Mémoires historiques/31

La bibliothèque libre.
Maisons héréditaires
Première maison
T’ai-Po de Ou

CHAPITRE XXXI (101)

Première maison héréditaire

T’ai-Po de Ou (102).


p.1 T’ai-po, de Ou, et Tchong-yong (103), frère cadet de T’ai-po, p.2 étaient tous deux fils de l’Auguste roi (104), (de la dynastie) Tcheou, et frères aînés du roi Ki-li. Ki-li était sage, et, de plus, avait un fils saint (appelé) Tch’ang ; l’Auguste roi désirait donner le pouvoir à Ki-li, afin de le faire ainsi parvenir à Tch’ang ; alors T’ai-po et Tchong-yong s’enfuirent tous deux chez les Man (du pays) de King (105) ; ils tatouèrent leur corps (106) et coupèrent leur chevelure pour montrer qu’ils n’étaient plus aptes (à succéder à l’Illustre roi, et pour se retirer ainsi devant Ki-li. Ki-li prit en effet le pouvoir ; ce fut le roi Ki ; ensuite Tch’ang devint le roi Wen.

Quand T’ai-po se fut enfui chez les Man (du pays) de King, il se donna à lui-même le surnom de Keou-ou (107). Les Man (du pays) de King le trouvèrent juste ; il y eut plus de mille familles qui le suivirent et se mirent sous sa protection ; il prit le pouvoir et fut T’ai-po, de Ou.

T’ai-po mourut ; il n’avait pas de fils ; son frère cadet Tchong-yong prit le pouvoir ; ce fut Tchong-yong, de Ou. — Tchong-yong mourut ; son fils Ki-kien prit le pouvoir. — Ki-kien mourut ; son fils Chou-ta prit le pouvoir. — Chou-ta mourut ; son fils Tcheou-tchang prit le pouvoir.

p.3 En ce temps, le roi Ou de (la dynastie) Tcheou vainquit (le souverain de la dynastie) Yn ; il manda le descendant de T’ai po et de Tchong-yong et trouva que c’était Tcheou-tchang. Tcheou-tchang était déjà prince du pays de Ou ; c’est pourquoi (le roi Ou) lui conféra en fief (cette région) ; puis il conféra à Yu-tchong (108), frère cadet de Tcheou-tchang, une terre au nord de Tcheou ; c’est ainsi que Hia-hiu prit le nom de Yu-tchong (109).

(Tcheou-tchang) fut mis au rang des seigneurs (110).

Tcheou-tchang mourut ; son fils Hiong-soei prit le pouvoir. — Hiong-soei mourut ; son fils Ko-siang prit le pouvoir. — Ko-siang mourut ; son fils K’iang-kieou-i prit le pouvoir — K’iang-kieou-i mourut ; son fils Yu-k’iao-i-ou prit le pouvoir. — Yu-k’iao-i-ou mourut ; son p.4 fils Ko-lou prit le pouvoir. — Ko-lou mourut ; son fils Tcheou-yao prit le pouvoir. — Tcheou-yao mourut ; son fils K’iu (111)-yu prit le pouvoir. — K’iu-yu mourut ; son fils I-ou prit le pouvoir. — I-ou mourut ; son fils K’in-tch’ou prit le pouvoir. — K’in-tch’ou mourut ; son fils Tchoan (112) prit le pouvoir. — Tchoan mourut ; son fils P’o-kao (113) prit le pouvoir. — P’o-kao mourut ; son fils Keou-pei (114) prit le pouvoir. En ce temps (655), le duc Hien, de Tsin, anéantit le duc de Yu, au nord de Tcheou, grâce (au stratagème qui consistait) à annoncer que Tsin attaquait Kouo (115). — Keou-pei mourut ; son fils K’iu-ts’i prit le pouvoir. — K’iu-ts’i mourut ; son fils Cheou-mong, prit le pouvoir.

p.5 C’est sous le règne de Cheou-mong que (l’État de) Ou devint pour la première fois prospère et grand et que (ses princes) prirent le titre de roi. A partir du moment où T’ai-po fleurit (dans le pays de) Ou, il s’écoula cinq générations jusqu’au moment où le roi Ou vainquit (la dynastie) Yn et conféra des fiefs au nombre de deux aux descendants (de T’ai-po) ; l’un de ces fiefs était (la principauté de) Yu et se trouvait dans le royaume du Milieu ; l’autre était (le pays de) Ou et se trouvait chez les (barbares) I et Man. Douze générations plus tard, (l’État de) Tsin anéantit (la principauté de) Yu qui se trouvait dans le royaume du Milieu. Deux générations après que (la principauté de) Yu qui se trouvait dans le royaume du Milieu eût été anéantie, (le pays de) Ou, qui se trouvait chez les (barbares) I et Man devint prospère. En tout, depuis T’ai-po jusqu’à Cheou-mong il y eut dix-neuf générations.

La deuxième année (584 av. J.-C.) du roi Cheou-mong, l’ex-grand-officier du pays de Tch’ou, Ou-tch’en, préfet de Chen, qui, par suite de sa haine contre Tse-fan, général de Tch’ou, s’était enfui à Tsin, fut envoyé en mission du pays de Tsin dans celui de Ou ; il enseigna (aux gens de) Ou à se servir des armes de guerre et à monter sur des chars (de guerre) ; il chargea son fils de diriger dans le pays de Ou les relations avec les ambassadeurs étrangers (116). Ce fut alors que, pour la première fois, (le pays de) Ou entra en rapport avec le royaume du Milieu. (Le p.6 pays de) Ou battit celui de Tch’ou. La seizième année (570 av. J.-C.), le roi Kong, de Tch’ou, battit (le prince de) Ou et parvint jusqu’à la montagne Heng (117). La vingt-cinquième année (561 av. J.-C.), le roi Cheou-mong mourut.

Cheou-mong avait quatre fils dont l’aîné s’appelait Tchou-fan, le suivant Yu-tchai, le suivant Yu-mei et le suivant Ki-tcha. Ki-tcha était un sage et Cheou-mong aurait désiré lui donner le pouvoir ; mais Ki-tcha le déclina et on ne put (le nommer roi) ; on donna donc le pouvoir au fils aîné Tchou-fan pour qu’il dirigeât provisoirement les affaires et eût la charge de l’État. La première année du roi Tchou-fan (560 av. J.-C.) (118), [(119)Tchou-fan, ayant quitté le deuil, (voulut) céder sa dignité à Ki-tcha ; Ki-tcha refusa en disant :

— A la mort du duc Siuen, de Ts’ao, les seigneurs et les gens de Ts’ao, n’estimant pas juste le (nouveau) prince de Ts’ao, voulurent donner le pouvoir à Tse-tsang (120) ; Tse-tsang s’éloigna d’eux afin de confirmer le (nouveau) prince de Ts’ao. Les sages dirent : « Il sait observer son devoir ! » Prince, vous êtes le successeur légitime ; qui oserait violer vos ordres ? Posséder le royaume, c’est contraire à mon devoir. Quoique moi, (Ki-)tcha, je sois sans capacités, je désire me conformer à la justice de Tse-tsang.

Les gens (du pays) de Ou, persistant à vouloir donner le pouvoir à Ki-tcha, celui-ci quitta sa maison et alla labourer ; alors on le laissa.]

p.7 En automne, Ou attaqua Tch’ou ; Tch’ou battit nos soldats.

La quatrième année (557 av. J.-C.), le duc P’ing, de Tsin, prit le pouvoir.

La treizième année (548 av. J.-C.), le roi Tchou-fan mourut. Il avait donné l’ordre que le pouvoir fût remis à son frère cadet Yu-tchai, car il désirait le transmettre par rang d’âge, pour faire parvenir sûrement le royaume à Ki-tcha à qui on s’arrêterait ; de cette manière on répondrait aux intentions du roi précédent, Cheou-mong ; d’ailleurs, louant la justice de Ki-tcha, tous ses frères désiraient lui faire parvenir le royaume et faisaient en sorte qu’il y arrivât graduellement. Ki-tcha reçut en fief (la localité appelée) Yen-ling, et c’est pourquoi son surnom fut : Ki-tse de Yen-ling (121).

La troisième année (545 av. J.-C.) du roi Yu-tchai, le conseiller de Ts’i, K’ing Fong, ayant été en faute, vint du pays de Ts’i se réfugier dans celui de Ou ; (le roi de) Ou donna à K’ing Fong la préfecture de Tchou-fang (122) pour que ce fût son apanage ; il le maria à une de ses filles ; (K’ing Fong) se trouva plus riche qu’il ne l’avait été dans le pays de Ts’i.

La quatrième année (544 av. J.-C.), (le roi de) Ou envoya Ki-tcha en mission de courtoisie dans (le pays de) Lou. (Ki-tcha) [(123) demanda à assister à la musique des Tcheou (124). On lui chanta le Tcheou-nan et le Chao-nan ; il p.8 dit :

— Admirable ! C’est le commencement et la fondation (de l’action vertueuse des rois) ; mais ce n’est pas complet. Quoiqu’il y ait effort, il y a absence de colère (125).

On lui chanta (les odes des pays de) Pei, Yong et Wei (126) ; il dit :

— Admirable ! Combien profonde (dut être la bonne influence), pour que ceux qui sont dans la tristesse ne soient pas cependant désespérés. J’ai appris que tel fut l’effet de la vertu de K’ang-chou de Wei et du duc Ou (127). Ce sont sans doute les airs de Wei (128).

