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XXXVI INTRODUCTION

convient même d’ajouter que la théologie morale n’est pas la morale elle-même. Le confesseur, tel qu’on l’envisage alors, n’est pas nécessairement, n’est pas généralement même, le directeur de conscience; il n’intervient pas avant l’action pour déclarer si elle est ou non conforme au devoir ; il se prononce après que l’acte est accompli, et il fixe la pénitence à laquelle doit s’astreindre le fidèle. Son rôle est donc moins celui d’un conseiller que celui d’un juge.

Par là va s’expliquer que la théologie morale, discipline d’École qui s’est greffée sur les institutions de la confession et de la pénitence, ait pris peu à peu l’allure d’une science juridique. Le confesseur met son amour-propre à ne pas être pris au dépourvu ; il va donc chercher à classer d’avance tous les cas, si complexes et si rares qu’ils puissent paraître, qui seront susceptibles de se présenter à lui. Ce n’est pas tout encore : aux tendances de la logique scolastique, qui poussent à multiplier les distinctions de genres et d’espèces, s’ajoute l’imitation inconsciente des tribunaux ecclésiastiques proprement dits, tels que l’Inquisition ; les habitudes d’esprit du confesseur qui siège au tribunal de la pénitence se rapprochent insensiblement de celle du juge qui est chargé d’appliquer l’esprit et la lettre d’un code.

On aperçoit dès lors quelle place la théologie morale devait faire à ce qu’on pourrait appeler la jurisprudence : les auteurs graves sont ceux qui décident de la doctrine, et la doctrine est dans l’appréciation du droit un élément d’ordre essentiel. On voit naître aussi la tendance à l’indulgence, tendance toute naturelle de la part d’un juge unique et sans appel à l’égard d’un justiciable qui est venu de lui-même se remettre à sa juridiction.

L’âme des casuistes se révèle dans un aveu d’Escobar,