Page:Œuvres complètes de Frédéric Bastiat, Guillaumin, 7.djvu/43

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Mais Bordeaux est déjà descendu bien des fois dans la lice ; les idées libérales, en matière de commerce, y sont très répandues ; il n’est pas de ville dont la protection ait plus froissé les intérêts ; elle est le centre de vastes et populeuses provinces qui étouffent sous la pression du régime restrictif ; elle est féconde en hommes ardents, dévoués, prêts à faire à une grande cause nationale de généreux sacrifices ; elle est le berceau de cette Union vinicole, qui a accompli tant de travaux si méritoires quoique si infructueux, et qui forme comme la pierre d’attente d’une organisation plus vaste. Il n’est donc pas surprenant que Bordeaux donne le signal de l’agitation, tout préparé qu’il est, j’en suis convaincu, à céder à Paris les rênes de la direction aussitôt que le bien de la cause exigera de lui ce sacrifice.

Voilà pourquoi j’adresse à Bordeaux cette première vue générale des conditions auxquelles il faut acheter la victoire ; elles sont dures, mais inflexibles.

1o D’abord la Ligue doit proclamer un principe et y adhérer indissolublement, dans la bonne comme dans la mauvaise fortune, dans ses revers et dans ses triomphes, soit qu’il éveille ou non les échos de la presse et de la tribune, soit qu’il excite ou non les sympathies du Pouvoir et des Chambres. La Ligue ne doit point se faire le champion d’un intérêt spécial, d’un traité de commerce, d’une modification douanière ; sa mission est de proclamer et de faire triompher un principe absolu, un droit naturel, la liberté des échanges, l’abrogation de toute loi ayant pour objet d’influer sur le prix des produits, afin de régler les profits des producteurs. La Ligue doit réclamer pour tout Français le droit (qu’on peut s’étonner de ne pas voir écrit dans la Charte), le droit d’échanger ce qu’il a le droit de consommer. La loi nous laisse à tous la pleine liberté de vendre ; il faut qu’elle nous laisse aussi la pleine liberté d’acheter. Ven-