Page:Virgile - Énéide, traduction Guerle, 1825, livres I-VI.djvu/403

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du glaive une brebis aux sombres couleurs, l’immole à la Nuit, mère des Euménides, à la Terre, puissante sœur de la Nuit. Toi, Proserpine, il t’offre une génisse inféconde. Ensuite on dresse aux dieux du Styx de nocturnes autels ; on étend sur la flamme le corps entier des taureaux, et l’huile coule à flots d’or sur leurs chairs embrasées.

Le jour naissant brillait à peine : tout à coup la terre a mugi sous leurs pieds, les forêts s’ébranlent au sommet des montagnes ; et les chiens précurseurs d’Hécate hurlent dans l’ombre blanchissante. C’est la déesse qui s’approche. « Loin, loin d’ici, profanes ! fuyez ces religieux ombrages. Toi, fils d’Anchise, ose affronter ces routes, et tire du fourreau ton épée. C’est maintenant qu’il faut s’armer d’audace, qu’il faut un cœur muni d’un triple airain. » Ainsi tonne la Sibylle, et, furieuse, elle s’élance dans l’affreux soupirail. Le héros s’y plonge avec elle, et la suit d’un pas intrépide.

Divinités, dont la puissance régit le peuple des Mânes ! et vous, Ombres silencieuses ! morne Chaos ! noir Phlégéthon ! lieux taciturnes, où règne au loin la nuit ! souffrez que je raconte ce qu’il me fut permis d’entendre ; pardonnez, si je découvre les secrets de vos abîmes et les mystères de la mort.

Seuls au milieu de la nuit souterraine, ils s’avançaient dans les ténèbres, à travers ces livides manoirs, empire du vide et séjour des vains fantômes ; pareils au voyageur traversant les bois solitaires, aux lueurs incertaines d’une lune avare et trompeuse, quand le