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son pays. Alors un des assistants prenant la parole lui dit : « Mais, mon ami, si c’est vrai, tu n’as pas besoin de témoins ; voici Rhodes ici même : fais le saut. »

Cette fable montre que lorsqu’on peut prouver une chose par des faits, tout ce qu’on en peut dire est superflu.

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LE GRISON ET SES MAÎTRESSES


Un grison avait deux maîtresses, l’une jeune et l’autre vieille. Or celle qui était avancée en âge ayant honte d’avoir commerce avec un amant plus jeune qu’elle, ne manquait pas, chaque fois qu’il venait chez elle, de lui arracher ses poils noirs. La jeune, de son côté, reculant à l’idée d’avoir un vieux pour amant, lui enlevait ses poils blancs. Il arriva ainsi qu’épilé tour à tour par l’une et l’autre, il devint chauve.

C’est ainsi que ce qui est mal assorti occasionne toujours des désagréments.

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LE NAUFRAGÉ


Un riche Athénien naviguait avec d’autres passagers. Une tempête violente étant survenue, le vaisseau chavira. Or, tandis que les autres passagers cherchaient à se sauver à la nage, l’Athénien, invoquant à chaque instant Athéna, lui promettait offrandes sur offrandes, s’il parvenait à se sauver. Un des naufragés, qui nageait à côté de lui, lui dit : « Fais appel à Athéna, mais aussi à tes bras »

Nous aussi invoquons les dieux ; mais n’oublions pas de travailler de notre côté pour nous sauver.

Estimons-nous heureux, si en faisant effort nous-mêmes, nous obtenons la protection des dieux ; si nous nous abandonnons, les démons seuls peuvent nous sauver.