Page:Œuvres de M. de Crébillon, tome premier, 1750.djvu/60

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Ah ! Mon fils, ſi jamais votre cœur généreux
A partagé les maux d’un père malheureux,
Si vous fûtes jamais ſensible à ma diſgrâce,
Au trône en ce moment daignez remplir ma place.

I D A M A N T E.

Moi, ſeigneur ?

I D O M É N É E.

Moi, ſeigneur ? Oui, mon fils : mon cœur reconnaiſſant
Ne veut point que ma mort vous en faſſe un préſent.
Je ſais que c’eſt un rang que votre cœur dédaigne ;
Mais qu’importe ? Il le faut… régnez…

I D A M A N T E.

Mais qu’importe ? Il le faut… régnez… Moi, que je règne,
Et que j’oſe à vos yeux me placer dans un rang
Où je dois vous défendre au prix de tout mon ſang !
À cet ordre, ſeigneur, eſt-ce à moi de ſouscrire ?
Ciel ! Eſt-ce à votre fils à vous ravir l’empire ?

I D O M É N É E.

Régnez, mon fils, régnez ſur la Crète & ſur moi ;
Je le demande en père, & vous l’ordonne en roi.
Cher prince, à mes déſirs que votre cœur ſe rende ;
Pour la dernière fois peut-être je commande.

I D A M A N T E.

Si votre nom ici ne doit plus commander,
N’attendez point, ſeigneur, de m’y voir ſuccéder.