ces mélanges en plus grande proportion, ou, ce qui est la même chose en d’autres termes, que l’épaisseur de la couche liquide qui mouille la surface du verre, et qui reste adhérente à la paroi intérieure de tube, devient plus considérable à mesure que l’alcool devient plus pur.


§. III.


Expériences sur l’écoulement de dissolutions de sucre à différents degrés de température.


Voulant m’assurer par de nouvelles observations que l’augmentation des produits de l’écoulement par un même tube n’était point dû seulement à un accroissement de fluidité des différens liquides, il m’a paru convenable de soumettre à l’épreuve une liqueur sensiblement visqueuse.

J’ai fait dissoudre en conséquence un ½ kilogramme de sucre raffiné dans un litre ½ d’eau. Cette dissolution mise en expérience, et élevée de 4 degrés ½ à 80 degrés de température, a fourni huit observations dont les résultats sont consignés dans le tableau n° V.


TABLEAU N° V.


Dissolution d’un demi kilogramme de sucre dans un litre et demi d’eau.


NUMÉROS
des
expériences.
DEGRÉS
du
thermomètre.
DURÉE
en secondes
de chaque expérience.
1. 0004 ½. 1947.
2. 10. 1704.
3. 20. 1281.
4. 30. 1009.
5. 40. 0816.
6. 50. 0667.
7. 60. 0548.
8. 80. 0406.


Choisissant dans ce tableau les expériences faites à 10 degrés et à 60 degrés de température, on voit qu’il a fallu 1704 et 548 secondes pour remplir le quart de litre, tandis que l’alcool pur, aux mêmes degrés du thermomètre, n’a fourni la même dépense qu’en 1920 et 750 secondes. Ainsi, quoique l’alcool soit regardé comme éminemment plus liquide que la dissolution de sucre presque sirupeuse dont il est question ici, le produit de l’écoulement de la première de ces liqueurs est moindre dans les mêmes circonstances et dans un temps donné que le produit de l’écoulement de la seconde ; ce qui s’explique naturellement par ce que l’action de la surface du verre s’étend à une plus grande distance sur l’alcool que sur l’eau sucrée. L’intensité de cette action ne dépend point au reste, comme on le voit, du plus ou moins de viscosité du liquide soumis à l’épreuve : proposition que nous aurons bientôt de nouvelles occasions de confirmer.

J’ai ensuite étendu dans un litre ½ d’eau la dissolution précédente. Elle s’est trouvée ainsi contenir ½ kilogramme de sucre sur trois litres d’eau ; élevée de 8 à 80 degrés de température elle a fourni les 6 observations que présente le tableau n° VI.


TABLEAU N° VI.


Dissolution d’un demi-kilogramme de sucre dans trois litres d’eau.


NUMÉROS
des
expériences.
DEGRÉS
du
thermomètre.
DURÉE
en secondes
de chaque expérience.
1. 0008 ½. 1171.
2. 30. 0699.
3. 40. 0578.
4. 50. 0483.
5. 60. 0408.
6. 80. 0312.


Ce tableau indique, qu’à températures égales, les temps de l’écoulement d’un quart de litre sont beaucoup moindres que ceux portés dans le tableau n° V, et qu’ils se rapprochent d’autant plus de ceux de l’écoulement de l’eau que l’on s’élève vers les degrés supérieurs de l’échelle thermométrique.

Les observations faites sur l’alcool et les dissolutions de sucre prouvent au surplus que la distance à laquelle l’action de la surface intérieure du tube sur différens liquides cesse de s’exercer, ne dépend point de leurs densités spécifiques ; car on diminue également cette distance, soit que par l’addition de l’eau, on augmente dans un cas la densité de l’alcool, ou que l’on diminue dans un autre celle des dissolutions de sucre.


§. IV.


Expériences sur l’écoulement de l’huile de térébenthine.


J’ai choisi l’huile de térébenthine parmi les liquides visqueux que je pouvais mettre à l’épreuve ; j’en ai rempli le réservoir cylindrique de l’appareil, et l’écoulement d’un quart de litre de cette substance s’opérant par le même tube de verre qui a servi aux expériences précédentes, j’en ai observé la durée à différentes températures comprises entre 19 degrés ½ et 53 degrés. Le tableau n° VII en présente la série.


TABLEAU N° VII.


Huile de thérébenthine.


NUMÉROS
des
expériences.
DEGRÉS
du
thermomètre.
DURÉE
en secondes
de chaque expérience.
1. 0019 ½. 1335.
2. 24. 1203.
3. 0027 ½. 1143.
4. 37. 0991.
5. 0042 ½. 0941.
6. 48. 0860.
7. 0053 ½. 0830.


On voit qu’à 19 degrés ½ et à 53 degrés de l’échelle thermométrique les durées de l’écoulement ont été de 1335 et de 830 secondes, c’est-à-dire, comme il était aisé de le prévoir, beaucoup plus considérables que les durées de l’écoulement de l’eau, mais un peu moindres que celles de l’écoulement de l’alcool. Ainsi cette dernière liqueur à laquelle les physiciens ont attribué une fluidité presque parfaite, donne en temps égaux des produits d’écoulement plus faibles que ceux de l’huile de térébenthine qui a été regardée généralement comme un liquide visqueux.


§. V.


Expériences sur l’écoulement du vinaigre et du vinaigre étendu d’eau.


Après avoir éprouvé l’eau, l’alcool et quelques liquides visqueux fournis par le règne végétal, il restait à répéter des observations analogues sur une liqueur acide prise dans le même règne, j’ai rempli en conséquence le réservoir de notre appareil de vinaigre blanc tel qu’on le trouve dans le commerce ; le tableau n° VIII présente les résultats de douze expériences qui embrassent l’intervalle thermométrique compris depuis - 2 degrés ½ au-dessous de zéro jusqu’à 80 degrés au-dessus.


TABLEAU N° VIII.


Vinaigre pur.


NUMÉROS
des
expériences.
DEGRÉS
du
thermomètre.
DURÉE
en secondes
de chaque expérience.
01. 0- 02 ½. 1385.
02. 0- 00 ¼. 1281.
03. 00.
04. 0001 ½. 1204.
05. 09. 0911.
06. 17. 0782.
07. 0030 ½. 0586.
08. 40. 0492.
09. 50. 0412.
10. 60. 0362.
11. 0069 ½. 0316.
12. 0078 ½. 0288.
13. 86. 0273.


On remarque, en jetant les yeux sur ce tableau, qu’à 1 degré ½ de température, la dépense d’un quart de litre se fait en 1204 secondes, tandis que cette dépense d’eau pure au même degré du thermomètre n’exige que 990 secondes.

Comparant de même les temps d’écoulement de ces deux liquides à 86 degrés de température, on trouve qu’ils sont pour le vinaigre de 273 secondes et pour l’eau de 248 : ainsi les durées de ces écoulemens diffèrent d’autant moins entre elles que la température est plus élevée ; ce qui s’accorde avec la loi générale déjà observée.

J’ai ensuite affaibli le vinaigre blanc dont je venais de me servir en y ajoutant d’abord ⅓ d’eau en volume, ensuite partie égale de ce liquide. J’ai obtenu sur ces mélanges les observations que présentent les deux tableaux suivans n° IX et n° X.


TABLEAU N° IX.


Mélange de deux tiers de vinaigre et d’un tiers d’eau en volume.


NUMÉROS
des
expériences.
DEGRÉS
du
thermomètre.
DURÉE
en secondes
de chaque expérience.
1. 0004 ¼. 1020.
2. 20. 0695.
3. 30. 0558.
4. 40. 0461.
5. 50. 0392.
6. 60. 0346.
7. 70. 0297.
8. 80. 0260.


TABLEAU N° X.


Mélange de parties égales de vinaigre et d’eau.


NUMÉROS
des
expériences.
DEGRÉS
du
thermomètre.
DURÉE
en secondes
de chaque expérience.
1. 0004 ¼. 1006.
2. 20. 0687.
3. 30. 0550.
4. 40. 0459.
5. 50. 0391.
6. 60. 0340.
7. 0069 ½. 0299.
8. 0084 ½. 0261.


En examinant ces tableaux qui s’étendent l’un et l’autre de 4 à 85 degrés du thermomètre, on retrouve la loi générale en vertu de laquelle les durées de l’écoulement se rapprochent entre elles à mesure que les températures s’élèvent. On y voit aussi que ces durées, pour différens mélanges pris à températures égales, tendent d’autant plus à se confondre avec les durées de l’écoulement de l’eau pure aux mêmes degrés, que l’eau entre dans ces mélanges en plus grande proportion.


