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SARAH.

sortant d’un sommeil ou d’une léthargie :

Pays des noirs ! berceau du pauvre Arsène,
Ton souvenir vient-il chercher mon cœur ?
Vent de Guinée, est-ce ta douce haleine
Qui me caresse et charme ma douleur ?
M’apportes-tu les baisers de ma mère,
Ou la chanson qui console mon père ?…
Jouez, dansez, beaux petits blancs ;
Pour être bons, restez enfans !

Nègre captif, courbé sur le rivage,
Je te vois rire en songeant à la mort ;
Ton ame libre ira sur un nuage,
Où ta naissance avait fixé ton sort.
Dieu te rendra les baisers d’une mère
Et la chanson que t’apprenait ton père !…
Jouez, dansez, beaux petits blancs ;
Pour être bons, restez enfans !

Pauvre et content, jamais le noir paisible,
Pour vous troubler, n’a traversé les flots ;
Et parmi nous, sous un maître inflexible,
Jamais d’un homme on n’entend les sanglots.
Pour nous ravir aux baisers d’une mère,
Qu’avons-nous fait au dieu de votre père ?…
Jouez, dansez, beaux petits blancs ;
Pour être bons, restez enfans !

Sarah l’aperçut un jour qu’il se plaignait ainsi ; elle crut qu’il chantait