Page:Œuvres complètes de Frédéric Bastiat, Guillaumin, 7.djvu/58

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

critique ne s’attache pas à quelques négligences, à quelques tâtonnements inséparables d’une première et prompte organisation ; ne laissez pas dire que Bordeaux, qui a toujours les mains ouvertes à tous les actes de philanthropie isolée, a laissé mourir, faute d’aliments, une grande réforme sociale ; ne laissez pas dire que Bordeaux, cette ville si féconde en hommes éminents, et qui a jeté tant de lustre sur les cours de judicature, les assemblées législatives et les conseils de la Couronne, a néanmoins manqué de cette intelligence collective, de cet esprit de hiérarchie volontaire qui est le sceau de toute civilisation avancée et l’âme de toute grande entreprise ! Levez-vous comme un seul homme et prodiguez sans mesure le tribut de toutes vos facultés à votre sainte cause. Et, au jour du triomphe, lorsque Bordeaux se revêtira d’une splendeur nouvelle, lorsqu’une activité trop longtemps assoupie animera ses quais, ses chantiers, ses entrepôts et ses magasins ; lorsque le chant laborieux du matelot retentira sur toute la ligne de cette rade splendide, magnifique présent du ciel, si le monopole n’était parvenu à le couvrir de silence et de vide ; — alors, certains que votre prospérité n’est point achetée par les souffrances de vos frères et alimentée par d’injustes priviléges, mais qu’elle est, pour ainsi dire, une des ondulations de la prospérité générale, se communiquant du centre aux extrémités, et des extrémités au centre de l’empire ; — alors, dis-je, vous pourrez vous rendre le témoignage que vous ne vous êtes pas levés pour une cause solitaire et égoïste ; et, rompant vos rangs, comme une milice fidèle au retour de la paix, vous dissoudrez cette Association, avec la consolation de penser qu’elle aura ajouté une noble et glorieuse page aux annales de votre belle cité.