Page:Œuvres de M. de Crébillon, tome premier, 1750.djvu/50

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Et puiſſé-je à regret voir que toute ma haine
Voudrait en vain y joindre une nouvelle peine !

I D O M É N É E.

Ah ! Madame, ceſſez de ſi funeſtes vœux ;
N’offrez point à nos maux un cœur ſi rigoureux.
Vous ignorez encor ce que peuvent vos larmes :
Ne prêtez point aux dieux de ſi terribles armes,
Belle Érixène, enfin, n’exigez plus rien d’eux.
Non, jamais il ne fut un roi plus malheureux :
Du deſtin ennemi je n’ai plus rien à craindre :
J’éprouve des malheurs dont vous pourriez me plaindre.
Ces beaux yeux, ſans pitié qui pourraient voir ma mort,
Ne refuſeraient pas des larmes à mon ſort.
Sur mon peuple des dieux la fureur implacable
Des maux que je reſſens eſt le moins redoutable :
Sur le ſang de Minos un dieu toujours vengeur
A caché les plus grands dans le fond de mon cœur.
Objet infortuné d’une longue vengeance,
J’oppoſe à mes malheurs une longue conſtance :
Mon cœur ſans s’émouvoir les verrait en ce jour,
S’il n’eût brûlé pour vous d’un malheureux amour.

É R I X È N E.

C’était donc peu, cruel ! Qu’avec ignominie
Mon père eût terminé ſa déplorable vie ;
Ce n’était point aſſez que votre bras ſanglant