§. VI.


Expériences sur l’écoulement de diverses dissolutions de muriate de soude.


J’ai voulu connaître la marche des phénomènes de l’écoulement linéaire pour certaines dissolutions salines, et j’ai commencé par éprouver celle de muriate de soude.

J’ai d’abord fait dissoudre un demi-kilogramme de ce sel dans un litre ½ d’eau et j’ai obtenu pour neuf observations comprises entre 1 degré ½ au-dessous de zéro et 80 degrés au-dessus, les résultats que présente le tableau n° XI.


TABLEAU N° XI.


Dissolution d’un demi kilogramme de muriate de soude dans un litre et demi d’eau.


NUMÉROS
des
expériences.
DEGRÉS
du
thermomètre.
DURÉE
en secondes
de chaque expérience.
1. 0-001 ½. 1475.
2. 00. 1337.
3. 05. 1286.
4. 20. 0868.
5. 30. 0727.
6. 40. 0604.
7. 50. 0510.
8. 60. 0443.
9. 80. 0354.


Ce tableau indique que la dépense d’un quart de litre d’eau salée à une température quelconque, se fait beaucoup plus lentement que la dépense du même volume d’eau pure. Ainsi à zéro du thermomètre par exemple, il faut 1337 secondes pour l’écoulement d’un quart de litre de la dissolution de muriate de soude, tandis que le même volume d’eau s’écoule dans l’espace de 1036 secondes seulement. Mais à 80 degrés le premier de ces deux liquides s’écoule en 354 secondes, et le second en 252.

Les différences entre les durées de ces écoulemens se manifestent donc conformément à la loi générale observée dans les phénomènes de l’écoulement linéaire de l’alcool et des liqueurs visqueuses.

J’ai rappelé ailleurs que M. le chevalier Dubuat avait déjà reconnu que les produits de l’écoulement de l’eau salée, par de petits tubes de verre, étaient moindres en temps égaux que les produits de l’écoulement de l’eau douce, mais le très-petit nombre d’expériences qu’il cite ne sont point comparables entre elles. Il attribue au surplus, comme le professeur Gœrstner l’a fait depuis, ces différences de dépense, au plus ou moins de fluidité des deux liqueurs.

La même dissolution de muriate de soude a été ensuite étendue d’une quantité d’eau égale à celle dans laquelle ce sel était déjà dissous. J’ai fait varier la température de cette dissolution d’un kilogramme de sel dans 3 litres d’eau, depuis 1 degré ½ au-dessous de zéro jusqu’à 60 degrés au-dessus et j’ai obtenu les résultats consignés dans le tableau n° XII.


TABLEAU N° XII.


Dissolution d’un demi-kilogramme de muriate de soude dans trois litres d’eau.


NUMÉROS
des
expériences.
DEGRÉS
du
thermomètre.
DURÉE
en secondes
de chaque expérience.
1. 0-001 ½. 1177.
2. 11. 0865.
3. 20. 0694.
4. 30. 0585.
5. 40. 0493.
6. 50. 0420.
7. 60. 0365.


On voit que ces résultats s’approchent beaucoup de ceux de l’écoulement de l’eau pure. Ainsi, à 11 degrés, l’écoulement d’un quart de litre de la dissolution exige 865 secondes et la même dépense d’eau à la même température se fait en 752 secondes. Lorsque ces deux liquides sont l’un et l’autre à 60 degrés, le premier s’écoule en 365 secondes, et le deuxième en 306 secondes ; ce que nous avons dit plus haut du rapprochement des résultats de l’observation pour différentes dissolutions, à mesure que la température s’élève, se trouve de nouveau confirmé.


§. VII.


Expériences sur l’écoulement d’une dissolution de sulfate de soude.


Un demi-kilogramme de sulfate de soude a été dissous dans un litre ½ d’eau, et cette dissolution ayant été chauffée jusqu’à 65 degrés a été mise en expérience.

Le tableau n° XIII offre les résultats qui ont été observés.


TABLEAU N° XIII.


Dissolution d’un demi-kilogramme de sulfate de soude dans un litre et demi d’eau.


NUMÉROS
des
expériences.
DEGRÉS
du
thermomètre.
DURÉE
en secondes
de chaque expérience.
1. 20. 872.
2. 30. 673.
3. 40. 540.
4. 50. 459.
5. 65. 371.


On voit qu’à 65 degrés, il a fallu 371 secondes pour remplir le ¼ de litre, et à 20 degrés 872".

À 15 degrés la dissolution s’est cristallisée dans le tube, quoiqu’il ne parût point encore de cristaux dans le réservoir qui entretenait l’écoulement ce qui a forcé de suspendre la suite des observations au-dessous de 20 degrés de température.

Si l’on compare les temps d’écoulement de dissolutions de muriate et de sulfate de soude indiqués par le XIe et le XIIIe tableau, on voit qu’à 20 degrés du thermomètre, ces temps sont sensiblement égaux, tandis qu’à partir de 30 degrés jusqu’au 65e, l’écoulement de la dissolution de sulfate de soude est plus rapide. Cette différence prouve évidemment celle que l’action de la surface du verre peut exercer sur des dissolutions salines.


§. VIII.


Expériences sur l’écoulement de diverses dissolutions de nitrate de potasse.


J’ai fait dissoudre un demi-kilogramme de nitrate de potasse dans un litre ½ d’eau, et j’ai soumis cette dissolution à l’expérience.

Le tableau n° XIV présente les résultats de onze observations qui sont comprises entre 10 et 86 degrés de température.


TABLEAU N° XIV.


Dissolution d’un demi-kilogramme de nitrate de potasse dans un litre et demi d’eau.


NUMÉROS
des
expériences.
DEGRÉS
du
thermomètre.
DURÉE
en secondes
de chaque expérience.
01. 10. 681.
02. 0014 ½. 613.
03. 0017 ½. 559.
04. 20. 543.
05. 25. 499.
06. 30. 456.
07. 40. 404.
08. 50. 351.
09. 60. 310
10. 70. 284.
11. 86. 260.


La comparaison des deux observations extrêmes de ce tableau montre qu’à 10 degrés de température, le temps de l’écoulement d’un quart de litre est de 681" et à 86 degrés de 260" seulement.

Les durées de l’écoulement de l’eau pure dans les mêmes circonstances ont été observées de 777 et de 246".

Ainsi, dans la partie inférieure de l’échelle thermométrique, un quart de litre de la dissolution de nitrate de potasse mise à l’épreuve s’écoule plus rapidement que le même volume d’eau pure. La différence est de 96 secondes, ou d’environ ⅛ de la durée totale. Le contraire arrive dans la partie supérieure de l’échelle puisqu’à 86 degrés l’écoulement de la dissolution de nitrate de potasse est plus long de 11 secondes ou d’un 24e environ que l’écoulement de l’eau pure.

Les expériences dont nous rendons compte dans ce paragraphe présentent une singularité remarquable. En effet la durée de l’écoulement de tous les liquides que nous avions observés jusqu’ici est plus longue que la durée de l’écoulement d’un même volume d’eau à la même température de plus, à mesure que l’eau entre en plus grande proportion dans les mélanges mis à l’épreuve, ou que les dissolutions salines en sont plus étendues, les durées de leur écoulement deviennent plus courtes ; on serait donc, en quelque sorte, fondé à conclure, ou que l’action de la surface du verre sur l’eau est moindre que sur les liquides visqueux ou sur les dissolutions salines ; ou bien que ces différentes liqueurs jouissent d’un degré de fluidité moindre que celui de l’eau. Mais cette loi qu’un certain nombre d’essais pourrait porter à généraliser, est démentie par ceux dont la dissolution de nitrate de potasse vient d’être l’objet, car quoiqu’elle fût à un degré de concentration assez considérable puisqu’elle marquait, à 30 degrés de température, 22 degrés à l’aréomètre, et que sa viscosité fût palpable, son écoulement n’en a pas moins été plus prompt que celui de l’eau pure entre les 10e et 50e degrés du thermomètre, terme au-delà duquel l’écoulement de l’eau est à son tour devenu plus rapide.

Ce phénomène me paraissant mériter un examen approfondi, j’ai ajouté ¼ de kilogramme de nitrate de potasse à la dissolution précédente. Cette dissolution, plus concentrée que la première, a été élevée à 90 degrés de température, et la durée de l’écoulement a été observée en descendant de 10 en 10 degrés jusqu’à 40. La température ayant été abaissée à 30 degrés pour continuer les observations, la liqueur s’est cristallisée dans le tube et on a été obligé de les suspendre. Les résultats des six observations auxquelles cette dissolution de nitrate de potasse a donné lieu sont consignés dans le tableau suivant.


