Page:Œuvres de Blaise Pascal, IV.djvu/275

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SECONDE PROVINCIALE 169

estes bien éloigné, luy dit-il. Vous estes donc, dit le blessé, d’avis contraire à vostre compagnon touchant mon véritable estat? Je vous l’avoue, luy repondit-il.

Que pensez-vous que dist le malade ? Il se plaignit du procedé bizare, et des termes ambigus de ce troisiesme medecin. Il le blasma de s’estre uny au second à qui il estoit contraire de sentiment, et avec lequel il n’avoit qu’une conformité apparente, et d’avoir chassé le premier auquel il estoit conforme en effet. Et après avoir fait essay de ses forces, et reconnu par experience la verité de sa foiblesse, il les renvoya tous deux : et rapellant le premier se mit entre ses mains : et suivant son conseil, il demanda à Dieu les forces qu’il confessoit n’avoir pas ; il en receut misericorde, et par son secours arriva heureusement dans sa maison.

Le bon Pere estonné d’une telle parabole ne repondoit rien. Et je luy dis doucement pour le rasseurer. Mais après tout, mon Pere, à quoy avez-vous pensé de donner le nom de suffisante, à une grace que vous dites, qu’il est de foy de croire qu’elle est insuffisante en effet ? Vous en parlez, dit-il, bien à vostre aise. Vous estes libre et particulier. Je suis religieux et en communauté. N’en sçavez-vous pas peser la difference. Nous dépendons des Superieurs. Ils despendent d’ailleurs. Ils ont promis nos suffrages : que voulez-vous que je devienne 2 ? Nous l’entendismes à demy mot, et cela nous fit

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1. P’. [experiences], faute d’impression.

2. W. si oblucter, quid me fiet? Miseritum est.