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254 ŒUVRES

plus de gens justifiez par cette ignorance, et cet oubly de Dieu, que par la Grace, et les Sacremens. Mais mon Pere ne me donnez-vous point une fausse joye ? N’est-ce point icy quelque chose de semblable à cette suffisance qui ne suffit pas ? J’apprehende furieusement le Distinguo, J’y ay 1 esté déjà attrapé 2 ; parlez-vous sincerement? Comment, dit le Pere en s’echauffant : Il n’en faut pas railler. Il n’y a point icy d’equivoque. Je n’en raille pas, luy dis-je : mais c’est que je crains à force de desirer.

Voyez donc, me dit-il, pour vous en mieux assurer, les écrits de Mr le Moyne, qui l’a enseigné en pleine Sorbonne. Il l’a appris de nous à la verité, mais il l’a bien demeslé. O qu’il l’a fortement estably ! Il enseigne que pour faire qu’une action soit peché il faut que toutes ces choses se passent dans l’ame. Lisez, et pesez chaque mot ; je leus donc en Latin ce que vous verrez icy en François ³. 1. D’une part Dieu répand dans l’ame quelque amour qui la panche vers la chose commandée, et de l’autre part la concupiscence rebelle la sollicite au contraire. 2. Dieu luy inspire la connoissance de sa foiblesse. 3. Dieu luy inspire la connoissance du Medecin qui la doit guerir. 4. Dieu luy inspire le desir de sa guerison. 5. Dieu luy inspire le desir de le prier et d’implorer son secours.

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1. B. déjà esté.

2. Cf. la première Provinciale, supra p.139.

3. Ces textes de Le Moine, de même que la plus grande partie de cette discussion, sont empruntés à l’ Apologie pour les Saints Pères d’Arnauld, cf. supra p. 233 sqq.