On lui chanta (les odes du domaine) Royal ; il dit :

— Admirable ! On est p.9 songeur, mais on ne craint pas ; c’est là (l’état où on dut se trouver quand) les Tcheou se furent rendus dans l’est (129).

On lui chanta (les odes du pays de) Tcheng ; il dit (130) :

— Les futilités y tiennent une trop grande place ; le peuple ne peut supporter cela ; aussi cet État sera-t-il le premier à disparaître.

On lui chanta (les odes du pays de) Ts’i ; il dit :

— Admirable ! Beaux et florissants sont ces airs majestueux ; celui qui a fait cette merveille au bord de la mer orientale, c’est T’ai-kong (131) ; un tel royaume, on ne peut encore mesurer (jusqu’où il s’élèvera).

On lui chanta (les odes du pays de) Pin ; il dit :

— Admirable ! Quelle grandeur ! il y a joie, mais non licence. Ce sont là sans doute (les odes qui correspondent à l’expédition du) duc de Tcheou dans l’est (132).

On lui chanta (les odes du pays de) Ts’in ; il dit :

— C’est là ce qu’on appelle des sons civilisés (133) ; (le pays d’où viennent ces odes) a pu se civiliser et est alors devenu grand ; il p.10 a atteint le faîte de la grandeur ; c’est sans doute lui qui occupe l’ancien territoire des Tcheou (134).

On lui chanta (les odes du pays de) Wei ; il dit :

— Admirable ! Quel juste milieu ! C’est de la grandeur, mais soumise ; il y a modération et facilité à la pratiquer ; si on soutient cela par la vertu, il y aura alors un prince sage (135).

On lui chanta (les odes de) T’ang (136) ; il dit :

— Il y a là une grande profondeur de pensée. (Le pays d’où viennent ces odes) doit avoir reçu l’héritage de l’influence de T’ao-t’ang (137). S’il n’en était pas ainsi, comment y trouverait-on une sollicitude qui s’étend si loin ? Qui d’autre que le descendant d’une vertu éminente pourrait être tel ?

On lui chanta (les odes du pays de) Tch’en ; il dit :

— Un royaume qui n’a pas de souverain (digne de ce nom), comment pourrait-il durer longtemps (138) ?

Sur (les odes du pays de) Koai et sur celles qui les suivent (139), (Ki-tcha) ne fit p.11 aucune remarque. On lui chanta le Siao ya ; il dit :

— Admirable ! On pense et on ne se sépare pas ; quoiqu’ayant des sujets de colère on ne le dit pas ; ces odes sont sans doute de l’époque où la vertu des Tcheou était affaiblie ; il y avait encore le reste du peuple des anciens rois (140).

On lui chanta le Ta ya ; il dit :

— Combien vaste ! Quelle harmonie ! (la mélodie) est souple, mais au fond va droit (à son but) ; (ces odes n’expriment-elles pas) la vertu du roi Wen ?

On lui chanta le Song ; il dit :

— C’est la perfection ! C’est la droiture sans l’arrogance ; c’est la flexibilité sans le ploiement ; c’est la proximité sans la compression ; c’est l’éloignement sans la séparation ; le changement s’y fait sans produire la licence ; la répétition, sans produire la satiété ; la tristesse n’y est pas inquiète ; la joie n’y est pas désordonnée ; (la vertu y est) mise en pratique sans que jamais elle s’épuise ; la générosité y est sans ostentation ; la bienfaisance n’y est pas de la prodigalité ; l’acquisition y est sans avidité ; l’immobilité n’y est pas de l’obstruction ; l’activité n’y est pas de la dissipation. Les cinq notes sont harmonieuses ; les huit vents sont paisibles. La mesure (qui gouverne les instruments de musique) est bien réglée ; observant (le rôle qui leur est dévolu, les instruments de musique) sont à leur rang. Ici sont réunies les vertus parfaites (141).

(Ki-tcha) vit ceux qui, tenant en main les flûtes et les p.12 flageolets du sud, dansaient la danse siang (142) ; il dit :

— Admirable ! Cependant il y a lieu de regretter (143).

Il vit ceux qui dansaient la danse ta-ou (144) ; il dit :

— Admirable ! L’apogée des Tcheou, voilà comme il a été.

Il vit ceux qui dansaient le chao-hou (145) ; il dit :

— C’est la grandeur de l’homme saint ! Cependant il y a quelque chose dont la vertu rougit ; situation difficile pour un homme saint (146).

Il vit danser la danse ta-hia (147) ; il dit :

— Admirable ! Travailler avec ardeur et ne pas s’en faire un mérite, qui, hormis Yu, aurait pu atteindre (à une telle excellence) ?

Il vit danser le chao-siao (148) ; il dit :

— C’est l’apogée de la vertu ; cette grandeur est comme le ciel qui ne laisse rien sans le recouvrir, comme la terre qui ne laisse rien sans le supporter. Même la vertu la plus parfaite n’y saurait rien ajouter. Que l’exhibition s’arrête là ; s’il y a d’autres musiques, je ne me permettrai pas d’y assister (149).

Ayant quitté (le pays de) Lou, (Ki-tcha) fut envoyé dans (le pays de) Ts’i ; il donna ce conseil à Yen P’ing-tchong (150) :

— Rendez promptement (au duc de Ts’i) vos villes et vos charges publiques ; si vous n’avez ni villes ni charges, vous échapperez aux difficultés. Le gouvernement du royaume de Ts’i reviendra un jour à qui en est digne ; mais tant qu’il ne sera pas revenu à qui en est digne, les difficultés ne prendront point fin.

C’est pourquoi Yen-tse passa par l’entremise de Tch’en Hoan-tse pour rendre ses charges et ses villes ; de cette manière il échappa aux difficultés qui furent soulevées par Loan (Che) et Kao (K’iang) (151).

Ayant quitté (le pays de) Ts’i, (Ki-tcha) fut envoyé dans (le pays de) Tcheng ; il y vit Tse-tch’an ; il fut avec lui comme s’il eût été une vieille relation ; il tint ce discours à Tse-tch’an :

— Celui (152) qui exerce le gouvernement dans (le pays de) Tcheng se conduit d’une manière extravagante ; des difficultés vont survenir ; le gouvernement vous sera sans doute remis ; quand vous exercerez le gouvernement, ayez soin d’observer les rites ; sinon, le royaume de Tcheng ira à sa ruine.

p.14 Ayant quitté (le pays de) Tcheng, (Ki-tcha) se rendit dans (le pays de) Wei ; il se plut dans (la compagnie de) K’iu Yuen, de Che Keou, de Che Ts’ieou, du prince (kong-tse) King, de Kong-chou Fa, et du prince (kong-tse) Tchao ; il dit : 

— (Le pays de) Wei possède beaucoup de sages ; il ne souffrira point encore de calamités.

Du (pays de) Wei, (Ki-tcha) se rendit dans (le pays de) Tsin ; il se proposa de loger dans un lieu de halte (153) ; il y entendit le son des cloches et dit :

— C’est étrange ! J’ai entendu dire que celui qui entre en contestation et n’est pas vertueux sera sûrement mis à mort ; or cet homme s’est rendu coupable envers son prince en profitant de cette localité (154) ; (il devrait) être saisi de crainte ; mais il ne lui suffit pas (de ne pas avoir peur) ; comment peut-il en outre faire de la musique ? La situation de cet homme ici est comme celle d’une hirondelle qui aurait fait son nid sur une tente (155). Le cercueil de son prince n’est pas encore enterré (156) ; est-il admissible qu’il fasse de la musique.

(Ki-tcha) s’en alla aussitôt (157). (Suen) Wen-tse apprit p.15 ce propos et, jusqu’à la fin de ses jours, ne voulut plus entendre le son des luths.

Arrivé dans (le pays de) Tsin, (Ki-tcha) se plut dans la compagnie de Tchao Wen-tse, de Han Siuen-tse et de Wei Hien-tse ; il dit :

— Tout le royaume de Tsin se rassemblera sur ces trois familles (158).

Lorsqu’il fut sur le point de s’en aller, il dit à Chou-hiang :

— Mon fils, faites tous vos efforts. Le prince se conduit d’une manière extravagante et a beaucoup de (prétendus) gens de bien (159) ; les grands officiers sont tous riches ; le gouvernement reviendra aux trois familles. Mon fils, soyez droit et ne manquez pas de songer aux moyens d’échapper vous-même aux calamités.

Lors du départ de Ki-tcha en ambassade, il avait passé au nord (du pays de Ou) sur (le territoire du) prince de Siu (160) ; l’épée de Ki-tcha avait plu au prince de Siu qui n’avait pas osé le dire ouvertement ; Ki-tcha s’en était aperçu dans son cœur, mais comme il était envoyé en ambassade dans des royaumes supérieurs (161), il ne la lui avait point encore offerte. Lorsque, à son retour, il arriva à Siu, le prince de Siu était mort ; alors il détacha son épée de prix, la suspendit à un arbre de la tombe du prince de Siu et s’en alla. Ceux qui l’accompagnaient lui dirent :

— Le prince de Siu est mort ; à qui faites-vous ce don ?

