Madame Bovary/Notes/La presse et la mort de Flaubert

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Louis Conard
Madame Bovary : Notes (1857)
Louis Conard (p. 539-540).


LA PRESSE
ET LA MORT DE FLAUBERT.

Lors de la mort de Flaubert, la presse tout entière rendit hommage au grand écrivain. Nous reproduisons quelques extraits d’articles pour en indiquer le sentiment.

Journal des Débats, 16 mai 1880 (Henri Houssaye).

Gustave Flaubert est mort il y a peu de jours à 59 ans. Depuis 25 ans, il était entré dans l’immortalité de l’écrivain. Gustave Flaubert est un des deux ou trois hommes de ce siècle qui ont été consacrés dès leur début. Si Madame Bovary n’a pas eu la vente énorme qui échoit aujourd’hui au premier roman venu, l’auteur a été tout de suite non pas seulement connu, mais reconnu, non pas seulement admiré, mais respecté comme un maître…

Le Temps, 10 mai 1880.

… Il a beaucoup observé et peu écrit, Madame Bovary reste son chef-d’œuvre malgré les pages admirables et les inoubliables descriptions de Salammbô. Le fils du chirurgien normand se révèle à chaque ligne de ce maître-livre qui faisait appeler par Sainte-Beuve Gustave Flaubert le grand prosateur de l’amphithéâtre littéraire.

La France, 10 mai 1880 (André Treille).

Les lettres viennent de perdre sinon une de leurs illustrations, du moins une de leurs célébrités. L’écrivain qui vient de mourir était fils de médecin et avait lui-même fait des études médicales. Quoi qu’on pense des écrits de Gustave Flaubert, de la valeur de ses procédés, de la portée morale de son œuvre, on ne saurait nier qu’il a marqué sa place parmi les écrivains de race et qu’il a exercé une action réelle sur la littérature de ce temps.

L’Événement, 11 mai 1880 (Charles Monselet).

Que celui qui fut l’ennemi de Flaubert se lève et se nomme !

C’est par l’éloge de l’homme que je veux commencer ; l’éloge de l’écrivain viendra après.

Personne n’eut plus que lui la chaleur du cœur et la noblesse de l’esprit, le dévouement à l’amitié, la foi dans tous les beaux sentiments.

Le Gaulois, 9 mai 1880 (Fourcaud).
La littérature française vient d’être frappée douloureusement en la personne de ce romancier très haut, de ce prosateur très mâle, de ce rare et merveilleux artiste qu’était Gustave Flaubert. Cette terrible nouvelle nous arrive brutale comme un coup de foudre et poignante comme un malheur de famille.
 

Nul, parmi les vivants, si ce n’est Victor Hugo, n’a jeté sur son siècle un éclat si grand ; nul surtout n’a sculpté en des mots plus marmoréens de plus impérissables images et fait surgir du papier blanc des apparitions plus éblouissantes.