Page:Œuvres de Blaise Pascal, VI.djvu/54

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38 ŒUVRES

mes. Si vous aviez voulu condamner sincerement ces homicides, vous auriez laissé subsister l’ordre de Dieu, qui les defend : et si vous aviez ozé permettre d’abord ces homicides, vous les auriez permis ouvertement malgré les loix de Dieu et des hommes. Mais comme vous avez voulu les permettre insensiblement, et surprendre les Magistrats qui veillent à la seüreté publique, vous avez agy finement, en separant vos maximes, et proposant d’un costé qu’il est permis dans la 1 speculative de tuer pour des médisances (car on vous laisse examiner les choses dans la speculation) et produisant d’un autre costé cette maxime détachée : Que ce qui est permis dans la speculation, l’est bien aussi dans la pratique. Car quel interest l’Estat semble-t’il avoir dans cette proposition generale et metaphysique ? Et ainsi ces deux principes peu suspects estant reçeus separément, la vigilance des Magistrats est trompée ; puis qu’il ne faut plus que rassembler ces maximes, pour en tirer cette conclusion où vous tendez, qu’on peut donc tuer dans la pratique pour de simples médisances 2 .

Car c’est encore icy, mes Peres, une des plus subtiles adresses de vostre politique, de separer dans vos escrits les maximes que vous assemblez dans vos avis. C’est ainsi que vous avez étably à part vostre doctrine de la probabilité , que j’ay souvent expliquée 3 .

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1. P. [speculation].

2. W. nudas calumnias.

3. Cf. ce que Pascal dit de la probabilité dans la sixième Provinciale, supra p. 35 sqq.