Note sur la purification du platine

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NOTE

SUR LA PURIFICATION DU PLATINE.

Par M. Descostils.

Le seul moyen que l’on ait encore de purifier le platine, est de le dissoudre dans l’acide nitro-muriatique et de le précipiter par le sel ammoniac. La décomposition du sel triple s’opère ensuite par la simple chaleur, et l’on obtient le platine à l’état métallique.

Ce procédé a deux inconvéniens. Le premier est la grande quantité d’acide nécessaire pour la dissolution du platine en grains, le second et le principal est l’union que le platine contracte avec l’iridium dans sa précipitation par le sel ammoniac. Cette union ne peut plus être détruite que par des dissolutions et des précipitations répétées qui donnent successivement un sel plus exempt d’iridium, à raison du peu d’action que les acides exercent sur ce dernier métal, et de la plus grande solubilité de ses combinaisons salines, par rapport à celles du platine. On peut à la vérité abréger ces opérations, en n’employant que le sel orangé que l’on obtient de la précipitation de la dissolution du platine en grains un peu étendue d’eau, mais alors on perd une portion du platine qui reste dans les eaux mères, et cette perte deviendroit importante si on opéroit sur de grandes quantités.

J’ai cherché à remédier à ces deux inconvéniens, en faisant à ce procédé quelques modifications fondées sur des propriétés déja connues à la vérité, mais dont on n’avoit point encore fait d’application. Voici en quoi elles consistent.

Au lieu de dissoudre directement la mine de platine dans les acides, je commence par la fondre avec du zinc[1]. L’alliage se fait avec facilité et même avec dégagement de chaleur et de lumière, ainsi que l’a observé Lewis. La chaleur produite par un fourneau à réverbère ordinaire est suffisante pour déterminer cette combinaison. Il faut d’abord chauffer le zinc, et aussitôt qu’il est fondu, verser doucement le platine dessus. On couvre alors le creuset, et on augmente le feu en plaçant le dôme sur le fourneau et en y adaptant un tuyau d’un mètre environ de hauteur. Une demi-heure après, si la masse n’est pas très-considérable on retire le creuset ; une partie du zinc est vaporisée dans cette opération, et par conséquent se trouve perdue, mais cela est inévitable si on veut avoir une combinaison homogène.

L’alliage que l’on obtient est d’un blanc grisâtre, un peu grenu dans sa cassure, et très-facile à pulvériser. On le réduit en poudre fine, et on l’attaque par l’acide sulfurique étendu de deux ou trois fois son poids d’eau. Lorsque l’action de l’acide diminue, on la ranime à l’aide de la chaleur, et lorsqu’elle cesse entièrement, on décante la liqueur et on verse de nouvel acide sur le résidu ; on continue ainsi jusqu’à ce que l’acide ne produise plus aucun effet. En opérant de cette manière on obtient facilement du sulfate de zinc des premières liqueurs décantées ; les dernières peuvent être réservées pour attaquer de nouvelles quantités d’alliage.

Lorsque l’acide sulfurique seul n’exerce plus d’action, on y ajoute une petite quantité d’acide nitrique qui détermine la dissolution d’une nouvelle quantité de zinc. On peut alors employer un acide sulfurique plus concentré. Dans ce dernier cas il enlève un peu de platine et de palladium, mais on peut retrouver ces métaux ; par le sulfate vert de fer et le sel ammoniac ; et purifier ensuite le sulfate de zinc avec du zinc métallique.

Lorsque l’acide ne peut plus rien dissoudre on décante la liqueur et on lave le résidu[2]. Il est alors très-facile à dissoudre dans l’acide nitro-muriatique[3]. La proportion des acide nitrique et muriatique qui m’a paru la plus convenable, est, celle d’une partie du premier contre trois du dernier. Je dois observer qu’il y a un grand avantage à ne pas faire le mélange avant de les employer. Il vaut mieux verser, d’abord l’acide nitrique sur le métal et ajouter ensuite peu-à-peu l’acide muriatique jusqu’à ce que cette addition ne produise plus aucun effet.

Il est encore avantageux d’employer les acides en petites quantités, en décantant la dissolution avant de verser de nouvel acide nitrique.

Après que la dissolution est terminée, on laisse reposer la liqueur pendant quelque tems dans un vase élevé et d’un petit diamètre. Lorsqu’elle est bien claire ; on la décante avec un siphon étroit, pour séparer la poudre noir qui reste après la dissolution du platine, et on évapore la liqueur jusqu’à siccité parfaite. Si on dissout ensuite le résidu dans une quantité d’eau un peu considérable, et qu’on laisse reposer pendant 24 heures, presque tout l’or, qui étoit contenu dans la mine, se dépose, au fond du vase, à l’état métallique. On décante de nouveau, et si on veut obtenir les dernières portions de palladium, on ajoute à la liqueur un peu de prussiate de mercure, qui, d’après M. Wollaston, précipite ce métal en totalité[4]. On filtre alors et on verse dans la dissolution du carbonate de soude bien exempt de potasse, jusqu’à ce que le précipité qui se forme n’augmente plus. L’effet de cette addition est de former un sel triple de soude et de platine qui, d’après M. Proust, n’est pas décomposé par le carbonate de soude ajouté dans la proportion convenable, tandis que le fer est précipité[5]. On sépare ce dernier par le filtre, ou ce qui est préférable on le laisse déposer, et on décante ; on lave le dépôt à plusieurs reprises, et on réunit les liqueurs ; mais comme les dernières eaux de lavage contiennent peu de platine, on peut les mettre à part pour en précipiter le métal par l’hydrogène sulfuré ou par un hydrosulfure. Le précipité grillé peut ensuite être traité avec la mine crue dans une opération subséquente.

