Midraschim et fabliaux/Le Paradis

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Imprimerie Vve P. Larousse et Cie (p. 60-61).

Avant qu’à nos regards s’offre le Paradis,
Il faut avoir purgé son âme en purgatoire.
Deux conciles fameux l’affirmèrent jadis,
Dans l’intérêt de cette histoire.

Charmé d’avoir quitté la terre,
Se présente tout radieux,
À la porte que garde Pierre,
Un mort, ravi jusques aux cieux.

Votre billet, lui dit l’apôtre.
— Je fus marié. — C’est assez,
Ce purgatoire vaut bien l’autre ;
Passez, mon trépassé, passez.


Plus radieux encor, se présente à sa suite
Un petit brun jauni. Le grand Pierre l’invite
À montrer son billet. — Vous n’avez cependant
Rien exigé, dit-il, du défunt précédent.

— Lui ! vous n’y pensez pas ; lui, c’est bien autre chose :
La nuit comme le jour il fut contrarié ;
Il ne prit pas la vie en rose ;
Enfin, pour tout vous dire, il vécut marié.

— Marié !… Plus que lui, je le fus, mon saint Père ;
Veuf deux fois, par trois fois, le sort me fut contraire.
— Quoi ! marié trois fois ! mon cher, éloignez-vous :
Nous ne recevons pas au Paradis les fous.