Page:Œuvres de C. Tillier - I.djvu/15

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Oui, maintenant, je vais plus loin… dussé-je même, pour plusieurs, aller jusqu’au paradoxe, je dis qu’on connaît mieux l’auteur par ses écrits que par sa personne, qu’il faut être à une certaine distance de l’homme pour bien juger l’écrivain, et j’ose affirmer, ainsi, que ceux qui ont vu de près Claude Tillier, combattre si rudement les gens et les choses de la ville, sont bien moins disposés que d’autres à comprendre, à apprécier cette grande figure dans sa réalité. Le pamphlétaire, et le pamphlétaire de province surtout, vu de trop près, épouvante et irrite ou bien exalte et passionne, en un mot, trouble les esprits qui sont plus ou moins en cause avec ou contre lui, et leur ôte l’impartialité nécessaire pour juger sa valeur intrinsèque et sa véritable nature. La polémique de presse est terrible partout ; en province elle l’est deux fois. Dans une petite ville, chacun se connaît et se coudoie, amis et ennemis ; les généralités deviennent des personnalités, et les principes des individus ; les questions s’incarnent toutes vives ; à deux pas de soi, dans ses voisins, souvent même dans ses parents on rencontre l’homme qu’on attaque ; on n’est séparé de ses adversaires ni par la foule, ni par l’espace, ni par la différence de vie ; les habitudes, les réunions, les familles aussi sont les mêmes ; tout contact est un froissement, toute attaque porte coup, tout coup fait blessure ; nul trait ne