Ki-tse répondit :

— Vous ne me comprenez pas ; p.16 mon cœur avait promis (cette épée) ; comment la mort (du prince) me ferait-elle violer (la promesse de) mon cœur ?

La septième année (541 av. J.-C.) (162), le kong-tse Wei, du pays de Tch’ou, assassina son roi Kia-ngao et prit le pouvoir à sa place ; ce fut le roi Ling. La dixième année (538 av. J.-C.), le roi Ling, de Tch’ou, rassembla les seigneurs et se servit d’eux pour envahir (la ville de) Tchou-fang (163), (du pays) de Ou ; ainsi, il mit à mort K’ing-fong (164), de Ts’i. (Le prince de) Ou, de son côté, attaqua Tch’ou ; il lui prit trois villes (165) et se retira.

La onzième année (537 av. J.-C.), Tch’ou attaqua Ou et arriva à Yu-leou. La douzième année (536 av. J.-C.), Tch’ou revint à l’attaque ; il s’arrêta à Kan-k’i (166) ; les soldats de Tch’ou furent battus et s’enfuirent.

La dix-septième année (531 av. J.-C.), le roi Yu-tchai mourut. Son frère cadet, Yu-mei, prit le pouvoir. La p.17 deuxième année (529 av. J.-C.) du roi Yu-mei, le kong-tse K’i-tsi, du pays de Tch’ou, assassina son prince, le roi Ling, et prit le pouvoir à sa place.

La quatrième année (527 av. J.-C.), le roi Yu-mei mourut. Il aurait voulu remettre (le pouvoir) à son frère cadet Ki-tcha ; mais Ki-tcha  l’avait décliné et l’avait esquivé en s’en allant. Alors les gens du pays de Ou dirent :

— Le roi précédent avait donné l’ordre que, à la mort du frère aîné, ce fût le frère cadet qui prit le pouvoir à sa place, de manière à faire parvenir sûrement le royaume à Ki-tse ; maintenant Ki-tse a fui cette dignité. En conséquence (de l’ordre donné par son père), le roi Yu-mei avait succédé (à son frère aîné) ; maintenant qu’il est mort, c’est son fils qui doit le remplacer (167).

Ils nommèrent donc roi Leao, fils du roi Yu-mei.

La deuxième année (525 av. J.-C.) du roi Leao, le kong-tse Koang attaqua Tch’ou ; il fut battu et perdit le bateau royal. Koang, saisi de crainte, attaqua par surprise (les soldats de) Tch’ou, reprit le bateau royal et s’en alla (168).

La cinquième année (522 av. J.-C.), Ou Tse-siu, ex-sujet (du roi) de Tch’ou, vint se réfugier dans (le pays de) Ou ; le prince Koang le reçut comme un hôte. Ce prince Koang était le fils du roi Tchou-fan ; sans cesse il considérait que son père et les frères de son père auraient dû tous quatre se transmettre le pouvoir pour le faire parvenir à Ki-tse ; mais, puisque Ki-tse n’avait pas accepté le royaume, et puisque le père de Koang avait été le premier à exercer le pouvoir, du moment qu’on ne transmettait pas le pouvoir à Ki-tse, c’était lui, Koang, qui aurait dû être nommé (roi). Il accueillait donc p.18 secrètement les sages de valeur dans l’intention de se servir d’eux pour attaquer à l’improviste le roi Leao.

La huitième année (519 av. J.-C.), (le roi de) Ou envoya le kong-tse Koang attaquer Tch’ou. (Koang) battit les troupes de Tch’ou ; il alla chercher à Kiu-tch’ao (169) la mère de Kien, ex-héritier présomptif (du royaume) de Tch’ou et revint avec elle ; puis il dirigea une attaque au nord et battit les troupes de Tch’en et de Ts’ai (170).

La neuvième année (518 av. J.-C.), le kong-tse Koang attaqua Tch’ou et prit les villes de Kiu-tch’ao et Tchong-li (171). Précédemment, dans une localité frontière du pays de Tch’ou, une jeune fille de la famille Pi-leang (172) avait eu une dispute au sujet de mûriers avec une femme d’une localité frontière du pays de Ou. Les familles des deux femmes se fâchèrent et s’exterminèrent l’une l’autre ; les autorités des localités frontières des deux royaumes, apprenant la chose, se fâchèrent et se livrèrent bataille ; la localité frontière du pays de Ou fut détruite. Le roi de Ou, irrité, attaqua aussitôt Tch’ou ; après s’être emparé des deux places (de Kiu-tch’ao et de Tchong-li), il se retira.

Lorsque Ou Tse-siu était venu se réfugier dans le pays de Ou, il exposa au roi Leao, de Ou, les avantages qu’il y aurait à attaquer Tch’ou. Le kong-tse Koang dit :

— Le père et le frère aîné de (Ou Tse-)siu ont été mis à mort dans le pays de Tch’ou ; il veut satisfaire sa vengeance p.19 personnelle. Je ne puis voir l’avantage qu’il y aurait (à attaquer Tch’ou).

Alors Ou Yuen (173) connut que Koang avait d’autres desseins ; il alla donc chercher un homme brave nommé Tchoan Tchou (174) et le fit voir à Koang. Koang en fut satisfait ; il traita dès lors Ou Tse-siu comme un hôte ; (Ou) Tse-siu se retira et alla labourer dans la campagne en attendant ce que ferait Tchoan Tchou.

La douzième année (175), en hiver, le roi P’ing de Tch’ou mourut.

La treizième année, au printemps, (le roi de) Ou voulut profiter du deuil de Tch’ou pour l’attaquer ; il envoya les kong-tse Kai-yu et Tchou-yong assiéger Leou et Ts’ien (176), (villes) de Tch’ou. Il envoya Ki-tcha dans le pays de Tsin pour y observer les dispositions des seigneurs. Tch’ou envoya des troupes couper la retraite aux soldats de Ou ; ceux-ci ne pouvaient revenir. [ (176a) Le kong-tse Koang dit alors :

— Cette occasion ne doit pas être perdue.

Il avertit Tchoan Tchou en lui disant :

— Celui qui ne cherche pas à avoir une chose, comment l’obtiendrait-il ? Je suis vraiment l’héritier royal ; je dois avoir le pouvoir ; je désire le réclamer. Même si Ki-tse revient, je ne serai pas déposé.

Tchoan Tchou dit :

— Le roi Leao peut être p.20 tué ; sa mère est vieille ; son fils est encore jeune (177) ; en outre, les deux kong-tse sont allés à la tête des soldats attaquer Tch’ou, et Tch’ou leur a coupé le chemin. Juste en ce moment, (le royaume de) Ou est, au dehors, mis dans une situation critique par Tch’ou ; au dedans, il est vide (d’hommes) et il ne s’y trouve aucun ministre capable de jouer le rôle de l’os ou de l’arête (178). Ainsi (le roi) n’a aucun moyen contre nous.

Koang dit :

— Ma personne et la vôtre ne font qu’un (179).

Le quatrième mois, au jour ping-tse, Koang cacha des hommes revêtus de cuirasses dans un souterrain, puis il invita le roi Leao à un banquet. Le roi Leao avait fait disposer des soldats tout le long de la route, depuis le palais royal jusqu’à la demeure de Koang. La porte d’entrée, les escaliers, les portes de l’appartement et les nattes étaient occupés par les familiers du roi ; des hommes rangés des deux côtés (du roi) tenaient en main des sabres à double tranchant. Le kong-tse Koang feignit d’avoir mal au pied et entra dans le souterrain (180). Il avait chargé Tchoan Tchou de placer un poignard dans un poisson rôti et de venir l’offrir à manger ; (Tchoan Tchou) saisit le poignard et p.21 en frappa le roi Leao ; les sabres (des gardes) se croisèrent sur la poitrine (de Tchoan Tchou) (181). Ainsi fut mis à mort le roi Leao. Le kong-tse Koang prit en définitive le pouvoir et devint roi ; ce fut le roi de Ou, Ho-lu. Ho-lu fit du fils de Tchoan Tchou un haut dignitaire.

Ki-tse, étant revenu, dit :

— Si les princes nos ancêtres ne manquent pas des sacrifices (qui leur sont dus), si le peuple ne manque pas d’un souverain, si les dieux de la terre et des moissons reçoivent les offrandes (prescrites), il est mon prince (celui qui veille à cela). Contre qui oserais-je avoir du ressentiment ? Je m’affligerai sur le mort et je servirai le vivant, et ainsi j’attendrai le décret du Ciel. Ce n’est pas moi qui créerai des troubles. Obéir à celui qui est au pouvoir, c’est la maxime des anciens.

(Ki-tcha) alla rendre compte de sa mission et pleurer sur la tombe de Leao ; il reprit ses fonctions et attendit (les ordres du roi Ho-lu).]

Les deux kong-tse du pays de Ou, Tchou-yong et Kai-yu, qui, à la tête de leurs soldats, s’étaient trouvés cernés par (les troupes de) Tch’ou, apprenant que le kong-tse Koang avait assassiné le roi Leao et avait pris le pouvoir, se soumirent à Tch’ou avec leurs soldats. (Le roi de) Tch’ou leur donna le fief de Chou (182).