TABLEAU N° XV.


Dissolution de trois quarts de kilogramme dans un litre et demi d’eau.


NUMÉROS
des
expériences.
DEGRÉS
du
thermomètre.
DURÉE
en secondes
de chaque expérience.
1. 40. 445.
2. 50. 389.
3. 60. 356.
4. 70. 339.
5. 80. 303.
6. 90. 278.


On voit qu’aux limites de ce tableau à 40 et à 90 degrés de température, les durées de l’écoulement du quart de litre sont de 445 et de 278 secondes. Celles de l’écoulement de l’eau à ces deux degrés du thermomètre sont de 413 et de 246 secondes : c’est-à-dire, que le quart de litre d’eau est dépensé en moins de temps que le même volume de la dissolution que nous examinons, ce qui a lieu dans toute l’étendue de l’échelle thermométrique ; cette dissolution diffère donc de la première, non-seulement par le degré de sa concentration qui la rend plus visqueuse, mais encore probablement par l’intensité de l’action qu’elle est susceptible d’exercer sur la surface intérieure du tube.

Voulant connaître de nouveau ce qui aurait lieu dans une dissolution moins concentrée, j’ai ajouté un litre ½ d’eau à celle qui venait d’être mise à l’épreuve ; ainsi trois litres d’eau tenaient en dissolution ¾ de kilogramme de nitrate de potasse ; cette liqueur a été chauffée à 80 degrés et l’ayant laissée refroidir graduellement on a observé de dix en dix degrés les durées de l’écoulement d’un quart de litre.

Le tableau n° XVI présente les résultats de ces observations.


TABLEAU N° XVI.


Dissolution de trois quarts de kilogramme de nitrate de potasse dans trois litres d’eau.


NUMÉROS
des
expériences.
DEGRÉS
du
thermomètre.
DURÉE
en secondes
de chaque expérience.
1. 0014 ½. 605.
2. 20. 539.
3. 30. 463.
4. 40. 396.
5. 50. 351.
6. 60. 318.
7. 70. 285.
8. 80. 264.


La cristallisation de la liqueur qui s’est manifestée vers le 10e degré du thermomètre a empêché de prolonger les observations au-dessous du 14e. À cette température, et à 80 degrés, les durées de l’écoulement ont été respectivement de 605 et de 264 secondes. Celles de l’eau aux mêmes degrés ont été de 700 et de 262 secondes. Ici, comme dans la première dissolution de nitrate que nous avons essayée, l’écoulement a été plus rapide que celui de l’eau jusqu’au 50e degré environ, passé lequel, à mesure que la température s’est élevée, la durée de l’écoulement de l’eau est devenue moindre que celle du même volume de la dissolution.

Les faits que présente l’écoulement linéaire des dissolutions de nitrate de potasse conduisent à quelques considérations importantes, par lesquelles nous terminerons ce paragraphe. Nous remarquerons d’abord que le poids de ce sel, est à celui de l’eau qui le tient dissous, savoir : Pour les observations du tableau n° XIV dans le rapport de 1 à 3.

Pour les observations du tableau n° XV dans le rapport de 1 à 2.

Enfin pour les observations du tableau n° XVI dans le rapport de 1 à 4.

Or les observations du tableau n° XIV prouvent que le produit de l’écoulement de la dissolution est plus grand que le produit de l’écoulement de l’eau jusqu’au 50e degré du thermomètre à partir de l’extrémité inférieure de l’échelle.

On voit par celles du tableau n° XV qu’en augmentant d’un 6e le poids du nitrate de potasse, la nouvelle dissolution qu’on obtient s’écoule plus lentement que l’eau à tous les degrés de température.

Enfin celles du tableau n° XVI comparées à celles du tableau n° XIV font voir qu’une différence de dans le poids du sel dissous ne change d’une manière sensible, ni les durées de leur écoulement, ni le degré de température auquel l’écoulement de l’eau commence à devenir plus rapide. D’un autre côté il est évident que la viscosité de ces différens liquides doit augmenter d’autant plus que la quantité de sel qu’elles tiennent en dissolution est plus considérable, et comme dans certains cas, on diminue la dépense par une addition de sel tandis qu’en d’autres circonstances on ne l’augmente pas en affaiblissant la dissolution, il s’ensuit nécessairement que le plus ou moins de viscosité de ces liquides n’est pas la seule cause qui influe sur les produits de leur écoulement linéaire ; mais que les modifications qu’ils subissent dépendent encore de la distance à laquelle l’action de la surface intérieure du tube s’étend sur ces liquides, distance variable mesurée par l’épaisseur de la couche fluide qui reste adhérente à cette surface, et qui réduit par conséquent plus ou moins le diamètre effectif du tube par lequel l’écoulement s’opère.

J’ai fait quelques expériences en substituant au tube de verre employé jusqu’ici, un tube de même matière ayant 0m,357 de longueur et 0m,001122 d’ouverture. Les écoulemens de l’eau pure, de deux dissolutions de nitrate de potasse inégalement concentrées, et d’une dissolution de muriate de soude qui ont eu lieu par ce tube à différentes températures, ont présenté dans leurs durées des différences analogues à celles qui avaient déjà été observées. Ces différences ont été seulement modifiées par la plus grande capillarité du tube, et cela doit être ainsi ; car puisque l’action de la surface du verre sur les fluides qui ont la propriété de la mouiller ne s’exerce pas seulement au contact mais s’étend à une certaine distance au-delà, il est clair que le plus ou moins de courbure de la paroi intérieure du tube doit influer sur le résultat de cette action, dont par conséquent le calcul seul peut conduire à déterminer les lois.

Je me bornerai à remarquer ici, comme un des effets de la plus grande capillarité, que les dissolutions de nitrate de potasse qui étaient au même point de concentration que celles précédemment employées, donnaient des produits d’écoulement plus considérables que ceux de l’écoulement de l’eau à des températures égales dans le même tube, non pas seulement depuis le premier terme de la fluidité de ces dissolutions, jusqu’au 50e degré du thermomètre, comme dans nos premières épreuves, mais jusqu’aux 60e et 70e degrés. Ce qui semble prouver que la propriété pour ainsi dire diurétique dont jouissent dans des tubes de verre les dissolutions de nitrate de potasse sur une certaine étendue de l’échelle thermométrique, se manifeste entre des points de cette échelle d’autant plus éloignés les uns des autres, que les tubes par lesquels ces dissolutions s’écoulent sont plus capillaires.

Je ferai remarquer encore, en terminant cet article, que souvent, lorsque le tube est très-capillaire ou que la charge sur son orifice est très-petite, le liquide en sort goutte à goutte ; l’écoulement alors paraît discontinu et l’on pourrait croire que son produit subit quelques altérations par la variabilité de figure et de volume qu’éprouve la goutte liquide, jusqu’à ce qu’elle ait acquis assez de pesanteur pour se détacher du tube. Mais il n’en est point ainsi : on peut facilement en effet prévenir la formation de cette goutte en ajustant à l’orifice de ce tube une espèce de gouttière formée d’une substance quelconque susceptible d’être mouillée par le liquide. Un simple fil par exemple : on voit alors l’écoulement se prolonger le long de ce fil comme dans l’intérieur du tube, sans cesser d’être continu. Or si l’on en mesure le produit en un temps donné, on le trouve exactement le même qu’il était avant l’addition du fil. Cette expérience, répétée un grand nombre de fois, m’a toujours fourni la preuve de cette identité de résultats dans les deux circonstances, et montre combien il est nécessaire de rectifier, par le poids et la mesure, des jugemens que de fausses apparences peuvent quelquefois conduire à porter.


ARTICLE SECOND.


Expériences sur l’écoulement de l’eau et de l’alcohol par le tube de verre n°2, de 0m,99 de longueur, et de 0m,0042 de diamètre.


Toutes les expériences dont nous avons présenté les résultats jusqu’ici font voir qu’il existe à la même température de grandes différences entre les produits de l’écoulement linéaire des divers fluides qui ont la propriété de mouiller le verre.

Or puisque ces différences s’évanouissent lorsque le mouvement cesse d’être linéaire, c’est-à-dire, lorsque sous une longueur déterminée, le diamètre du tube est trop grand, on conçoit que si l’action de la surface intérieure du tube s’étend sur un certain liquide à une plus grande distance que sur un autre, il peut arriver que l’épaisseur de la couche fluide qui, dans le premier cas, tapisse la paroi intérieure du tube, soit assez forte pour en réduire le diamètre effectif au degré de capillarité propre à produire la linéarité du mouvement, tandis que dans le deuxième cas, l’épaisseur de la couche qui adhère à la paroi du tube, n’en diminue pas assez le diamètre pour le rendre propre à produire le même effet.

