Page:Nietzsche - La Généalogie de la morale.djvu/181

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tend instinctivement vers un optimum de conditions favorables au milieu desquelles elle peut déployer sa force et atteindre la plénitude du sentiment de sa puissance ; toute bête a de même une horreur instinctive et une sorte de flair subtil, « supérieur à toute raison », pour toute espèce de troubles et d’obstacles qui se présentent ou pourraient se présenter sur la route vers l’optimum — (ce n’est pas de sa route vers le bonheur que je parle, mais de sa route vers la puissance, vers l’action, vers l’activité la plus large, ce qui, en somme, dans la plupart des cas, est sa route vers le malheur). Par suite, le philosophe a horreur du mariage et de tout ce qui pourrait l’y conduire, — du mariage en tant qu’obstacle fatal sur sa route vers l’optimum. Parmi les grands philosophes, lequel était marié ? Héraclite, Platon, Descartes, Spinoza, Leibniz, Kant, Schopenhauer — ils ne l’étaient point ; bien plus, on ne pourrait même se les imaginer mariés. Un philosophe marié a sa place dans la comédie, telle est ma thèse : et Socrate, seule exception, le malicieux Socrate, s’est, semble-t-il, marié par ironie, précisément pour démontrer la vérité de cette thèse. Tout philosophe dirait, comme jadis Bouddha, quand on lui annonça la naissance d’un fils : « Râhoula