Page:Œuvres de Louise Ackermann.djvu/12

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en pension à Paris, dans une grande institution dirigée par la mère de l’abbé Saint-Léon Daubrée, femme d’intelligence et de cœur. Dès mon entrée, les grandes se moquèrent de mes airs farouches ; je fus immédiatement surnommée l’ourson. En revanche, je ne tardai pas à être très bien notée auprès de mes professeurs. C’était en 1829, c’est-à-dire en pleine floraison romantique. Le professeur de littérature, Biscarat, se trouvait être un habitué de la place Royale, un ami intime de la famille Hugo. Mes compagnes, en furetant dans mon pupitre, y avaient découvert des vers de ma façon. Elles en rirent beaucoup, mais pas longtemps. À peine madame Daubrée eut-elle eu vent de leur trouvaille, que la pensée lui vint de faire versifier ses élèves. Du coup, la classe entière fut mise au régime de l’alexandrin. Par une faveur toute particulière, le choix des sujets ne tarda pas à m’être laissé. Je n’y allais pas de main morte. Napoléon, Charlemagne, Roland, etc., y passèrent. Mes compagnes maudissaient leur curiosité et m’envoyaient à tous les diables. Le professeur était quelquefois si enchanté de mes compositions, de certains vers surtout, qu’il les portait tout chauds à Victor Hugo. Le grand poète lui-même n’a pas dédaigné de donner des conseils sur le rythme à la pen-