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328 OEUVRES

Voilà une bonne nouvelle. Mais j’en ay encore une autre qui n’est pas en effet meilleure ; mais elle est plus etonnante. Pour vous la dire telle qu’elle est, et sans rien accroistre ny diminuer, il faut vous raconter simplement comme la chose s’est passée.

Vendredy 24. Mars 1656. M. de la Potterie, l’Ecclesiastique, envoya ceans un fort beau reliquaire, où est enchâssé dans un petit soleil de vermeil doré un eclat d’une espine de la sainte Couronne, à nos Meres afin que toute la Communauté eust la consolation de le voir. Avant que de le rendre, on le mit sur un petit autel dans le chœur 1 avec beaucoup de respect, et toutes les sœurs l’allerent baiser à genoux apres avoir chanté une antienne en l’honneur de la sainte Couronne. Apres quoy tous les enfans y allerent l’une après l’autre. Ma sœur Flavie, leur maistresse, qui en estoit tout proche, voyant approcher Margot 2 , luy fit signe d’y faire toucher son œil, et elle-mesme prit la sainte Relique et l’y appliqua, sans reflexion neanmoins. Chacun estant retiré, on le rendit à M. de la Potterie. Sur le soir, ma sœur Flavie, qui ne pensoit plus à ce qu’elle avoit fait, entendit Margot qui disoit à une de ses petites sœurs : mon œil est gueri ; il ne me fait plus de mal. Ce ne fut pas une petite surprise pour elle. Elle s’approche et trouve que cette enflure du coin, qui estoit le matin grosse comme le bout du doigt, fort longue et fort dure, n’y estoit plus du tout, et que son œil qui faisoit peine à voir avant l’attouchement de la Relique, parce qu’il estoit tout pleureux.... paroissoit

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1. Voir p. 352. le tableau de l’église de Linas, déjà reproduit dans A. Hallays, Le Pèlerinage de Port-Royal, Paris, 1909, p. 294 et dans A. Gazier, Port-Royal au XVII e siècle, Paris, 1909, pl. 5o.

2. « Mademoiselle Marguerite Perier » (note du P. Guerrier). Elle était née le 6 avril 1646.