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L’ÉDITION DE PORT-ROYAL

core barbouillé de surcroît, quelque grandes vérités qu’il annonce, je parie la perte de la gravité de notre sénateur. » Port-Royal s’effarouche de ce tableau, il transporte la scène au Palais de Justice : « Voyez-le entrer dans la place où il doit rendre la justice. Le voilà prêt à ouïr avec avec une gravité exemplaire. Si l’avocat vient à paraître et que la nature lui ait donné une voix enrouée et un tour de visage bizarre, que son barbier l’ait mal rasé, et si le hasard l’a encore barbouillé, je parie la perte de la gravité du magistrat. »

Avec le même souci de la régularité, dans le même esprit de prudence, Port-Royal a omis un grand nombre de fragments, les uns parce que ce sont des redites, des phrases inachevées, des réflexions toutes personnelles et sans portée apparente pour le public, les autres pour l’audace de pensée qui s’y révèle. Deux groupes sont particulièrement sacrifiés, pour les raisons que Nicole et Arnauld nous ont dites : les fragments sur les lois et sur la justice politique, les fragments sur les miracles quand la théorie du miracle est poussée jusqu’au temps présent et se tourne en attaque contre les Jésuites. Les questions trop brûlantes sont écartées. Même, lorsque Port-Royal reproduit les grands développements que Pascal a marqués d’une empreinte inoubliable, il use de précaution. Ainsi le fragment sur les Deux infinis se trouve réparti entre deux chapitres différents, et Port-Royal fait précéder le début de remarques didactiques, destinées à diminuer quelque peu la portée de la Pensée[1]. L’argument du pari est publié ; il y manque quelques phrases. Port-Royal imprime : « Suivez la manière par où ils ont commencé ;

  1. Nous citons ces remarques en note du fr. 72.