Page:Œuvres de Blaise Pascal, IV.djvu/93

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INTRODUCTION LXXV

l’intention qui a présidé à la condamnation, ce n’est donc nullement abandonner la grâce efficace que le pape — on le sait d’ailleurs par d’expresses déclarations — a entendu laisser tout à fait hors de cause.

Pascal et Domat ont eu le vif sentiment que, sous l’apparence d’une explication purement logique, l’argumentation d’Arnauld est un effort extrême et désespéré. Si une expression qui se trouve chez un auteur n’est pas susceptible de recevoir une signification intrinsèque, indépendamment de l’intelligence ou de la fantaisie de tel ou tel interprète, s’il n’y a jamais en présence dans la réalité que des pensées individuelles, toutes égales entre elles, et ayant le droit de se retrancher dans une irréductible subjectivité, alors il n’est plus possible de concevoir de société spirituelle, à plus forte raison une communauté telle que l’Église. « On ne sçauroit dire d’aucune doctrine qu’elle fût ni Catholique ni heretique ...On mettra partout des faits, partout des chicanes, partout de l’obscurité et du mal entendu 1 . »

Le monde est naturellement livré aux disputes ; la vie


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qu’à ce dogme particulier qu’il lie l’attribut d’hérétique, puisque ce n’est qu’à cause de ce dogme qu’il peut juger que ce sens est hérétique, et non à cause que ce soit le sens d’un tel Auteur, à un tel endroit et sur une telle matière. Ainsi ce dogme particulier, exprimé ou sous-entendu, est le premier et naturel sujet de l’attribut hérétique, et ce mot général de sens de tel Auteur, ne peut participer à cet attribut, qu’en tant qu’il est joint par l’esprit à ce premier et naturel sujet de l’hérésie, et qu’il est pris pour lui dans la Proposition. Et de là il arrive qu’en montrant qu’il n’est pas véritablement joint à ce premier et immédiat sujet de l’hérésie, on montre qu’il n’est pas hérétique : au lieu que ce dogme particulier ne laisse pas d’être hérétique encore qu’il soit mal joint, et par un faux jugement, avec l’idée du sens d’un tel Auteur. » Œuvres d’Arnauld, édition Paris-Lausanne, T. XXII, p. 766.

1. Vide infra, T. X, p. 244.