Ainsi en soumettant à l’épreuve deux liquides convenablement choisis, leur écoulement par le même tube manifestera ou ne manifestera pas, suivant la nature de chacun d’eux, les phénomènes par lesquels la linéarité du mouvement est essentiellement caractérisée.

Pour vérifier ce point de théorie, j’ai remplacé le tube de verre qui a servi à nos premières expériences, par un autre tube également de verre mais de 0m,99 de longueur et de 0,0042 de diamètre.

J’ai choisi ensuite pour les soumettre à l’épreuve l’eau et l’alcohol mélangé d’eau dont les produits d’écoulement, aux mêmes degrés du thermomètre, ont présenté comme on l’a vu de grandes différences.

Notre réservoir cylindrique a d’abord été rempli d’eau pure et on a obtenu, dans l’intervalle thermométrique compris entre 20 et 86 degrés, les six observations que présente le tableau suivant.


TABLEAU N° XVII.


Expériences sur l’écoulement de l’eau pure.


Charge au-dessus de l’orifice du tube 0m1824;
Longueur du tube 0m99 ;
Diamètre du tube 0,0042.


NUMÉROS
des
expériences.
DEGRÉS
du
thermomètre.
DURÉE
en secondes
de chaque expérience.
1. 20. 75.
2. 50. 69.
3. 60. 69.
4. 70. 69.
5. 80. 68.
6. 86. 68.


Aux deux extrémités de ce tableau, les durées de l’écoulement d’un quart de litre ont été trouvées de 75 et de 68 secondes, c’est-à-dire, dans le rapport de 100 à 90 environ. Dans le tube n° 1, la durée des écoulemens a été trouvée aux mêmes températures de 600 et de 248 secondes ; nombres qui sont entre eux à très-peu-près :: 100 : 40 ; d’où l’on voit que l’influence de la température est très-peu sensible dans le tube du tableau précédent, tandis qu’elle est très-considérable dans celui d’un diamètre moindre employé à nos premières expériences.

Laissant l’appareil dans le même état, j’ai substitué à l’eau pure dont le réservoir avait été rempli, un mélange d’alcohol et d’eau marquant 16 degrés à l’aréomètre sous une température de 5 degrés.

Ce mélange ayant été chauffé jusqu’à 60 degrés, a fourni les six observations du tableau n° XVIII.


TABLEAU N° XVIII.


Expériences faites sur un mélange d’alcohol et d’eau.


NUMÉROS
des
expériences.
DEGRÉS
du
thermomètre.
DURÉE
en secondes
de chaque expérience.
1. 05. 371.
2. 20. 182.
3. 30. 135.
4. 40. 103.
5. 50. 095.
6. 60. 073.


On voit qu’à 20 et 60 degrés de température, les durées de l’écoulement d’un quart de litre ont été respectivement de 182 et de 73 secondes, c’est-à-dire à très-peu près, dans le rapport de 100 à 40. Avec notre premier tube et aux mêmes degrés du thermomètre les durées de l’écoulement du même volume d’alcohol mélangé d’eau ont été de 1055 ou de 433 secondes (tableau n° III), ou dans le rapport de 100 à 41 : ainsi, entre ces limites de l’échelle thermométrique, l’influence de la température sur la durée de l’écoulement de la liqueur est aussi grande dans l’un que dans l’autre tuyau.

Il suit, des comparaisons que nous venons de faire, que l’écoulement d’un mélange d’alcohol et d’eau continue d’être linéaire dans des tubes qui ont un diamètre trop grand, ou trop peu de longueur, pour que l’eau pure y conserve la linéarité de son mouvement, ce qui ne peut provenir que de la plus grande intensité d’action de la surface du verre sur l’alcohol, et ce qui confirme la théorie par laquelle nous avons expliqué ce phénomène.


ARTICLE TROISIÈME.


Observations générales sur les expériences qui viennent d’être rapportées, et nouvel examen de la formule qui leur est applicable.


Si l’on construit graphiquement les résultats des observations qui font l’objet de ce Mémoire, en prenant l’échelle thermométrique pour axe des abcisses et pour ordonnées les temps employés à l’écoulement d’un quart de litre de chacun des liquides mis à l’épreuve, on verra que toutes les courbes qui joindront les extrémités de ces ordonnées suivront une marche semblable et présenteront leur convexité à l’axe des abcisses auquel elles tendront à devenir parallèles à mesure que la température du liquide s’élèvera davantage.

Notre confrère M. de Prony avait déjà fait remarquer, dans son traité physico-mathématique du mouvement des eaux courantes, qu’en construisant ainsi graphiquement les résultats d’une suite d’observations, on obtenait immédiatement la connaissance approximative de la loi suivant laquelle les faits se présentent, et le moyen le plus facile de distinguer les observations anomales. L’application de ce procédé nous a été particulièrement utile, et il ne peut être trop recommandé à ceux qui entreprennent de déterminer par l’expérience la marche de certains phénomènes.

Ceux du mouvement linéaire des fluides qui ont la propriété de mouiller la surface intérieure des tubes dans lesquels ils coulent, sont exprimés par la formule


que nous avons rapportée au commencement de ce Mémoire.

Si l’on appelle b ce que devient le coefficient a lorsque la densité du liquide est égale à l’unité, δ cette densité à un degré quelconque du thermomètre, Q la quantité de fluide qui s’écoule par seconde ; enfin e, l’épaisseur de la couche qui reste adhérente à la paroi intérieure du tuyau, son diamètre effectif sera , en faisant , et à cause de , et de

,


π étant le rapport de la circonférence au diamètre ; la formule précédente se changera en celle-ci :


qui donne les rapports entre le produit Q de l’écoulement par seconde, l’adhérence des couches liquides entre elles , l’épaisseur e de celle qui tapisse l’intérieur du tube, la longueur l de ce tube, et la hauteur h de la charge sur son orifice.

Si l’on appelle M le volume constant de fluide qui s’écoule dans un temps t, variable avec les quantités e, , l et h, on aura , et par conséquent , substituant cette valeur de Q dans la formule elle deviendra :
,


d’où l’on tire

.


Dans nos observations, le volume constant M de l’écoulement, la longueur l du tube, son diamètre 2R, et la hauteur h de la charge, sont des quantités connues : la densité δ du liquide, l’épaisseur e de la couche adhérente à la paroi intérieure du tuyau, et le temps t de l’écoulement, varient pour chaque observation ; de sorte qu’en laissant notre formule telle que nous venons de la présenter, elle peut être considérée comme l’équation d’une surface courbe qui aurait pour coordonnées les trois variables t, δ et e, mais comme les deux dernières sont l’une et l’autre des fonctions particulières de la température T, cette équation se transforme naturellement en celle d’une courbe plane. En effet, quoiqu’on ne connaisse point généralement la loi suivant laquelle la température fait varier la densité d’un liquide quelconque, et que cette loi soit probablement différente pour chaque liquide, on peut toujours la représenter par l’équation

δ = A’ + B’T + C’T² + D’T³ + etc.


où les coëfficiens A’, B’, C’, D’, etc., des puissances successives de la température T sont supposés connus par l’observation.

D’un autre côté nous avons trouvé dans notre précédent mémoire.

substituant donc les valeurs de δ et de e en fonction de la température, notre formule devient :
,


laquelle est l’équation générale de la courbe plane qui représente graphiquement les relations de la température et de la durée de l’écoulement d’un même volume de liquide dans un tube donné, et sous une charge déterminée.

Cette équation, entre les deux variables t et T, étant toujours de la même forme, quel que soit le liquide auquel elle s’applique, et n’éprouvant d’autres modifications que celle de ses paramètres, c’est-à-dire que celles qui proviennent des changemens de valeurs des coefficients A, B, C, etc., A’, B’, C’, etc., ou des différences de signes qui peuvent les affecter, on explique naturellement comment en la traçant d’après l’observation, elle doit toujours se trouver disposée de la même manière par rapport à l’axe mais seulement s’en rapprocher plus ou moins suivant la nature du liquide mis en expérience.

Si nous remettons cette équation sous sa première forme en la simplifiant encore par la substitution du diamètre effectif du tube que nous nommerons y à la quantité 2R—2e qui en est la valeur, nous aurons :

.


on voit à la simple inspection de cette formule que le temps de l’écoulement d’un volume constant de fluide par un tube donné, sous une même charge, et à la même température, est en raison directe de l’adhérence mutuelle ou de la viscosité bδ³ des couches fluides, et en raison inverse de la troisième puissance y³ du diamètre effectif du tube.

