Page:Œuvres de Blaise Pascal, IV.djvu/222

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sens auquel les Molinistes disent que nous avons tousjours le pouvoir prochain, est une erreur ou une heresie ?

N’est-il pas vray que les Molinistes disent, que celuy des Thomistes est une contradiction et une folie ?

N’est-il pas vray que l’on pretend establir le pouvoir prochain en tant que prochain, en aucun de ces deux sens en particulier, mais seulement en general, et en faisant abstraction de toutes les deux opinions ?…

Or c’est ce que je pretens estre une des plus extravagantes chimere qui soit jamais entrée dans l’esprit d’un homme, puisque les deux sens ausquels les Thomistes et les Molinistes prennent ce mot de prochain, lors qu’ils parlent du pouvoir prochain, estant contradictoires, ils n’ont aucune notion commune qui enferme quelque chose de plus que le posse, ou pouvoir, qui est reconnu de tout le monde ; et ainsi en faisant abstraction de ces deux sens, il ne reste plus que deux ou trois sillabes sans sens… [p. 141].

Qui pourroit croire qu’on excitast de si grands troubles dans l’Eglise pour un sujet si ridicule ? Qu’on remuast toutes sortes de machines, qu’on interessast toutes les puissances seculieres, qu’on occupast si long-temps la plus celebre Faculté du monde, et que tout cet appareil se terminast à establir un veritable pouvoir d’accomplir les Commandemens qui est confessé de tout le monde, et de plus le mot de prochain ou de proximum abstrahendo, c’est à dire deux ou trois sillabes sans sens, que ceux mesme qui en veulent faire un article de foy ne sçauroient entendre [p. 141 sq.].

L’on peut juger de là combien les Molinistes se joüent de la simplicité de la pluspart des personnes seculieres, qui prennent part à leurs intrigues, et à leur querelle. Et qu’il ne s’agit de rien moins que de ce qu’ils s’imaginent et que l’on leur fait entendre… [p. 120].