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L’ÉDITION DE PORT-ROYAL

Ouvrons enfin le livre des Pensées tel qu’il parut en 1670 : nous oublierons alors la préparation trop laborieuse, les dissentiments du duc de Roannez et de Gilberte Périer, la mauvaise humeur et les boutades de Nicole. Il reste que l’adaptation est parfaite ; une fois accepté le cadre auquel on destinait l’œuvre, elle y est ajustée avec une exactitude irréprochable. L’édition porte dans l’histoire le nom d’édition de Port-Royal ; pourtant ce n’est pas une édition janséniste, c’est une édition catholique, peut être pourrait-on dire une édition chrétienne. Les amis de Pascal ont cru de bonne foi travailler pour la mémoire de Pascal en adaptant les Pensées à la situation nouvelle de Port-Royal, en faisant d’un livre écrit dans l’ardeur du combat contre le parti des Jésuites, une œuvre d’édification, inspiratrice de calme et de recueillement, digne de servir de profession et comme de centre à l’Église réconciliée et unifiée. Ont-ils été en cela d’accord avec ce que Pascal aurait voulu lui-même, ou accepté ? La question, pour avoir été posée plusieurs fois, et résolue en des sens divers, demeure de celles qui ne comportent point de réponse ; elle revient à se demander si Pascal eût suivi Nicole et Arnauld dans leur évolution, s’il se fût résigné aux concessions qui marquèrent la paix de Clément IX, ou s’il se fût opposé à toute transaction comme en 1662. C’est chercher à forcer un secret qui n’a jamais existé ; il nous suffit que les amis de Pascal aient obéi scrupuleusement à un devoir de conscience. En prenant avec l’écrivain des libertés qui nous paraissent aujourd’hui incompatibles avec les obligations de l’éditeur probe, ils n’ont pas cessé de se sentir en communion d’esprit avec l’homme qu’ils avaient connu, avec le chrétien qui avait voué toute sa vie à la défense de la religion vraie et qui jamais n’avait consenti à être « séparé d’autel », à désavouer l’autorité de l’Église.