La durée de l’écoulement dépend ainsi de deux causes parfaitement distinctes ; l’une inhérente au fluide seul est sa viscosité spécifique, c’est la force retardatrice qui, dans le mouvement linéaire, peut seule contrebalancer l’action de la gravité. L’autre cause, à la production de laquelle le liquide et le tube concourent ensemble, est l’action que ces deux substances exercent l’une sur l’autre : action dont l’effet s’étendant à des distances sensibles plus grandes ou plus petites, augmente ou diminue l’épaisseur de la couche fluide immobile qui tapisse l’intérieur du tube, ce qui oblige le filet fluide en mouvement, de se mouler pour ainsi dire dans un vuide d’une plus petite ou d’une plus grande ouverture, dont le diamètre devient par conséquent le diamètre réel ou effectif du tube par lequel l’écoulement s’opère.

Or comme l’action de la surface d’un corps solide peut être différente sur les différens liquides susceptibles de la mouiller, quelle que soit d’ailleurs la viscosité spécifique de ceux-ci, on conçoit qu’indépendamment de cette viscosité, les durées de l’écoulement de ces liquides par un même tube peuvent être plus grandes ou plus petites, puisqu’alors le diamètre effectif de ce tube devient lui-même plus petit ou plus grand.

Ces conséquences déduites de notre formule générale, expliquent naturellement comment certains fluides visqueux, tels, par exemple, que des dissolutions de nitrate de potasse donnent cependant, dans les mêmes circonstances, un produit d’écoulement plus grand que l’eau pure, dont la fluidité est évidemment plus parfaite. C’est parce que l’action du verre sur les dissolutions salines dont il s’agit, s’étend dans un certain espace de l’échelle thermométrique à une distance moindre, que l’action du verre sur l’eau ; explication qui s’applique de la même manière aux différences que nous avons observées entre les durées de l’écoulement de l’alcohol et de quelques autres liqueurs plus visqueuses, telles que l’huile de térébenthine et l’eau sucrée.

Remarquons au surplus que si la même substance solide peut exercer une action différente sur différens liquides, l’action d’un même liquide sur des solides différens peut aussi différer d’intensité ; de sorte que notre formule générale du mouvement linéaire dans des tubes susceptibles d’être mouillés, embrasse tous les cas possibles, soit ceux où la nature des liquides varie, soit ceux où l’on fait varier la substance même des tubes qui les contiennent.

La propriété dont jouissent certains liquides de mouiller la surface de certains corps solides est constatée par d’innombrables observations. La théorie développée dans ce Mémoire peut servir à soumettre au calcul quelques-uns des effets de cette propriété, mais ni l’expérience ni le raisonnement ne peuvent conduire à en connaître la cause, et l’on ne peut expliquer davantage comment et pourquoi tel liquide mouille plus ou moins telle surface d’un corps solide, qu’on ne peut expliquer le jeu des affinités chimiques dont, suivant l’opinion de M. Berthollet, cette espèce d’adhérence n’est qu’un cas particulier.

Lorsque le degré de température du liquide mis en expérience approche du terme de sa vaporisation, l’épaisseur e de la couche fluide qui tapisse l’intérieur du tube peut être regardée comme nulle ce qui pour ce cas donne y = 2R = D, et par conséquent

,


c’est-à-dire que la viscosité d’un liquide quelconque, au plus haut degré du thermomètre auquel il puisse s’élever avant de se réduire en vapeurs est proportionnelle à la durée t de l’écoulement d’un volume déterminé M de ce liquide.

Si donc on connaît la valeur de pour un fluide quelconque à la dernière limite de sa liquidité, on obtiendra aisément la valeur de pour tout autre liquide à la même limite. Il ne faut pour cela qu’assigner à l’aide de l’expérience le temps employé pour l’écoulement d’un certain volume de ces liquides au plus haut degré de température auquel on puisse les élever.

Nous avons trouvé, par exemple, que la viscosité de l’eau à 99 degrés ½ du thermomètre avait pour expression

0,00078971 x 0,8722 = 0,00068878 ;

Supposant donc que les différens liquides mis à l’épreuve aient été élevés dans nos observations au plus haut degré de température, que chacun deux puisse supporter avant de passer à l’état gazeux, et prenant le temps de l’écoulement d’un quart de litre de chacun de ces liquides observés à cette température, on dressera la table suivante de leurs viscosités spécifiques, au terme de leur vaporisation.


TABLEAU N° XIX


Viscosités spécifiques approximatives de différens liquides.


NUMÉROS
des
tableaux.
INDICATION
des différens
liquides.
DEGRÉS
du
thermomètre.
DUREE
en secondes
de l’écoulement
de chaque
liquide.
VISCOSITES
spécifiques
au moment
de la vaporisation.
01. Eau pure. 90. 246. 0,00068878.
05. Eau sucrée. 80. 406. 0,00113674.
06. Idem. 80. 312. 0,00087358.
08. Vinaigre pur. 85. 273 0,00076438.
09. Vinaigre et eau. 85. 260. 0,00072798.
10. Idem. 84. 261. 0,00073078.
11. Eau salée. 80. 354. 0,00099118.
14. Dissolution de nitrate de potase. 86. 260. 0,00072798.
15. Idem. 90. 278. 0,00077838.
16. Idem. 80. 264. 0,00073918.


Les valeurs des viscosités spécifiques, indiquées dans cette table ne peuvent être rigoureusement regardées que comme approximatives, parce qu’on n’est pas suffisamment assuré que la température à laquelle ont été faites les expériences d’où elles sont déduites, soit la plus haute, que chacun des liquides qui en ont été l’objet soit susceptible d’atteindre, avant de passer à l’état gazeux. Mais comme aux approches de cet état les différences entre les durées de l’écoulement, deviennent très-peu sensibles, on conçoit que les viscosités telles que nous venons de les calculer doivent sensiblement se confondre avec celles que les observations plus précises auraient pu fournir.

Quant à l’expression de la viscosité d’un liquide quelconque correspondante aux autres degrés de l’échelle thermométrique, elle est, comme on sait, proportionnelle au cube de la densité de ce liquide à ce degré, et ne dépend par conséquent que de la détermination de celle-ci : détermination à laquelle il nous semble au surplus que l’on parviendra toujours d’une manière plus facile et plus sûre, à l’aide d’expériences aérométriques bien faites, que par des calculs établis sur des observations qui n’auraient pas directement cette détermination pour objet.

Nous sommes parvenus à exprimer généralement, par une équation, les conditions du mouvement linéaire déduites de la connaissance des forces accélératrices qui impriment ce mouvement, et des forces retardatrices en vertu desquelles il devient uniforme ou subit des modifications quelconques. Nous avons donc maintenant toutes les données nécessaires pour résoudre complètement les questions relatives à cette branche de l’hydrodynamique.

Quoique les géomètres et les physiciens s’en soient peu occupés jusqu’à-présent, ces questions considérées sous un point de vue philosophique n’en sont pas moins dignes de fixer l’attention par l’étendue et l’importance des fonctions que la nature semble avoir attribuées au mouvement linéaire des fluides. Ce mouvement, le plus simple de tous ceux dont l’hydrodynamique comporte l’idée, est aussi le plus universellement employé dans les opérations de la nature. C’est en effet par des tubes, ou des canaux capillaires, que circulent les différens fluides qui, dans les deux premiers règnes, constituent l’existence organique, et si l’action de la chaleur exerce toujours sur la plupart des phénomènes de cette existence une influence plus ou moins sensible, cela tient surtout, à ce que, par le seul effet de la capillarité de ces canaux, le volume de fluide destiné à les parcourir, d’un mouvement linéaire, y circule avec plus ou moins de rapidité suivant que sa température est plus élevée ou plus basse, propriété caractéristique de ces espèces de tubes et dont les résultats s’amplifient en quelque sorte à mesure que leur diamètre devient plus petit.

Ce que nous disons ici ne s’applique cependant qu’aux seuls cas du mouvement linéaire où la surface des parois du tuyau, et le fluide qui s’y meut, sont susceptibles d’adhérer l’une à l’autre. Lorsqu’il n’existe aucune tendance à la combinaison entre ces deux substances, le mouvement linéaire suit d’autres lois que nous allons exposer et analyser dans le chapitre suivant.


SECTION SECONDE.


Observations faites sur l’écoulement linéaire des fluides qui n’ont pas la propriété de mouiller le verre.


