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XIV
PRÉFACE.

cœur de Villon toute l’action corruptrice qu’il y avait lieu de redouter. Au milieu de son abjection, Villon conserve des sentiments élevés. Il est plein d’amour et de respect pour sa mère[1], de reconnaissance pour quiconque l’a secouru[2], de vénération pour ceux qui ont fait de grandes choses ; il aime son pays, chose d’autant plus honorable qu’elle était rare en ce temps-là[3] ; il regrette les erreurs de sa jeunesse, et le temps qu’il a si mal employé[4] ; voilà qui doit lui faire pardonner bien des choses.

Puis, quelle influence n’eut-elle pas sur le talent du poete[5] ! Formé, comme on dit aujourd’hui, à l’école du malheur, il vit les choses sous leur vrai jour, et il entra dans une voie tout à fait nouvelle. Il rompit en visière à l’Allégorie, qui régnait alors en souveraine, à toutes les afféteries de la poésie rhétoricienne cultivée par les beaux esprits du temps. Il fut le premier poëte réaliste. Que l’on compare avec ses autres œuvres les quelques pièces qu’il a composées selon la poétique de ses contemporains, la Ballade Villon (p. 109), la Requeste au Parlement (p. 103), et

  1. Voy. p. 32, huit. xxxviii ; p. 54, huit. lxxix ; p. 55, Ballade.
  2. Guillaume Villon, p. 9, 53 ; Jean Cotard, p. 22, 58 ; Louis XI, p. 23, 24 ; le Parlement, p. 103 ; Marie d’Orléans, p. 105, 107 ; le duc de Bourbon, p. 114.
  3. Ces deux vers de la page 34 :

    Et Jehanne, la bonne Lorraine,
    Qu’Anglois brulèrent à Rouen,

    lui font d’autant plus d’honneur qu’à l’époque où il les écrivit des gens éclairés regardaient Jeanne d’Arc comme sorcière, et les Anglais avaient en France de nombreux partisans.
  4. Grand Testament, huitain xxvi et suiv.
  5. Travail mes lubres sentemens,
    Esguisez comme une pelote,
    M’ouvrist plus que tous les Commens
    D’Averroys sur Aristote. (P. 25.)