Page:Œuvres de C. Tillier - I.djvu/120

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

coûtera cher. Il est impossible que vingt millions d’hommes consentent toujours à n’être rien dans l’État, pour que quelques milliers de courtisans soient quelque chose ; quiconque a semé des privilèges doit recueillir des révolutions.

» Le temps n’est pas loin peut-être où tous ces brillants écussons seront traînés dans le ruisseau et où ceux qui s’en décorent maintenant auront besoin de la protection de leurs valets.

— Eh ! me dites-vous, votre oncle Benjamin a dit tout cela ?

— Pourquoi pas ?

— Tout d’une haleine ?

— Sans doute. Qu’est-ce qu’il y a d’étonnant en cela ? mon grand-père avait un broc qui tenait une pinte et demie, et mon oncle le vidait tout d’un trait ; il appelait cela faire des tirades.

— Et ses paroles, comment ont-elles été conservées ?

— Mon grand-père les a écrites.

— Il avait donc là, en plein champ, tout ce qu’il fallait pour écrire ?

— Quelle bêtise ! un huissier.

— Et le sergent, a-t-il encore quelque chose à dire ?

— Certainement, il faut bien qu’il parle pour que mon oncle lui réponde.

Or donc, le sergent dit :

— Il y a trois mois que je suis en route ; je vais de ferme en ferme et j’y reste tant qu’on veut me supporter. Je fais faire l’exercice aux enfants ; je raconte nos campagnes aux hommes, et Fontenoy amuse les femmes avec ses gambades. Je ne suis pas pressé d’arriver, car je ne sais pas trop où je vais. Ils me renvoient dans mes foyers, et je n’ai pas de foyer. Il y a longtemps que le