Page:Œuvres de M. de Crébillon, tome premier, 1750.djvu/49

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Son crime fut de près ſuivi par ſon ſupplice,
Et ſon ſang n’a que trop ſatisfait ma juſtice :
Je l’en vis à regret laver ſon attentat ;
Mais je devais ſa tête à nos lois, à l’état :
Et près de vous j’oublie une loi trop ſévère,
Qui rend de mes pareils la haine héréditaire.

É R I X È N E.

Si content de ſa mort, votre haine s’éteint
Dans le ſang d’un héros dont ce palais eſt teint,
La mienne, que ce ſang éterniſe en mon âme,
À votre ſeul aſpect ſe redouble & s’enflamme.
J’ai vu mon père, hélas ! De mille coups percé ;
Tout ſon ſang cependant n’eſt pas encor verſé…
Que ſa mort fût enfin injuſte ou légitime,
Auprès de moi du moins ſongez qu’elle eſt un crime :
Mon courroux là-deſſus ne connaît point de loi
Qui puiſſe dans mon cœur juſtifier un roi.
De maximes d’état colorant ce ſupplice,
Vous prétendez en vain couvrir votre injuſtice :
Le ciel, qui contre vous ſemble avec moi s’unir,
De ce crime odieux va bientôt vous punir ;
Contre vous dès longtemps un orage s’apprête,
De mes pleurs chaque jour je groſſis la tempête.
Puiſſent les juſtes dieux, ſensibles à mes pleurs,
À mon juſte courroux égaler vos malheurs !