Le mercure jouit comme on sait de la propriété de ne point contracter d’adhérence avec la surface du verre ; c’est ce fluide que nous avons choisi pour l’objet des expériences qui nous restaient à entreprendre sur le mouvement linéaire dans ce cas particulier.


ARTICLE PREMIER.


Expériences faites avec les tubes nos 1, 2, 3 et 4.


Le même tube de verre n° 1, de 0m939 de longueur et de 0m001767 d’ouverture, qui avait été employé pour la plupart des observations de la section précédente, a été implanté dans un vase cylindrique de même matière et de 0,045 de diamètre.

Après avoir dressé le vase verticalement j’ai tracé deux lignes horizontales sur son pourtour, la première à 182, la deuxième à 126 millimètres du centre de l’orifice du tube, de sorte que la hauteur comprise entre ces deux traits s’est trouvée de 0,056 millimètres. Le tube ayant ensuite été mis de niveau, on a versé du mercure dans le réservoir cylindrique ; il s’est échappé librement par le tube jusqu’à ce que sa surface fût descendue dans le réservoir au niveau de la trace supérieure faite sur son pourtour. On a alors commencé à compter le nombre de secondes qui s’est écoulé jusqu’à ce que la surface de ce fluide se fût abaissée au niveau de la trace inférieure ; l’on a ainsi obtenu la durée de l’écoulement d’un volume de 0,089 de litre de mercure, la hauteur de la charge étant de 0,182 millimètres au commencement de l’expérience, et de 0,126 millimètres à la fin.

Cette durée d’écoulement a été de 86 secondes, la température du mercure était à 10 degrés du thermomètre centigrade.

L’influence de la température sur les produits de l’écoulement présentant le phénomène le plus remarquable du mouvement linéaire des fluides lorsqu’ils sont susceptibles de mouiller la surface intérieure des tubes qui les contiennent, le premier objet de nos recherches sur l’écoulement linéaire du mercure dans des tubes de verre, devait être de nous assurer si les produits de cet écoulement étaient soumis à la même influence thermométrique.

En conséquence après avoir chauffé le mercure jusqu’à 70 degrés, on l’a versé dans le réservoir cylindrique.

On a observé le temps que la surface de ce fluide, échauffé à différens degrés, a employé à s’abaisser entre les deux traits horizontaux que porte la paroi extérieure du réservoir ; c’est-à-dire, comme dans l’expérience précédente, le temps de l’écoulement d’un volume de de litre.

Les résultats de ces observations sont indiqués dans le tableau suivant :


TABLEAU N° XX.


Expériences sur l’écoulement du mercure par le tube n° 1.


NUMÉROS
des
expériences.
DEGRÉS
du
thermomètre.
DURÉE
en secondes
de chaque expérience.
VALEURS
du
coefficient b.
1. 65. 79. 0,005471.
2. » 80.
3. » 81.
4. » 81.
5. » 81.
6. 14. 80.


On voit que, pendant la première observation de ce tableau, la température a été de 65 degrés et la durée de l’écoulement de 79 secondes ; nous venions de trouver cette durée de 80 secondes, lorsque la température était à 10 degrés. Ces durées ne diffèrent par conséquent entre elles que d’une seconde pour un intervalle thermométrique de 55 degrés.

Afin d’obtenir des résultats applicables aux températures intermédiaires, nous avons remis dans le réservoir cylindrique, sans le faire chauffer de nouveau, le mercure qui en était sorti lors de la première expérience. La durée de l’écoulement du même volume a été trouvée une deuxième fois, sous la même charge, de 80 secondes.

Le mercure, qui se refroidissait de plus en plus, a été remis successivement jusqu’à six fois dans le réservoir, et soumis à la même épreuve. Pendant les six observations consécutives qui ont été ainsi faites à des températures descendantes de 65 à 14 degrés, la durée de l’écoulement du même volume de mercure n’a varié que de 79 à 81 secondes. Or deux secondes sont ici dans les limites probables des erreurs de l’observation, d’où il suit que la température n’exerce aucune influence sur la durée de l’écoulement du mercure, par des tubes capillaires de verre, phénomène caractéristique et qui distingue essentiellement le mouvement linéaire des fluides qui ne mouillent pas la surface intérieure des tubes par lesquels ils s’écoulent, du mouvement linéaire de ceux qui ont la propriété de mouiller cette surface.

Les expériences dont nous venons de rendre compte ont eu lieu sous la même hauteur de charge du mercure au-dessus de l’orifice du tube par lequel il s’écoulait, il fallait maintenant faire varier tout à-la-fois la pression sur cet orifice et la température du fluide.

Pour cela, j’ai substitué au réservoir cylindrique de verre employé jusqu’ici, un réservoir de cuivre également cylindrique, de 76 millimètres de diamètre, et dont l’intérieur avait été tapissé préalablement de papier fin pour le garantir de l’action du mercure.

Notre tube de verre n° 1 a été implanté horizontalement dans la paroi de ce vase, à six centimètres au-dessous de son bord supérieur ; faisant ensuite varier les charges sous lesquelles un volume constant de mercure s’en écoulait à des températures différentes, on a obtenu les résultats que présente le tableau n° XXI.


TABLEAU N° XXI.


Seconde suite d’expériences sur l’écoulement du mercure par le tube no 1.


Nos
des
Exp.
DEGRÉS
du
thermomètre.
CHARGE
au commencement
de l’expérience.
CHARGE
à la fin de l’expérience.
DURÉE
en secondes
de chaque expérience.
VALEURS
du
coefficient b.
1. 0020 ½. 0,060. 0,045. 150. 0,005636.
2. 33. 0,060. 0,045. 153.
3. 46. 0,060. 0,045. 154.
4. 0017 ½. 0,060. 0,045. 148.
5. 0017 ½. 0,045. 0,030. 174. 0,005419.
6. 18. 0,045. 0,030. 180.
7. 0017 ½. 0,030. 0,015. 246. 0,005405.
8. 18. 0,030. 0,015. 257.


La surface du mercure dans le réservoir étant à 60 millimètres au-dessus du centre de l’orifice du tube, on a commencé à observer la durée de l’écoulement jusqu’à ce que cette surface fût descendue de 15 millimètres, ce qui a donné un produit de de litre.

On a fait varier la température de 17 a 46 degrés pendant les quatre observations qui ont été faites dans cet état de l’appareil, et leurs résultats n’ont varié que de 148 à 154 secondes, encore convient-il de remarquer ici que la plus grande durée de l’écoulement a été observée lorsque la température du mercure était la plus élevée ; ce qui ne peut s’expliquer que parce que la dilatation de la substance du réservoir, en augmentant son diamètre, augmentait aussi le volume du cylindre de 15 millimètres de hauteur qui en sortait, ce qui devait nécessairement accroître dans un certain rapport le temps employé à son écoulement.

La surface du mercure étant à 45 millimètres au-dessus de l’orifice du tube, on l’a laissé descendre de 15 millimètres, de sorte qu’elle ne s’est plus trouvée, à la fin de l’expérience, que de 30 millimètres au-dessus de ce même orifice.

L’écoulement du volume constant de de litre s’est opéré en 174, et en 182 secondes à 17 degrés ½ et à 18 degrés de température.

Enfin on a laissé encore la surface du mercure baisser de 15 millimètres dans le vase, jusqu’à ce que la hauteur de la charge qui, au commencement de l’expérience, était de 30 millimètres ne fût plus à la fin que de 15, et l’on a observé qu’à 17 degrés ½ et 18 degrés de température les durées de l’écoulement ont été de 246 et 257 secondes.

Le mercure a continué de s’écouler librement par le tube, mais il s’est arrêté tout-à-coup lorsque sa surface était encore à une certaine hauteur au-dessus de l’orifice. J’ai trouvé cette hauteur d’environ 8 millimètres ½ en la mesurant le plus exactement qu’il m’a été possible : ce fait, dont je fus d’abord très-frappé, et que je constatai de suite par plusieurs observations, mérite d’être remarqué ; car il distingue encore essentiellement l’écoulement linéaire du mercure dans des tubes de verre, de l’écoulement linéaire des liquides qui ont la propriété de mouiller les parois de ces tubes ; liquides dont nous avons remarqué que l’écoulement se prolongeait tant que la hauteur de la charge n’était pas devenue tout-à-fait nulle.

Après avoir fait varier la température et la charge dans l’écoulement linéaire du mercure par un même tube, il me restait à répéter les mêmes épreuves sur la même substance avec des tubes de dimensions différentes. J’ai donc substitué successivement au tube n° 1, le tube n° 2 de 0,001122 de diamètre, et de 0m,357 de longueur ; le tube n° 3 de 0,002045 de diamètre, et de 0m,75 de longueur ; et le tube n° 4 de 0,001788 de diamètre, et de 0m,83 de longueur ; et j’ai obtenu les résultats d’observations consignés dans les tableaux n° XXII, XXIII et XXIV.


