Monographie ou Histoire Naturelle du Genre Groseillier/Chapitre I

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CHAPITRE PREMIER.

De la Nature du Groseillier.


La famille des Groseilliers ne renferme qu’un seul genre. Elle est intermédiaire entre les saxifrages et les cierges. Elle diffère des saxifrages par son fruit en baie et ses graines pariétales, et des cierges par le nombre défini de ses pétales et de ses étamines.

Elle se compose d’arbrisseaux qui croissent spontanément dans tous les pays, principalement dans les parties du nord de l’Europe.

On les trouve sauvages dans les haies, sur les vieilles murailles, les troncs d’arbres abandonnés, les montagnes, et dans les vallées. Parfois ils sont munis d’épines très acérées ; souvent ils en sont privés. Les fleurs dans ces derniers sont axillaires, disposées en grappes ; elles sont solitaires ou géminées dans les espèces épineuses.

Les botanistes ont considéré, pour la description de cet arbrisseau,

1°. Les tiges et leurs rameaux ;

2°. Les épines ;

3°. Les feuilles et leur pétiole ;

4°. Les fleurs, les pédoncules, les bractées et les enveloppes florales qui les accompagnent ;

5°. Enfin les fruits.

Nous passerons successivement en revue ces organes divers.

1°. Le Groseillier s’élève naturellement en un buisson touffu à la hauteur de trois ou quatre pieds. Ses tiges sont grêles, rameuses et divergentes ; elles n’acquièrent jamais une grande dimension, parce que dans l’état sauvage elles périssent promptement par les lichens ou la mousse, et que dans nos jardins, la taille nécessite le retranchement du vieux bois pour leur conservation.

Les branches adultes sont d’un brun rougeâtre, recouvertes d’un épiderme qui se fendille et qu’on enlève aisément.

Les branches de l’année, ainsi que toutes les ramifications et les brindilles de l’arbrisseau, sont blanchâtres, et on trouve sous leur épiderme une couche de tissu cellulaire, qui dérobe aux jeux les couches de fibres corticales.

2°. Les épines, ou défenses du Groseillier épineux, Fig. 1, MN, naissent du corps ligneux de l’arbrisseau et semblent être des rameaux avortés. Elles sont dures, très pointues, droites, horizontales, ou légèrement inclinées vers la terre. L’épiderme qui enveloppe toutes les parties ligneuses de l’arbrisseau les recouvre aussi. Leur couleur est d’un jaune pâle, ou blanchâtre. Elles sont parfois solitaires, plus souvent réunies par deux ou trois, rarement davantage. Ces épines, souvent longues de huit à dix lignes, donnent un aspect féroce à cette plante, qui semble être destinée à n’être vue que de loin.

3°. Les feuilles, dans le Groseillier, Fig. 1, HIK, sont alternes, incisées, comme ridées, presque toujours échancrées en cœur à la base, à trois ou cinq lobes dentés et divergens. Elles sont en général d’un vert foncé en dessus et plus pâles en dessous. Selon les espèces ou les variétés, ce vert offre plusieurs modifications : il est clair ou obscur, glauque ou couleur de poireau, ou blanchâtre ou grisâtre à leur surface, qui est vernissée ou velue ; quelquefois les feuilles sont panachées de taches jaunâtres irrégulières, mais c’est un accident qui naît et disparaît souvent dans la même année.

La feuille est supportée par un pétiole, Fig. 1, L, très long, particulièrement dans le Groseillier à grappes, vertical et tellement perpendiculaire à l’horizon, que dans le Groseillier épineux, les feuilles qui le surmontent sont presque appliquées contre la tige, surtout sur des pousses de l’année, et celles qui sortent du collet de la racine ; il est creusé en gouttière et muni à la base et à l’intérieur de quelques petits poils cylindriques. Ce pétiole se prolonge sur le limbe extérieur de la feuille, et se ramifie en nervures, tantôt blanches, tantôt vertes, ou en partie colorées d’un rouge tendre. Il s’attache dans l’aisselle des épines, et laisse voir, entre la branche et lui, le bourgeon destiné à reproduire le fruit l’année suivante. Des nervures confuses, en grand nombre, qu’on remarque encore sur le limbe extérieur de la feuille, complètent ce qu’on pourrait appeler le squelette de cet organe.

4°. Les fleurs du Groseillier sont disposées en grappes simples, Fig. 1, E. Elles sont attachées par de petits pédicelles, Fig. 1, F, sur un pédoncule commun, E. Elles sont nombreuses sur le Groseillier à grappes. Sur le Groseillier épineux, on trouve le rudiment de ce pédoncule commun, au bas duquel le pédicelle de la groseille est comme soudé. Ce pédoncule est parfois très court, même imperceptible ; souvent il est très long (comme on peut le voir dans notre Ribes longipedata, Fig, 18), mais son origine n’est pas douteuse ; et tout porte à croire qu’avec le temps et la culture, on obtiendra des Groseilliers épineux à grappes ; déjà dans beaucoup de variétés les grains sont géminés, et par cette raison portés sur un pédoncule commun.