La première année (514 av. J.-C.) du roi Ho-lu, celui-ci promut Ou Tse-siu aux fonctions de chargé des relations extérieures et délibéra avec lui sur la politique. — (Le roi de) Tch’ou extermina Po Tcheou-li et sa famille, mais son petit-fils Po P’i s’échappa et se réfugia dans (le pays de) Ou ; (le roi de) Ou le nomma grand officier.

p.22 La troisième année (512 av. J.-C.), le roi de Ou, Ho-lu, se mit à la tête de ses troupes avec (Ou) Tse-siu et Po P’i ; il attaqua Tch’ou, prit (la ville de)  Chou et tua les deux kong-tse, ex-généraux de Ou. Koang (183) délibéra sur le projet d’entrer à Yng (184) ; le général Suen Ou lui dit :

— Le peuple est épuisé ; ce n’est pas encore possible ; attendons.

La quatrième année (511 av. J.-C.), (Ou) attaqua Tch’ou et lui prit (les villes de) Leou et Ts’ien (185). — La cinquième année (510 av. J.-C.), (Ou) attaqua (le roi de) Yue et le battit. — La sixième année (186) (509 av. J.-C.), Tch’ou envoya Tse-tchang Nang Wa attaquer Ou ; (le roi de Ou) alla à sa rencontre et l’attaqua ; il remporta une grande victoire sur l’armée de Tch’ou à Yu-tchang (187) ; il prit à Tch’ou (la ville de) Kiu-tch’ao et se retira.

La neuvième année (506 av. J.-C.), le roi de Ou, Ho-lu, dit à Ou Tse-siu et à Suen Ou :

— Auparavant, vous m’avez dit que le moment n’était pas encore venu d’entrer à Yng ; que diriez-vous de réaliser maintenant (ce projet) ?

Les deux hommes lui répondirent :

— Le général de Tch’ou, Tse-tchang, est avide ; (les princes de) T’ang et de Ts’ai (188) le détestent tous deux. Si Votre Majesté p.23 est résolue à faire une grande attaque, qu’Elle ne manque pas de gagner à sa cause (les princes de) T’ang et de Ts’ai, et alors Elle réussira.

Ho-lu suivit cet avis ; il leva tout ce qu’il avait de troupes, et, avec (les princes de) T’ang et de Ts’ai, il alla dans l’ouest attaquer Tch’ou ; il arriva à la rivière Han ; (le roi de) Tch’ou de son côté avait mis en mouvement ses soldats pour les opposer (au roi de) Ou ; (les armées ennemies) étaient rangées des deux côtés de la rivière.

Fou-kai, frère cadet du roi de Ou, Ho-lu, voulait livrer bataille ; Ho-lu n’y consentait pas. Fou-kai dit :

— O roi, vous m’avez confié (189) des soldats ; ces soldats mettent la victoire au-dessus de tout ; pourquoi attendre encore ?

Alors, avec sa troupe qui était de cinq mille hommes, il fit une attaque inopinée et impétueuse contre Tch’ou ; les soldats de Tch’ou furent battus à plate couture et se retirèrent. Alors le roi de Ou lâcha aussitôt ses soldats à leur poursuite ; ils arrivèrent au nord jusqu’à Yng ; cinq batailles furent livrées et Tch’ou essuya cinq défaites. Le roi Tchao, de Tch’ou, s’enfuit ; il sortit de Yng et vint se réfugier dans (la ville de) Yun (190) ; le frère cadet du préfet de Yun voulut tuer le roi Tchao. Le roi Tchao, accompagné par le préfet de Yun, s’enfuit à Soei (191). Cependant, les soldats de Ou avaient fait leur entrée à Yng ; (Ou) Tse-siu et Po P’i frappèrent de coups de fouet le cadavre du roi Ping afin de donner vengeance à leurs pères respectifs.

La dixième année (505 av. J.-C.), au printemps, (le p.24 prince de) Yue, ayant appris que le roi de Ou était à Yng et que son royaume était abandonné, attaqua donc (le pays de) Ou ; (le roi de) Ou détacha des soldats qu’il envoya livrer bataille (au prince de) Yue. (D’autre part, le roi de) Tch’ou avait exposé la situation critique dans laquelle il se trouvait au roi de Ts’in qui envoya des troupes pour secourir Tch’ou et attaquer Ou. Les soldats de Ou furent défaits. Fou-kai, frère cadet de Ho-lu, voyant que Ts’in et Yue remportaient sur Ou des victoires croisées, et que le roi de Ou restait dans (le pays de) Tch’ou et ne s’en allait pas, Fou-kai donc s’enfuit et revint dans (le pays de) Ou ; il se nomma lui-même roi de Ou. Ho-lu l’ayant appris, ramena alors ses soldats et revint ; il attaqua Fou-kai qui fut battu et s’enfuit dans (le pays de) Tch’ou. Le roi Tchao, de Tch’ou, put, au neuvième mois, rentrer à Yng ; il donna en fief à Fou-kai le territoire de T’ang-k’i (192) ; (Fou-kai) devint (ainsi le fondateur de) la famille T’ang-k’i.

La onzième année (504 av. J.-C.), le roi de Ou envoya l’héritier présomptif Fou-tch’ai attaquer Tch’ou et prendre (la ville de) P’an (193) ; (le roi de) Tch’ou, saisi de crainte, quitta Yng et se transporta à Jo (194).

La quinzième année (500 av. J.-C.), K’ong-tse fut conseiller (du prince) de Lou.

La dix-neuvième année (496 av. J.-C.), en été, Ou p.25 attaqua Yue. Le roi de Yue, Keou-tsien, vint à sa rencontre et lui livra bataille à Tsoei-li (195). (Le roi de) Yue envoya des hommes résolus à la mort provoquer au combat ; sur trois rangs ils s’avancèrent au devant des soldats de Ou, et, après avoir poussé un grand cri, se coupèrent la gorge. Tandis que (les soldats de) Ou étaient occupés à regarder cette scène, (le roi de) Yue en profita pour attaquer Ou ; il le battit à Kou-sou (196) ; il blessa le roi de Ou, Ho-lu, au doigt de pied ; l’armée (de Ou) se retira à sept li de là ; le roi de Ou tomba malade de sa blessure et mourut. Ho-lu envoya un messager remettre le pouvoir à l’héritier présomptif Fou-tch’ai en lui disant :

— Pouvez-vous oublier que Keou-tsien a tué votre père ?

Il répondit :

— Je ne le saurais.

Trois ans plus tard, il se vengea de Yue.

La première année (495) de son règne, le roi Fou-tch’ai nomma Po P’i premier ministre. Il s’exerçait aux combats et au tir à l’arc ; il était résolu à se venger de Yue.

La deuxième année (494), le roi de Ou réunit tous ses p.26 soldats d’élite pour attaquer Yue ; il le battit à Fou-tsiao (197) et vengea ainsi (la défaite de) Kou-sou. Le roi de Yue, Keou-tsien, avec cinq mille hommes armés de cuirasses, s’alla percher sur le mont Koei-ki ; il chargea le ta-fou Tchong d’obtenir un accommodement en passant par l’entremise du premier ministre de Ou, (Po) P’i ; il proposait de livrer tout son royaume dont les hommes seraient devenus les sujets, et les femmes les servantes (du roi de Ou). Le roi de Ou était disposé à y consentir. Ou Tse-siu l’en blâma en disant :

— Autrefois, (le prince de) Kouo (198) tua (le prince de) Tchen-koan ; puis il attaqua (le prince de) Tchen-siun (199) et fit périr l’empereur Siang, de la dynastie Hia. La reine Min, femme de l’empereur Siang, se trouvait enceinte ; elle s’enfuit chez (le prince de) Jeng et enfanta Chao-k’ang ; Chao-k’ang devint chef des bergers (du prince de) Jeng ; (le prince de) Kouo voulut derechef tuer Chao-k’ang ; Chao-k’ang s’enfuit chez (le prince de) Yu (200) ; (le prince de) Yu, se souvenant de la vertu des (empereurs de la dynastie) Hia, lui donna en mariage ses deux filles et lui conféra le territoire de Luen (201). (Chao-k’ang) eut des terres d’une superficie de dix li de côté ; il eut des hommes au nombre de cinq cents ; ensuite, il parvint à recueillir tout le peuple des Hia ; il rétablit les p.27 charges et les fonctions (de cette dynastie) ; après avoir envoyé un homme pour l’induire en erreur, il fit périr le prince de) Kouo ; il continua l’œuvre de Yu ; il sacrifia aux Hia en associant au Ciel (le fondateur de cette dynastie (202)) ; il ne perdit point son ancien héritage. Maintenant, Ou n’est pas aussi puissant que l’était Kouo, et Keou-tsien est plus grand que ne l’était Chao-k’ang ; si vous ne profitez pas de cette occasion pour l’anéantir et si vous êtes disposé à la clémence, n’aurez-vous pas à votre tour à en souffrir ? En outre, Keou-tsien est un homme capable de (prendre part aux) chagrins et aux souffrances (203) ; si vous ne l’anéantissez pas maintenant, plus tard vous vous en repentirez.

Le roi de Ou n’écouta pas (cet avis) et suivit le conseil du premier ministre (Po) P’i. En définitive, il accorda la paix à Yue et fit un traité avec lui ; puis il cessa les hostilités et se retira.

