Page:Œuvres de Blaise Pascal, VI.djvu/236

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
220
ŒUVRES

inquietudes en grand nombre[1]. Cela doit consoler ceux qui en sentent, puisqu'estant avertis que le chemin du ciel qu'ils cherchent en est remply, ils doivent se rejouir de rencontrer des marques qu'ils sont dans le veritable chemin. Mais ces peines-là ne sont pas sans plaisir, et ne sont jamais surmontées que par le plaisir[2]. Car de mesme que ceux qui quittent Dieu pour retourner au monde ne le font que parce qu'ils trouvent plus de douceur dans les plaisirs de la terre que dans ceux de l'union avec Dieu, et que ce charme victorieux les entraisne, et les faisant repentir de leur premier choix les rend des penitens du diable, selon la parole de Tertullien[3] : de mesme on ne quitteroit jamais les plaisirs du monde pour embrasser la croix de Jesus-Christ, si on ne trouvoit plus de douceur dans le mepris, dans la pauvreté, dans le denüement et dans le rebut des hommes, que dans les delices du peché. Et ainsi, comme dit Tertullien[4], il ne faut pas croire que la vie des Chrestiens soit une vie de tristesse. On ne

  1. Act. XIV, 21 : .... et quoniam per multas tribulationes oportet nos intrare in regnum Dei.
  2. Théorie de la délectation, qui revient souvent dans la dix-huitième Provinciale et dans les Écrits sur la grace de Pascal.
  3. De Pœnitentia, 5 :... Ita, qui per delictorum pœnitentiam instituerat Domino satisfacere, diabolo per aliam pœnitentiæ pœnitentiam satisfaciet ; eritque tanto magis perosus Deo, quanto æmulo ejus acceptus. Ces passages de Tertullien se trouvent, comme le fait remarquer Havet, dans le livre des Sentences de M. de Laval.
  4. De Spectaculis, 29 : Jam nunc si putas delectamentis exigere spatium hoc, cur tam ingratus es, ut tot et tales voluptates à Deo contributas tibi satis non habeas ncque recognoscas ?