Ce pédoncule commun, lors de la floraison, est presque toujours horizontal ou oblique ; jamais il n’est vertical, rarement il est pendant, si ce n’est quand la grappe est chargée de ses grains. Les pédicelles qui s’y rattachent sont courts et munis de bractées, Fig. 1, G, tantôt solitaires, tantôt réunies par paires. Ces bractées sont plus ou moins colorées en rouge ou en vert obscur. Dans le Groseillier épineux, les pédicelles, Fig. 1, F, sont également courts, mais plus épais ; on remarque à leur base les mêmes bractées, lesquelles tracent une ligne de démarcation entre elles et l’appendice linéaire ou le pédoncule commun avorté, dont nous avons parlé.

À l’extrémité de ces pédicelles se trouvent placées les enveloppes florales et les fleurs de ces arbrisseaux.

La fleur du Groseillier est hermaphrodite ou quelquefois dioïque. Linné l’a placée dans la pentandrie monogynie. Tournefort, dans la classe 21, arbres rosacés. Jussieu, dans la famille des cierges. M. De Candolle a retiré ce genre de la famille des cierges, en a réuni les espèces sous le nom de Grossulariœ, et en a fait ainsi le type d’une nouvelle famille.

Les fleurs des Groseilliers ont peu d’apparence. Comme tout ce qui est utile, elles sont sans éclat, mais elles produisent des fruits excellens.

Leur calice, Fig. 1, C, est adhérent, ventru, d’un vert pâle ou légèrement lavé de rouge. Ses cinq divisions sont aussi colorées, simples, et en général obtuses au sommet. Les cinq pétales de la fleur, Fig. 1, A, D, D, alternent avec les lobes du calice ; on les voit parfois entiers, mais plus souvent échancrés en cœur au sommet. Ils sont d’un blanc sale ou verdâtre, ou bien jaunes ou rougeâtres. Dans les espèces dioïques, le mâle et la femelle offrent des pétales de couleur différente. Cinq étamines et un ovaire surmonté d’un style bifurqué, complètent, ainsi que nous l’avons dit, l’organisation de la fleur. On conçoit que ces derniers organes sont placés séparément sur chacun des individus mâle ou femelle des Groseilliers dioïques.

Le tissu des corolles de la fleur du Groseillier paraît contenir un esprit volatil qui exhale une odeur douce analogue à celle que donne la fleur de la vigne. Une fleur ou quelques fleurs de Groseillier ne produisent qu’une impression très faible sur l’organe de l’odorat ; mais en parcourant un champ de Groseilliers, au moment de la floraison, en avril, on trouvera qu’elles répandent une odeur douce et agréable. Je l’ai souvent éprouvé en parcourant, dans cette saison, les prés Saint-Gervais, les rians coteaux de Clamart-sous-Meudon, et les environs de Paris où l’arbrisseau est cultivé en grand.

Le tube du calice se convertit en une baie indéhiscente, c’est-à-dire privée de la faculté de s’ouvrir, plus ou moins grosse dans la plupart des Groseilliers à grappes, et très grosse dans les Groseilliers épineux soumis à la taille et à la culture. On les nomme grains, comme on le dit de ceux du raisin. Ces grains, à leur maturité, sont couronnés par les divisions du calice et le style, qui sont persistans. Les graines, Fig. 1, X, sont attachées par de petits cordons ombilicaux à deux placenta, Fig. 1, TT, opposés et pariétaux. L’embryon est droit, très petit, situé à la base d’un périsperme dur et corné.

Les grains, dans les Groseilliers épineux, affectent différentes formes. Ils sont ronds, ovoïdes, elliptiques, allongés, etc.

Ils affectent diverses couleurs : le violet clair, le violet noirâtre, le vert de différentes nuances, le jaune pur, l’ambre, sont celles qu’on remarque le plus souvent. Les espèces sans épines offrent moins de nuances dans leurs graines ; ils sont rouges ou roses, ou d’un blanc perlé, ou roux. Quelques auteurs en ont indiqué de verts, trouvés probablement dans des lieux sauvages privés des rayons du soleil.

EXPLICATION DE LA FIGURE 1.

A. Fleur du Groseillier, un peu grossie.

B. Ovaire et pédicule.

C. C. Divisions du calice.

D. D. Pétales, l’un entier, l’autre échancré au sommet.

E. Pédoncule commun.

F. Pédicelle.

G. Bractées.

H. Feuilles à trois lobes.

I. I. I. Nervures.

K. K. K. Nervures confuses.

L. Pétiole.

M. Bourgeon.

N. N. Épines.

O. Baies géminées du Groseillier épineux.

P. Baie solitaire du même.

Q. Pédicelle qui porte la groseille.

R. Pédoncule (voyez Ribes longipedata).

S. Baie d’un groseillier épineux, laissant voir à travers l’épicarpe, ou peau extérieure du fruit, le placenta (T. T.) et ses divisions, qui forment la charpente de la baie (U. U.).

V. Coupe longitudinale d’une baie, laissant voir l’endocarpe ou chair du fruit, auquel adhère le placenta (T. T.) et les graines ( X.).

Y. Collet de la racine du Groseillier.

Z. Champignon (diminué des trois quarts) qui envahit les pousses du Groseillier.