TABLEAU N° XXII.


Expériences sur l’écoulement par le tube n° 2.


Longueur du tube, 0m,357.
Diamètre du tube, 0m,001122.


Nos
des
Exp.
DEGRÉS
du
thermomètre.
CHARGE
au commencement
de l’expérience.
CHARGE
à la fin de l’expérience.
DURÉE
en secondes
de chaque expérience.
VALEURS
du
coefficient b.
1. 18. 0,060. 0,045. 290. 0,006080.
2. 0042 ½. 0,060. 0,045. 293.
3. 18. 0,060. 0,045. 295.
4. 38. 0,060. 0,045. 299.
5. 33. 0,060. 0,045. 299.
6. 18. 0,045. 0,030. 395. 0,007236.
7. 18. 0,030. 0,015. 557. 0,006374.


TABLEAU N° XXIII.


Expériences sur l’écoulement par le tube n° 3.


Longueur du tube, 0m75.
Diamètre du tube, 0m002045.


Nos
des
Exp.
DEGRÉS
du
thermomètre.
CHARGE
au commencement
de l’expérience.
CHARGE
à la fin de l’expérience.
DURÉE
en secondes
de chaque expérience.
VALEURS
du
coefficient b.
1. 18. 0,060. 0,045. 079. 0,004555.
2. 18. 0,060. 0,045. 079.
3. 18. 0,045. 0,030. 097. 0,004994.
4. 18. 0,045. 0,030. 099.
5. 18. 0,030. 0,015. 139. 0,005069.
6. 18. 0,030. 0,015. 139.


TABLEAU N° XXIV.


Expériences sur l’écoulement par le tube n° 4.


Longueur du tube, 0m83.
Diamètre du tube, 0m001788.


Nos
des
Exp.
DEGRÉS
du
thermomètre.
CHARGE
au commencement
de l’expérience.
CHARGE
à la fin de l’expérience.
DURÉE
en secondes
de chaque expérience.
VALEURS
du
coefficient b.
1. 17. 0,060. 0,045. 123. 0,005038.
2. 17. 0,060. 0,045. 124.
3. 17. 0,045. 0,030. 147. 0,005075.
4. 17. 0,046. 0,030. 149.


On voit en examinant chacun de ces tableaux que la température n’exerce aucun influence sur les produits de l’écoulement du mercure par des tubes capillaires de verre, quelles que soient d’ailleurs les dimensions de ces tubes, pourvu qu’elles soient propres à produire la linéarité du mouvement.

J’ai remarqué au surplus que l’écoulement qui avait lieu par chacun d’eux, s’arrêtait lorsque la charge se trouvait encore à une certaine hauteur au-dessus de l’orifice, et que cette hauteur de charge, qui sert pour ainsi dire de limite à l’écoulement, était différente pour les différens tubes.

Ainsi je l’ai trouvée de 0,0085 pour le tube n° 1, de 0,0095 pour le tube n° 2, et de 0,0060 pour les tubes n° 3 et 4


ARTICLE SECOND.


Observations sur les expériences précédentes. — Théorie qui les explique.


Le mercure ne mouille point le verre ; la résistance qu’il éprouve à se mouvoir dans des tubes de cette substance ne peut donc provenir de l’adhérence du cylindre fluide en mouvement, à la couche immobile de ce même fluide qui tapisserait les parois intérieures de ce tube, si elles étaient susceptibles d’en être mouillées. Il glisse à nud sur la surface de ces parois, la résistance à son mouvement ne provient donc que de leurs aspérités.

Or dans la formule générale du mouvement linéaire uniforme

 ;


Le premier terme au, de la force retardatrice, représente la portion de résistance qui est due à la cohésion des couches fluides entre elles, tandis que le deuxième terme bu² représente la portion de résistance qui est produite par les aspérités de la surface sur laquelle le fluide se meut. Pour rendre cette formule générale applicable au mouvement linéaire du mercure dans les tubes de verre, il faut donc réduire la force retardatrice au seul terme bu² du second membre de cette formule qui devient par conséquent

.


De plus de ce que l’écoulement s’arrête dans le tube lorsqu’il y a encore une certaine hauteur de charge sur son orifice, il s’ensuit nécessairement que le mercure y éprouve un frottement analogue à celui que deux corps solides exercent l’un sur l’autre. Il faut en effet, pour que l’écoulement commence, que la charge sur l’orifice soit au-dessus d’une certaine hauteur ; de même qu’un corps solide ne peut commencer à glisser sur un plan incliné, à moins que son inclinaison n’ait lieu sous un certain angle en-deçà duquel le corps mobile reste en équilibre sur le plan.

Quoi qu’il en soit, le phénomène dont il s’agit doit être indiqué dans la formule

.


Si par exemple on appelle c la hauteur de charge à laquelle l’écoulement s’arrête pour un tube quelconque, il faut exprimer qu’au moment ou h = c, on a u² = 0 : ce qui change l’équation précédente en celle-ci :

.
D’où l’on voit que ce n’est point en vertu de la charge réelle h que le mercure s’écoule, mais en vertu de la hauteur h — c.

Quant à la détermination au moyen de l’expérience du coefficient b, dont la deuxième puissance de la vîtesse est affectée, il faut supposer cette vitesse constante pendant la durée de chaque observation, et par conséquent faire subir une réduction aux vîtesses variables portées dans les tableaux précédens.

Pour y parvenir appelons A² la surface de la section horizontale du réservoir cylindrique, et V la vîtesse avec laquelle cette section horizontale descend pendant que le fluide se meut avec la vitesse u dans le tube, on aura

,

d’où

,

et par conséquent

,

et enfin

.

Expression de la vîtesse avec laquelle la tranche superficielle du fluide se meut verticalement dans le réservoir cylindrique pendant que la tranche transversale du petit tube se meut horizontalement dans ce tube.

Or il est évident que la quantité de mouvement produite pendant que la surface fluide s’abaisse dans le réservoir d’une hauteur quelconque H est égale à la masse multipliée par une certaine vitesse V’. Cette quantité de mouvement est donc exprimée par

.

Il est évident de plus que cette quantité de mouvement est précisément égale à la somme de toutes les quantités de mouvement de la tranche superficielle du fluide prise à chaque instant sur tous les points successifs de la hauteur H.

La quantité de mouvement de la tranche superficielle du fluide à une hauteur quelconque y au-dessus de l’orifice du tube, a pour expression,

,


c’est-à-dire en substituant à V sa valeur,

,


on a, par conséquent, l’équation

;


laquelle intégrée donne

.


La constante F est telle que cette quantité de mouvement soit nulle au commencement de l’écoulement, c’est-à-dire lorsque y = h’, on a donc enfin

.


en supposant que h" soit la hauteur au-dessus de l’orifice à la dernière limite de l’écoulement observé.

Considérant de plus que dans cette hypothèse H = h’—h" on aura

,


pour l’expression de la vitesse moyenne de la tranche superficielle dans le réservoir cylindrique, mais en appelant u la vitesse moyenne dans le tube on a

,

donc

,

et par conséquent

.

Il faut remarquer maintenant que la vitesse moyenne u’ dans le tube est égale à la quantité de fluide qui s’écoule par seconde, divisée par la section transversale du tube, de sorte qu’en appelant Q cette dépense avec la vitesse u’ on a

,

c’est-à-dire,

 ;

de plus, nommant t la durée d’une observation, et M le volume du fluide dépensé pendant ce temps, on a évidemment

,
ou bien à cause de ,
,

et par conséquent

 ;

donc enfin


équation au moyen de laquelle il est aisé de déterminer les valeurs de b correspondantes à chaque observation.

Appliquant d’abord cette formule aux observations du tableau n° XX pour lesquelles on a :

A = 0m0405,
D = 0,001767,
l = 0,939,
h’ = 0,182,
h’’ = 0,126,
h’ - h’’ = 0,056,
c = 0,0085,
t = 80",

on trouve

b = 0,005471.

Pour appliquer ensuite cette même formule aux observations du tableau n° XXI faites sur le même tube, mais dans lesquelles le diamètre A du réservoir = 0,076, il faut prendre pour t la durée moyenne de toutes les observations sous la même charge, et pour h’ et h’’, les hauteurs de charge correspondantes au commencement et à la fin de chaque observation ; on a d’ailleurs, comme dans le tableau précédent, c = 0,0085.