La septième année (489), le roi de Ou, Fou-tch’ai, apprenant que le duc King, de Ts’i, était mort, que ses principaux officiers se disputaient la faveur (de son successeur) et que le nouveau prince était jeune, leva donc une armée pour attaquer au nord Ts’i. (Ou) Tse-siu l’en blâma, disant :

— Le roi de Yue, Keou-tsien, dans sa nourriture n’attache pas d’importance aux bonnes saveurs, dans son habillement n’attache pas d’importance aux belles couleurs ; il pleure sur les morts et s’informe des malades ; sans doute il désire avoir l’occasion de se p.28 servir de son peuple ; tant que cet homme ne sera pas mort, il sera un fléau pour Ou. Maintenant, tandis que Yue est une maladie plantée dans notre ventre et dans notre cœur, ce n’est pas à lui que Votre Majesté songe en premier lieu, mais elle s’occupe de Ts’i ; n’est-ce pas de votre part une erreur ?

Le roi de Ou n’écouta pas ce conseil ; il partit aussitôt dans le nord pour attaquer Ts’i, il battit les soldats de Ts’i à Ngai-ling (204).

Arrivé à Tseng (205), (Fou-tch’ai) manda le duc Ngai, de Lou, et exigea de lui cent groupes de victimes (206). Ki K’ang-tse envoya Tse-kong (207) expliquer au premier ministre (Po) P’i les rites des Tcheou et put ainsi empêcher (que les victimes fussent livrées) (208). Puis (Fou-tch’ai) resta là, parcourant le pays au sud de Ts’i et de Lou.

La neuvième année (487), (Fou-tch’ai) attaqua Lou pour le compte (du prince) de Tseou (209) ; après être arrivé p.29 jusqu’à (la capitale de Lou, il fit un traité avec Lou), puis se retira. — La dixième année (486), il profita de sa situation pour attaquer Ts’i, puis revint.

La onzième année (485), il retourna dans le nord attaquer Ts’i. Le roi de Yue, Keou-tsien, vint avec sa suite rendre hommage au (roi de) Ou et lui fit des présents magnifiques ; le roi de Ou en était joyeux, mais (Ou) Tse-siu en fut effrayé et dit :

— C’est là la perte (210) de Ou.

Il fit des remontrances (à Fou-tch’ai), disant :

Yue est (un mal fixé) dans notre ventre et notre cœur ; maintenant, vous avez réussi dans vos projets contre Ts’i, mais c’est comme si (vous aviez acquis) un champ pierreux ; c’est sans utilité. D’ailleurs il est dit dans le discours de P’an-keng (211) : « Ceux qui violent et transgressent (212) (mes commandements), je n’en laisserai subsister aucun. » Ce fut par là que les Chang devinrent puissants.

Le roi de Ou n’écouta pas cet avis. Il envoya (Ou) Tse-siu dans le pays de Ts’i ; (Ou) Tse-siu confia son fils au chef de la famille Pao du pays de Ts’i, puis il revint rendre compte de sa mission au roi de Ou. Le roi de Ou, apprenant ce qui s’était passé, fut fort en colère (213) ; il remit à (Ou) Tse-siu l’épée Tchou-liu (214) pour qu’il mourût ; au moment de mourir, (Ou Tse-siu) dit :

— Plantez sur ma tombe un catalpa ; quand (le temps) aura fait (qu’il soit p.30 assez grand pour) qu’on puisse en faire un instrument (215), arrachez-moi les yeux et placez-les sur la porte orientale de Ou pour que je contemple l’anéantissement de Ou par Yue.

Dans le pays de Ts’i, le chef de la famille Pao assassina le duc Tao, de Ts’i ; le roi de Ou, l’ayant appris, se lamenta en dehors de la porte du camp pendant trois jours ; il attaqua Ts’i en venant par mer (216) ; les gens de Ts’i battirent Ou ; alors le roi de Ou ramena ses soldats et se retira.

La treizième année (483), (le roi de) Ou manda les princes de Lou et de Wei et eut une entrevue avec eux à T’o-kao (217).

La quatorzième année (482), au printemps, le roi de Ou réunit dans le nord les seigneurs à Hoang-tch’e (218). Il désirait prendre l’hégémonie des royaumes du Milieu, en conservant intacte la maison (royale) des Tcheou. Le sixième mois, au jour ou-tse (219), le roi de Yue, Keou-tsien p.31 attaqua Ou ; au jour i-yeou, cinq mille hommes de Yue livrèrent bataille (aux gens de) Ou ; au jour ping-siu, ils firent prisonnier Yeou, l’héritier présomptif de Ou ; au jour ting-hai (220), ils entrèrent dans (la capitale de) Ou. Les gens de Ou informèrent de leur défaite le roi Fou-tch’ai pour qui cette nouvelle fut odieuse ; quelqu’un en ayant divulgué le récit, le roi de Ou, furieux, décapita sept hommes devant sa tente.

Le septième mois, au jour sin-tch’eou, le roi de Ou et le duc Ting de Tsin se disputèrent la prééminence (221) ; le roi de Ou dit :

— Dans la maison des Tcheou, je suis l’aîné (222).

Le duc Ting, de Tsin, dit :

— Dans la famille Ki (223), je suis le doyen.

Tchao Yang (224) s’irrita et se disposa à attaquer Ou ; alors (le roi de Ou) reconnut la prééminence au duc Ting, de Tsin. Le roi de Ou, ayant fait une convention avec Tsin, voulut aller d’un autre côté attaquer Song ; le premier ministre (Po) P’i lui dit :

— Vous pourrez vaincre (ce pays), mais vous ne pourrez vous y fixer.

Alors il ramena ses soldats et revint dans son royaume. Le royaume n’avait plus d’héritier présomptif et était privé (de défenseurs) à l’intérieur ; le roi était resté longtemps au dehors et ses soldats étaient tous épuisés ; (Fou-tch’ai) envoya donc des présents considérables pour faire la paix avec Yue.

La quinzième année (481), T’ien Tch’ang, du pays de Ts’i, tua le duc Kien.

La dix-huitième année (478), Yue étant devenu de plus en plus puissant, le roi de Yue, Keou-tsien, se mit à la tête de ses soldats et les envoya combattre et vaincre les p.32 troupes de Ou auprès des marais de Li (225). — Tch’ou anéantit Tch’en.

La vingtième année (476), le roi de Yue, Keou-tsien, attaqua de nouveau Ou. — La vingt et unième année (475), il assiégea (la capitale de) Ou. — La vingt-troisième année (473), le onzième mois, au jour ting-mao, Yue battit Ou. Le roi de Yue, Keou-tsien voulait transporter le roi de Ou, Fou-tch’ai, à Yong-tong (226), lui donner cent familles et l’y installer. Le roi de Ou dit :

— Je suis vieux ; je ne puis servir Votre Majesté. Je regrette de n’avoir pas suivi les avis de (Ou) Tse-siu ; c’est moi-même qui ai causé ma perte.

Alors il se coupa la gorge et mourut. Le roi de Yue détruisit (le royaume de) Ou ; il fit périr avec tous les siens le premier ministre (Po) P’i, parce qu’il n’avait pas été loyal (envers son prince), puis il s’en retourna.

Le duc grand astrologue dit : K’ong-tse a prononcé cette parole : « On peut dire de T’ai-po qu’il a atteint la vertu suprême ; par trois fois il déclina l’empire, et le peuple ne fut pas en état de le louer (227). » — J’ai lu les anciens textes de (l’époque) tch’oen-ts’ieou et j’ai p.33 reconnu que (la principauté de) Yu (228) parmi les royaumes du Milieu, et (l’État de) Keou-ou (229) parmi les (barbares) Man (du pays) de King, étaient (des États) frères. — Le cœur excellent de Ki-tse, (prince) de Yen-Ling, se conformait à la justice sans jamais se lasser ; il discernait les choses subtiles et savait distinguer ce qui est pur et ce qui est trouble. Hélas ! comment y aurait-il encore un sage aux vues aussi étendues, aux connaissances aussi vastes ?

Notes

(101. ) Sur l’expression « Maison héréditaire », Cf. Introduction, p. CLXXIII.

(102. ) C’est-à-dire T’ai-po, chef ou prince du pays de Ou. Le pays de Ou comprenait en gros la province actuelle de Kiang-sou, le sud du Ngan-hoei, le nord du Tche-kiang et du Kiang-si ; cf. la carte annexée au livre du P. Tschepe, « Histoire du royaume de Ou » (Variétés sinologiques, n° 10). — Pour ce qui est du mot po, dans l’expression T’ai-po, Fan Ning, dans son commentaire au passage du Luen yu où il est parlé de T’ai-po, dit que le mot po signifie ici « aîné » ; T’ai-po était en effet l’aîné des fils de l’Auguste-roi.

— D’après Se-ma Tcheng, le mot po aurait ici le sens précis de « comte » ; en effet, dans le Kouo-yu (section Ou yu, 6e discours), on lit cette phrase :

« Or la tablette d’investiture (donnée par le Fils du Ciel aux princes de Ou) comportait une certaine dignité ; c’est pourquoi on disait le comte de Ou, et non le roi de Ou.

