Page:Œuvres de Blaise Pascal, IV.djvu/158

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54 ŒUVRES

dans ces doctrines humaines. Et la raison en est que ces sages du monde placent les contraires dans un mesme sujet ; car l’un attribuoit la grandeur à la nature et l’autre la foiblesse à cette mesme nature, ce qui ne pouvoit subsister ; au lieu que la foy nous apprend à les mettre en des sujets differens : tout ce qu’il y a d’infirme appartenant à la nature, tout ce qu’il y a de puissant appartenant à la grace. Voilà l’union estonnante et nouvelle que Dieu seul pouvoit enseigner, et que luy seul pouvoit faire, et qui n’est qu’une image et qu’un effet de l’union ineffable de deux natures dans la seule personne d’un Homme-Dieu.

« Je vous demande pardon, Monsieur, dit M. Pascal à M. de Sacy, de m’emporter ainsi devant vous dans la theologie, au lieu de demeurer dans la philosophie, qui estoit seule mon sujet ; mais il m’y a conduit insensiblement ; et il est difficile de n’y pas entrer, quelque verité qu’on traite, parce qu’elle est le centre de toutes les veritez ; ce qui paroist icy parfaitement, puis qu’elle enferme si visiblement toutes celles qui se trouvent dans ces opinions. Aussi je ne vois pas comment aucun d’eux pourroit refuser de la suivre. Car s’ils sont pleins de la pensée de la grandeur de l’homme, qu’en ont-ils imaginé qui ne cede aux promesses de l’Evangile, qui ne sont autre chose que le digne prix de la mort d’un Dieu ? Et s’ils se plaisent à voir l’infirmité de la nature, leur idée n’egale plus celle de la veritable foiblesse du peché, dont la mesme mort a esté le remede. Ainsi tous y trouvent plus qu’ils n’ont desiré ; et ce qui est admirable, ils s’y trouvent unis, eux qui ne pouvoient s’allier dans un degré infiniment inferieur. »

M. de Sacy ne put s’empescher de temoigner à M. Pascal qu’il estoit surpris comment il sçavoit tourner les