Si l’on craint que le dépôt ferrugineux ne retienne du platine, on peut le reconnoître en en dissolvant une petite portion dans l’acide muriatique concentré, et en ajoutant à la dissolution du muriate d’ammoniaque. Si le sel triple qui se dépose paroît abondant, on traite de même la totalité du dépôt ferrugineux.

La liqueur qui contient le sel triple de platine et de soude, doit être légèrement acide. On y ajoute du carbonate de soude jusqu’à ce qu’elle devienne sensiblement alcaline. En la laissant quelque tems exposée à l’air, l’iridium se sépareroit sous la forme d’un dépôt vert, mais pour que cette séparation s’opère plus vite et plus complettement, la dissolution doit être chauffée légèrement, c’est-à-dire jusqu’à 50 à 60 degrés cent. au plus. L’iridium se dépose alors abondamment ainsi que je l’ai fait voir dans le mémoire par lequel j’ai fait connoître ce métal et son influence sur la coloration des sels de platine[6]. Il faut pour que la séparation soit aussi complettc que possible que la dissolution ne soit ni trop concentrée ni trop alcaline.

Lorsque le dépôt n’augmente plus, on filtre, et on verse dans la liqueur, après qu’elle est refroidie, autant d’acide muriatique qu’il est nécessaire pour qu’elle redevienne très-sensiblement acide. On précipite alors avec le sel ammoniac, et lorsque la précipitation est complette, on filtre et on lave le sel triple à plusieurs reprises avec de petites quantités d’eau.

Les liqueurs contiennent encore du platine et un peu d’iridium. On précipite ces métaux par un hydrosulfure, et on traite le précipité comme il a été dit.

Le sel triple que l’on obtient par ce procédé, doit être, s’il est bien pur, d’un jaune d’or clair. L’acide nitrique qui le dissout par l’ébullition, ne doit lui donner d’autre intensité de couleur que celle que doit produire le plus gros volume des cristaux qui se reforment par le refroidissement. Il est au surplus un moyen facile d’y retrouver les plus petites traces d’iridium. Il consiste à réduire par la chaleur une petite portion du sel que l’on veut essayer, à dissoudre le résidu par l’acide nitro-muriatique, ou si on l’aime mieux à dissoudre directement le sel triple par cet acide qui dans cette circonstance décompose l’ammoniaque, et à précipiter de nouveau le métal par le sel ammoniac, en ayant soin de n’en employer que la quantité nécessaire. On sépare le sel triple par le filtre, et on fait évaporer les eaux-mères. Si le sel qu’elles fournissent est d’un jaune clair on peut être assuré qu’il n’y a point d’iridium dans celui que l’on essaie. Si au contraire le sel est rouge, c’est une preuve que ce métal y existe, et il faut traiter de la même manière la totalité du sel triple, si on veut le purifier entièrement.

La réduction par la chaleur d’une quantité un peu considérable de sel triple exige quelques précautions. Si on l’opère dans un creuset, il arrive souvent que les jets de vapeurs qui se dégagent, entrainent une grande partie du sel ; je préfère le dessécher d’abord dans une capsule de porcelaine et terminer la réduction dans une cornue de grès. Je lave ensuite l’éponge métallique jusqu’à ce qu’elle ne contienne plus rien de soluble ; je la fais bouillir même avec un peu d’acide sulfurique, et après l’avoir bien lavée, je la redissous. Dans cet état de ténuité, le platine n’exige que peu d’acide. Je précipite ensuite avec le muriate ammoniacal, je lave le sel avec de petites quantités d’eau et à plusieurs reprises, et j’obtiens par sa réduction le platine dans son plus grand état de pureté connu.


  1. J’ai employé 4 parties de zinc contre une de platine ; mais je crois que l’on peut diminuer beaucoup cette proportion.
  2. Ce résidu brûle avec facilité à une très-légère chaleur ; et même si on a employé une proportion de zinc moins forte, le résidu détonne comme la poudre à canon. L’acide muriatique lui enlève cette propriété.
  3. Celui que j’ai obtenu d’un alliage de 4 parties de zinc et d’une de platine en grains, alliage qui, par la fusion, avait perdu une partie de zinc, n’a exigé, pour se dissoudre, qu’un peu plus de quatre fois le poids du platine en acide nitro-muriatique.
  4. Ann. de chim. tom. 61, p. 105.
  5. Voy. sa lettre à M. Vauquelin, Ann. de chim. tom, 49, p. 177.
  6. Voy. Ann. de chim. tom. 48, p. 170.