De cette phrase il résulte que la dignité conférée aux princes de Ou était celle de comte et on pourrait donc regarder l’expression T’ai-po comme signifiant l’Auguste comte. — Malgré la généalogie qui rattache artificiellement les princes de Ou à la maison des Tcheou, il est certain que la population du pays de Ou n’était pas de race chinoise. Une tradition ancienne apparente cette population aux Japonais ; on lit, en effet, dans l’histoire des Leang (Leang chou, chap. LIV, p. 11 r°) : « les gens de Wo (les Japonais) se disent descendants de T’ai-po », c’est-à-dire de l’ancêtre des rois de Ou.

(103. ) Dans le nom de Tchong-yong, le mot [] signifie que ce personnage est le second fils de l’Auguste roi ; cette remarque confirmerait l’opinion d’après laquelle le mot [] dans le nom de T’ai-po, signifie l’aîné.

(104. ) T’ai-wang, titre posthume de l’Ancien duc (cf. tome I, p. 222, n. 2) ; sur la légende qui est rapportée ici, cf. tome I, p. 215-216.

(105. ) Sur la manière plus ingénieuse que plausible dont les commentateurs chinois arrivent à identifier les noms de King et de Ou, cf. tome I, n. 04.127.

(106. ) Cf. tome I, n. 04.127.

(107. ) D’après Song Tchong, Keou-ou serait le nom de l’endroit où s’établit T’ai-po. Cette opinion est contestée par Se-ma Tcheng qui voit dans Keou-ou le surnom de T’ai-po ; ce surnom aurait été l’origine du nom même du pays de Ou. Keou-ou serait la prononciation indigène exacte du nom du pays de Ou, de même que Yu-yue est la prononciation indigène du nom du royaume de Yue.

(108. ) Ce nom de Yu-tchong désigne Tchong-yong, frère cadet de T’ai-po, dans le Luen yu (XVIII, 8), dans le Tso tchoan (5e année du duc Hi) et dans le IVe chapitre des Mémoires historiques (tome I, p. 215-216). Dans notre texte, ce nom désigne le frère cadet de Tcheou-tchang et n’est d’ailleurs cité que pour fournir une étymologie géographique fort contestable.

(109. ) La principauté de Yu, appelée ici Yu-tchong, était à 40 li au nord-est de la sous-préfecture actuelle de P’ing-lou, préfecture secondaire de Kie, province de Chan-si. Quant à Hia-hiu, c’est-à-dire l’ancienne capitale des empereurs de la dynastie Hia, Siu Koang l’identifie avec le T’ai-yang-hien de l’époque des Han ; d’autre part, le dictionnaire de Li Tchao-lo place T’ai-yang-hien au nord-est de la sous-préfecture actuelle de P’ing-lou. On voit donc que la principauté de Yu et l’ancienne capitale des Hia occupaient bien le même emplacement, comme le dit Se-ma Ts’ien. — Il faut rejeter l’opinion de Tou Yu qui identifie l’ancienne capitale des Hia avec la sous-préfecture de T’ai-yuen, préfecture de T’ai-yuen, province de Chan-si.

(110. ) A la suite de l’investiture que lui avait conférée le roi Ou. — Toutes ces origines sont légendaires et l’histoire véritable ne commencera qu’avec Cheou-mong.

(111. ) D’après Tchang Cheou-tsie, il faudrait prononcer Kiou. Tous ces noms sont évidemment barbares et attestent que la population du pays de Ou devait être non chinoise.

(112. ) Appelé Ko-tchoan par Ts’iao Tcheou dans son Examen des anciens historiens (Kou che k’ao).

(113. ) Appelé P’o-mong par Ts’iao Tcheou.

(114. ) Appelé Pi-tchen par Ts’iao Tcheou.

(115. ) Il y avait deux principautés de Kouo (cf. tome I, n. 04.385). Le Kouo oriental avait déjà été anéanti par le roi P’ing (770-720) qui avait pris son territoire pour le donner au prince de Tcheng ; c’est donc du Kouo occidental qu’il s’agit ici ; le Kouo occidental passe pour s’être d’abord trouvé sur le territoire de la sous-préfecture de Pao-ki, préfecture de Fong-siang, province de Chàn-si ; mais, à l’époque tch’oen-ts’ieou, il occupait le territoire de la préfecture secondaire de Chàn, dans la province de Ho-nan. — Sur la principauté de Yu, cf. n. 109 ; en jetant les yeux sur la carte de la Chine à l’époque tch’oen-ts’ieou, publiée à Zikawei par les PP. Lorando et P’é, on constatera que la principauté de Yu était au nord du territoire des rois de la dynastie Tcheou ; c’est ce qui explique les termes dont se sert notre texte : « le duc de Yu, au nord de Tcheou ». On a vu plus haut que la principauté de Yu ou Yu-tchong avait été conférée par le roi Ou à un frère cadet de Tcheou-tchang, prince de Ou ; les événements concernant cette principauté sont donc relatés ici, puisque ce chapitre est consacré à la famille princière de Ou. — Sur la manière dont le duc Hien, de Tsin, anéantit les États de Yu et de Kouo, cf. Mém. hist., chap. XXXIX, et Tso Tchoan, 5e année du duc Hi.

(116. ) En initiant ainsi le pays de Ou à la guerre et à la diplomatie. Ou-tch’en en fit un rival redoutable pour le prince de Tch’ou dont il voulait se venger. Voir les détails de cet épisode dans le Tso tchoan, 7e année du duc Tch’eng.

(117. ) Cf. Tso tchoan, 3e année du duc Siang. La montagne Heng est dans la sous-préfecture de Heng-chan, province de Hou-nan.

(118. ) D’après le Tso tchoan, c’était la seconde année du roi Tchou-fan (559 av. J.-C.), ce qui se concilie mieux avec le fait que Tchou-fan avait alors quitté le deuil.

(119. ) Citation du Tso tchoan, 14e année du duc Siang.

(120. ) Allusion à des événements qui se passèrent en 578 avant J.-C. ; cf. Tso tchoan, 13e année du duc Tch’eng.

(121. ) Ki-tcha est ainsi désigné dans le chapitre T’an kong du Li ki.

La localité appelée Yen ou Yen-ling était à 30 li au sud de la sous-préfecture de Tan-t’ou, qui fait partie de la ville préfectorale de Tchen-kiang, province de Kiang-sou.

(122. ) Aujourd’hui, sous-préfecture de Tan-t’ou, dans la ville préfectorale de Tchen-kiang.

(123. ) Citation du Tso tchoan, 29e année du duc Siang.

(124. ) On sait que le roi Tch’eng, par reconnaissance pour le duc de Tcheou, décida que les ducs de Lou, ses descendants, auraient le droit de sacrifier au duc de Tcheou, leur ancêtre, avec les rites et la musique qui appartenaient en propre au Fils du Ciel. C’est ce qui explique comment Ki-tcha put assister dans le pays de Lou à la musique des Tcheou, c’est-à-dire de la maison royale. Confucius avait alors huit ans. Cf. Legge, C. C., vol. IV, p. 38.

(125. ) Le Tcheou-nan et le Chao-nan sont les odes du temps du roi Wen ; à cette époque déjà se manifestait la vertu royale qui devait être la cause de l’avènement des Tcheou ; cependant le cruel souverain de la dynastie Yn continuait à régner et l’œuvre de transformation n’était pas encore achevée. Quoiqu’on ne fût pas encore heureux et qu’on fît effort pour arriver à une situation meilleure, toutefois on n’entretenait point les sentiments de haine qui caractérisent les époques troublées.

(126. ) Lorsque le roi Ou avait triomphé des Yn, il avait divisé leur territoire en trois principautés qui étaient celles de Pei, Yong et Wei ; à la mort du roi Ou, les chefs de ces principautés se révoltèrent ; le duc de Tcheou les écrasa et réunit tous leurs territoires entre les mains de K’ang-chou, qui est le premier des princes de Wei. Les odes de Pei, de Yong et de Wei sont donc toutes les odes de Wei.

(127. ) La vertu de K’ang-chou, premier prince de Wei, et du duc Ou (812-758) eut une influence si profonde que, lorsque vinrent de mauvais princes tels que le duc Siuen (718-700) et le duc I (668-661), le peuple, tout en étant attristé, ne fut pas cependant désespéré.

(128. ) On chante à Ki-tcha les odes du Livre des vers sans lui dire à quelle section elles appartiennent ; l’impression qu’elles font sur Ki-tcha lui suffit pour deviner dans quel pays elles ont dû prendre naissance. Ainsi, quand on lui chante les odes du pays de Wei, il juge que ces odes ont dû être composées par des gens qui, tout en ayant des sujets de tristesse n’ont pas lieu cependant de se désespérer, car ils sont encore au bénéfice du sage gouvernement de leurs anciens princes ; or une telle situation s’est trouvée dans l’État de Wei ; ces odes doivent donc être des airs du pays de Wei.

(129. ) Litt. : « C’est là l’est de Tcheou » . Après que le roi Yeou eut été vaincu et tué par les Jong de l’ouest (771 av. J.-C.), les Tcheou s’enfuirent vers l’orient et émigrèrent de la région de Si-ngan-fou dans celle de Lo-yang ; le souvenir de leurs malheurs les rendait songeurs, mais ils n’étaient pas saisis de crainte, car ils étaient soutenus par la vertu des anciens rois leurs ancêtres. Ki-tcha devine donc que ces odes ont dû venir de la capitale orientale des Tcheou.