En procédant ainsi on obtiendra les trois valeurs suivantes :

b = 0m005536,
b = 0,005419,
b = 0,005405,

Ces trois valeurs de b comparées à celle déduite du tableau n° XX sont sensiblement identiques : ce qui doit avoir lieu en effet puisque le même tube ayant servi aux observations que présentent les deux tableaux, le frottement du mercure contre les parois de ce tube, c’est-à-dire la résistance qu’il a éprouvée à s’y mouvoir a été nécessairement la même.

Ajoutant ensemble les quatre coëfficiens b déduits des tableaux n° XX et n° XXI, et prenant leur valeur moyenne on la trouve = 0,005455.

Si l’on calcule le coëfficient b au moyen des observations du tableau n° XXII sur le tube n° 2, observations dans le cours desquelles les hauteurs de charge initiales et finales sont les mêmes que dans le tableau n° XXI et pour lesquelles on a d’ailleurs :

A = 0m076,
D = 0,001122,
l = 0,357,
c = 0,0095,

on trouve

b = 0,006080,
b = 0,007236,
b = 0,006374,

valeurs peu différentes entre elles, et dont la moyenne = 0,006563 diffère d’un sixième à-peu-près de celle trouvée ci-dessus pour le tube n° 1.

Dans les observations du tableau suivant sur le tube no 3 les quantités A, h′ et h″, conservent leurs valeurs, et on a spécialement

D = 0m002045,
l = 0,75,
c = 0,006,

ces observations donnent :

b = 0m004555,
b = 0,004994,
b = 0,005069,


et pour valeur moyenne b = 0,004872.

Enfin déduisant ce même coëfficient du tableau no XXIV, d’après les observations faites sur le tube no 4, pour lesquelles A, h′ et h″ restent les mêmes que ci-dessus et auxquelles correspondent

D = 0m001788,
l = 0,83,
c = 0,0060,

on trouve,

b = 0,005038,
b = 0,005075,

dont la valeur moyenne est 0,005056.

On voit, en comparant les valeurs de b que nous venons de calculer, que ces valeurs sont sensiblement identiques pour le même tube, mais qu’elles deviennent différentes lorsqu’on passe d’un tube à l’autre. On a en effet

Pour le tube n° 1, b = 0m005455,
Pour le tube n° 2, b = 0,006563,
Pour le tube n° 3, b = 0,004872,
Pour le tube n° 4, b = 0,005056,

Or les différences que l’on remarque entre les valeurs s’expliquent naturellement par celles qui peuvent se trouver dans le degré de poli de la surface intérieure des tubes dont les aspérités, quoique imperceptibles à la vue, n’en existent pas moins et peuvent être rendues sensibles par les effets du frottement du mercure.

Quant à la nature de la quantité représentée par le coëfficient b, il est évident, à la simple inspection de la formule générale

,

que ce coëfficient se réduit à une quantité numérique, autrement les deux nombres de cette formule ne seraient point homogènes.

Reprenons celle d’où nous avons déduit la valeur de b.

On en tire, pour la valeur du temps que le mercure emploie à s’abaisser d’une hauteur quelconque, h’-h’’ dans le réservoir cylindrique

,
équation où l’on voit que la température ou la densité du fluide n’entre pour rien. Elle indique seulement que la durée de l’écoulement d’une quantité donnée de liquide, est en raison directe de la racine quarrée du coëfficient b, et en raison inverse de la fonction

dans laquelle la quantité c dépend tout-à-la-fois de la nature du fluide et du degré de poli de l’intérieur du tube.

Si l’on abandonne le fluide dans le vase cylindrique à son écoulement spontané par le tube capillaire, jusqu’à ce que la hauteur de la charge sur l’orifice ait atteint sa dernière limite ; limite qui est aussi celle de l’écoulement, parce qu’alors la pression sur l’orifice du tube contre-balance exactement le frottement qui a lieu le long de ses parois intérieures, on aura dans la formule précédente h′ = c, et elle deviendra

,

c’est-à-dire que la durée de l’écoulement est proportionnelle à la racine quarrée du produit de la hauteur dont le fluide est descendu par le coëfficient b ; ce qui donne un moyen facile de déterminer ce coëfficient.

On a en effet, dans cette hypothèse,

valeur dont la détermination rigoureuse ne dépend plus que de l’observation faite, avec plus ou moins d’exactitude, de la durée de l’écoulement.


RÉSUMÉ.


Les expériences dont je viens de rendre compte à l’Académie, démontrent que la propriété d’adhérer à la surface de certains corps solides, et la propriété contraire de se refuser à contracter cette adhérence, établissent pour le mouvement linéaire des fluides des lois parfaitement distinctes, et qui sont exprimées par des équations différentes.

Lorsque le fluide adhère à la paroi des tubes par lesquels il s’écoule, c’est-à-dire lorsqu’il tend à se combiner avec la surface qu’il touche, il la mouille sur une épaisseur plus ou moins considérable, et cette épaisseur, pour un même fluide et pour un même tube, augmente suivant une certaine fonction de la densité ou de la température de ce fluide ; effet qui paraît être un cas particulier de l’attraction universelle dont l’action s’exerce toujours, comme on sait, proportionnellement aux masses.

Le diamètre des tubes capillaires dans lesquels se meut un fluide susceptible d’en mouiller les parois, se trouvant ainsi diminué de la double épaisseur de la couche qui le tapisse, l’écoulement d’un même volume de fluide par ce tube, sous une charge déterminée, est nécessairement plus ou moins rapide suivant que la température est plus élevée ou plus basse.

C’est par cette raison que le mouvement linéaire des différens fluides qui circulent dans les corps organisés est soumis d’une manière si sensible aux influences de la chaleur et du froid.

L’action de divers liquides sur la surface d’un même solide étant variable suivant leur nature, il arrive qu’à température égale, la couche de tel fluide qui mouille la surface d’un certain corps est plus ou moins épaisse que la couche de tel autre fluide qui jouit aussi de la propriété de mouiller cette même surface, et cela indépendamment de la viscosité spécifique de ces fluides, c’est-à-dire, l’adhérence qui retient leurs molécules entre elles.

C’est ainsi que l’alcohol adhère au verre sur une plus grande épaisseur que l’eau quoiqu’il soit sensiblement moins visqueux suivant les physiciens ; tandis qu’une dissolution assez concentrée de nitrate de potasse, dont la viscosité est évidemment plus grande que celle de l’eau, adhère cependant au verre sur une épaisseur beaucoup moindre.

Tous les phénomènes dus à l’influence de la température dans l’écoulement linéaire des fluides qui ont la propriété de mouiller les canaux capillaires où ils se meuvent disparaissent entièrement dans l’écoulement linéaire des fluides dépourvus de cette propriété. Ainsi les produits de l’écoulement du mercure par un tube capillaire de verre, sous une charge déterminée, sont les mêmes à quelque température que ce soit. Comme il ne reste point alors de couche fluide adhérente à la paroi intérieure du tube, son diamètre effectif ne peut subir d’altération par les variations d’épaisseur de cette couche. Ainsi l’explication que nous avons donnée des phénomènes du mouvement linéaire des fluides adhérens, se trouve confirmée par les phénomènes du mouvement de ceux qui ne le sont pas, et notre théorie en reçoit un nouvel appui.

Nous avons fait voir au surplus que la résistance au mouvement qu’éprouve dans un canal capillaire un fluide qui ne le mouille point, est analogue à la résistance que le frottement oppose au mouvement des corps solides quand ils glissent les uns sur les autres, résistance qui altère plus ou moins promptement les surfaces entre lesquelles elle s’exerce.

Si donc les fluides où circulent dans les différens systêmes organiques n’avaient pas la propriété de mouiller les canaux qui les contiennent, ces canaux seraient bientôt usés par le frottement exercé contre leurs parois ; l’existence de ces systêmes soumise à l’action continue de cette cause de destruction n’éprouverait dans sa courte durée aucune des modifications innombrables qu’éprouvent les corps organisés de la nature par l’influence de la chaleur ; ainsi tous les êtres que son action semble vivifier, perdraient leurs plus précieuses fonctions et ne présenteraient en quelque sorte qu’un monde inanimé.

Placés dans un ordre de choses où tout est mystère autour de nous, lorsqu’à l’aide de l’expérience ou du calcul nous essayons de soulever le voile sous lequel la nature se cache, il est rare que nous parvenions à découvrir ses secrets, mais du moins nous sommes presque toujours sûrs de rencontrer dans le cours de nos recherches quelque nouveau sujet d’admirer la simplicité des moyens qu’elle emploie, et la perfection de ses œuvres.