Page:Œuvres de C. Tillier - I.djvu/101

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Bientôt Benjamin et Machecourt sont en présence.

— Y es-tu, Benjamin ?

— Et toi, Machecourt ?

De son premier coup d’épée, mon grand-père coupa par le milieu le fourreau de Benjamin comme si c’eût été un salsifis, et lui fit sur le poignet une entaille qui devait le forcer, au moins pendant huit jours, à boire de la main gauche.

— Le maladroit ! s’écria Benjamin, il m’a entamé.

— Eh ! pourquoi, répondit mon grand-père avec une bonhomie charmante, as-tu une épée qui coupe ?

— C’est égal, je veux ma revanche ; et j’ai encore assez, pour te faire demander grâce, de la moitié de ce fourreau.

— Non, Benjamin, reprit mon grand-père, c’est à ton tour à prendre l’épée. Si tu me lardes, nous serons manche à manche, et nous ne jouerons plus.

Les convives, dégrisés par cet accident, voulaient revenir en ville.

— Non, messieurs ! s’écria Benjamin de sa voix de stentor, que chacun retourne à sa place ; j’ai une proposition à vous faire. Machecourt, pour son coup d’essai, s’est conduit de la manière la plus brillante ; il est en état de se mesurer avec le plus meurtrier des barbiers, pourvu que celui-ci lui cède l’épée et garde le fourreau. Je propose de le nommer prévôt d’armes ; ce n’est qu’a celle condition que je pourrai consentir à le laisser vivre ; et même, si vous vous rendez à mon avis, je me déciderai à lui tendre la main gauche, attendu qu’il m’a estropié de la droite.

— Benjamin a raison ! s’écrièrent une foule de voix ; bravo, Benjamin ! il faut recevoir Machecourt prévôt d’armes. Et chacun de courir à sa place, et Benjamin de demander un second dessert.