(130. ) Dans le texte du Tso tchoan, la réponse de Ki-tcha commence par le mot « Admirable ! ». Peut-être la suppression de ce mot dans les Mémoires historiques est-elle intentionnelle ; en effet Ki-tcha, comme plus tard Confucius, juge sévèrement les odes de Tcheng.

(131. ) Le fondateur de l’État de Ts’i.

(132. ) Lorsque le duc de Tcheou alla dans l’est combattre ses frères révoltés, Kan-chou et Ts’ai-chou, il passe pour avoir composé des odes où il exhortait le jeune roi Tch’ong à ne pas s’abandonner à la licence ; ces odes seraient les odes de Pin.

(133. ) « Les sons des Hia ». On sait que les royaumes formant la Chine ancienne étaient parfois désignés sous le nom collectif de « les Hia » ; le mot hia signifie donc la civilisation par opposition à la barbarie.

(134. ) Le peuple de Ts’in était barbare ; ce ne fut que lorsqu’il eut adopté la civilisation chinoise qu’il devint puissant ; ses princes reçurent en fief le territoire qui avait été enlevé par les Jong aux rois de la dynastie Tcheou (cf. tome II, p. 14).

(135. ) D’après Tou Yu, Ki-tcha exprimerait ici le regret que le royaume de Wei fût petit et n’eût pas un prince sage.

(136. ) C’est-à-dire les odes du pays de Tsin ; les princes de Tsin passaient pour être les descendants de l’empereur Yao, seigneur de T’ao et de T’ang.

(137. ) C’est-à-dire de l’empereur Yao. En entendant ces odes, Ki-tcha y trouve une telle profondeur de pensée, une si grande sollicitude pour le peuple, qu’il les attribue au pays de Tsin, héritier de la vertu de l’empereur Yao.

(138. ) Les odes de Tch’en (ou de Song) étaient considérées comme licencieuses. Cf. tome III, n. 24.238.

(139. ) Les odes du pays de Ts’ao.

(140. ) A l’époque où furent composées les odes du Siao ya, le peuple, quoique mal gouverné, pensait aux vertus des rois Wen et Ou et restait fidèle à ses princes ; quoiqu’ayant sujet de s’irriter contre eux, il n’exprimait pas son ressentiment ; ce ne sont d’ailleurs pas les Tcheou qui sont responsables de leur propre faiblesse ; il faut en accuser le peuple de l’ancienne dynastie des Yn dont les débris se sont mêlés au peuple des Tcheou et ont exercé sur lui une mauvaise influence.

(141. ) La section du Che king intitulée Song comprend les odes des Tcheou, du pays de Lou et des Chang ; dans cette section sont donc réunies les vertus des dynasties Chang et Tcheou et des princes de Lou.

(142. ) La danse siang passe pour avoir été celle du roi Wen ; il y est fait allusion dans la préface du Che king (cf. Legge, C. C., vol. IV, p. 572, note sur l’ode 3). Les flûtes étaient les instruments que tenaient de la main gauche les danseurs, tandis que de la main droite ils tenaient des plumes (cf. tome III, n. 24.171).

(143. ) On regrette que le roi Wen n’ait pas encore pu supprimer entièrement la dynastie Yn et établir la paix universelle.

(144. ) La danse du roi Ou ; cf. tome III, p. 278-284.

(145. ) Le hou ou ta-hou est la danse de T’ang, fondateur de la dynastie Yn ; l’épithète chao, qui est ici accolée à ce mot, a le même sens que le mot chao « continuer, succéder » ; la danse hou est appelée le chao-hou, ou hou continuateur, parce que T’ang continua les vertus de Yu le Grand.

(146. ) Quoique T’ang ait été un homme saint, il a dû combattre pour supprimer la dynastie des Hia et c’est pourquoi sa gloire est moins pure que celle de Choen ou de Yu.

(147. ) La danse de Yu le Grand.

(148. ) [] est l’équivalent de l’expression siao chao qui, dans le Chou king, désigne la musique de Choen (cf. tome I, n. 02.294, et tome III, n. 24.195),

(149. ) Le pays de Lou avait droit aux musiques de quatre dynasties ; lorsque Ki-tcha a assisté aux danses des Tcheou, à celle de T’ang fondateur de la dynastie Yn, à celle de Yu, fondateur de la dynastie Hia, et à celle de Choen, il sait que le prince de Lou ne pourrait lui montrer aucune autre danse ; aussi ne demande-t-il à voir ni la danse Hien tch’e, qui était celle de Yao, ni la danse Yun-men, qui était celle de Hoang-ti.

(150. ) Cf. Mém. hist., chap. LXII.

(151. ) Ces événements survinrent en 534 avant. J.-C.

(152. ) Il s’agit de Po-yeou.

(153. ) La leçon [] paraît mauvaise ; il faut lui substituer la leçon qui est donnée par le Tso tchoan et traduire : « il se proposa de faire halte à Ts’i ». La ville de Ts’i était à 7 li au nord de la préfecture secondaire actuelle de K’ai, préfecture de Ta-ming, province de Tche-li ; elle faisait partie de l’État de Wei ; c’est donc avant d’être sorti de ce royaume que Ki-tcha s’y arrêta.

(154. ) Suen Wen-tse avait en apanage la ville de Ts’i ; il s’y était réfugié pour se révolter contre son prince, le duc Hien.

(155. ) C’est une situation précaire et périlleuse.

(156. ) Le duc Hien venait de mourir ; son cercueil n’avait pas encore été porté en terre.

(157. ) Il s’était proposé de s’arrêter là, mais, après avoir entendu la musique des cloches de Suen Wen-tse, il poursuivit sa route.

(158. ) Le royaume de Tsin fut en effet réparti entre les trois familles de Han, Tchao et Wei.

(159. ) Il s’entoure d’hommes pervers qu’il veut faire passer pour des gens de bien.

(160. ) Cf. tome II, n. 05.123, ad fin.

(161. ) « Les royaumes supérieurs sont les royaumes du Milieu ». Le pays de Ou était considéré comme un État barbare et ne faisait point partie du groupe d’États purement chinois qui étaient appelés les royaumes du Milieu ; ces royaumes étaient donc par rapport à lui des États supérieurs.

(162. ) Il y a ici une divergence entre la chronologie de Se-ma Ts’ien et celle du Tso tchoan ; d’après le Tso tchoan, Yu-tchai régna 4 ans, de 547 à 544, et Yu-mei régna 17 ans, de 543 à 527 ; l’année 541 avant J.-C. serait alors la 3e année de Yu-mei, et non la 7e de Yu-tchai.

(163. ) Cf. n. 122.

(164. ) Cf. p. 7.

(165. ) Les villes de Ki (au sud de la sous-préfecture de Yong-tch’en, préfecture de Koei-, province de Ho-nan), Li (à 20 li au nord de la sous-préfecture de Sin-ts’ai, préfecture de Jou-ning, province de Ho-nan) et Ma (vraisemblablement la sous-préfecture actuelle de Ma-tch’eng, préfecture de Hoang-tcheou, province de Hou-pei).

(166. ) Cette localité était au sud de l’ancienne sous-préfecture de Tch’eng-fong, laquelle était elle-même à 79 li au sud-est de la préfecture secondaire de Po, préfecture de Yng-tcheou, province de Ngan-hoei.

(167. ) Voir le détail de cette anecdote dans le Tso tchoan, 17e année du duc Tchao.

(168. ) Cf. Mém. hist., chap. LXVI.

(169. ) Kiu-tch’ao est la sous-préfecture actuelle de Tchao, préfecture de Lu-tcheou, province de Ngan-hoei.

(170. ) Cf. tome I, notes 04.234. et 04.241. .

(171. ) Aujourd’hui, ville préfectorale de Fong-yang, province de Ngan-hoei.

(172. ) Dans le chapitre XL des Mémoires historiques, il est dit que Pi-leang était une localité-frontière du pays de Ou, ce qui est exact. Il y a donc ici une légère erreur.

(173. ) C’est-à-dire Ou Tse-siu.

(174. ) Le Tso tchoan (27e année du duc Tchao) appelle ce personnage Tchoan Cho-tchou.

(175. ) Il y a ici une divergence avec les Tableaux chronologiques ; le roi Leao ne régna en réalité que 12 ans ; c’est la 11e année de son règne (516 av. J.-C.) que le roi de Tch’ou mourut ; c’est la 12e année (515 av. J.-C.) qu’il fut lui-même assassiné.

(176. ) Leou était à 13 li au nord de la préfecture secondaire de Leou-ngan, province de Ngan-hoei. — Ts’ien était à 30 li au nord-est de la sous-préfecture actuelle de Houo-chan, laquelle dépend de la préfecture secondaire de Leou-ngan.

(176. a) Citation du Tso tchoan, 27e année du duc Tchao.

(177. ) Les commentateurs du Tso tchoan croient qu’il s’agit ici de la mère et du fils de Tchoan Tchou ; au moment où celui-ci va risquer sa vie, il recommande sa vieille mère et son jeune fils au prince Koang. Mais le texte de Se-ma Ts’ien, différant de celui du Tso tchoan, exclut cette interprétation.

(178. ) C’est-à-dire aucun ministre capable de nous faire obstacle, comme l’os et l’arête font obstacle dans le gosier de celui qui mange.

(179. ) Par ces mots, le prince Kouang assure Tchoan Tchou de son entier dévouement.

