Page:Œuvres complètes de H. de Balzac, I.djvu/6

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et ils opposent aux professeurs exaspérés la même impassibilité dédaigneuse que les guerriers sauvages captifs aux ennemis qui les torturent. Ni le cachot, ni la privation d’aliments, ni la férule ne parviennent à leur arracher la moindre plainte ; ce sont alors, entre le maître et l’élève, des luttes horribles, inconnues des parents, où la constance des martyrs et l’habileté des bourreaux se trouvent égalées. Quelques professeurs nerveux ne peuvent supporter le regard de haine, de mépris et de menace par lequel un bambin de huit ou dix ans les brave.

Le résultat de ces travaux cachés, de ces méditations qui prenaient le temps des études, fut ce fameux Traité de la volonté, dont il est parlé plusieurs fois dans la Comédie humaine. Balzac regretta toujours la perte de cette première œuvre, qu’il esquisse sommairement dans Louis Lambert, il dut être moins sensible à la perte de son poême épique sur les Incas, inspiration malencontreuse qui lui valut, tout le temps qu’il resta au collège, le sobriquet dérisoire de Poête. Balzac, il faut l’avouer, n’eut jamais le don de poésie, de versification, du moins ; sa pensée si complexe resta toujours rebelle au rythme.

À propos du vers, consignons ici un petit renseignement qui pourra amuser les curieux littéraires. Les quelques sonnets que Lucien de Rubempré fait voir comme échantillon de son volume de vers au libraire Dauriat ne sont pas de Balzac, qui ne faisait pas de vers, et demandait à ses amis ceux dont il avait besoin. Le sonnet de la Marguerite est de Mme  de Girardin ; le sonnet sur le Camellia, de Lassailly ; celui sur la Tulipe, de votre serviteur.

Modeste Mignon renferme aussi une pièce de vers, mais nous en ignorons l’auteur.

Pas plus dans la famille qu’au collège l’intelligence de Balzac ne fut devinée ou comprise. Même, s’il lui échappait quelque chose d’ingénieux, sa mère, femme supérieure cependant, lui disait : « Sans doute, Honoré, tu ne comprends pas ce que tu dis là ! » Et Balzac de rire, sans s’expliquer davantage, de ce bon rire qu’il avait.

La famille de Balzac étant revenue à Paris, il fut mis en pension. Là, comme au collège de Vendôme, son génie ne se