Modorf-les-bains/05

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Imprimerie Joseph Beffort (p. 52-54).

Les inhalations d’azote.

Le gaz azote constitue un dernier facteur thérapeutique de notre station balnéaire. Il se dégage en effet du puits de la source un abondant mélange gazeux qui se compose de 97 volumes d’azote et d’une petite portion seulement d’acide carbonique. Ces gaz se mélangent naturellement avec l’air ambiant et avec les vapeurs d’eau qu’exhalent les grands bassins remplis d’eau minérale, pour constituer une atmosphère spéciale, qu’on a reconnue comme douée de propriétés fort utiles dans le traitement de certaines maladies respiratoires. La découverte de cette action due aux émanations de la source, a été faite d’une façon tout à fait empirique, de même qu’à Lippspringe en Westphalie, où depuis longtemps on a employé les inhalations d’azote contre la phthisie pulmonaire, M. H… de Luxembourg, atteint d’asthme nerveux, qui lui rendait le mouvement très pénible, avait l’habitude de passer des heures entières dans le bâtiment élevé au dessus de la source pour pouvoir boire à l’aise le nombre de gobelets prescrits, peut-être aussi parce que l’atmosphère tiède et humide de l’endroit était agréable en cas de mauvais temps. Or, M. H. constatait avec bonheur que, lorsqu’il avait séjourné pendant un certain temps dans le local, ses suffocations diminuaient, et que la toux qui l’obsédait et le torturait continuellement, parvenait à se calmer. C’est en somme le même phénomène qu’on a depuis, toujours eu l’occasion de constater : étendue et profondeur plus grandes des mouvements respiratoires, apaisement de la toux nerveuse irritante. Il n’était guère permis d’attribuer à l’azote un rôle actif dans cette manifestation, et on pouvait attribuer l’excellent effet qu’on avait constaté, plutôt à la raréfaction de l’oxygène tout comme la respiration d’un patient peut se modifier favorablement dans l’atmosphère moins dense des hauteurs. C’était du moins l’avis du docteur Rhoden de Lippspringe dont l’autorité est incontestable en cette matière. Néanmoins il y a toujours eu des confrères qui ne se contentaient pas de cette action cependant fort utile déjà, et qui voulaient absolument y voir plus. Dans ces dernières années le Dr Trentler a fondé à Blasewitz (près de Dresde) un institut où il traite les affections phthisiques par des inhalations directes au moyen du gaz azote produit par un appareil spécial. Selon ce praticien, les inhalations d’azote ne produiraient pas seulement une action sédative sur les nerfs surexcités de la muqueuse du larynx et des bronches, mais encore sur le système nerveux central et sur l’appareil vasculaire. En conséquence l’on remarquerait constamment une diminution de la fièvre et des sueurs profuses, en même temps que la réapparition de l’appétit et du sommeil. C’est peut-être le cas de dire avec Calchas : Trop de fleurs ! Pour nous, et en attendant que ces prévisions optimistes reçoivent la sanction de l’expérience, il nous suffit de constater que ces inhalations parviennent à calmer la toux sèche laquelle rend si pénibles plusieurs des plus graves affections de la poitrine, et à laquelle nous ne pouvons opposer d’autre médicament efficace que la morphine ou les opiacés. Or, l’on sait quelle fâcheuse influence ces préparations exercent sur l’estomac, et avec quelle rapidité l’appétit s’en va sous leur usage. On se trouve ordinairement devant l’alternative désagréable, ou bien de renoncer aux bienfaits des narcotiques qui procurent du repos et du sommeil, ou bien de laisser le patient s’épuiser faute de nourriture. Nous sommes donc pour le moment très content de posséder un substitutif efficace de la morphine, qui n’a pas les désavantages de ce médicament. Si ce n’est pas un spécifique contre la phthisie même, c’est du moins un bon spécifique contre un des symptômes les plus importants de cette maladie si répandue. Et nous pouvons de bon droit recommander le traitement de Mondorf contre cette terrible maladie, parce qu’on y trouve réunis les principaux éléments du traitement : les inhalations calmantes, la douche froide et l’eau minérale : Cette dernière, outre qu’elle détermine une augmentation de l’appétit, a le droit de prétendre à la même vertu que ses congénères de Kreuznach, de Soden et de Hombourg pour lesquelles on a revendiqué des cures heureuses dans les maladies de poitrine. Les annales de Mondorf consignent de même bien des résultats favorables obtenus par son eau.