(180. ) Pour éviter le danger d’être tué au moment de l’assassinat du roi et pour se mettre à la tête des soldats qui lui permettraient de s’emparer du pouvoir au milieu de la confusion générale.

(181. ) Qui fut ainsi mis à mort. Cette scène est reproduite sur un bas-relief du deuxième siècle de notre ère ; cf. La sculpture sur pierre en Chine, planche III, troisième registre, 2e panneau.

(182. ) Cf. tome II, n. 07.357.

(183. ) C’est-à-dire le roi Ho-lu.

(184. ) Capitale du royaume de Tch’ou ; cf. tome I, n. 04.512.

(185. ) Cf. n. 176.

(186. ) Le Tso tchoan rapporte cet événement à l’année 508 avant J.-C.

(187. ) Aujourd’hui, sous-préfecture et préfecture de Nan-tch’ang, province de Kiang-si.

(188. ) Les principautés de T’ang et de T’sai étaient vassales du pays de Tch’ou ; T’ang correspond à la sous-préfecture actuelle de T’ang, préfecture de Nan-yang, province de Ho-nan. — Ts’ai était aussi dans la province de Ho-nan ; cf. tome I, n. 04.241. — Les princes de T’ang et de Ts’ai avaient tous deux été retenus contre leur gré dans le pays de Tch’ou pendant trois ans à l’instigation de Tse-tchang qui voulait les dépouiller de fourrures et de chevaux de prix. Cf. Tso tchoan, 3e année du duc Ting.

(189. ) Le mot [] désigne Fou-kai lui-même. « Vous avez remis à votre sujet, c’est-à-dire à moi ».

(190. ) Aujourd’hui, ville préfectorale de Ngan-lou, province de Hou-pei.

(191. ) Cf. tome II, n. 05.271.

(192. ) Aujourd’hui, sous-préfecture de Soei-p’ing ; préfecture de Jou-ning, province de Ho-nan.

(193. ) Aujourd’hui, sous-préfecture de P’o-yang, faisant partie de la cité préfectorale de Jao-tcheou, province de Kiang-si.

(194. ) La ville de Jo prit alors le nom de Yen-yng ou Yen ; cf. tome II, n. 05.439.

(195. ) A 45 li au sud de la sous-préfecture de Kia-hing, qui fait partie de la préfecture de même nom, dans la province de Tche-kiang.

(196. ) La terrasse Kou-sou, avait été élevée par le roi Ho-lu à 30 li à l’ouest de la sous-préfecture actuelle de Ou, qui fait partie de la ville préfectorale de Sou-tcheou, province de Kiang-sou. — Mais il me semble qu’il y a ici une faute de texte ; le roi Ho-lu fut battu à Tsoei-li et non à Kou-sou ; il faut sans doute substituer aux mots Kou-sou, les mots (Ling) Kou-feou qui, d’après le Tso tchoan, sont le nom de l’homme qui blessa le roi Ho-lu. Il faut alors traduire : « Yue en profila pour attaquer Ou ; il le battit ; (Ling) Kou-feou blessa le roi de Ou, Ho-lu, au doigt de pied... »

(197. ) Au sud-ouest de la sous-préfecture de Ou.

(198. ) Au nord de la sous-préfecture de Ye, qui fait partie de la ville préfectorale de Lai-tcheou, province de Chan-tong. — Ce prince de Kouo s’appelait Kiao ; cf. tome I, n. 02.321.

(199. ) Sur les principautés de Tchen-koan et Tchen-siun, cf. tome I, n. 02.334.

(200. ) A 3 li au sud de la sous-préfecture de Yu-tch’eng, préfecture de Koei-, province de Ho-nan ; c’était le fief des descendants de l’empereur Choen.

(201. ) A 30 li au sud-est de la sous-préfecture de Yu-tch’eng.

(202. ) D’après le commentateur Fou K’ien, ce serait Koen, père de Yu, qui aurait été associé au Ciel. Cette opinion est contestable.

(203. ) Quelques lignes plus bas, on lit que le roi de Yue pleure sur les morts et s’informe des malades, et, d’après le Che ki luen men, c’est ce que signifie l’expression que nous avons ici. Le roi de Yue est à redouter parce qu’il sait prendre part aux chagrins de son peuple et qu’il a ainsi gagné son dévouement.

(204. ) A 60 li au sud de l’ancienne sous-préfecture de Po, laquelle était au sud-est de la ville préfectorale de T’ai-ngan, province de Chan-tong. — Le Tch’oen ts’ieou rapporte la bataille de Ngai-ling à l’année 484.

(205. ) A l’est de la sous-préfecture de I, préfecture de Yen-tcheou, province de Chan-tong.

D’après le Ta Ts’ing i t’ong tche (chap. CXXX, p. 2 r°), la localité de Tseng était à 80 li à l’est de la s.-p. de I (préf. de Yen-tcheou, prov. de Chan-tong). C’était à l’origine une principauté, et, dans le Tch’oen ts’ieou, nous lisons que, la 14e année du duc Hi (646 av. J.-C.), le vicomte de Tseng vint rendre hommage au duc de Lou. La 16e année du duc Siang (557 av. J.-C.), cette principauté fut anéantie par les gens de Kiu et fit dès lors partie du royaume de Lou.

(206. ) Le mot [] désigne un groupe de trois victimes, à savoir un bœuf, un mouton et un porc (cf. les suovetaurilia des Romains).

(207. ) Tse-kong ou Toan-mou Se est un des principaux disciples de Confucius.

(208. ) D’après le Tso tchoan, qui rapporte cet incident à l’année 488, les victimes furent au contraire livrées au roi de Ou.

(209. ) La principauté de Tchou devint plus tard la préfecture de Tseou ; c’est le nom sous lequel elle apparaît dans ce texte, tandis que le Tso tchoan lui conserve son nom de Tchou. C’est aujourd’hui la sous-préfecture de Tseou, préfecture de Yen-tcheou, province de Chan-tong.

(210. ) Au lieu de [], le Tso tchoan (11e année du duc Ngai) écrit [] ; il faut alors traduire : « C’est engraisser Ou (pour la boucherie). »

(211. ) Cf. Chou king, IV, 7, 2e partie ; Legge, C. C., vol. III, p. 241.

(212. ) Il y a ici un jeu de mots sur le caractère [] qui, d’une part, signifie « dépasser, transgresser », et, d’autre part, est le nom du pays de Yue.

(213. ) En laissant son fils dans le pays de Ts’i, Ou Tse-siu montrait qu’il craignait des calamités imminentes pour le pays de Ou.

(214. ) Tchou-liu est le nom d’une épée ; celui qui la recevait devait s’en servir pour se donner la mort. Le Tso tchoan rapporte la mort de Ou Tse-siu à l’année 484.

(215. ) Suivant les prévisions de Ou Tse-siu, la destruction du royaume de Ou surviendra au bout du nombre d’années qu’il faut pour qu’un jeune catalpa soit devenu d’une grosseur telle qu’on puisse en faire un manche d’outil ; quand le catalpa planté sur sa tombe aura atteint ces dimensions, qu’on arrache les yeux à son cadavre et qu’on les place sur la porte orientale pour qu’ils puissent jouir de leur vengeance. — Cf. Kouo yu, section Ou yu.

(216. ) Cette tentative de débarquement au moyen d’une flotte est rapportée par le Tso tchoan à la 10e année du duc Ngai (485).

(217. ) Cette ville appartenait au royaume de Ou ; elle était à 60 li au nord-est de la sous-préfecture actuelle de Tchao, préfecture de Lu-tcheou, province de Ngan-hoei.

(218. ) Au sud de la sous-préfecture actuelle de Fong-k’ieou, préfecture de Wei-hoei, province de Ho-nan. — D’après le Tch’oen ts’ieou ti li k’ao che de Kiang Yong (H. T. K. K., chap. CCLIV, p. 37 v°), toutes ces expéditions du roi de Ou auraient été faites sur des barques de guerre qui remontaient les rivières.

(219. ) Le Tso tchoan donne la leçon ping-tse qui est seule correcte.

(220. ) Les jours i yeou, ping-siu et ting-hai sont trois jours consécutifs.

(221. ) Cf. tome II, n. 05.279, et Tso tchoan, 13e année du duc Ngai.

(222. ) Il est le chef de la branche aînée, en tant qu’il descend de T’ai-po.

(223. ) Nom de famille des Tcheou.

(224. ) Officier du roi de Tsin.

(225. ) On a identifié ces marais avec le Grand Lac qui est au sud-ouest de Sou-tcheou-fou ; d’après Kiang Yong, il faudrait les reporter plus à l’est et les identifier avec le lac P’ing-wang près de la ville de P’ing-wang, à l’ouest de la préfecture de Song-kiang, dans la province de Kiang-sou.

(226. ) Yong-tong était dans l’île Tcheou-chan (Chusan) qui se trouve sur la côte de la province de Tche-kiang et qui forme aujourd’hui la sous-préfecture de Ting-hai.

(227. ) Cf. Luen yu, VIII, 1. — Le peuple ignorait les motifs qui faisaient agir T’ai-po et il méconnut son mérite. C’est la vertu suprême, celle qui est ainsi ignorée du vulgaire.

(228. ) Cf. n. 109.

(229. ) Cf. n. 107.