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LVI
INTRODUCTION

Il est impossible de restituer toute sa portée à une telle formule si l’on ne sait remonter par delà les doctrines scolastiques du moyen âge, si l’on ne renonce à définir la liberté comme puissance indéterminée, et si l’on ne retrouve derrière cette faculté ambiguë née dans les discussions d’École la volonté concrète, qui se manifeste dans la réalité. Une telle volonté, — saint Augustin est ici d’accord avec l’expérience universelle — est toujours déterminée par son objet, qui est la délectation. Or, quand on remonte au principe de cette délectation, on s’aperçoit que ce doit être nécessairement ou l’amour de Dieu ou l’amour de soi[1]. Dans l’un et l’autre cas il est loisible de parler de liberté ; mais ici la liberté apparente est l’abandon à la nature corrompue, l’esclavage de ce péché dont les Jésuites, comme les Semi-Pélagiens, refusent de recevoir le tragique mystère ;là l’homme possède la liberté qui lui est essentielle, parce qu’elle est dans le sens de sa destinée véritable et surnaturelle : une telle liberté ne peut être que le don de la grâce seule efficace, de la grâce qui doit être perpétuellement renouvelée comme l’acte même de la volonté.

La nécessité de cette grâce efficace pour chaque inspiration méritante, signifie que l’homme ne peut jamais se complaire en soi, qu’il n’a pas le droit de s’assurer d’une grâce effectivement suffisante comme d’un secours qui lui serait dû par une sorte d’engagement semblable aux contrats humains. Jamais il n’appartient à l’homme d’enchaîner la puissance de Dieu. L’homme doit s’abandonner pour ne pas être abandonné ; et cela même est le résultat d’un décret rendu par Dieu qui, ayant fait la promesse à

  1. Vide infra dix-huitième Provinciale, T. VIl, p. 31 et suiv. Cf. T. XI, p. 108, 147.