Page:Ésope - Fables - Émile Chambry.djvu/78

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nous être tant réjouis à l’avance, nous eussions de toute façon quelque contrariété. »

Or donc nous non plus nous ne devons pas, si nous considérons combien la vie est changeante, nous flatter d’obtenir toujours les mêmes succès, mais nous dire qu’il n’y a si beau temps qui ne soit suivi de l’orage.

24


LE PÊCHEUR QUI JOUE DE LA FLUTE


Un pêcheur, habile à jouer de la flûte, prenant avec lui ses flûtes et ses filets, se rendit à la mer, et, se postant sur un rocher en saillie, il se mit d’abord à jouer, pensant que les poissons, attirés par la douceur de ses accords allaient d’eux-mêmes sauter hors de l’eau pour venir à lui. Mais comme, en dépit de longs efforts, il n’en était pas plus avancé, il mit de côté ses flûtes, prit son épervier, et, le jetant à l’eau, attrapa beaucoup de poissons. Il les sortit du filet et les jeta sur le rivage ; et, comme il les voyait frétiller, il s’écria : « Maudites bêtes, quand je jouais de la flûte, vous ne dansiez pas ; à présent que j’ai fini, vous vous mettez en branle. »

Cette fable s’applique à ceux qui agissent à contretemps.

25


LE PÊCHEUR ET LES GROS ET LES PETITS POISSONS


Un pêcheur, ayant retiré de la mer son filet de pêche, put capturer les gros poissons, qu’il étala sur le sol ; mais les petits se glissant par les mailles, se sauvèrent dans la mer.

Les gens d’une médiocre fortune se sauvent aisément ; mais on voit rarement un homme qui jouit d’une grande renommée échapper aux périls.