Nouveaux Moulins des cannes à sucre

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NOUVEAUX
MOULINS DES CANNES À SUCRE


Le sucre est connu depuis la plus haute antiquité, mais son usage ne s’est réellement répandu qu’à une époque relativement moderne. Il était si peu usité, au temps d’Henri IV, qu’on le vendait à l’once chez les pharmaciens, comme on le fait aujourd’hui pour des substances purement médicinales. Les Anglais commencèrent à cultiver le sucre de cannes à la Barbade en 1643 ; les Français ne débutèrent qu’un an après, à Saint-Christophe et, surtout, à la Guadeloupe en 1648. C’est au commencement de ce siècle que la découverte d’un sucre cristallisable dans la betterave fut habilement exploitée par des chimistes français ; depuis ce moment, d’innombrables sucreries se sont construites dans le nord de la France et dans tous les pays de l’Europe. Pour donner une juste idée du développement prodigieux de l’industrie sucrière, il nous suffira de dire que la consommation du sucre qui, à la fin du dix-septième siècle, atteignait à peine, en France, 80 millions de kilogrammes, s’élève aujourd’hui dans notre pays à plus de 300 millions de kilogrammes. L’Angleterre n’en produit pas moins de 450 millions de kilogrammes.

Nouveau moulin à broyer les cannes à sucre.

Si la fabrication du sucre de betterave a pris en Europe une extension si étonnante, celle du sucre de canne n’est pas restée stationnaire dans les colonies, elle constitue, dans l’industrie moderne, une branche assez importante pour y appeler l’attention. Nous voulons seulement aujourd’hui signaler quelques perfectionnements nouveaux, apportés à l’outillage des sucreries coloniales.

La première opération, à laquelle il faut soumettre les cannes à sucre pour en extraire le jus sucré, consiste à les comprimer fortement, à les écraser ; mais les tiges de ces plantes sont hérissées de nœuds très-durs, qui résistent parfois à la pression, avec une force extraordinaire, et déterminent souvent la rupture des appareils destinés à les broyer. Les anciens moulins à cannes étaient formés de cylindres grossiers en pierre, qui portaient des engrenages de même matière, au moyen desquels le mouvement se trouvait transmis d’un cylindre à un autre. On n’a pas tardé à renoncer à ces procédés primitifs et à employer aux colonies des presses énergiques qui portèrent le rendement en jus, provenant de 100 kilogrammes de cannes, de 50 à 70 kilogrammes. MM. Cail et Compagnie ont construit de ces puissantes machines, dont les cylindres atteignaient un mètre de diamètre ; mises en action par une force motrice de 90 chevaux, elles produisaient par jour un rendement de jus sucré, qui atteignait l’énorme volume de 400 000 litres.

Dans ces derniers temps, un savant industriel, M. Th. Rousselot, a singulièrement perfectionné le moulin à cannes, il a construit des appareils formidables, dont la solidité et la puissance les mettent à l’abri des ruptures si fréquentes dans un grand nombre de machines défectueuses usitées dans les sucrières coloniales.

Notre gravure représente un des nouveaux moulins à cannes de M. Rousselot ; la dimension de cet appareil est formidable ; il atteint environ trois mètres de hauteur. Cette machine est formée de trois cylindres, véritables laminoirs, où s’engagent et se broient les cannes à sucre. Le jus sucré extrait par la pression s’écoule sur le plan incliné représenté en avant de notre figure. Contrairement aux appareils employés auparavant, les cylindres de ce moulin gigantesque mis en action par la vapeur ont un écartement constant ; enfin, sa construction permet de le démonter très facilement, afin de vérifier le fonctionnement de ses différents organes.

Nous avons représenté ci-contre le nouveau moulin, avec une roue d’engrenage, séparée du corps de l’appareil ; on voit que, pour la remettre en place, il suffit de rajuster une pièce en fer et de la consolider facilement par quelques boulons. Toutes les autres parties de la machine se séparent aussi aisément.

Le système Rousselot est employé à l’usine de Saint-Pierre, à la Martinique, où il donne les résultats les plus satisfaisants ; il est certainement appelé à exercer la plus heureuse influence dans nos autres sucreries coloniales.

L. Lhéritier.