Page:Œuvres de M. de Crébillon, tome premier, 1750.djvu/36

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N’a pu de deux beaux yeux ſoutenir les regards.
Et que j’adore enfin, trop facile & trop tendre,
Les reſtes de ce ſang que je viens de répandre ?

S O P H R O N Y M E.

Quoi ! Seigneur, vous aimez ! Et parmi tant de maux…

I D O M É N É E.

Cet amour dans mon cœur ſ’eſt formé dès Samos.
Mérion, incertain du ſuccès de ſes armes,
Y crut mettre ſa fille à l’abri des alarmes.
Je la vis, je l’aimai ; conduite par Arcas,
Je la fis dans ces lieux amener ſur mes pas.
Il ſemble qu’une fille à mes regards ſi chère
Devait me dérober la tête de ſon père ;
Mais Vénus attentive à ſe venger de moi,
Fit bientôt dans mon cœur céder l’amant au roi.
J’immolai Mérion, & ma naiſſante flamme
En vain en ſa faveur combattit dans mon âme ;
Vénus, qui me gardait de ſiniſtres amours,
De ce prince odieux me fit trancher les jours.
Que dis-je ? Dans le ſang du père d’Érixène
J’eſpérais étouffer mon amour & ma haine :
Je m’abuſais, mon cœur, par un triſte retour,
Défait de ſon courroux, n’en eut que plus d’amour.
Si depuis mes malheurs je ne l’ai pas vu naître,
En dois-je moins rougir d’avoir pu le connaître ?