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64 OEUVRES

les nuages qui s’opposoient à un si heureux commencement sans se servir de raisons ; mais quoy qu’il en soit, il fut bien tost resolu. Apres cela neanmoins ce ne fut pas fait, car il fallut bien d’autres choses pour faire resoudre M. de Singlin, qui a une merveilleuse apprehension de s’engager en de pareilles affaires 1 ; mais enfin il n’a pu resister à tant de raisons qu’il a eues de ne pas laisser perir des mouvemens si sinceres et qui donnoient tant d’esperance d’une heureuse suite, et il s’est laissé vaincre à mes importunitez, en sorte qu’il a bien voulu se charger du soin de sa conduite ; mais son infirmité qui continue toujours luy en oste presque le moyen, par ce qu’il ne sçauroit presque parler sans se faire un grand mal. Pendant tout ce tems, il s’est passé plusieurs choses qui seroient trop longues à dire, et qui ne sont point necessaires ; mais la principale est que nostre nouveau converti pensa de son propre mouvement pour plusieurs raisons qu’une retraite quelque tems hors de chez luy seroit fort

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1. Le 16 novembre 1654, Singlin écrivait à la mère Marie des Anges. « Ne croyez-vous pas, ma Bonne Mere, que c’est un sujet d’humiliation continuelle pour moy de voir des personnes de condition sçavantes, vertueuses infiniment plus que moy, qui tiennent leur conduite de nous, qui se soumettent comme des enfans à ce que nous leur conseillons, qui me donnent le premier rang par tout où je me rencontre. Et cette elevation apparente m’est une humiliation veritable en me soumettant à l’ordre de Dieu, sçachant qu’il n’y a d’humiliation veritable devant Dieu, que celle qui est renfermée dans l’obéissance aux volontés divines. » Cf. aussi, la lettre de la Mère Angélique à Renaud de Sévigné du 13 novembre 1660: « Soyez assuré que cette froideur qui paroist en M. Singlin ne vient que de cette sainte crainte : il apprehende pour luy à la verité, sçachant le compte etroit que Dieu demandera aux Pasteurs des ames qu’il leur a commises : mais il craint aussi autant pour vous, et il regarde votre interet comme le sien. » (Vie de la mère Marie des Anges, 1754, p. 574). Cf. encore dans Sainte-Beuve, Port-Royal, 5e édition, 1888, T. I, p. 467, une lettre de la Mère Angélique, datée de 1650.